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Mules guyanaises, les oubliées de la justice

Chaque vol reliant Cayenne à Paris compte une ving­taine de per­son­nes trans­portant de la cocaïne. Une forme de délin­quance qui touche par­ti­c­ulière­ment les femmes guyanais­es pré­caires issues des minorités. Surnom­mées « mules », elles sont jugées en France hexag­o­nale, loin de leurs enfants, écopent de peines stan­dard­is­ées et rem­plis­sent les maisons d’arrêt pour femmes proches des aéro­ports fran­ciliens.
Publié le 17/01/2023

Modifié le 19/03/2025

illustration Anna Resmini La Déferlante 9 - Enquête Mules Guyanaises, les oubliées de la justice
Anna Resmi­ni

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue papi­er La Défer­lante n°9 Bais­er (févri­er 2023)

Avant d’entrer dans la cham­bre, les visiteur·euses doivent retir­er leurs chaus­sures. Dans ce cen­tre d’hébergement du xixe arrondisse­ment de Paris, Lau­ra (le prénom a été mod­i­fié) a soigné la déco­ra­tion et opti­misé l’espace de 12 mètres car­rés dont elle dis­pose.

À 48 ans, elle est en libéra­tion con­di­tion­nelle et placée sous con­trôle judi­ci­aire. Elle vit ici depuis un an et demi et s’y trou­ve bien mieux lotie que dans les cen­tres péni­ten­ti­aires de Fresnes (Val-de-Marne) et Joux-la-Ville (Yonne) où elle était précédem­ment. En 2018, elle a été recon­nue coupable « d’importation, trans­port, déten­tion et acqui­si­tion de cocaïne ». Le pro­cureur de Créteil avait req­uis huit ans de prison ferme, elle a été con­damnée à qua­tre. Une peine qu’elle purge loin de ses enfants, restés en Guyane.

Au nom des « femmes comme elles », tombées aux mains des mêmes trafi­quants, Lau­ra racon­te son par­cours. Elle est née à Para­mari­bo, la cap­i­tale du Suri­name. Son père était agricul­teur. Sa mère fai­sait bouil­lir la mar­mite. Elle a 18 ans lorsque, par amour, elle tra­verse le fleuve Maroni mar­quant la fron­tière avec la Guyane française (voir la carte page 129). Les années passent, les hommes aus­si, vio­lents pour cer­tains. Les enfants nais­sent les uns après les autres, deux filles, deux fils. Les pères encais­sent les aides de l’État tan­dis que Lau­ra cul­tive son lopin de terre, vend des légumes le long de la nationale à Cayenne, fab­rique sa maison­nette en agg­lo. Pili­er de sa famille, comme beau­coup de femmes de sa com­mu­nauté – les Bushi­nen­gués, descendant·es d’esclaves –, elle veut rester pos­i­tive. « Mais en 2015, tout s’est écroulé » : sa petite dernière, Ros­alin­da, est tuée par une voiture. Pen­dant qu’elle s’enfonce dans la dépres­sion, le père détale. C’est alors qu’un homme lui par­le du trans­port de cocaïne : « Un tra­jet et tu mets ta famille à l’abri. »
De Cayenne, elle prend la route jusqu’à Saint-Lau­rent-du-Maroni, tra­verse le fleuve, reprend la route jusqu’à un vil­lage près de Para­mari­bo. Elle est reçue par un « obia­man », un homme médecine, qui pen­dant une semaine lui fait faire des ablu­tions tra­di­tion­nelles cen­sées la pro­téger des con­trôles douaniers. Des soins payés par le car­tel. De retour à Cayenne, on lui scotche de petits sachets de drogue sur le corps. Avant de pren­dre l’avion pour la pre­mière fois de sa vie, elle négo­cie de pou­voir dépos­er 60 euros à sa fille aînée, qui ne se doute de rien.

