Nous sommes nombreux et nombreuses à ressentir comme une accélération du temps. Depuis plusieurs mois, chaque jour, où que l’on regarde, nous sommes confronté·es à des nouvelles toujours plus catastrophiques. La guerre génocidaire contre le peuple palestinien, les bombardements en Ukraine, la politique menée par l’administration Trump, l’urgence climatique, etc.
En France, le 9 juin 2024, la dissolution de l’Assemblée nationale rendait tout à coup possible la prise du pouvoir par le Rassemblement national, ouvrant une de ces brèches propres à faire basculer l’histoire. C’est précisément à ce moment-là qu’est née l’idée d’une correspondance entre Kaoutar Harchi et Aurélien Bellanger. Cette idée, ce sont nos ami·es du média épistolaire indépendant La Disparition, qui l’ont eue.
D’ici à l’élection présidentielle de 2027, les fondateur·ices de ce média indépendant ont proposé à trois duos d’écrivain·es de correspondre – à raison d’une lettre par mois pendant six mois, envoyée à leurs abonné·es – sur trois grandes thématiques : antiracisme, antisexisme et écologie.
La première correspondance entre Kaoutar Harchi, sociologue et écrivaine, autrice de Ainsi l’animal et nous (Actes Sud, 2024), et Aurélien Bellanger, romancier, auteur de Les Derniers Jours du Parti socialiste (Seuil, 2024), explore la question de l’antiracisme. Suivra ensuite un échange de lettres entre Alice Zeniter et Phoebe Hadjimarkos Clarke sur le thème de l’antisexisme. Puis Vidya Narine et Hadrien Klent correspondront sur l’écologie. Il nous a semblé important de diffuser plus largement ce projet, en rassemblant ces lettres pour en faire des livres.
L’expérience collective du chaos
De décembre 2024 à juin 2025, Kaoutar Harchi et Aurélien Bellanger ont donc échangé au sujet des visées impérialistes d’un Donald Trump en roue libre, de la déshumanisation des Palestien·nes, de la montée de l’islamophobie en France, etc., analysant les faits qui, par à‑coups, ont rendu l’opinion de plus en plus perméable au racisme et à la violence. L’intérêt de cette correspondance est justement de nommer cette expérience collective du chaos, tout en permettant aux lecteur·ices une prise de recul – grâce à la temporalité mensuelle des lettres. Au fil des mois, l’échange a donné un écho de plus en plus fort au génocide à Gaza, faisant émerger « la question des corps colonisés sur des territoires colonisés » et la notion d’« handicapement colonial », selon les termes de Kaoutar Harchi.
Mais, à travers cette expérience littéraire, les deux auteur·ices s’interrogent également sur leur rôle d’écrivain·es, sur ce que peut la littérature face à ce basculement. « Mais où va-t-on ? Quel est ce monde ? », questionne l’autrice. Le livre n’a pas vocation à répondre à cette question mais il insiste sur « notre devoir politique » de garder espoir en imaginant d’autres possibles. « Être réaliste dans un monde qui délire, c’est délirer avec lui », écrit ainsi Aurélien Bellanger.
Bonne lecture !





