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 « On ne peut pas laisser notre ville dans les tréfonds du racisme »

Alors qu’en France, les élec­tions lég­isla­tives du 30 juin et du 7 juil­let ont con­fir­mé la poussée phénomé­nale du Rassem­ble­ment nation­al (RN) dans les urnes, nous vous pro­posons tout l’été une série de newslet­ters pour met­tre en lumière les résis­tances fémin­istes et citoyennes à l’extrême droite. Cette semaine, nous don­nons la parole à Loup Blaster, une artiste calaisi­enne qui, depuis 2016, lutte auprès des per­son­nes exilées con­tre la répres­sion poli­cière et les idées xéno­phobes.
Publié le 12/07/2024

Modifié le 16/01/2025

Calais, le 2 mai 2024. Loup Blaster (Louise Druelle).
Loup Blaster sur le port de Calais, le 2 mai 2024. Crédit pho­to : Aimée Thiri­on pour La Défer­lante.

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°15 Résis­ter, à paraître le 30 août 2024. Pour soutenir notre tra­vail, ren­dez-vous ici.

Dessi­na­trice, musi­ci­enne et réal­isatrice, Loup Blaster est égale­ment con­seil­lère munic­i­pale d’opposition à Calais et com­bat, depuis 2021, la poli­tique mise en place par la maire Nat­acha Bouchart (Les Répub­li­cains). Dans sa cir­con­scrip­tion, le can­di­dat du RN, Marc de Fleuri­an, a été élu député avec 53,7 % des voix.

« Je suis née en 1992, j’ai gran­di à Calais dans un envi­ron­nement artis­tique et engagé. Mon père est luthi­er, ma mère psy­cho­logue. Ils mil­i­taient chez Les Verts et nous emme­naient sou­vent en réu­nion. À la mai­son, il y avait tou­jours Libéra­tion sur la table. C’était facile de par­ler poli­tique.

Ma mère a beau­coup ramé : c’est elle qui gag­nait l’argent du foy­er et por­tait l’organisation de la mai­son. Mon père, lui, est une ency­clopédie vivante. Il con­naît tout sur tout et a ten­dance à don­ner des leçons. Moi, j’ai voulu être dans l’expérience, pas dans la théorie.

Mes sou­venirs d’enfant à Calais, c’est une vie artis­tique très riche, du spec­ta­cle vivant partout. Avec mes trois sœurs, on fai­sait de la musique, du solfège, du cirque… Après le col­lège, je suis par­tie à Roubaix, près de Lille, pour suiv­re une fil­ière arts appliqués, puis j’ai fait trois ans d’études en ciné­ma d’animation. J’ai ensuite vécu à Lon­dres pen­dant un an. À chaque fois que je reve­nais par le fer­ry, je voy­ais de nou­veaux murs et de nou­velles bar­rières con­stru­ites pour empêch­er les per­son­nes exilées de tra­vers­er la Manche. Et à chaque fois, de plus en plus de policier·es.

Je suis ren­trée défini­tive­ment en 2016, au moment où 10 000 per­son­nes vivaient dans la « grande jun­gle ». J’avais beau­coup à faire à Calais. C’est en me faisant des copains exilés dans les campe­ments que j’ai réal­isé le gouf­fre entre le réc­it médi­a­tique sur la crise migra­toire et la réal­ité. La pré­fec­ture déman­te­lait des camps en pré­ten­dant que les gens avaient la gale, mais c’était faux. Il y a eu des incendies et les autorités ont accusé les migrant⸱es en dis­ant que c’était « une pra­tique rit­uelle » d’incendier leur vil­lage ! J’ai com­mencé à dessin­er pour ren­dre vis­i­ble cette réal­ité. Si on ne fait pas de bruit, les choses n’existent pas. Il y a une chape de plomb sur cette ville qui nous empêche d’exprimer notre antiracisme. Moi, je résiste à l’extrême droite par l’expression artis­tique, sans argent, ni sub­ven­tion.

