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Mineur·es trans : démonter les arguments transphobes

Le 28 mai 2024, le Sénat exam­in­era une propo­si­tion de loi visant à inter­dire toute tran­si­tion médi­cale aux mineur·es. Ce texte prend appui sur un rap­port séna­to­r­i­al truf­fé de déc­la­ra­tions sci­en­tifiques erronées qui nour­rit, depuis des mois, par l’intermédiaire de médias con­ser­va­teurs, une panique morale au sujet des enfants et des ados trans. Dans cette newslet­ter, Lilas Pepy, jour­nal­iste spé­cial­iste des ques­tions LGBT+, démonte qua­tre des con­tre-vérités véhiculées sur les mineur·es trans.
Publié le 17/05/2024

Modifié le 16/01/2025

Manifestation contre la transphobie, à Rennes, le 4 mai 2024. Crédit photo : Louise Quignon / Divergence.
Man­i­fes­ta­tion con­tre la trans­pho­bie, à Rennes, le 4 mai 2024. Crédit pho­to : Louise Quignon / Diver­gence.

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°14 Dessin­er, paru en mai 2024. Con­sul­tez le som­maire.

En mars dernier est paru le rap­port « La tran­si­d­en­ti­fi­ca­tion des mineurs », pro­duit par des sénateur·ices Les Répub­li­cains (LR). Les sites d’information Les Jours et Medi­a­part l’épinglent pour son absence de méthodolo­gie et de rigueur sci­en­tifique.

On apprend aus­si que Céline Mas­son et Car­o­line Eli­ach­eff, cofon­da­tri­ces de l’Observatoire de la petite sirène (une asso­ci­a­tion ouverte­ment opposée aux tran­si­tions des mineur·es) ont été mis­sion­nées et rémunérées, sur fonds publics, pour sa rédac­tion. Ce rap­port a débouché sur une propo­si­tion de loi (PPL), défendue par la séna­trice Jacque­line Eustache-Brinio, opposée à l’interdiction des thérapies de con­ver­sion et à l’institutionnalisation de l’interruption volon­taire de grossesse (IVG). Cette PPL sug­gère, entre autres, l’interdiction des tran­si­tions sociales et médi­cales avant la majorité, à rebours des recom­man­da­tions inter­na­tionales actuelles.

Dans un avis défa­vor­able à cette PPL, la Défenseure des droits souligne les risques d’atteinte aux droits de l’enfant qu’elle sous-tend et rap­pelle la néces­sité de respecter la notion d’identité de genre, inscrite dans le droit français.

Des jour­naux con­ser­va­teurs, comme Le Point, n’ont pas hésité pas à repren­dre les affir­ma­tions alarmistes (et un brin com­plo­tistes) que con­tient le rap­port (« les élus veu­lent prévenir un “scan­dale d’État” »…), sans jamais ques­tion­ner sa pro­bité. La parole trans­pho­be se banalise aus­si dans les médias audio­vi­suels (on pense aux déc­la­ra­tions de Ségolène Roy­al sur BFM-TV sur les per­tur­ba­teurs endocriniens qui auraient un effet sur les tran­si­tions de genre)

La sat­u­ra­tion de l’espace pub­lic par les dis­cours haineux a ten­dance à faire oubli­er que le respect des per­son­nes trans est un droit fon­da­men­tal et une lutte quo­ti­di­enne. Comme toutes les autres per­son­nes, les trans devraient avoir le droit de décider de leurs vies et de faire leurs pro­pres choix. Une péti­tion, ini­tiée par l’association Toutes des femmes, demande notam­ment que soient facil­ités les change­ments de genre à l’état civ­il.