Mal­gré la méfi­ance des douaniers à l’aéroport de Cayenne, qui inspectent ses bagages de fond en comble, c’est à Orly qu’une pal­pa­tion révèle le pot aux ros­es. Puis, « tout est allé très vite » : des douanes de l’aéroport, Lau­ra est déférée à l’hôpital pour un exa­m­en radi­ologique, puis au tri­bunal de Créteil (Val-de-Marne). « Je n’ai vu mon avo­cate que quelques min­utes, je n’ai pas eu le temps de tout dire. » Elle se sou­vient des mots cinglants du juge en com­paru­tion immé­di­ate : « Vous n’avez pas pen­sé à vos enfants. » « Quand je me suis retrou­vée en cel­lule, la pre­mière chose que j’ai faite, c’était de leur deman­der par­don », se remé­more-t-elle avec émo­tion. La suite est une belle leçon de résilience. Pen­dant son incar­céra­tion, Lau­ra aigu­ise son français, notam­ment grâce à ses codétenues et ses gar­di­ennes. Elle est encore en prison lorsqu’elle trou­ve un emploi et obtient l’autorisation de par­ler à ses enfants, et enfin celle de ter­min­er sa peine au Cen­tre d’hébergement et de réin­ser­tion sociale (CHRS) parisien où nous la ren­con­trons, fière et prête à imag­in­er des jours meilleurs.

Un « dernier recours »  plus par nécessité que par choix

Entre 2005 et 2010, les Pays-Bas ont ten­té de fer­mer pro­gres­sive­ment la route de la poudre blanche du Suri­name, plate­forme mon­di­ale du traf­ic de cocaïne. Depuis, les car­tels se sont tournés vers la Guyane française. Selon les ser­vices des douanes, sur chaque vol de Cayenne à Orly, entre vingt et trente passager·es sont des « mules » trans­portant de la cocaïne. Une tâche dont les trafi­quants char­gent volon­tiers les femmes. Ne représen­tant que 3,8 % de la pop­u­la­tion car­cérale glob­ale, les femmes sont sta­tis­tique­ment beau­coup moins sujettes à la crim­i­nal­ité que les hommes. La mai­son d’arrêt des femmes de Fresnes, où sont enfer­mées en moyenne 150 détenues, est occupée à plus de 60 % par des trans­porteuses de drogue. Même chose dans les cen­tres d’hébergement, tels que celui du xixe arrondisse­ment de Paris. La direc­trice, Valérie Caulliez, reçoit des femmes venues de Guyane, comme Lau­ra, et con­damnées pour les mêmes faits. Ses pen­sion­naires subis­sent selon elle la manip­u­la­tion de car­tels à l’organisation bien huilée et très infor­més des poli­tiques douanières. « Au départ ils avaient pris de jeunes hommes vul­nérables, puis des femmes enceintes… Ils touchent aux pop­u­la­tions qui n’ont pas grand-chose à atten­dre de la société et de l’État, et prof­i­tent d’une sit­u­a­tion économique proche du désert. »

Chargé de men­er des entre­tiens auprès de per­son­nes incar­cérées pour traf­ic de stupé­fi­ants, le SPIP (1) du Val-de-Marne relève que « les moti­va­tions avancées sont celles des recours à des alter­na­tives leur per­me­t­tant de sub­venir à leurs pro­pres besoins fon­da­men­taux et/ou à ceux de leur famille. En effet, elles font générale­ment état de dettes (amendes, créances…) qu’elles n’arrivent pas à hon­or­er. Ces con­di­tions de vie très pré­caires sont ren­for­cées par d’autres fac­teurs frag­ilisant l’équilibre économique des familles (chô­mage, inva­lid­ité, hand­i­cap, nais­sance, décès…). Cet acte est sou­vent vécu comme un “dernier recours” plus par néces­sité que par choix. »

