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« Le gouvernement isole les personnes handicapées »

Céline Exten­so, cofon­da­trice du col­lec­tif fémin­iste et anti­va­lidiste Les Dévalideuses, évoque les dif­fi­cultés spé­ci­fiques que ren­con­trent les femmes hand­i­capées pour se loger et pour cir­culer dans les villes.
Publié le 26/07/2023

Modifié le 16/01/2025

Céline Extenso chez elle à Essey-lès-Nancy (Meurthe-et-Moselle), le 19 mai 2023. par Alice Dylane pour le Pourquoi luttez-vous « Nous voulons vivre où nous l'avons choisi » signé Marie-Agnès Laffougère - La Déferlante 11 « Danser »
Céline Exten­so chez elle à Essey-lès-Nan­cy (Meur­the-et-Moselle), le 19 mai 2023. © Alice Dylane

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°11 Habiter, parue en août 2023. Con­sul­tez le som­maire.

Pourquoi avez-vous créé les Dévalideuses ?

En novem­bre 2018, après la pre­mière marche organ­isée par Nous Toutes et l’invisibilisation totale des femmes hand­i­capées dans cette man­i­fes­ta­tion, le besoin d’un col­lec­tif qui leur ressem­blerait a émergé. J’ai lancé un appel sur Twit­ter et reçu plus d’une soix­an­taine de témoignages. Après quelques mois de réflex­ion, à l’automne 2019, nous avons lancé l’association Les Dévalideuses, qui com­pre­nait huit per­son­nes ayant dif­férents hand­i­caps et subis­sant des oppres­sions mul­ti­ples. Aucun fémin­isme n’avait réfléchi à nos prob­lé­ma­tiques et nous n’étions représen­tées dans aucun courant. Nous avons décidé de créer le nôtre : le han­di-fémin­isme.

Quel est l’objectif du col­lec­tif ?

Les Dévalideuses se bat­tent pour faire recon­naître le validisme (1) comme une oppres­sion résul­tant de choix poli­tiques assumés. Cette ques­tion est encore peu con­nue du grand pub­lic et même des cer­cles mil­i­tants. Notre objec­tif est que le validisme soit com­bat­tu de la même façon que le sex­isme ou le racisme. Le hand­i­cap est encore trop sou­vent con­sid­éré comme un prob­lème médi­cal et per­son­nel. Nous ne deman­dons pas de la sol­i­dar­ité ou de la bien­veil­lance, nous voulons des actes poli­tiques qui nous inclu­ent dans tous les milieux.

Con­cer­nant l’accessibilité des espaces publics aux per­son­nes hand­i­capées, que prévoit la lég­is­la­tion française ?

La France accuse beau­coup de retard par rap­port au Roy­aume-Uni, à l’Espagne, ou aux États-Unis, qu’il ne faut pas pour autant imag­in­er comme des pays mod­èles en la matière. L’ambition pre­mière des lois visant à ren­dre acces­si­bles les lieux finit tou­jours par être lim­itée par des amende­ments ou par d’autres types de régle­men­ta­tions. Prenons le cas de la loi du 11 févri­er 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la par­tic­i­pa­tion et la citoyen­neté des per­son­nes hand­i­capées. Elle prévoy­ait de ren­dre acces­si­bles 100 % des étab­lisse­ments rece­vant du pub­lic (ERP) dans des délais de cinq à dix ans. Un ERP, c’est aus­si bien un musée qu’un com­merce ou une gare. Mais, près de vingt ans après l’adoption du texte, seuls 56 % de ces lieux sont acces­si­bles ou en cours d’accessibilisation. Face à l’impossibilité de respecter la loi, le gou­verne­ment a mod­i­fié, par ordon­nance, l’agenda d’accessibilité, ren­voy­ant l’obligation de réalis­er les travaux néces­saires à un hori­zon tem­porel indéfi­ni.

Com­ment cela se passe-t-il en matière de loge­ment ?  

Le con­stat est iden­tique : on est privé·es du droit à habiter où on le veut. La loi de 2005 stip­u­lait que 100 % des loge­ments neufs devaient être acces­si­bles à toutes les mobil­ités. Finale­ment, la loi por­tant évo­lu­tion du loge­ment, de l’aménagement et du numérique (Élan), pro­mul­guée en novem­bre 2018, a abais­sé ce taux à 20 %. La per­spec­tive s’est dras­tique­ment réduite. Ces retards lég­is­lat­ifs nous iso­lent au quo­ti­di­en de la société. En tant que per­son­ne hand­i­capée, le choix de son chez-soi est très lim­ité. Obtenir un loge­ment acces­si­ble et cor­re­spon­dant à nos moyens financiers reste un défi d’autant plus grand que les femmes hand­i­capées sont sou­vent pré­caires.

