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Pourquoi les jeunes filles vont-elles si mal ?

En févri­er 2024, une étude de la Direc­tion de la recherche, des études, de l’évaluation et des sta­tis­tiques (Drees) révélait la très forte hausse des hos­pi­tal­i­sa­tions de jeunes filles pour com­porte­ments sui­cidaires. Si le phénomène est com­plexe à analyser, une des expli­ca­tions est sans doute à chercher du côté des vio­lences sex­istes et sex­uelles qui les frap­pent de manière struc­turelle. Notam­ment sur les réseaux soci­aux.
Publié le 26/04/2024

Modifié le 16/01/2025

La santé mentale des jeunes filles est, de tout temps, très impactée par les violences sexistes et sexuelles. Crédit photo : Creative Commons.
La san­té men­tale des jeunes filles est, de tout temps, très impactée par les vio­lences sex­istes et sex­uelles. Crédit pho­to : Cre­ative Com­mons.

C’est un coup de fil du cen­tre antipoi­son qui, en juin dernier, sonne l’alerte dans un col­lège près de Lille (Nord) : une élève vient de faire un malaise devant l’établissement. « Quand je suis inter­v­enue, ses copines m’ont racon­té qu’elle avait avalé une grosse dizaine de cachets dans les toi­lettes », explique Sidonie (le prénom a été mod­i­fié), la pro­fesseure qui l’a accom­pa­g­née aux urgences.

Si la jeune fille a pu ren­tr­er chez elle après un lavage d’estomac, l’enseignante, très mar­quée par cet acci­dent, se mon­tre encore préoc­cupée : « Les ados vont mal ».

Ce sen­ti­ment, très partagé par­mi les enseignant∙es et les par­ents depuis l’épidémie de Covid et les con­fine­ments suc­ces­sifs, est aujourd’hui con­fir­mé par des enquêtes offi­cielles. Le 5 févri­er dernier, la Direc­tion de la recherche, des études, de l’évaluation et des sta­tis­tiques (la Drees est un ser­vice sta­tis­tique pub­lic dans les domaines de la san­té et du social) pub­li­ait un rap­port sur les hos­pi­tal­i­sa­tions pour gestes auto-infligés chez les jeunes filles. L’étude révélait, entre les cinq années précé­dant la crise du Covid et 2022, une aug­men­ta­tion de 63 % des hos­pi­tal­i­sa­tions des ado­les­centes âgées de 10 à 14 ans pour ten­ta­tives de sui­cide ou faits d’automutilation, et de 43 % pour les jeunes filles entre 15 et 19 ans.

 

Une jeune fille sur six commence sa vie sexuelle par un rapport non consenti

Ces don­nées alar­mantes n’étonnent guère Sophie Lise Bry­go, pédopsy­chi­a­tre à Rennes (Ille-et-Vilaine) et anci­enne médecin en cen­tre de pro­tec­tion mater­nelle et infan­tile (PMI). Pour cette soignante, les caus­es de la souf­france psy­chique des jeunes filles sont à chercher dans les vio­lences sex­uelles qu’elles subis­sent mas­sive­ment. Selon un sondage pub­lié en 2017, 63 % des jeunes femmes dis­ent avoir déjà vécu du har­cèle­ment ou des com­porte­ments sex­istes. Le col­lec­tif #NousToutes a par ailleurs établi qu’une jeune femme sur six com­mençait sa vie sex­uelle par un rap­port non con­sen­ti. « Dans nos ser­vices, explique-t-elle, on sait depuis longtemps déjà que ces types de vio­lence sont source de souf­frances psy­chiques graves et à long terme. » Elle men­tionne pour exem­ple une étude (pas encore pub­liée) réal­isée par son con­frère le pro­fesseur Jacques Dayan : « Entre 2022 et 2023, à l’hôpital de Rennes, 50 % des femmes venant en con­sul­ta­tion à l’unité de psy­chi­a­trie péri­na­tale ont été vic­times d’abus sex­uels. » La plu­part du temps ces vio­lences ont eu lieu pen­dant leur enfance ou leur ado­les­cence.

