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Twitter et le féminisme : quinze ans de relation toxique

À l’occasion de l’entrée en fonc­tion de Don­ald Trump à la Mai­son Blanche, lun­di 20 jan­vi­er, de nom­breuses per­son­nes, per­son­nal­ités publiques, col­lec­tifs et médias – dont La Défer­lante – s’apprêtent à quit­ter défini­tive­ment X (ex-Twit­ter). La ques­tion pour­rait aus­si se pos­er pour Insta­gram et Face­book, qui vien­nent d’annoncer un assou­plisse­ment de la mod­éra­tion des con­tenus haineux, pour le plus grand plaisir de l’extrême droite états-uni­enne. Mais si le départ mas­sif des inter­nautes pro­gres­sistes de X fait spé­ci­fique­ment débat, c’est que, pen­dant quinze ans, le réseau social a aidé, de manière déci­sive à la médi­ati­sa­tion des luttes fémin­istes, antiracistes et écol­o­gistes.
Publié le 16/01/2025

EPA-EFE/Christophe Petit Tes­son. Sur twit­ter, les hash­tag ont facil­ité la mise en com­mu­nauté des vic­times de vio­lences sex­uelles et per­mis de relancer le mou­ve­ment #MeToo, en 2017.

Retrou­vez le numéro 16 de la revue sur le thème « S’habiller », paru en novem­bre 2024. Con­sul­tez le som­maire.

Il est dif­fi­cile d’estimer le nom­bre de per­son­nes qui ont fui X (ex-Twit­ter) depuis son rachat par le mil­liar­daire Elon Musk, il y a deux ans. Mais cet exode a été mar­qué par des épisodes reten­tis­sants. Fin novem­bre 2024, le jour­nal bri­tan­nique The Guardian pli­ait bagage, tout comme l’ONG inter­na­tionale Green­peace qui dénonçait alors la « polar­i­sa­tion extrême et tox­ique » des échanges sur le réseau.

Ces annonces sont inter­v­enues à l’issue de la cam­pagne élec­torale de Don­ald Trump pour la prési­den­tielle de 2024, financée à hau­teur de 270 mil­lions de dol­lars par Elon Musk, durant laque­lle le cli­mat sur la plate­forme s’était net­te­ment détéri­oré.

D’autres col­lec­tifs et per­son­nal­ités atten­dent le jour de l’investiture du nou­veau prési­dent des États-Unis pour acter leur déser­tion. « X est devenu dan­gereux pour les démoc­ra­ties », lit-on sur le site du col­lec­tif Hel­loQui­t­teX, qui pro­pose des out­ils pour faciliter un départ col­lec­tif le 20 jan­vi­er. Plusieurs médias indépen­dants s’apprêtent à rejoin­dre l’initiative, dont La Défer­lante (lire notre encadré à la fin de l’article).

Né en 2006, Twit­ter a tou­jours occupé une place par­ti­c­ulière par­mi les plate­formes. Son audi­ence n’a jamais été aus­si grosse que celle d’Instagram, de Face­book ou de YouTube. Mais sa pop­u­lar­ité auprès des célébrités, des poli­tiques et des jour­nal­istes en a fait une caisse de réso­nance médi­a­tique hors normes. Il était l’outil idéal pour réa­gir à l’actualité, grâce à son fil antéchronologique com­posé de courts mes­sages (d’abord 140 car­ac­tères, puis 280). Twit­ter a joué un rôle déter­mi­nant dans la struc­tura­tion de plusieurs mou­ve­ments pour la jus­tice sociale, de #MeToo à #Black­Lives­Mat­ter, en pas­sant par des phénomènes locaux comme #Bal­ance­Ton­Porc ou #Dou­blePeine en France.