Pour­tant, cette stratégie du « dernier recours » est sanc­tion­née par des peines d’une grande sévérité, qui, selon les avocat·es des accusées, ne tien­nent pas compte de la sit­u­a­tion socio-économique de la Guyane. Beau­coup rap­por­tent leur sen­ti­ment d’impuissance lors des com­paru­tions immé­di­ates à la 12e cham­bre du tri­bunal de Créteil : une impres­sion que les peines sont tou­jours les mêmes, quelles que soient les cir­con­stances. En 2021, Me Lau­ra Témin a gag­né le con­cours des plaidoiries pour les droits humains du mémo­r­i­al de Caen en aler­tant sur cette sit­u­a­tion. L’avocate a été choquée par la réponse judi­ci­aire apportée à son pre­mier dossier, alors qu’elle était com­mise d’office à Créteil. La date est restée gravée : 18 sep­tem­bre 2019. Sa cliente, mère de deux enfants de 7 et 8 ans, assis­tante compt­able, s’occupant de sa mère atteinte d’un can­cer, a trans­porté depuis la Guyane un kilo de cocaïne. Sous le coup d’un avis d’expulsion de son loge­ment, elle avait accep­té les 4 000 euros pro­posés par un trafi­quant. « Elle cher­chait du tra­vail depuis des mois. Cette somme, elle l’a con­sid­érée comme une bouée de sauve­tage », rap­porte l’avocate. À l’audience, Lau­ra Témin a fourni aux juges des doc­u­ments pour appuy­er sa sol­lic­i­ta­tion d’un amé­nage­ment de peine : une adresse fixe à Cayenne et la preuve d’un tra­vail. Mais après quinze min­utes d’audience, la con­damna­tion est tombée : un an de prison ferme, à purg­er à Fresnes. « Il existe un sys­tème de gra­da­tion des peines, alors pourquoi n’a‑t-elle pas béné­fi­cié, comme c’est le cas en principe pour les pri­mod­élin­quants, d’une peine de sur­sis ou d’un amé­nage­ment de peine, tel que le bracelet élec­tron­ique ou la semi-lib­erté ? », s’interroge l’avocate. Bien que le code de procé­dure pénale oblige en principe les magistrat·es à pren­dre en compte les élé­ments de la per­son­nal­ité des prévenu·es pour stat­uer, des avocat·es dénon­cent un sys­tème souter­rain « for­faitaire » mis en place au tri­bunal de Créteil : un kilo trans­porté = un an ferme. Or, « les peines for­faitaires ne reflè­tent pas la dif­férence entre celles qui ont été for­cées, celles qui ont agi par dés­espoir, et d’autres qui auraient des inten­tions crim­inelles », déplore Me Témin.


« Au tri­bunal, Elles font l’objet de représen­ta­tions misog­y­nes et sont con­damnées en tant que “mules”, mais aus­si pour avoir fail­li dans leur rôle de mère. »

Manon Réguier-Petit Soci­o­logue


Privées du « droit au respect de la vie privée et familiale »

L’avocat Gabriel Old garde, quant à lui, en tra­vers de la gorge le sort d’une trans­porteuse qu’il a défendue : une femme de 20 ans, née à Saint-Lau­rent-du-Maroni, mère de trois enfants. C’était en jan­vi­er 2021, tou­jours au tri­bunal de Créteil. Elle avait été arrêtée une pre­mière fois en 2018 à Orly avec 8 grammes de cocaïne. Elle expli­quait devoir rem­bours­er une dette de 700 euros. Inter­pel­lée à nou­veau en 2020 avec 860 grammes de cocaïne avalés sous forme d’ovules, sa dette s’élevait alors à 7 000 euros. « Ils ont men­acé de me tuer. C’est par peur pour ma vie et celle de mes enfants que j’ai pris cette déci­sion. […] Je ne recom­mencerai pas », relate la prév­enue dans le compte ren­du d’audience (2). Dénonçant un « sys­tème mafieux », Me Old avait fait val­oir l’intérêt d’une peine amé­nage­able de cinq mois ferme, en pro­duisant une let­tre du com­pagnon de sa cliente s’engageant à ramen­er les enfants auprès d’elle et une attes­ta­tion d’hébergement en métro­pole. Le tri­bunal en a décidé autrement : trois ans ferme. « Ça fait par­tie des audi­ences qui me restent en tra­vers de la gorge », résume l’avocat, qui n’a pas fait appel pour éviter une peine encore plus lourde à sa cliente.
Lau­ra Témin sup­pose qu’avec ces con­damna­tions, les juges se don­nent pour mis­sion de « dis­suad­er les poten­tiels trans­porteurs et de lut­ter effi­cace­ment con­tre ce fléau ». Mais selon elle, c’est au gou­verne­ment, et non aux juges, de se souci­er d’être effi­cace (3). L’avocate voit égale­ment dans l’emprisonnement de ces femmes à 7 000 kilo­mètres de chez elles une vio­la­tion des droits humains et du « droit au respect de la vie privée et famil­iale ». « Les enfants se retrou­vent sans mère et sans par­loir, rap­pelle-t-elle. Il y a une rup­ture absolue de lien entre les familles. Et l’enfer ne s’arrête pas à Fresnes : quand elles ren­trent, elles doivent pay­er une dette aux trafi­quants. »


Bien que le code de procé­dure pénale oblige en principe les magistrat·es à pren­dre en compte les élé­ments de per­son­nal­ité des prévenu·es pour stat­uer, des avocat·es dénon­cent un sys­tème souter­rain « for­faitaire » mis en place au tri­bunal de Créteil : un kilo trans­porté = un an ferme.


