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Se réapproprier l’universalisme

Face à un sup­posé wok­isme qui met­trait en dan­ger l’u­nité et l’i­den­tité du peu­ple français, la philosophe Manon Gar­cia invite à repenser et décolonis­er l’u­ni­ver­sal­isme, en s’ap­puyant sur les « poli­tiques de l’i­den­tité ».
Publié le 26/07/2023

Modifié le 16/01/2025

La philosophe Manon Garcia s'interroge sur l’universalisme en reconnaissant l'oppression différente vécue par des groupes sociaux.

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°11 Habiter, paru en août 2023. Con­sul­tez le som­maire.

Par­tic­i­pant récem­ment en France à une journée de con­férences de philoso­phie ouvertes au grand pub­lic, j’ai été frap­pée, plus encore que d’habitude, par la vir­u­lence du pub­lic à l’égard d’un sup­posé wok­isme qui nous cul­pa­bilis­erait d’être ce que nous sommes et met­trait en dan­ger l’unité et l’identité du peu­ple français.

Un argu­ment en par­ti­c­uli­er ne ces­sait de revenir : il faudrait être human­iste plutôt qu’identitaire, se posi­tion­ner comme uni­ver­sal­iste con­tre le rel­a­tivisme gran­dis­sant. Je pense en par­ti­c­uli­er à cet homme répé­tant longue­ment: «Je ne suis pas un homme, blanc, hétéro­sex­uel. Je suis un humain, et quand je vois d’autres gens, je ne vois pas des cas­es mais des humains.» Il sem­blait peu dis­posé à voir comme sa monop­o­li­sa­tion de la parole, et la place qu’il pre­nait à côté de son épouse – qui, elle, se fai­sait sans cesse plus petite – venaient démen­tir son pro­pos. Cet épisode est l’occasion de rap­pel­er une chose: il faut nous réap­pro­prier l’universalisme, surtout si l’on prend au sérieux la néces­sité des poli­tiques de l’identité ( «iden­ti­ty pol­i­tics », en anglais).

Un agenda basé sur les expériences spécifiques

On appelle «poli­tiques de l’identité » un large éven­tail d’activités poli­tiques et de théories fondées sur les expéri­ences d’injustice que parta­gent les mem­bres d’un même groupe social. Une des pre­mières occur­rences du terme «iden­ti­ty pol­i­tics» vient du man­i­feste du Com­ba­hee Riv­er Col­lec­tive. En 1977, ce col­lec­tif de fémin­istes les­bi­ennes africaines-améri­caines écrit: «Nous nous ren­dons compte que les seules per­son­nes qui s’intéressent suff­isam­ment à nous pour tra­vailler invari­able­ment à notre libéra­tion, c’est nous-mêmes. […] C’est dans le con­cept de poli­tique de l’identité que s’incarne notre déci­sion de nous con­cen­tr­er sur notre pro­pre oppres­sion. Nous sommes con­va­in­cues que la poli­tique la plus pro­fonde et poten­tielle­ment la plus rad­i­cale émerge directe­ment de notre pro­pre iden­tité – et non du fait de lut­ter pour met­tre un terme à l’oppression de quelqu’un d’autre. » Elles n’affirment pas que le com­bat poli­tique ne peut se faire qu’entre per­son­nes sem­blables à tous points de vue: elles revendiquent le droit, pour les per­son­nes opprimées, de déter­min­er leur pro­pre agen­da poli­tique en se bas­ant sur leurs expéri­ences spé­ci­fiques d’oppression.

Ce qui frappe, et par­fois gêne, dans les poli­tiques de l’identité, c’est que ces per­son­nes deman­dent à être recon­nues en tant que femmes noires, les­bi­ennes, per­son­nes han­di, etc., et non, par exem­ple, comme faisant par­tie d’une human­ité uni­verselle. Certain·es y voient la reven­di­ca­tion d’un racisme ou d’un sex­isme intéri­or­isé: n’est-ce pas croire à une dif­férence essen­tielle des sex­es ou à l’existence de races que de se dire «femme» ou «noir·e»? En réal­ité, ces poli­tiques cherchent à se réap­pro­prier une iden­tité qui vient d’abord de l’extérieur : comme le mon­tre Frantz Fanon dans Peau noire, masques blancs, c’est le regard du Blanc l’appelant «nègre» qui con­stitue l’expérience vécue du Noir comme per­son­ne noire. Même si on ne se con­naît pas comme noir·e, à par­tir du moment où le regard de l’autre nous iden­ti­fie de cette manière, on devient noir·e.