Le son de cloche est le même chez les expertes de ter­rain que nous avons inter­rogées. Bernadette Gru­son, artiste, et Aurore Krol, fon­da­trice de l’association Prev’actes, mènent depuis 2018 des ate­liers de préven­tion dans des étab­lisse­ments sco­laires du Nord de la France et de Bre­tagne. « Récem­ment, lors d’un ate­lier, racon­te Aurore Krol, plusieurs jeunes filles ont lais­sé enten­dre qu’elles pra­ti­quaient des actes d’automutilation. En les ques­tion­nant, on s’est ren­du compte que toutes étaient vic­times de vio­lences sex­uelles dans le cadre famil­ial. »

 


« Entre 2022 et 2023 à l’hôpi­tal de Rennes, 50% des femmes en con­sul­ta­tion de psy­chi­a­trie péri­na­tale ont été vic­times d’abus sex­uels »


 

Miroir de l’époque, les vio­lences sex­istes se déploient notam­ment sur Inter­net. Selon une enquête réal­isée par l’association e‑Enfance, 20 % des adolescent∙es, dont un peu plus d’une moitié de filles, affir­ment avoir été vic­times de cyber­har­cèle­ment à car­ac­tère sex­uel. Très exposées aux images de corps féminins sex­u­al­isés, beau­coup d’adolescentes cherchent à se met­tre en scène sur les réseaux. « C’est une manière de s’approprier une image de leur féminité », explique Sophie Lise Bry­go. Sauf qu’elles ne sont pas du tout pré­parées à ce que ces images puis­sent cir­culer et être util­isées con­tre elles. « On ne peut pas pren­dre la mesure des con­séquences sur la psy­ché d’avoir un groupe de cama­rades qui vous har­cèle, analyse la psy­chi­a­tre, c’était vrai de tout temps, mais ça l’est encore plus aujourd’hui avec le phénomène d’amplification lié aux réseaux soci­aux. »

 

Des moyens d’expression genrés

Mais alors que les vio­lences sex­uelles sont un phénomène struc­turel, com­ment expli­quer l’explosion récente des actes auto-infligés et des ten­ta­tives de sui­cide ces dernières années ? « Il y a tou­jours eu un moyen d’expression de la souf­france pré­dom­i­nant, répond Sophie Lise Bry­go. Il y a vingt ans, coex­is­taient d’autres modes d’expression de la douleur psy­chique avec sou­vent présence d’anorexie men­tale, par­fois d’addictions. La société évolue. Ce sont aujourd’hui les gestes de scar­i­fi­ca­tion qui pré­domi­nent. Ils devi­en­nent un geste de référence, une pra­tique presque cul­turelle de la souf­france. »

D’après Déb­o­rah Guy, soci­o­logue en études de genre, les chiffres de la Drees vien­nent surtout rap­pel­er que filles et garçons n’expriment pas leur malaise de la même manière. Quand ils sont en état de souf­france psy­chique, « les hommes vont avoir plus de con­duites à risque : alcoolisme, usage de la vitesse en voiture ou agisse­ments vio­lents ». La chercheuse appuie son pro­pos sur une étude de référence, menée en 2008 et inti­t­ulée « Le mal être a‑t-il un genre ? » qui établit que les hommes se sui­ci­dent davan­tage, au sens où leurs ten­ta­tives aboutis­sent plus sou­vent que celles des femmes. « Mais les femmes présen­tent en réal­ité plus de risques sui­cidaires », rap­pelle-t-elle. Le rap­port de la Drees ne fait que con­firmer cette ten­dance glob­ale. En 2022, tous âges con­fon­dus, les femmes représen­taient 64 % des per­son­nes hos­pi­tal­isées pour ten­ta­tive de sui­cide ou auto­mu­ti­la­tion.

 

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Virginie Menvielle

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