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Mon école va craquer

Au gré des réformes suc­ces­sives, les enseignant·es de mater­nelle et d’élémentaire voient leurs mis­sions se démul­ti­pli­er et leur charge de tra­vail s’alourdir. Dans ce secteur hyper­fémin­isé, la souf­france s’accroît en rai­son de l’insuffisance des moyens déployés par l’Éducation nationale. Reportage dans la région de Nantes, où les alertes et les luttes des per­son­nels des écoles et des par­ents d’élèves se sont mul­ti­pliées ces dernières années.
Publié le 02/05/2025

Enseignantes et mères d’élèves de la petite école rurale Charles-Perrault de Noyal-sur-Brutz, dans le nord de la Loire-Atlantique, manifestent contre la fermeture prévue d’une classe devant la direction des services départementaux de l’Éducation nationale. Cette fermeture sera finalement annulée, pour la troisième année consécutive. Crédit : Maylis Rolland pour La Déferlante.
Enseignantes et mères d’élèves de la petite école rurale Charles-Per­rault de Noy­al-sur-Brutz, dans le nord de la Loire-Atlan­tique, man­i­fes­tent con­tre la fer­me­ture prévue d’une classe devant la direc­tion des ser­vices départe­men­taux de l’Éducation nationale. Cette fer­me­ture sera finale­ment annulée, pour la troisième année con­séc­u­tive. Crédit : Maylis Rol­land pour La Défer­lante.

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°18 Édu­quer, parue en mai 2025. Con­sul­tez le som­maire.

Un mur cou­vert de pho­tos et de coupures de presse : la déco­ra­tion col­orée de la salle de pause de l’école Nel­son-Man­dela racon­te les mobil­i­sa­tions qui ont pu soud­er son équipe ces derniers temps. Le groupe sco­laire implan­té à Saint-Herblain (Loire-Atlan­tique) jouxte le Sil­lon de Bre­tagne, un des quartiers les plus pau­vres de France.

Le décor : un gigan­tesque immeu­ble de loge­ments soci­aux et, non loin, quelques pavil­lons. Dans cette com­mune de l’agglomération nan­taise, nom­bre de familles vien­nent d’arriver en France.

« Ici, on vit le quo­ti­di­en d’une école de quarti­er pop­u­laire, où la sit­u­a­tion économique s’est dégradée », décrit Julie *, enseignante en CM1-CM2 et mil­i­tante à SUD édu­ca­tion. « Il faut prévoir des kits pour les enfants qui ne peu­vent pas acheter de matériel, un coin calme pour ceux qui arrivent très fatigués. Beau­coup ne man­gent pas le matin. » Une réal­ité vécue par une large par­tie de la pro­fes­sion, qui doit assumer, en plus des mis­sions d’enseignements, un ensem­ble de tâch­es qui relèvent du tra­vail du care1. Des com­pé­tences sous-estimées et peu pris­es en compte, dans un con­texte de fémin­i­sa­tion accrue de la pro­fes­sion : entre 1955 et 2021, le taux de femmes dans l’enseignement pri­maire est passé de 65,3 % à 83,9 %2.

Depuis 2022, l’équipe enseignante de Nel­son-Man­dela, épaulée par des par­ents d’élèves, mul­ti­plie les actions pour que l’école réin­tè­gre le réseau d’éducation pri­or­i­taire REP+3, gage d’augmentation des moyens et de baisse des effec­tifs – elle en était sor­tie à l’occasion de son démé­nage­ment en 2015, alors que son indice de posi­tion sociale (IPS)4 est aus­si bas que celui des écoles du réseau de l’académie. « Beau­coup de par­ents inscrivent leurs enfants à l’école privée à par­tir du CP. Les seules familles de class­es moyennes qui restent le font par engage­ment », analyse Julie.

En salle des maîtres et maîtress­es de l’école Nel­son-Man­dela à Saint-Herblain, les coupures de jour­naux locaux sur un plac­ard racon­tent les années de mobil­i­sa­tion pour réin­té­gr­er le statut REP+ (réseau d’éducation pri­or­i­taire +) de ce groupe sco­laire qui jouxte le Sil­lon de Bre­tagne, un des quartiers les plus pau­vres de France. Crédit : Maylis Rol­land pour La Défer­lante.

