Warning: Undefined variable $article in /home/clients/f3facd612bb3129d1c525970fad2eeb3/sites/tpp.revueladeferlante.org/wp-content/themes/divi-child/functions.php on line 400

Warning: Attempt to read property "ID" on int in /home/clients/f3facd612bb3129d1c525970fad2eeb3/sites/tpp.revueladeferlante.org/wp-content/themes/Divi/includes/builder/post/PostStack.php on line 62

Warning: Attempt to read property "ID" on int in /home/clients/f3facd612bb3129d1c525970fad2eeb3/sites/tpp.revueladeferlante.org/wp-content/themes/Divi/includes/builder/post/PostStack.php on line 62

Que faire des artistes condamnés ?

En 2024, le musicien Bertrand Cantat, condamné après avoir tué invo­lon­tai­re­ment sa compagne Marie Trintignant, sortira un nouvel album. Quel sort faire aux artistes qui, reconnus coupables de violences de genre, ont purgé leur peine ? Nora Bouazzouni pose la question de la réin­ser­tion des artistes condamnés.
Publié le 27/07/2023

Modifié le 14/02/2025

Chronique : Que faire des artistes condamnés ?

En mars 20233, le chanteur Chris Brown, condamné en 2009 pour violences sur son ex-compagne Rihanna, donnait son troisième concert de l’année à Paris : selon Live Nation, pro­duc­teur de sa tournée, il s’agissait de « satis­faire la demande phé­no­mé­nale » du public.

Quelques semaines plus tôt, le Hellfest, festival français de heavy metal, avait été épinglé par le média StreetPress pour avoir, entre autres, invité Tommy Lee et Tim Lambesis : le premier a été condamné pour violences conju­gales, le second pour tentative d’assassinat sur sa conjointe. Le directeur de l’événement invoquait alors le principe de « réin­ser­tion pour les personnes ayant purgé leur peine ». Au mois d’avril, ce sont plusieurs artistes programmé·es au festival anglais Be Reyt qui annu­laient leur venue en apprenant la par­ti­ci­pa­tion de Tom Meighan, l’ex-chanteur du groupe de rock Kasabian, condamné pour l’agression de sa fiancée en 2020. L’organisation défendait son choix en invoquant « le droit à une seconde chance ».

En France, l’emblème des violences faites aux femmes se nomme Bertrand Cantat : il a annoncé, pour sortir un nouvel album en 2024, vouloir lancer une campagne de finan­ce­ment par­ti­ci­pa­tif. Il y a vingt ans, à Vilnius (Lituanie), l’ex-chanteur de Noir Désir avait été condamné à huit ans de prison, pour « meurtre commis en cas d’intention indirecte indé­ter­mi­née », sur sa compagne, Marie Trintignant. Depuis, ses appa­ri­tions publiques ne cessent de faire débat.

Juger l’homme ou l’artiste ?

En 2010, son contrôle judi­ciaire ayant pris fin, il était briè­ve­ment remonté sur scène à Bègles (Gironde). Le chro­ni­queur Guy Carlier avait alors déclaré sur Europe 1: « Le droit à l’oubli existe pour Bertrand Cantat, mais en montant sur scène, il dénie ce droit à l’oubli pour Nadine Trintignant. Et s’il a purgé sa peine, à chacun de ses concerts, Nadine Trintignant subira à nouveau la sienne. » Un ressenti confirmé par la mère de Marie qui, dans une interview donnée en 2018 à l’émission de France 2 « Stupéfiant ! », jugeait «honteux, indécent, dégueu­lasse» de voir le res­pon­sable de la mort de sa fille « se faire applaudir après avoir tué ».

À cette époque, en raison de la pression des asso­cia­tions fémi­nistes, Cantat avait fini par inter­rompre sa tournée et n’a plus donné de concerts depuis. « J’ai purgé ma peine, écrivait-il alors sur Facebook. Je n’ai pas bénéficié de pri­vi­lèges. Je souhaite aujourd’hui, au même titre que n’importe quel citoyen, le droit à la réin­ser­tion. Le droit d’exercer mon métier. » 