Voici quelques infor­ma­tions clés pour bat­tre en brèche les argu­ments dits sci­en­tifiques dont se tar­guent les séna­teur·ices LR et les asso­ci­a­tions anti-trans, au nom d’une pré­ten­due « pro­tec­tion de l’enfant » :

 

1- Le mythe de la « dys­pho­rie de genre à appari­tion rapi­de »

 

Dans une étude pub­liée en 2018, la Dr Lisa Littman, gyné­co­logue et pro­fesseure à l’université Brown aux États-Unis, évoque une nou­velle forme de « dys­pho­rie de genre » : la rapid-onset gen­der dys­pho­ria (ROGD, dys­pho­rie de genre à appari­tion rapi­de). Selon cette médecin, les jeunes présen­tant une san­té men­tale dégradée seraient encouragé·es à tran­si­tion­ner par les réseaux soci­aux, et ce de façon par­ti­c­ulière­ment rapi­de. La méthodolo­gie de son tra­vail a été vive­ment cri­tiquée par d’autres médecins : l’étude pure­ment déclar­a­tive a été réal­isée auprès de par­ents d’enfants trans et non directe­ment auprès des jeunes en ques­tion, leur recrute­ment s’est fait sur des sites à la sen­si­bil­ité anti-trans, les preuves et les liens de causal­ité man­quent. Une cor­rec­tion est finale­ment pub­liée, qui nuance très large­ment ses obser­va­tions. En 2021, une étude clin­ique affirme qu’il n’existe aucun lien entre tran­si­tions et fréquen­ta­tion des réseaux soci­aux. Cela n’empêche pas l’Observatoire de la petite sirène de se référ­er à l’étude de 2018 et à son autrice. Et encore moins la séna­trice Jacque­line Eustache-Brinio d’y faire référence dès le titre du rap­port avec l’emploi du terme « Tran­si­d­en­ti­fi­ca­tion ».

Pour expli­quer la demande crois­sante de tran­si­tion des mineur·es – qui con­naît un peu partout une sta­bil­i­sa­tion –, les soignant·es spécialisé·es sur ces ques­tions, comme les asso­ci­a­tions, soulig­nent l’importance de la médi­ati­sa­tion récente des per­son­nes trans, don­nant aux adolescent·es la pos­si­bil­ité de s’identifier à de nou­veaux mod­èles. Parce que, de la même façon que garçons ou filles ont tou­jours con­stru­it leur iden­tité de genre par mimétisme avec d’autres hommes ou femmes, les jeunes trans voient ain­si s’ouvrir de nou­velles pos­si­bil­ités.

 

2- La tran­si­d­en­tité serait un trou­ble « psy­chique »

 

Esti­mant qu’un suivi psy­chi­a­trique per­me­t­trait de « faire dis­paraître » la tran­si­d­en­tité, certain·es soignant·es pra­tiquent des thérapies « exploratoires » ou des pris­es en charge « pru­dentes ». Selon ces thérapeutes, la tran­si­d­en­tité serait la man­i­fes­ta­tion d’un trou­ble psy­chique et pour­rait donc être « guérie ». C’est ce même pos­tu­lat qui motive les thérapies de con­ver­sion, inter­dites en France depuis le 31 jan­vi­er 2022. Une étude améri­caine menée auprès de plus de 27 000 adultes trans­gen­res exposé·es à des thérapies de con­ver­sion pen­dant l’enfance et pub­liée en 2020 mon­tre des taux sig­ni­fi­cat­ifs de détresse et/ou de ten­ta­tives de sui­cide.

À l’inverse, les approches thérapeu­tiques dites « trans-affir­ma­tives » respectent le choix des per­son­nes mineures d’explorer leur genre, tant au sein de leur famille qu’à l’école. Elles prévoient un accom­pa­g­ne­ment par des équipes for­mées et fig­urent dans les dernières recom­man­da­tions sur la prise en charge des mineur·es trans de l’Association mon­di­ale des pro­fes­sion­nels en san­té trans­genre (WPATH), référente en la matière.

 

3- Les traite­ments hor­monaux seraient irréversibles et pre­scrits trop facile­ment  

Pre­scrits depuis les années 1990 à des enfants dont la puberté se man­i­feste de manière très pré­coce, les blo­queurs de puberté sont util­isés pour les mineur·es trans depuis une ving­taine d’années, au moment de l’apparition de la poitrine ou de la crois­sance tes­tic­u­laire. Ces molécules empêchent le développe­ment de car­ac­téris­tiques physiques spé­ci­fiques au sexe de nais­sance. Leurs effets sont réversibles et la puberté reprend à l’arrêt du traite­ment. Quant à la baisse de den­sité osseuse provo­quée par les blo­queurs qui inquiète les milieux anti-trans, elle se rétablit au bout de cinq à dix ans, sans risque à long terme pour la san­té.