Les parents en soutien

Ces dernières années, la région des Pays de la Loire a été à l’avant-garde de plusieurs mobil­i­sa­tions nationales pour lut­ter con­tre la logique de tri social portée par la réforme du « choc des savoirs », un ensem­ble de mesures cen­sées relever le niveau des élèves des écoles élé­men­taires et des col­lèges, impul­sées en 2023 par Gabriel Attal, alors min­istre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse. Ces mobil­i­sa­tions dénonçaient aus­si le manque de moyens alloués à l’accueil d’enfants à besoins spé­ci­fiques. Car à Nel­son-Man­dela, comme dans d’autres écoles de Nantes et ses alen­tours, une petite dizaine d’enfants en sit­u­a­tion de hand­i­cap sont scolarisé·es, alors que plusieurs postes d’accompagnant·e d’élèves en sit­u­a­tion de hand­i­cap (AESH) restent vacants. « Il y a aus­si les enfants qui sont en attente d’une place en IME [insti­tut médi­co-édu­catif, une struc­ture des­tinée aux enfants et adolescent·es en sit­u­a­tion de hand­i­cap men­tal]. Cer­tains cumu­lent leurs dif­fi­cultés avec la bar­rière de la langue », explique Basile, enseignant en CP.

La lutte menée il y a trois ans par l’enseignante Alexan­dra (ci-dessus) et ses col­lègues à l’école Stéphane-Hes­sel de Saint-Herblain a per­mis d’obtenir une place dans une struc­ture spé­cial­isée pour un élève, ain­si que l’arrivée de deux accompagnant·es d’élèves en sit­u­a­tion de hand­i­cap (AESH) dans l’établissement. Crédit : Maylis Rol­land pour La Défer­lante.

Devant le groupe sco­laire Stéphane-Hes­sel, une autre école de Saint-Herblain, dans le vent froid d’un matin de jan­vi­er, Alexan­dra et son ancien col­lègue Clé­ment Brochard se sou­vi­en­nent de la lutte menée ici il y a trois ans. « On s’est ren­du compte qu’on man­quait tous de moyens humains et édu­cat­ifs. Plusieurs enseignants avaient des dif­fi­cultés à gér­er seuls ces sit­u­a­tions. » Le 7 décem­bre 2021, elles et ils organ­isent une journée de grève. Sept écoles sont fer­mées – un événe­ment dans la com­mune. « Comme l’action par­tait du ter­rain, de ce qu’on vivait au quo­ti­di­en, les gens étaient plus déter­minés », racon­te Alexan­dra. La mobil­i­sa­tion fait tache d’huile. Le 13 jan­vi­er 2022, une grève nationale rassem­ble près de 5 000 manifestant·es à Nantes. Deux jours plus tard, des par­ents aident à blo­quer sym­bol­ique­ment l’école. À la fin du mois de mars, après plusieurs jours de fer­me­ture, l’équipe obtient une place dans une struc­ture spé­cial­isée pour un élève et l’arrivée de deux AESH dans l’établissement.

« D’une école à l’autre, les luttes ont un poids iné­gal parce qu’elles reposent beau­coup sur la mobil­i­sa­tion des par­ents. »

Ingrid, enseignante

Dans l’école où tra­vaille Juli­ette, le sou­tien des par­ents d’élèves a aus­si été déter­mi­nant. En 2023, les enseignant·es les invi­tent à une réu­nion d’urgence. « On a voulu être trans­par­ents : “On n’y arrive pas, on a besoin de votre aide.” Ils ont porté le com­bat avec nous », se sou­vient-elle. En jan­vi­er 2024, une cen­taine de par­ents et des per­son­nels périsco­laires se rassem­blent devant le bâti­ment. L’école obtient une dizaine d’heures d’AESH sup­plé­men­taires. Insuff­isant, mais assez pour souf­fler jusqu’à la fin de l’année.

Ces actions sont nour­ries par la base mil­i­tante, impor­tante dans l’agglomération, et le solide tis­su de sol­i­dar­ités locales. Mais d’une école à l’autre, « les luttes ont un poids iné­gal parce qu’elles reposent beau­coup sur la mobil­i­sa­tion des par­ents, analyse Ingrid, enseignante en mater­nelle. Le rec­torat va con­céder de petites amélio­ra­tions seule­ment quand ils met­tent la pres­sion. Cela donne l’impression que l’Éducation nationale se moque des con­di­tions de tra­vail des per­son­nels. » Un con­stat amer que partage Julie : « L’administration met des panse­ments sur des sit­u­a­tions de grande souf­france. Les répons­es sont sou­vent en grand décalage face à la vio­lence des sit­u­a­tions. »