Oui mais voilà, les artistes ne sont pas « n’importe quel citoyen », et les violences sexistes et sexuelles ne sont pas des violences comme les autres : scan­da­leu­se­ment bana­li­sées la plupart du temps, elles semblent prendre un caractère excep­tion­nel lorsque leurs auteurs sont des célé­bri­tés. Par un trai­te­ment média­tique favorable, la mise en scène d’une impunité, le déni­gre­ment des victimes ou la mini­mi­sa­tion de leurs actes – le fameux « il faut séparer l’homme de l’artiste » –, public et médias excusent plus volon­tiers les violences de cette caste à part que consti­tuent les artistes et les per­son­na­li­tés publiques. Mais, contrai­re­ment au cinéaste Roman Polanski, qui a fui la justice, ou au chanteur Marilyn Manson, qui a passé des accords finan­ciers avec les femmes qui l’accusent de violences, Bertrand Cantat, lui, a été condamné. L’émotion que suscitent ses appa­ri­tions publiques n’est pas liée à la durée de sa peine de prison: même s’il avait passé trente ans derrière les barreaux, cela serait toujours jugé insuf­fi­sant par celles et ceux qui ne veulent pas le voir revenir sur scène. Au fond, ce que l’on reproche à Cantat, c’est d’être toujours vivant, lui. Et de pouvoir continuer à créer.

Insolubles dilemmes

À la fin de 2021, le metteur en scène Wajdi Mouawad, directeur du Théâtre de la Colline à Paris, a annoncé la tenue d’un spectacle dont les musiques ont été composées par Bertrand Cantat. Apostrophé par de nom­breuses mili­tantes fémi­nistes, dont certaines tentent d’empêcher l’une des repré­sen­ta­tions, l’artiste répond dans un long com­mu­ni­qué, indigné par le fait que les auteurs de violences sexistes et sexuelles soient « pour toujours » rede­vables d’une « dette infinie ». Il fustige un « mouvement qui punit au-delà de la justice et du droit » : « Toute personne libre au regard de la loi a le droit d’aller et venir, d’être invitée comme spec­ta­teur ou comme artiste. »

Ce à quoi l’écrivaine féministe Valérie Rey-Robert, sur son blog Crêpe Georgette, a répondu en insistant sur un autre symbole très fort : celui « d’être applaudi […], d’être un per­son­nage public avec ce que cela véhicule d’admiration ». Elle met en parallèle le statut du politique et celui de l’artiste, consi­dé­rant que l’un comme l’autre devraient se retirer de la sphère publique dès lors qu’ils ont été condamnés : « On atten­drait d’un politique pris dans des mal­ver­sa­tions finan­cières qu’il renonce à toute repré­sen­ta­tion publique, on peut attendre d’un Cantat qu’il fasse de même. »

Alors, faut-il empêcher Cantat, Brown, Meighan et les autres de créer ? S’il est choquant que des hommes ayant agressé, violé ou tué, conti­nuent de monter sur scène, cela n’empêche pas de poser la question de leur réin­ser­tion: faut-il souhaiter le ban­nis­se­ment à vie de ces artistes ? Ne faut-il pas faire la dif­fé­rence entre un homme accusé et un homme condamné ? La réin­ser­tion de Cantat semble impos­sible, parce qu’insupportable. Qu’il purge sa peine n’efface pas son crime, mais refuser à un artiste le droit d’exercer son métier, n’est-ce pas à nouveau consi­dé­rer qu’il est soumis à un régime d’exceptionnalité ?

 

Membre du comité éditorial de La Déferlante, Nora Bouazzouni est jour­na­liste, spé­cia­li­sée en culture et ali­men­ta­tion. Elle est également tra­duc­trice et autrice. Son prochain livre, Mangez les riches ! La lutte des classes passe par l’assiette, paraîtra en octobre 2023 aux éditions Nouriturfu. Cette chronique est la troisième d’une série de quatre sur la pop culture.

Les mots importants

« Cancel culture »

L’expression, qui peut se traduire par « culture de...

Lire plus

Nora Bouazzouni

Journaliste indépendante, écrivaine et traductrice, elle écrit sur les questions d’alimentation, le genre et la pop culture. Elle est membre du comité éditorial de La Déferlante. Voir tous ses articles

Habiter : brisons les murs !


Notice: ob_end_flush(): Failed to send buffer of zlib output compression (1) in /home/clients/f3facd612bb3129d1c525970fad2eeb3/sites/tpp.revueladeferlante.org/wp-includes/functions.php on line 5471

Notice: ob_end_flush(): Failed to send buffer of zlib output compression (1) in /home/clients/f3facd612bb3129d1c525970fad2eeb3/sites/tpp.revueladeferlante.org/wp-includes/functions.php on line 5471

Notice: ob_end_flush(): Failed to send buffer of zlib output compression (1) in /home/clients/f3facd612bb3129d1c525970fad2eeb3/sites/tpp.revueladeferlante.org/wp-content/plugins/really-simple-ssl/class-mixed-content-fixer.php on line 107