Femmes, mères, guyanaises : la triple peine

En Guyane, depuis son bureau d’où il nous par­le en visio, Samuel Finielz, pro­cureur de la République de Cayenne, décrit une poli­tique pénale dif­férente de celle de Créteil. La stratégie répres­sive a changé autour de 2017–2018 : en dessous de 2 kilos de drogue trans­portés, les peines de prison ferme sont dev­enues de moins en moins fréquentes, au prof­it de la com­paru­tion sur recon­nais­sance préal­able de cul­pa­bil­ité (CRPC), le plaider-coupable français. Une « procé­dure sim­pli­fiée » est favorisée en alter­na­tive aux pour­suites pour « éviter toute emboli­sa­tion de la chaîne judi­ci­aire ». Mais la démarche répond aus­si à une prob­lé­ma­tique sociale, selon le pro­cureur : « Les femmes que je vois – de 20 à 30 % des 500 per­son­nes arrêtées chaque année pour trans­port de cocaïne entre la Guyane et la métro­pole – sont en sit­u­a­tion de pré­car­ité. Elles ont des enfants qui ne sont pas tou­jours recon­nus par les pères… Face à des trafi­quants chevron­nés, elles peu­vent se laiss­er con­va­in­cre assez facile­ment de trans­porter de la cocaïne. » Mal­gré nos deman­des répétées, il a été impos­si­ble d’interroger le par­quet de Créteil sur la mise en place d’un dis­posi­tif sim­i­laire.

La soci­o­logue Manon Réguier-Petit a tra­vail­lé sur le ter­rain pen­dant de longs mois. Au télé­phone, elle con­firme que les femmes guyanais­es « cumu­lent » les dif­fi­cultés : loin d’être une cir­con­stance appelant à la clé­mence, leur statut de mère est, aux yeux des juges de la France hexag­o­nale, trop sou­vent perçu comme une cir­con­stance aggra­vante. « Au tri­bunal, elles font l’objet de représen­ta­tions misog­y­nes et sont con­damnées en tant que “mules”, mais aus­si pour avoir fail­li dans leur rôle de mère en “met­tant en dan­ger des enfants” pen­dant le trans­port ou en faisant peser sur eux le risque de place­ment. Ce juge­ment-là n’est jamais porté sur les hommes ».

Quand elle a foulé le sol de Guyane en 2017, la chercheuse était envoyée par l’Injep, l’Institut nation­al de la jeunesse et de l’éducation pop­u­laire, pour effectuer une éval­u­a­tion d’un dis­posi­tif de préven­tion en milieu sco­laire à des­ti­na­tion des jeunes de l’Ouest guyanais « tenté·es par ce phénomène ». « Il y a dans la façon d’aborder la sit­u­a­tion dite “des mules”, beau­coup de mau­vais­es représen­ta­tions, con­state-t-elle. Le dis­cours dom­i­nant par­mi les acteurs et actri­ces institutionnel·les, y com­pris la jus­tice, c’est qu’il s’agit d’un phénomène touchant des per­son­nes faibles psy­chologique­ment, attirées par l’argent facile, qui veu­lent acheter des scoot­ers ou des lunettes. Or rien n’est facile, dans cet argent. » En lieu et place d’une éval­u­a­tion du dis­posi­tif, Manon Réguier-Petit a finale­ment coécrit en 2018 un rap­port inti­t­ulé « Le défi de la préven­tion du phénomène des mules en Guyane ».