Un idéal sans moyens

En France, depuis 2006, le nom­bre d’enfants en sit­u­a­tion de hand­i­cap scolarisé·es en milieu dit ordi­naire a triplé : aujourd’hui, ils et elles sont 519 0005 et représen­tent 3,3 % des élèves. Env­i­ron 60 % seule­ment béné­fi­cient d’une AESH – et certain·es unique­ment pour quelques heures par semaine. Si, en vingt ans, deux lois6 ont cher­ché à ren­forcer leur inclu­sion dans les écoles clas­siques, le bilan est plus que mit­igé. En cause notam­ment, l’absence de suivi de cette poli­tique publique. En 2024, la Cour des comptes relève : « Il n’y a pas d’indicateurs robustes en matière d’inclusion sco­laire. »

Autre prob­lème : les dif­fi­cultés de recrute­ment des AESH. Aujourd’hui, la grande majorité des con­trats cor­re­spon­dent à 60 % d’un temps plein – pour un salaire d’environ 800 euros par mois. Le méti­er est pré­caire, les con­di­tions de tra­vail dif­fi­ciles. « On est les “pre­mières de corvées” : 94 % de femmes, beau­coup de mères céli­bataires », analyse Maïwenn, AESH en Loire-Atlan­tique depuis neuf ans. Dans le départe­ment, elles sont près de 2 200 à se répar­tir des emplois du temps morcelés et changeants.

Faute d’accompagnement à l’école et de place en étab­lisse­ments adap­tés, de nom­breux enfants sont déscolarisé·es – et sou­vent gardé·es à la mai­son par des mères con­traintes d’arrêter le tra­vail. La prob­lé­ma­tique n’est pas seule­ment locale : en 2023, une enquête de la Drees7 con­state que les béné­fi­ci­aires de l’allocation d’éducation de l’enfant hand­i­capé (AEEH) « vivent plus sou­vent en famille mono­parentale et leurs par­ents ont une sit­u­a­tion moins favor­able sur le marché du tra­vail ». Dans 93 % des cas, le par­ent qui a la charge de l’enfant est leur mère.

Maïwenn est accom­pa­g­nante d’élèves en sit­u­a­tion de hand­i­cap depuis neuf ans : « On est les “pre­mières de corvées” : 94 % de femmes, beau­coup de mères céli­bataires. » Crédit : Maylis Rol­land pour La Défer­lante.

Jugé posi­tif par tous·tes les enseignant·es rencontré·es, l’objectif d’inclusion s’ajoute néan­moins à la liste des attentes qui s’empilent sur leurs épaules au rythme effréné des réformes. « Cinq min­istres se sont suc­cédé en un an… Au quo­ti­di­en, on reçoit des ordres et des con­tror­dres per­ma­nents », résume Julien, directeur d’école mater­nelle dans la région. En 2024, la Cour des comptes s’est inquiétée des risques psy­choso­ci­aux liés à la mise en place du principe d’inclusion sans les moyens humains cor­re­spon­dants : « Le manque de for­ma­tion, et par­fois l’absence d’informations pré­cis­es […], peut con­duire à une aug­men­ta­tion de la charge men­tale et du sen­ti­ment de mal-être. »

L’année précé­dente, des soci­o­logues décrivaient, dans un ouvrage col­lec­tif sur la pro­fes­sion (voir note 2), « des con­traintes insti­tu­tion­nelles crois­santes » pesant sur l’enseignement en pri­maire ces quinze dernières années. Pour les chercheur·euses, les dernières réformes ont généré, en plus de nou­velles tâch­es admin­is­tra­tives, un « boule­verse­ment des pra­tiques pro­fes­sion­nelles » et des « injonc­tions à l’innovation péd­a­gogique » qui aug­mentent la charge de tra­vail. Une expéri­ence vécue par Romain*, enseignant à Saint-Herblain : « Le tra­vail de pré­pa­ra­tion s’est mul­ti­plié pour s’adapter à cha­cun. On est oblig­és de faire des choix, de pri­oris­er. Alors on a tout le temps l’impression qu’on ne fait pas bien notre tra­vail. »

Les sup­pres­sions de class­es régulières (jus­ti­fiées selon le min­istère par la baisse de la démo­gra­phie) et les absences non rem­placées8 alour­dis­sent encore la charge de tra­vail. Au quo­ti­di­en, la plu­part des professeur·es des écoles doivent com­pos­er avec le stress chronique lié à la ges­tion de class­es sur­chargées et sous ten­sion. Pour les enfants à besoins spé­ci­fiques, « c’est par­fois trop com­pliqué de sup­port­er le bruit d’une classe toute la journée. D’autres ne sup­por­t­ent pas qu’on les touche. Ils ont pour­tant le droit d’être accueil­lis comme les autres, avec les moyens néces­saires », illus­tre Alexan­dra.