Mais avant cela, il faut échap­per à la mise en insti­tu­tion à laque­lle on nous force. L’État français enferme les per­son­nes hand­i­capées dans des cen­tres médi­caux dès leur plus jeune âge. Le nom­bre de per­son­nes vivant au sein de ces struc­tures spé­cial­isées ne fait qu’augmenter2 mal­gré les pres­sions de l’ONU exhor­tant la France à chang­er ce sys­tème inhu­main. Son dernier rap­port, qui date de 2021, dénonce les vio­lences et les con­traintes chim­iques et physiques qui ont cours dans ces insti­tu­tions. Le Défenseur des droits cri­tique lui aus­si leur manque d’inclusivité, et rap­pelle être régulière­ment saisi pour des faits de mal­trai­tances insti­tu­tion­nelles. C’est une ségré­ga­tion spa­tiale qui nous isole et nous enferme, une con­damna­tion à vie pour les per­son­nes hand­i­capées.

Pour nous sor­tir des insti­tu­tions médi­cales, le gou­verne­ment met l’accent sur l’habitat inclusif. Mais loin de réin­té­gr­er les per­son­nes hand­i­capées au sein de la société, il con­tin­ue de les isol­er dans des habi­ta­tions où elles vivent en vase clos ; ce sont par exem­ple des foy­ers de petite taille sem­blables à des colo­ca­tions, sou­vent situés en milieu urbain. La struc­ture de ces habi­ta­tions-là repro­duit une insti­tu­tion­nal­i­sa­tion. Nous lut­tons pour que les solu­tions indi­vid­u­al­isées soient mis­es en place. Nous voulons vivre où nous l’avons choisi, seul·e ou accompagné·e.


« Le place­ment en insti­tu­tion est une ségré­ga­tion spa­tiale qui nous isole et nous enferme, une con­damna­tion à vie pour les per­son­nes hand­i­capées. »

CÉLINE EXTENSO


En quoi la cohab­i­ta­tion con­ju­gale con­stitue-t-elle un fac­teur de risque spé­ci­fique pour les femmes hand­i­capées ?

C’est plus dan­gereux pour elles parce qu’elles sont pour beau­coup trib­u­taires de l’Allocation aux adultes handicapé·es (AAH). Cen­sée assur­er aux per­son­nes hand­i­capées un min­i­mum de ressources, l’AAH est cal­culée en prenant en compte non pas les revenus de la per­son­ne hand­i­capée, mais ceux du foy­er. Autrement dit elle rend la per­son­ne hand­i­capée dépen­dante de son ou sa conjoint·e, ce qui, en cas de vio­lences con­ju­gales, con­stitue un dan­ger impor­tant, d’autant qu’il a été démon­tré que les femmes hand­i­capées sont l’une des pop­u­la­tions les plus exposées aux vio­lences sex­istes et sex­uelles. C’est la rai­son pour laque­lle les Dévalideuses se sont mobil­isées pour une décon­ju­gal­i­sa­tion de l’AAH, qui entr­era en vigueur le 1er octo­bre 2023.

Le validisme entrave aus­si la socia­bil­ité des femmes hand­i­capées…

Me ren­dre chez des ami·es ou des voisin·es qui m’invitent, pour moi, c’est qua­si impos­si­ble. Les gens conçoivent qu’on manque de loge­ments acces­si­bles pour habiter, mais ils n’imaginent pas à quel point ça peut être aus­si pesant dans nos vies sociales. On devrait pou­voir aller chez nos ami·es, dans notre famille, chez nos amant·es. Ren­con­tr­er des gens chez eux, garder leurs enfants, c’est une com­posante impor­tante des rela­tions dont on nous prive.

Au-delà de l’espace privé, à quelles dis­crim­i­na­tions font face les per­son­nes hand­i­capées à l’échelle d’un ter­ri­toire ? 

On ne jouit pas des lieux publics comme les per­son­nes valides. La ville est pour moi un milieu hos­tile. En fau­teuil, rien n’est acces­si­ble ou si peu. Pour toutes les per­son­nes hand­i­capées, se déplac­er hors de chez soi représente une charge men­tale énorme et peu soupçon­née. Chaque sor­tie est une mis­sion. Très peu d’infrastructures col­lec­tives ont été pen­sées en prenant en compte les hand­i­caps. On doit se ren­seign­er à l’avance sur le lieu où on veut aller. Penser à l’auxiliaire de vie si on en a besoin. Prévoir les rares endroits avec des toi­lettes acces­si­bles. C’est d’autant plus prob­lé­ma­tique pour les per­son­nes qui ont leurs règles et qui sor­tent une journée com­plète. Si vous avez le mal­heur de vouloir vous déplac­er dans Paris… les métros ne sont pas acces­si­bles. Quand on regarde sur une appli­ca­tion le temps néces­saire pour aller d’un point à un autre, un itinéraire estimé à vingt min­utes va pass­er à plus d’une heure dès qu’on coche la case « tra­jet acces­si­ble »… C’est bru­tal !