Porter la voix des exilé·es

En 2017, j’ai été can­di­date sup­pléante aux lég­isla­tives sur une liste éco­lo [Europe Écolo­gie Les Verts] mais on a per­du. En 2020, la liste citoyenne sur laque­lle j’étais inscrite a rem­porté six sièges au con­seil munic­i­pal. J’étais 7e, et c’est à la suite d’un désis­te­ment l’année suiv­ante que j’ai com­mencé à siéger face à la majorité de Nat­acha Bouchart. Depuis trois ans, j’essaye de porter la voix des exilé⸱es et des asso­ci­a­tions qui les aident. La poli­tique ne ressem­ble pas assez aux gens : on devrait avoir des élu⸱es chômeurs et chômeuses, réfugié⸱es, jeunes femmes…

Dans cette enceinte munic­i­pale, mon corps de femme dérange. Il y a quelques mois, avec un copain, on a fait une séance pho­to impro­visée dans la salle d’apparat de la mairie de Calais. J’ai posé en mini­jupe, les pieds sur la table, et posté les pho­tos sur Insta­gram. Mon but, c’était de me moquer du pou­voir, du patri­ar­cat, du père qui ren­tre du boulot, met les pieds sous la table et attend que « Bobonne » lui apporte à manger. Mes opposant·es ont trou­vé que ces pho­tos étaient « indignes d’une élue ».

 


Il va fal­loir être vis­i­ble partout dans l’e­space pub­lic : coller des affich­es, organ­is­er des évène­ments.


 

L’art est impor­tant pour réaf­firmer nos valeurs, notre sol­i­dar­ité, nos iden­tités queers face à l’extrême droite qui gagne du ter­rain. Dimanche dernier, c’est le can­di­dat du Rassem­ble­ment nation­al, Marc de Fleuri­an, qui a rem­porté les lég­isla­tives dans notre cir­con­scrip­tion. La gauche est arrivée troisième au pre­mier tour et s’est désistée. Nos idées ont per­du : la pente à remon­ter est énorme. Tout le nord de la France est tombé aux mains de l’extrême droite. Partout, la sit­u­a­tion migra­toire à Calais est util­isée afin de jus­ti­fi­er les poli­tiques racistes. Main­tenant, il va nous fal­loir pro­pos­er un pro­jet de gauche suff­isam­ment puis­sant pour repren­dre du ter­rain et faire reculer les idées xéno­phobes. Il va nous fal­loir être vis­i­bles partout dans l’espace pub­lic, coller des affich­es, organ­is­er des évène­ments. Il faut aus­si recréer de la con­vivi­al­ité autour de la nour­ri­t­ure, de l’art, faire de l’éducation pop­u­laire finale­ment.

Je me suis sou­vent con­sid­érée comme un élec­tron libre et sou­vent ques­tion­née sur mon util­ité. Mais depuis cette cam­pagne dans laque­lle se sont agrégé⸱es plein de citoyen⸱nes et de militant⸱es, je veux con­tin­uer à lut­ter en col­lec­tif. On est tous et toutes com­plé­men­taires. Moi, par exem­ple, je ne me con­sid­ère pas comme une experte, j’ai plutôt une expéri­ence de ter­rain. Mais je veux bien porter la parole de celles et ceux qui ne veu­lent pas s’exposer.

Un de mes rêves, ce serait qu’avec d’autres militant⸱es, on prenne la mairie de Calais dans deux ans. On ne peut pas laiss­er notre ville dans les tré­fonds du racisme. On est une cité ouvrière, avec du savoir-faire manuel, mais on a per­du notre iden­tité. Le RN nous fait croire que c’est à cause des exilé⸱es que la ville s’est effon­drée, alors que c’est à cause du cap­i­tal­isme, qui provoque la fer­me­ture des usines. Si les gens com­pren­nent ça, ça va leur don­ner de la puis­sance. Je ne sais pas si on gag­n­era, mais on va essay­er. »

Pro­pos recueil­lis par télé­phone le 8 juil­let 2024, par Mar­i­on Pil­las.


→ Retrou­vez les recom­man­da­tions ain­si que l’agenda de la rédac­tion juste ici.

Marion Pillas

Après un détour par la production de documentaires, elle est revenue au journalisme avec La Déferlante. Elle en est cofondatrice et corédactrice en chef. Depuis Lille, elle supervise la newsletter, les partenariats et les événements. Voir tous ses articles

Résister en féministes

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°15 Résis­ter, à paraître le 30 août 2024. Pour soutenir notre tra­vail, ren­dez-vous ici.


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