Rôle social invisibilisé

Depuis la mi-décem­bre 2024, les représen­tantes et représen­tants syn­di­caux du départe­ment ont reçu plusieurs cen­taines de sig­nale­ments sur des sit­u­a­tions qui abî­ment la san­té des professionnel·les. « On nous par­le de vio­lences physiques et ver­bales, de trou­bles du som­meil, de sit­u­a­tions d’épuisement… C’est expo­nen­tiel depuis quelques ren­trées », s’inquiète Annabel Cat­toni, cose­cré­taire départe­men­tale du FSU-SNUipp, le syn­di­cat majori­taire au sein de la pro­fes­sion. Plusieurs enseignantes inter­rogées rap­por­tent des sit­u­a­tions où, faute de moyens, la sécu­rité des per­son­nels et des enfants est mise à mal. Beau­coup font face à une perte de sens, un sen­ti­ment d’échec. Car, à moyens con­stants, impos­si­ble d’adapter sa péd­a­gogie à chaque enfant. « On se sent respon­s­able d’une vio­lence insti­tu­tion­nelle », décrit Anaïs Frou, enseignante dans une école élé­men­taire REP+ à Nantes. Une de ses élèves est vic­time de vio­lences sex­uelles : « Elle n’ose pas aller aux toi­lettes seule. Elle n’est pas en con­di­tion pour appren­dre. Ma pri­or­ité, c’est qu’elle se sente en sécu­rité dans ma classe. »

Annabel Cat­toni, secré­taire départe­men­tale du FSU-SNUipp, syn­di­cat majori­taire de la pro­fes­sion, lors d’une man­i­fes­ta­tion devant la direc­tion des ser­vices départe­men­taux de l’Éducation nationale de Loire-Atlan­tique. Crédit : Maylis Rol­land pour La Défer­lante.

Certes, les con­di­tions de tra­vail vari­ent d’une école à l’autre, mais les dif­fi­cultés se trou­vent tou­jours redou­blées dans les ter­ri­toires en grande pré­car­ité sociale. « C’est com­pliqué de dire à des enfants de faire leurs devoirs quand leurs besoins essen­tiels ne sont pas pris en charge. Par­fois, on doit arbi­tr­er entre la pré­pa­ra­tion d’un cours de gram­maire ou la rédac­tion de dossiers pour les pro­fes­sion­nels de san­té et les assis­tantes sociales. On n’avance pas dans nos pra­tiques didac­tiques parce que l’urgence est ailleurs », explique Anaïs Frou.

Corinne Maquignon, enseignante en CM1 à Nantes, accueille dans sa classe cinq enfants por­teurs de hand­i­cap, dont un qui souf­fre d’un trou­ble autis­tique. « Je sais appren­dre à lire, mais je ne suis pas for­mée pour m’occuper de lui. On n’est plus dans le péd­a­gogique. J’aime tou­jours mon méti­er, mais avant les vacances j’étais telle­ment fatiguée que je me suis mise à pleur­er devant mes élèves. Même les jeunes col­lègues sont épuisées. » Élue et mil­i­tante à SUD édu­ca­tion, Juli­ette défend en instance départe­men­tale le recours au temps par­tiel. « Ce serait un moyen de pren­dre soin des per­son­nels en souf­france, afin qu’ils ne craque­nt pas. Certain·es ont peur tout l’été avant la ren­trée. »

Anaïs Frou (à gauche) et Solène Sauvaget (à droite), enseignantes dans le pre­mier degré et syn­di­cal­istes à SUD édu­ca­tion. Crédit : Maylis Rol­land pour La Défer­lante.