Dans l’espace pub­lic, on est aus­si exposées au har­cèle­ment de rue. Il prend des modal­ités dif­férentes de celui subi par les femmes valides, mais tout aus­si vio­lentes. Ses formes vari­ent égale­ment selon les types de hand­i­caps, mais même léger, un hand­i­cap, pour peu qu’il soit vis­i­ble – comme celui d’une femme se déplaçant avec une béquille – donne l’impression que la per­son­ne est vul­nérable. Les gens vien­nent nous aider physique­ment sans nous deman­der notre con­sen­te­ment et ça peut être dan­gereux. Et puis il y a tous les com­porte­ments intrusifs : on nous arrête pour nous dire à quel point nos vies sont ter­ri­bles et qu’on a bien du courage. Cer­taines per­son­nes nous caressent la joue, nous font des câlins… Cela amène à met­tre en place incon­sciem­ment des straté­gies : ne jamais rester longtemps au même endroit et demeur­er en état d’hypervigilance.

Pour un col­lec­tif comme Les Dévalideuses, com­ment se mobilis­er et habiter l’espace poli­tique ?

Nous nous sommes posi­tion­nées con­tre la réforme des retraites qui repousse l’âge de départ à 64 ans, et nous encour­a­geons toute per­son­ne qui le veut et qui le peut à aller man­i­fester. Mais nos dif­férentes expéri­ences de man­i­fes­ta­tions nous ont refroi­dies. En novem­bre 2022, les Dévalideuses ont été invitées à défil­er dans le cortège de tête à la marche Nous Toutes. Avant la marche, nous devions pren­dre la parole à une con­férence de presse, et après le défilé, faire un dis­cours depuis un kiosque. Ni la salle ni le kiosque n’étaient acces­si­bles. Aucun de nos besoins, dis­cutés en amont, n’a été pris en compte (3). C’est tris­te­ment représen­tatif de la place des luttes anti­va­lidistes dans le fémin­isme. On a peu de vrai·es allié·es au sein de ces luttes.

Alors on réflé­chit à de nou­velles formes de mobil­i­sa­tion, comme des petits événe­ments plus sta­tiques. On accepte que la rue ne soit, en l’état, pas le meilleur champ pour nous. Nos sit­u­a­tions recou­vrent des hand­i­caps telle­ment dif­férents qu’il faut se défaire de l’hégémonie de la man­i­fes­ta­tion comme seul espace mil­i­tant val­able, alors qu’il est validiste. •

Entre­tien réal­isé le 10 mars 2023 au télé­phone par Marie-Agnès Laf­fougère, étu­di­ante au Cen­tre de for­ma­tion et de per­fec­tion­nement des jour­nal­istes à Paris, en alter­nance à La Défer­lante.

Marie-Agnès LaffougèreEn for­ma­tion de jour­nal­isme à Paris, Marie-Agnès Laf­fougère a rejoint en octo­bre 2022 La Défer­lante pour un appren­tis­sage de deux ans. Dans ce numéro, elle a réal­isé les pages « En bref », les « Pour aller plus loin » du dossier, a coor­don­né le cour­ri­er des lecteur·ices et réal­isé cet entre­tien.

Artiste pho­tographe vivant à Metz, Alice Dylane fait primer l’expérience vécue, l’épreuve pho­tographique ser­vant trace de la ren­con­tre avec l’autre ou de l’expérience intime et sen­sorielle. Pour La Défer­lante, elle a pho­tographié Céline Exten­so, cofon­da­trice du col­lec­tif Les Dévalideuses.

 


(1) Le validisme, aus­si appelé capacitisme, est un sys­tème d’oppressions qui inféri­orise les per­son­nes hand­i­capées, en con­sid­érant les per­son­nes valides comme la norme sociale.

(2) En 2018, selon une étude de la Direc­tion de la recherche, des études, de l’évaluation et des sta­tis­tiques (Drees), la France comp­tait près de 346 000 adultes et 165 000 enfants vivant dans des struc­tures adap­tées, une aug­men­ta­tion d’environ 10 % depuis 2010.

(3) Le 21 novem­bre 2022, quelques jours après la marche, le col­lec­tif #NousToutes présen­tait sur Twit­ter ses excus­es pour les défail­lances relevées par Céline Exten­so, indi­quant que ses mem­bres « [con­tin­ueraient] à appren­dre et à [se] for­mer pour mieux sen­si­bilis­er aux dif­férentes oppres­sions ren­con­trées par les vic­times de vio­lences de genre ».

Les mots importants

Validisme

Le con­cept a émergé dans les années 1970 aux...

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Marie-Agnès Laffougère

Journaliste indépendante, elle travaille pour Têtu, Livres Hebdo et Radio France sur des sujets liés au genre et aux questions LGBT+. Voir tous ses articles

Habiter : brisons les murs

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°11 Habiter, parue en août 2023. Con­sul­tez le som­maire.


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