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Pourquoi il faut absolument voir la série « I may destroy you »

Portée par une nar­ra­tion inédite sur les trau­mas asso­ciés à une agres­sion sex­uelle et sur la cul­ture du viol, la série bri­tan­nique réal­isée par Michaela Coel, dif­fusée sur HBO, a accédé en très peu de temps au rang d’œuvre culte et mar­que un tour­nant dans l’histoire du petit écran
Publié le 12/11/2021

Modifié le 16/01/2025

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue papi­er La Défer­lante n°4 S’aimer (décem­bre 2021.)

« Je dédie cette his­toire à tous·tes les survivant·es d’agressions sex­uelles. » C’est avec ces mots que la réal­isatrice Michaela Coel a reçu son Emmy Award le 20 sep­tem­bre 2021, dans la caté­gorie de la meilleure mini-série de l’année.

Dans un dis­cours très fort, elle rap­pelait aux créateur·ices et auteur·ices qu’il était bon de tra­vailler dans le silence, à l’heure du partage de masse sur les réseaux soci­aux et de la recherche inces­sante de vis­i­bil­ité. Si elle est la pre­mière femme noire à rem­porter un Emmy pour ce for­mat, ce qui m’intéresse en pre­mier lieu, c’est la manière com­plète­ment inédite dont elle s’est emparée de la ques­tion des vio­lences sex­uelles.D’abord immergée dans le monde du théâtre après des études de théolo­gie et de lit­téra­ture, Michaela Coel est entrée dans celui de la télévi­sion grâce à sa série Chew­ing Gum, adap­tée d’une pièce de théâtre éponyme qu’elle avait écrite et dans laque­lle elle jouait. Dif­fusée sur la chaîne bri­tan­nique E4 à par­tir de 2015, la série est ensuite pop­u­lar­isée par Net­flix. Elle met en scène le per­son­nage de Tracey Gor­don, jeune femme de 24 ans élevée dans une famille pieuse, encore vierge, fan de Bey­on­cé et drôle mal­gré elle. L’humour, anglais à souhait, et ce rôle à con­tre-courant pour une femme noire ont con­tribué à asseoir la notoriété de Michaela Coel.

Une vérité crue, sans concessions qui nous place face à nos démons

Avec I May Destroy You, la nar­ra­tion épouse suc­ces­sive­ment le point de vue de plusieurs per­son­nages. La série suit Ara­bel­la et ses amis Ter­ry et Kwame dans un Lon­dres très con­tem­po­rain, où brunchs et soirées dans des quartiers gen­tri­fiés sont de mise. Après un pre­mier suc­cès lit­téraire pour ses Chroniques d’une mil­lé­niale énervée, influ­enceuse noire aux cheveux ros­es et à la verve railleuse, Ara­bel­la tente de ter­min­er son deux­ième man­u­scrit. Un soir, alors qu’elle n’arrive pas à trou­ver l’inspiration et la moti­va­tion pour écrire, elle décide de sor­tir avec un ami. La soirée se ter­mine par un « trou noir ». Le lende­main, des bribes de sou­venirs lui revi­en­nent petit à petit, jusqu’à la sor­dide vérité : elle a été vic­time d’un viol après avoir été droguée.

Cette oeu­vre mar­que un tour­nant dans la car­rière de Michaela Coel, mais aus­si dans l’histoire du petit écran. C’est une aut­ofic­tion, l’autrice ayant vécu une his­toire sim­i­laire pen­dant l’écriture de la sai­son 2 de Chew­ing Gum. Quoique dif­férentes, Ara­bel­la et Michaela se con­fondent par­fois, se com­plè­tent, dans un réal­isme qui prend aux tripes. Mal­gré des moments d’accalmie, d’amour et d’amitié, la série est éprou­vante à regarder tant elle nous présente une vérité crue, sans con­ces­sions. Une de ces vérités qui nous malmè­nent, mais qu’on préfère met­tre sous le tapis parce qu’elles nous pla­cent face à nos pro­pres démons.

Des séries ou des épisodes qui se penchent sur le sujet des vio­lences sex­uelles, il y en a eu, surtout depuis #MeToo (The Morn­ing Show, Unbe­liev­able…). Pour­tant, c’est la pre­mière fois que je vois l’histoire d’une femme noire con­tem­po­raine, vic­time de vio­lences sex­uelles dans une grande ville occi­den­tale et dont l’expérience trau­ma­tique et la voie de la guéri­son sont mon­trées avec autant de per­ti­nence et de pudeur à la fois. D’aucuns deman­deront : « Que vient faire la race dans cette affaire ? » Vis­i­bilis­er, tout sim­ple­ment, le fait que nous, per­son­nes racisées, exis­tons et subis­sons aus­si ces vio­lences. Car, même sur un sujet aus­si uni­versel que celui-ci, nos vécus sont très peu dépeints, comme si nos trau­mas comp­taient moins.

Écran miroir

Dès la pre­mière minute où j’ai com­mencé à regarder I May Destroy You, j’ai su que je la recom­man­derai à out­rance, la partagerai, l’enseignerai même. Les séries peu­vent nous ten­dre un miroir et, par là, nous inviter à nous ques­tion­ner en tant qu’individus. Ici, la cul­ture du viol est présente partout. Drogues, alcool et fêtes font par­tie de l’équation ; femmes et hommes sont con­cernés par la ques­tion, qu’ils ou elles soient vic­times, agresseurs ou les deux à la fois. Une cul­ture du viol qui se loge dans la moin­dre de leurs actions, sou­vent de façon anodine car banal­isée. Ces scènes trans­for­ment le ou la téléspectateur.ice en com­plice et vic­time d’un sys­tème qui le ou la dépasse. Il ou elle se retrou­ve face à ses pro­pres actes et con­tra­dic­tions, se rap­pelant toutes ces fois où il ou elle n’a rien dit, ou qu’il lui a été trop dif­fi­cile de se dépar­tir, de pren­dre con­science de ce qui lui arrivait.

Michaela Coel est une artiste de l’intime comme on en trou­ve peu à la télévi­sion. Elle réus­sit à retran­scrire avec justesse les âmes meur­tries par les vio­lences sex­uelles, et c’est sans doute pour cela que tant de per­son­nes ont été boulever­sées par la série et que la réal­isatrice a été propul­sée au rang d’icône. Dans son livre Mis­fits, A per­son­al Man­i­festo, paru en sep­tem­bre 2021, la scé­nar­iste revient sur son amour pour les his­toires dens­es : « Comme toute expéri­ence que j’ai trou­vée trau­ma­ti­sante, cela a été thérapeu­tique d’écrire sur le sujet et de trans­former, active­ment, ce réc­it de douleur en un réc­it d’espoir, d’humour même. Et de pou­voir le partager avec vous dans le cadre d’un drame fic­tif télévi­suel car je pense que la trans­parence aide. » Je dirais même qu’au-delà d’aider, la trans­parence peut sauver des vies.

Jennifer Padjemi

Journaliste culture et autrice de Féminismes et Pop Culture, paru en mars 2021 aux éditions Stock, elle s’intéresse à tous les phénomènes culturels qui façonnent notre époque et en particulier aux productions télévisées des années 1990 et 2000. Voir tous ses articles

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