 

Féminisme ordinaire et cyberviolences

« Twit­ter fait par­tie des plate­formes qui ont relayé le fémin­isme ordi­naire, qui n’émane pas que des théorici­ennes ou de col­lec­tifs organ­isés », explique Hélène Bré­da, maîtresse de con­férences en sci­ences de l’information à l’université Sor­bonne-Paris-Nord, autrice de l’essai Les Fémin­ismes à l’ère d’Internet. Lut­ter entre anciens et nou­veaux espaces médi­a­tiques (édi­tions de l’INA, 2022). La chercheuse insiste sur la struc­ture par­ti­c­ulière du réseau social, au sein de laque­lle tous les util­isa­teurs et util­isatri­ces sont au même niveau, ce qui leur per­met par exem­ple de deman­der des comptes aux médias sur leur traite­ment des ques­tions fémin­istes. Autre out­il essen­tiel : les hash­tags, qui « ont facil­ité la mise en com­mu­nauté de per­son­nes témoignant d’expériences indi­vidu­elles de sex­isme. C’était très effi­cace pour démon­tr­er qu’il y avait une répéti­tion, et donc une dimen­sion struc­turelle ».

 


Twit­ter a joué un rôle déter­mi­nant dans la struc­tura­tion des mou­ve­ments comme #MeToo ou #Black­Lives­Mat­ter


 

Cette sim­plic­ité d’usage a fait émerg­er de nou­velles mil­i­tantes, comme le prou­ve l’apparition sur le réseau en 2015, du col­lec­tif Fémin­istes con­tre le cyber­har­cèle­ment. Ses mem­bres se sont ren­con­trées sur une con­ver­sa­tion privée pour repér­er et sig­naler des comptes dif­fu­sant des images intimes non con­sen­ties sur la plate­forme. Par la suite, elles ont fondé une asso­ci­a­tion con­sacrée à la lutte con­tre les cybervi­o­lences, qui n’aurait donc pas existé sans Twit­ter… et ses men­aces. « En tant que femmes, aucun espace ne nous pro­tège, et nous faisons sans cesse des arbi­trages pour con­tin­uer à occu­per ces ter­rains mal­gré les dan­gers », explique Lau­re Salmona, cofon­da­trice et direc­trice de Fémin­istes con­tre le cyber­har­cèle­ment. « Inve­stir Twit­ter en tant que fémin­istes n’était pas un para­doxe. C’était un choix reposant sur la mesure des béné­fices et des risques. Aujourd’hui, cette bal­ance penche trop du côté des risques. » Pour le moment, l’association est tou­jours présente sur le réseau social, mais doit bien­tôt tranch­er sur son éventuel départ.

Twit­ter a aus­si nour­ri, par son car­ac­tère instan­ta­né, une cul­ture du clash et la star­i­fi­ca­tion de quelques pro­fils priv­ilégiés. Ces usages se retrou­vent y com­pris au sein des cer­cles fémin­istes présents sur le réseau, dans lesquels des femmes blanch­es, issues des médias, ont eu ten­dance à pren­dre beau­coup d’espace. Enfin, comme d’autres plate­formes, elle a été accusée de nour­rir le « clic­tivisme » (autrement dit, un engage­ment réduit au fait de cli­quer sur des liens ou de partager des con­tenus) et d’être obsédée par des sujets sup­posé­ment « hors-sol », éloignés des préoc­cu­pa­tions des activistes des généra­tions précé­dentes. Mal­gré tout, « quand on regarde les thé­ma­tiques des fémin­istes de la sec­onde vague [dans les années 1960 et 1970], on y retrou­ve des enjeux très sim­i­laires : le partage de tâch­es domes­tiques, le har­cèle­ment de rue », nuance Hélène Bré­da. « Il n’y a pas de bon mil­i­tan­tisme – sur le ter­rain – et de mau­vais­es actions mil­i­tantes en ligne. Tout est com­plé­men­taire. »

 

Un web féministe est-il possible ?

« Là où je pour­rais éventuelle­ment rejoin­dre ces cri­tiques, c’est que les luttes qui restent exclu­sive­ment numériques ratent une occa­sion de con­stru­ire de vraies alter­na­tives et réseaux de sou­tien », inter­vient Lau­re Salmona. Chez Fémin­istes con­tre le cyber­har­cèle­ment, « celles qui sont encore investies sont celles qui se sont ren­con­trées en présen­tiel dès le début de notre mobil­i­sa­tion. L’activisme, s’il se can­tonne au numérique, peut pass­er à côté de ce qui for­ti­fie nos luttes : la con­struc­tion d’espaces de sol­i­dar­ité qui nous per­me­t­tent de faire front ensem­ble ».