La soci­o­logue a mis le nez dans ce qu’elle appelle une « économie hos­tile pour les femmes », en par­ti­c­uli­er les femmes touchées par de très pro­fondes iné­gal­ités eth­no­ra­ciales pro­pres au ter­ri­toire de la Guyane française. « Si on car­i­ca­ture, la société est pyra­mi­dale. Il y a les Blanc·hes, les métropolitain·es, les créoles, les Amérindien·nes et les Bushinengué·es. À Fresnes, on trou­ve une majorité de femmes bushi­nen­guées par­mi les trans­porteuses incar­cérées, parce qu’elles sont davan­tage can­di­dates que les autres, car davan­tage pré­carisées, et dis­crim­inées pour leur couleur de peau. » La soci­o­logue insiste sur le terme « can­di­date » et non pas « cible » car elle a vite com­pris, une fois sur place et en l’entendant de la bouche des lycéennes, que le trans­port de cocaïne est la seule issue vécue comme « respectable » pour ces femmes. Les marchés du tra­vail légal et informel étant sat­urés, ne reste que l’illégalité : la cocaïne ou la pros­ti­tu­tion. « Chez les Bushi­nen­gués, il n’y a que peu ou pas d’accès à la con­tra­cep­tion et une forte pro­por­tion de mono­parental­ité. La norme, c’est que la mère élève ses enfants, sans deman­der de pen­sion ali­men­taire. Ces femmes ne sont pas jugées sociale­ment si elles font des allers-retours, alors que celles qui se pros­tituent ren­con­trent l’exclusion ». Manon Réguier-Petit a en out­re con­staté que les inter­mé­di­aires des car­tels ne sont pas des hommes lour­de­ment armés, mais des mères, des oncles, des amis de la famille. Elle s’est donc trou­vée dans une pos­ture déli­cate : « Aller dans les lycées en tant que Blanche, en dis­ant sim­ple­ment aux lycéen·nes de ne pas faire de traf­ic de cocaïne, c’était être en plein décalage. »

C’est ce décalage qui, selon elle, rend la fer­meté de la jus­tice et sa poli­tique du chiffre d’autant plus con­damnables. « Il n’y a pas de moyens alloués pour prévenir le pas­sage à l’acte ; ils ne sont con­sacrés qu’à la répres­sion. » Un con­stat que partage Valérie Caulliez, la direc­trice du cen­tre d’hébergement parisien de Lau­ra, pour qui on ne peut pas com­pren­dre la prob­lé­ma­tique des per­son­nes trans­porteuses sans aller en Guyane. « S’il n’y a pas de volon­té poli­tique, si l’on ne développe pas de per­spec­tives économiques pour les jeunes et si aucun tra­vail n’est fait avec le Suri­name, vous aurez beau sen­si­bilis­er les familles, ce sera peine per­due », affirme-t-elle.

Avec les économies qu’elle a réu­nies, Lau­ra s’est offert un fer à repass­er pour que son uni­forme de tra­vail soit tou­jours impec­ca­ble. Elle fait des ménages tout en pré­parant un CAP de cui­sine. Quand elle se prend à rêver, elle s’imagine cheffe dans un restau­rant. Sur le pas de la porte du foy­er, c’est le feu de l’indépendance qui sem­ble l’habiter : « J’ai appris que je n’ai plus besoin des hommes et de leur argent. Je suis bien toute seule. Mon nou­veau mari, c’est mon tra­vail. » •

1. Les SPIP, Ser­vices péni­ten­ti­aires d’insertion et de pro­ba­tion, ont pour mis­sion prin­ci­pale la préven­tion de la récidive. Ils assurent un accom­pa­g­ne­ment  per­son­nal­isé des per­son­nes privées de lib­erté.

2. Compte-ren­du d’audience du site Actu-Juridique.

3. Sol­lic­ité, le min­istère de la Jus­tice n’a pas don­né suite à notre demande d’entretien

La Guyane, l’un des départe­ments français les plus pau­vres

Le PIB par habitant·e de la Guyane est inférieur de moitié à celui de la France hexag­o­nale, avec un taux de pau­vreté de 51 % d’après l’Insee. 43 % des jeunes Guyanais·es ne sont ni en emploi ni en for­ma­tion. Le traf­ic par voie aéri­enne entre la Guyane et Paris représente entre 15 et 20 % des entrées de cocaïne sur le ter­ri­toire hexag­o­nal selon un rap­port séna­to­r­i­al de 2020. Anci­enne colonie, la Guyane a été un lieu de dépor­ta­tion pour les con­damnés aux travaux for­cés de 1852 à 1946. Aujourd’hui départe­ment français, elle est située sur le con­ti­nent sud-améri­cain, à l’est du Suri­name et au nord du Brésil.

 

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Baiser : pour une sexualité qui libère

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