Pris­es dans le cadre d’une tran­si­tion – avec ou sans blo­queurs de puberté en amont –, les hor­mones fémin­isantes ou mas­culin­isantes favorisent, de leur côté, l’apparition de car­ac­téris­tiques sex­uelles sec­ondaires du genre souhaité (pilosité, poitrine, masse mus­cu­laire). Leurs effets sur le bien-être des jeunes en font un argu­ment en faveur d’un accès à ces traite­ments si elles et ils en ressen­tent le besoin. Une étude de 2019 mon­tre en effet un taux sig­ni­fica­tive­ment plus faible des trou­bles anx­ieux ou dépres­sifs et d’idées sui­cidaires chez les mineur·es ayant eu recours aux blo­queurs de puberté, com­paré à ceux qui n’en ont pas encore béné­fi­cié.

Rap­pelons que ces pris­es en charge médi­cales éma­nent de recom­man­da­tions de sociétés savantes telles que la Société mon­di­ale d’endocrinologie et de la WPATH qui ont établi – des cen­taines de références sci­en­tifiques à l’appui – que le rap­port béné­fice-risque était en faveur du recours aux blo­queurs comme des hor­mones lorsque les con­di­tions étaient réu­nies.

Du reste, la prise d’hormones n’est pas sys­té­ma­tique et se fait avec l’accord des par­ents à la suite de nom­breuses con­sul­ta­tions et de réu­nions pluridis­ci­plinaires entre les soignant·es et les familles, dans des lieux de con­sul­ta­tions spé­ci­fiques. Au sein de la con­sul­ta­tion spé­cial­isée de la Pitié-Salpêtrière, à Paris, sur plus de 230 enfants suivi·es en dix ans, 11 % ont reçu des blo­queurs de puberté, et 44 % des traite­ments hor­monaux de mas­culin­i­sa­tion ou de fémin­i­sa­tion dans un délai de dix à qua­torze mois après la pre­mière con­sul­ta­tion (respec­tive­ment à un âge moyen de 13,9 ans et de 16,9 ans).

 

4- Le mythe des « détran­si­tions »  

Moti­vant la volon­té d’interdire l’accès aux traite­ments avant la majorité, il y aurait le risque, bran­di par les col­lec­tifs anti-trans, que les jeunes regret­tent leur choix par la suite et retran­si­tion­nent vers leur genre de nais­sance. Les don­nées à ce sujet demeurent peu nom­breuses, et l’amplitude des chiffres (1 % à 6 %) s’explique par une méthodolo­gie approx­i­ma­tive. À quel âge les répondant·es ont-elles et ils été interrogé·es ? Leur a‑t-on demandé si elles et ils avaient béné­fi­cié du sou­tien de leurs proches, d’un accom­pa­g­ne­ment psy­choso­cial et d’un véri­ta­ble suivi médi­cal ? Ain­si, certain·es répondant·es déclar­ent avoir renon­cé à leur tran­si­tion sous l’influence de leur entourage ou du fait de n’avoir béné­fi­cié d’aucun sou­tien. En France, dans les 18 con­sul­ta­tions spé­cial­isées qui exis­tent sur le ter­ri­toire, seule­ment 0,3 % de jeunes ont retran­si­tion­né.

 


→ Retrou­vez les recom­man­da­tions ain­si que l’agenda de la rédac­tion juste ici.

Lilas Pepy

Journaliste indépendant·e, iel travaille sur les discriminations dans l'accès aux soins des personnes LGBT+ ou incarcérées, la santé mentale ou encore la formation des professionnel·les du soin. Voir tous ses articles

Dessiner : esquisse d’une émancipation

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°14 Dessin­er, paru en mai 2024. Con­sul­tez le som­maire.


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