Le bilan est donc com­plexe. D’autant que la déchéance de X‑Twitter soulève une ques­tion plus générale : que faire des réseaux soci­aux ? D’autres plate­formes investies par les fémin­istes, comme Insta­gram (pro­priété de Meta-Face­book), Tik­Tok (pro­priété de ByteDance) ou YouTube (pro­priété d’Alphabet-Google) posent des prob­lèmes sim­i­laires. Leur mod­éra­tion est qua­si­ment inex­is­tante, voire hos­tile à l’égard des minorités. Le dis­cours y est étroite­ment con­trôlé, forçant les mil­i­tantes à l’autocensure sur des sujets essen­tiels, comme le viol ou l’éducation sex­uelle. Et là où Twit­ter a longtemps priv­ilégié un fil d’actualité antéchronologique, les autres réseaux soci­aux mis­ent depuis longtemps sur la recom­man­da­tion algo­rith­mique. La course à la viral­ité y est d’autant plus forte.

À cela s’ajoute le con­texte poli­tique états-unien, où les entre­pris­es du numérique ont désor­mais tout intérêt à bien se faire voir de l’extrême droite. Le 7 jan­vi­er, Mark Zucker­berg annonçait un large assou­plisse­ment de la poli­tique de mod­éra­tion d’Instagram et de Face­book sur les con­tenus haineux (pour le moment seule­ment aux États-Unis), en ciblant plus par­ti­c­ulière­ment les sujets autour de l’immigration, du genre et de l’identité de genre. Selon ces nou­velles règles, il est par exem­ple pos­si­ble d’écrire que les femmes sont des objets sans être sanctionné·e.

Il ne suf­fit donc pas d’abandonner X‑Twitter, ou même les autres réseaux soci­aux. Il faudrait aus­si réfléchir à de nou­veaux mod­èles de com­mu­ni­ca­tion en ligne, en dehors des plate­formes dom­i­nantes, de leurs intérêts com­mer­ci­aux et poli­tiques. Pour un web fémin­iste qu’on n’aurait plus besoin de fuir.

 

La Déferlante quitte X : on vous explique pourquoi

Le 20 jan­vi­er, jour de l’investiture de Don­ald Trump à la Mai­son Blanche, La Défer­lante quit­tera défini­tive­ment le réseau X (ex-Twit­ter). Comme de nom­breux autres médias, groupes de médias, ONG, chercheur·euses, élu·es, nous souhaitons ain­si pro­test­er con­tre la main­mise de l’extrême droite sur la plate­forme. Car en rachetant Twit­ter en 2022, Elon Musk en a changé les règles : la mod­éra­tion a été sup­primée et les algo­rithmes favorisent désor­mais les pro­pos haineux, tan­dis qu’ils invis­i­bilisent les comptes pro­mou­vant la jus­tice sociale. Rien n’y per­met plus de dis­tinguer les fake news de l’information. Alors que le mil­liar­daire devrait être nom­mé min­istre la semaine prochaine, il est prob­a­ble que X devi­enne un out­il au ser­vice de Don­ald Trump. Dans ce con­texte, nous ne souhaitons ni nour­rir son influ­ence ni don­ner la pos­si­bil­ité à nos enne­mis poli­tiques d’utiliser nos don­nées. Nous con­tin­uerons à vous informer sur la plate­forme Bluesky, sur Mastodon et, jusqu’à nou­v­el ordre, sur Insta­gram, Face­book et Tik­Tok.

 

Par Lucie Ron­faut

Jour­nal­iste indépen­dante, elle s’intéresse aux nou­velles tech­nolo­gies et aux cul­tures du web, sou­vent sous un prisme fémin­iste. Lire tous ses arti­cles.
Crédit pho­to : Aude Boy­er

Lucie Ronfaut

Journaliste indépendante, spécialisée dans les nouvelles technologies et la culture web. Elle est l’autrice de la newsletter hebdomadaire #Règle30 qui traite du numérique avec un point de vue inclusif et féministe. Voir tous ses articles

S’habiller, en découdre avec les injonctions

Retrou­vez le numéro 16 de la revue sur le thème « S’habiller », paru en novem­bre 2024. Con­sul­tez le som­maire.


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