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Mère de famille : la nouvelle star

Quelles représen­ta­tions de la mater­nité la télé-réal­ité donne-t-elle ? Dans sa chronique sur la pop cul­ture et le genre, la jour­nal­iste Nora Bouaz­zouni s’intéresse aux mères de famille qui peu­plent les plate­formes de replay et Insta­gram.
Publié le 02/02/2024

Modifié le 16/01/2025

La Défer­lante

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°13 Avorter, paru en mars 2024. Con­sul­tez le som­maire.

Alors que, en France, la natal­ité baisse depuis cinq ans, la télévi­sion chercherait-elle à redress­er notre taux de fécon­dité ? Les émis­sions qui van­tent les joies de la vie en famille se sont mul­ti­pliées ces dernières années sur le petit écran. Vis­i­bles sur les chaînes des groupes TF1 et M6, elles sont surtout regardées en replay sur Inter­net.

Dans « Baby Boom » (TF1) et « 7 jours 7 nuits à la mater­nité » (6ter, fil­iale de M6), des mater­nités flam­bant neuves, où œuvre un per­son­nel soignant nom­breux et heureux, sont équipées de caméras qui fil­ment en con­tinu les his­toires des cou­ples (tou­jours hétéros) venus accueil­lir leur enfant. Entre deux séquences où madame racon­te sa grossesse et ses craintes con­cer­nant l’accouchement – tan­dis que mon­sieur fait la plante verte –, le pub­lic assiste aux dis­cus­sions avec (ou entre) les sages-femmes, puis direc­tion la salle de tra­vail, pour un final en accéléré sur une musique dra­ma­tique. Mais tout est bien qui finit (presque) tou­jours bien : l’enfant naît en bonne san­té, et la mère n’a subi aucune de ces vio­lences obstétri­cales dénon­cées depuis quelques années par les col­lec­tifs fémin­istes. « C’est mag­ique », nous répète-t-on.

Exal­ta­tion des ménages grand for­mat, « Familles nom­breuses : la vie en XXL » (TF1) et « Ma famille très nom­breuse » (M6) met­tent en scène le quo­ti­di­en de par­ents hétéros – eux aus­si – qui élèvent qua­tre enfants ou plus. Une vraie curiosité, puisque ils et elles représen­tent à peine 5,7 % des familles, selon l’Insee. Ce que dis­ent aus­si les sta­tis­tiques, c’est que les enfants de ces familles très nom­breuses sont dans 43 % des cas des enfants pau­vres. Or, à la télé, si cer­tains par­ents ouvri­ers ne roulent claire­ment pas sur l’or, per­son­ne ne saute de repas pour économiser sur les cours­es au super­marché, et tout le monde part en vacances.

L’émancipation passerait par la maternité

Mal­gré tout, ces émis­sions de diver­tisse­ment dis­ent pour par­tie la vérité : ce sont essen­tielle­ment les femmes qui aban­don­nent leur activ­ité pro­fes­sion­nelle pour s’occuper des enfants. En 2020, 31 % des mères de plus de qua­tre enfants sont des mères dites « au foy­er », con­tre 1 % des pères2. Les revenus de ces derniers sont donc sou­vent les seuls du ménage, même si leurs con­jointes ten­tent par­fois de lancer leur entre­prise. Mais dans ces émis­sions, la répar­ti­tion des rôles selon le genre n’est jamais ques­tion­née : les femmes s’affirment générale­ment très épanouies par leur « méti­er de maman » et ravies de se far­cir tout le tra­vail repro­duc­tif ; les pères, de leur côté, ne ren­trent le soir que pour met­tre les pieds sous la table et con­nais­sent à peine l’âge de leurs enfants. Ces émis­sions dif­fusent finale­ment l’idée trompeuse d’une éman­ci­pa­tion qui passerait par la mater­nité, en présen­tant la divi­sion sex­uelle du tra­vail comme naturelle, équitable et néces­saire­ment grat­i­fi­ante. Un monde mag­ique où le burn-out mater­nel n’existe pas plus que la dépres­sion post-par­tum.

Injonctions à la perfection et discours réactionnaires

Ce que ces pro­grammes ne mon­trent pas non plus, c’est com­ment ces femmes, en plus de gér­er seules le quo­ti­di­en, moné­tisent la médi­ati­sa­tion de leur famille à tra­vers une présence impor­tante sur les réseaux soci­aux. La con­ti­nu­ité paie, certes, puisque fortes de cen­taines de mil­liers d’abonné·es sur Insta­gram ou Tik­Tok, elles sont cour­tisées par de nom­breuses mar­ques (sham­poo­ings, vête­ments pour enfants, bijoux, etc.) dont elles font la pro­mo­tion. Une source de revenus non nég­lige­able pour main­tenir un quo­ti­di­en con­fort­able, mais qui repose sur l’exploitation d’images d’enfants mineurs. Même con­stat chez « Les Mamans » (M6), dont cer­taines pro­tag­o­nistes devi­en­nent influ­enceuses et… mères de familles nom­breuses. « Mamans et célèbres » (TF1) met en scène, de son côté, des can­di­dates de télé­-réal­ité dev­enues épous­es et mères au foy­er. Ici, la mater­nité est présen­tée par la chaîne comme la cau­tion morale de femmes sou­vent hyper­sex­u­al­isées par le passé, « une forme de rite vertueux vers une image […] plus respectable », analyse l’autrice et soci­o­logue Illana Weiz­man. Entre injonc­tions à la per­fec­tion – elles sont tou­jours tirées à qua­tre épin­gles, comme leurs enfants et leurs intérieurs – et dis­cours réac­tion­naires, ces mères enten­dent ain­si « racheter » leur anci­enne vie et éten­dre du même coup leur sphère d’influence à un pub­lic plus con­ser­va­teur.

Depuis la fin des années 1990, de nom­breuses études mon­trent à quel point la télévi­sion influ­ence nos modes de vie, jusqu’à notre com­porte­ment repro­duc­tif. De la même manière, les réseaux soci­aux comme Insta­gram et ses « insta­mums » à l’esthétique léchée dif­fusent une rhé­torique ultra nor­ma­tive bour­rée d’injonctions, entre sur­val­ori­sa­tion de la domes­tic­ité, féminité hégé­monique et mater­nité nat­u­ral­isée. Il n’est pas ques­tion de juger les femmes au foy­er ni celles qui ont six enfants, mais de rester vigilant·es sur le pou­voir des médias de masse, pro­priétés de busi­ness­men aux agen­das poli­tiques chargés, et dont les pro­grammes sont capa­bles de nor­malis­er ou de glam­ouris­er cer­tains com­porte­ments pour les con­ver­tir en idéaux. •

Mem­bre du comité édi­to­r­i­al de La Défer­lante, Nora Bouaz­zouni est jour­nal­iste. Cette chronique est la dernière d’une série de cinq.

Nora Bouazzouni

Journaliste indépendante, écrivaine et traductrice, elle écrit sur les questions d’alimentation, le genre et la pop culture. Elle est membre du comité éditorial de La Déferlante. Voir tous ses articles

Avorter : une lutte sans fin

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°13 Avorter, paru en mars 2024. Con­sul­tez le som­maire.


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