« On se sent respon­s­able d’une vio­lence insti­tu­tion­nelle. »

Anaïs Frou, enseignante

En 2008, Xavier Dar­cos, alors min­istre de l’Éducation nationale, s’agaçait, en par­lant des enseignant·es de mater­nelle, de « con­cours à bac + 5 [pour] des per­son­nes dont la fonc­tion va être essen­tielle­ment de faire faire des siestes à des enfants ou de leur chang­er les couch­es. » Une sor­tie qui trahis­sait une « con­fu­sion per­sis­tante entre le tra­vail domes­tique et une pro­fes­sion qui demande des qual­i­fi­ca­tions. Mais aus­si d’une con­de­scen­dance pour un méti­er con­stru­it comme “féminin” et déval­orisé », décrypte la soci­o­logue Mar­laine Cacouault. Aujourd’hui encore, des dis­cours témoignent de l’héritage d’un dou­ble stan­dard dans les représen­ta­tions : pen­dant longtemps, le tra­vail des insti­tutri­ces était con­sid­éré comme le pro­longe­ment de l’éducation de leurs enfants, quand les insti­tu­teurs, sou­vent impliqués dans la vie poli­tique locale, étaient glo­ri­fiés en tant que « hus­sards noirs de la République », selon l’image célèbre de l’écrivain Charles Péguy.

Mal­gré leur engage­ment sur le ter­rain, leur rôle social et l’ampleur de leurs mis­sions sont invis­i­bil­isés. « Il m’arrive de rester une heure en ren­dez-vous avec des par­ents éloigné·es de l’école pour dis­cuter, les ras­sur­er », racon­te Solène Sauvaget. Lorsqu’elle par­le de son méti­er, Maïwenn évoque même « un côté sac­ri­fi­ciel » : « On se dit que si on fait grève ou qu’on est malade, l’enfant ne sera pas accom­pa­g­né. » Pour les AESH comme pour les enseignant·es, le sen­ti­ment de cul­pa­bil­ité et les dys­fonc­tion­nements struc­turels empêchent par­fois de pren­dre un arrêt de tra­vail : « On sait que nos col­lègues vont récupér­er nos élèves, que ça va être plus dur pour eux », souf­fle Corinne Maquignon. En dépit des dys­fonc­tion­nements struc­turels qui abî­ment ses fonc­tion­naires et contractuel·les, le château de cartes de l’école publique ne s’effondre pas encore. « Comme dans d’autres métiers, peut-être que le sys­tème tient parce que les femmes tien­nent, mal­gré tout », s’interroge Julie.

*Les per­son­nes désignées par leur prénom n’ont pas souhaité que leur nom de famille soit men­tion­né.

*Le prénom a été mod­i­fié.


  1. Le tra­vail du care (« soin » en anglais) désigne les activ­ités, essen­tielle­ment pris­es en charge par les femmes, dans lesquelles le souci des autres est cen­tral. Lire notre glos­saire ci-dessous. ↩︎
  2. Voir l’ouvrage col­lec­tif Professeur·e·s des écoles, soci­olo­gie d’une pro­fes­sion dans la tour­mente, L’Harmattan, 2023. ↩︎
  3. Dans les étab­lisse­ments REP (Réseau d’éducation pri­or­i­taire) et REP+, les enseignant·es béné­fi­cient de con­di­tions pro­fes­sion­nelles par­ti­c­ulières (effec­tifs de class­es réduits, heures de for­ma­tion sup­plé­men­taires…) afin de cor­riger l’impact des iné­gal­ités sociales sur le niveau sco­laire. ↩︎
  4. Cet indi­ca­teur cal­culé par l’Éducation nationale traduit la sit­u­a­tion socio-économique des familles des enfants accueilli·es dans un étab­lisse­ment sco­laire. ↩︎
  5. Table ronde du Sénat « Quel bilan pour l’école inclu­sive ? » du 15 jan­vi­er 2025, con­sultable en ligne sur le site du Sénat. ↩︎
  6. La loi du 11 févri­er 2005 pose les jalons d’une poli­tique glob­ale d’égalité des droits pour les per­son­nes hand­i­capées. Celle du 8 juil­let 2013 est une loi d’orientation de l’école, et intro­duit dans le Code de l’éducation la notion d’école inclu­sive. ↩︎
  7. « Modes de garde et d’accueil des jeunes enfants hand­i­capés : les par­ents en pre­mière ligne », enquête de la Direc­tion de la recherche, des études, de l’évaluation et des sta­tis­tiques (Drees), 2023, con­sultable en ligne. ↩︎
  8. Du 20 au 24 jan­vi­er 2025, une enquête locale menée par SUD édu­ca­tion sur la base des témoignages de 70 écoles a recen­sé 242 jours de class­es man­quants, faute de rem­place­ments. ↩︎

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Sarah Bosquet

Journaliste membre du collectif Hors Cadre, elle s’intéresse à l’actualité carcérale, à la dépollution des friches industrielles ou à l’accompagnement des victimes de violences sexistes et sexuelles. Dans nos pages, elle signe l’enquête sur le burn out dans les associations féministes. Voir tous ses articles

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