Une invitation à l’étonnement

Con­traire­ment à une inquié­tude récur­rente en France au nom du sup­posé uni­ver­sal­isme des Lumières, recon­naître à ces per­son­nes qu’elles appar­ti­en­nent à un groupe opprimé ne sig­ni­fie pas la fin de tout uni­ver­sal­isme. Cela mar­que seule­ment la volon­té, comme le dit Serene Khad­er, de «décolonis­er l’universalisme». La philosophe états-uni­enne affirme en effet la néces­sité de rejeter à la fois un fémin­isme occi­den­tal sat­uré d’hypothèses impéri­al­istes et eth­no­cen­triques et une posi­tion rel­a­tiviste qui rejette la pos­si­bil­ité de normes ou de pre­scrip­tions fémin­istes uni­verselles. Sa stratégie con­siste à par­tir d’une con­cep­tion assez min­i­male du fémin­isme, défi­ni comme une « résis­tance à l’oppression sex­iste » et comme «un ensem­ble de con­di­tions sociales qui désa­van­ta­gent sys­té­ma­tique­ment les mem­bres d’un groupe social par rap­port à un autre ». Cette oppres­sion est uni­verselle­ment mau­vaise.

Cepen­dant, ce n’est pas la seule oppres­sion. Il y en a d’autres à com­bat­tre simul­tané­ment, et la façon dont l’oppression sex­iste se man­i­feste dans un con­texte cul­turel local néces­sit­era des répons­es pra­tiques adap­tées. Serene Khad­er exhorte les fémin­istes à prêter atten­tion à ces détails, plutôt qu’à extrapol­er illégitime­ment à par­tir de leur pro­pre con­texte. Ain­si, on peut dénon­cer le sex­isme qui rend oblig­a­toire le port du voile en Iran, en même temps que celui, dou­blé de racisme, qui en France nie aux femmes musul­manes la pos­si­bil­ité de s’habiller comme elles veu­lent et d’articuler leur reli­gion avec leur appar­te­nance à la com­mu­nauté française.

Les iden­tités, dans ce cadre, n’apparaissent pas tant comme une men­ace que comme un appel à la vig­i­lance : notre uni­ver­sal­isme en est-il bien un ? N’imposons-nous pas, en son nom, nos pro­pres normes cul­turelles, par­fois dis­cuta­bles ? Au fond, ces poli­tiques de l’identité nous invi­tent à un éton­nement qui est au cœur de l’activité philosophique, à une mise en dan­ger des évi­dences qui incite à décaler le regard et à adopter des per­spec­tives orig­i­nales. Elles enrichissent une recherche d’universalité et d’humanité com­mune plutôt qu’elles ne la met­tent à mort. Elles dis­ent : assurons-nous que notre human­ité est un véri­ta­ble nous et non un nous dont sont exclu·es les opprimé·es.

Philosophe fémin­iste, Manon Gar­cia enseigne la philoso­phie morale et poli­tique à l’université libre de Berlin. Elle a dirigé l’anthologie Philoso­phie fémin­iste. Patri­ar­cat, savoirs, jus­tice (Vrin, 2021). Cette chronique est la troisième d’une série de qua­tre.

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Manon Garcia

Philosophe féministe, elle enseigne la philosophie morale et politique à la Freie Universität de Berlin, en Allemagne. Elle a dirigé une anthologie de philosophie féministe intitulée *Philosophie féministe : Patriarcat, savoirs, justice *(Vrin, 2021). Voir tous ses articles

Habiter : brisons les murs !

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