Warning: Attempt to read property "ID" on int in /home/clients/f3facd612bb3129d1c525970fad2eeb3/sites/tpp.revueladeferlante.org/wp-content/themes/Divi/includes/builder/post/PostStack.php on line 62

Au Brésil, Marielle Franco : un héritage bien vivant

[ARCHIVES JUIN 2021] L’élue noire, bisex­uelle et issue d’un quarti­er pau­vre de Rio de Janeiro a été assas­s­inée le 14 mars 2018. Dans un pays aujourd’hui dirigé par l’extrême droite, toute une généra­tion de fémin­istes – des femmes noires, les­bi­ennes, trans – émerge sur la scène poli­tique en se récla­mant de son com­bat et monte mas­sive­ment au front pour occu­per les places d’élues qui leur avaient été jusqu’ici refusées.
Publié le 31/05/2023

Modifié le 16/01/2025

Article « Au Brésil, Marielle Franco : un héritage bien vivant » - La Déferlante #2

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue papi­er La Défer­lante n°2. La Défer­lante est une revue trimestrielle indépen­dante con­sacrée aux fémin­ismes et au genre. Tous les trois mois, en librairie et sur abon­nement, elle racon­te les luttes et les débats qui sec­ouent notre société.

« Je ne serai pas inter­rompue ! Je ne m’arrêterai pas parce qu’un homme n’est pas capa­ble d’entendre la posi­tion d’une femme élue ! » C’était le 8 mars 2018, à l’assemblée munic­i­pale de Rio de Janeiro : Marielle Fran­co, con­seil­lère munic­i­pale, mem­bre du Par­ti social­isme et lib­erté (PSOL) et mil­i­tante fémin­iste de pre­mier plan, prononce un dis­cours sur le rôle poli­tique des femmes.

Elle insiste sur le mot « élue » (elei­ta en por­tu­gais), en détache les syl­labes. Un an et demi après la des­ti­tu­tion de l’ex-présidente Dil­ma Rouss­eff (Par­ti des tra­vailleurs) et alors que les attaques con­tre la démoc­ra­tie brésili­enne se mul­ti­plient, Marielle Fran­co réaf­firme ce jour-là sa légitim­ité à se tenir devant cette assem­blée. Souri­ante, elle défie du regard et inter­pelle un homme qui, du fond de la salle, man­i­feste son désac­cord : « Il y a encore des hommes pour s’adresser aux femmes noires en leur par­lant de leurs corps comme si nous étions à l’époque de l’esclavage. Mais c’est fini, chéri ! On est dans un proces­sus démoc­ra­tique, il va désor­mais fal­loir que tu fass­es avec les femmes noires, trans, les­bi­ennes, dans tous les espaces. »

Six jours après ce dis­cours, le 14 mars 2018, vers 21 h 30, Marielle Fran­co, 38 ans, est assas­s­inée dans les rues de Rio de Janeiro. Son corps ain­si que celui de son chauf­feur, Ander­son Gomes, seront retrou­vés criblés de balles dans sa voiture. Les jours suiv­ants, au Brésil et dans le monde, une vague de rassem­ble­ments inonde les cen­tres des grandes villes. Un mou­ve­ment qui n’a pas faib­li. Trois ans après son assas­si­nat, la lutte visant à obtenir vérité et jus­tice pour Marielle Fran­co con­tin­ue de mobilis­er une grande par­tie du mou­ve­ment social brésilien ; son prénom est devenu un éten­dard pour toutes celles et ceux qui cherchent à résis­ter au gou­verne­ment de Jair Bol­sonaro, prési­dent du Brésil depuis le 1er jan­vi­er 2019, et à sa poli­tique supré­maciste.

Engagée dans la défense des plus vul­nérables, Marielle Fran­co avait placé au cœur de son man­dat l’action en faveur des quartiers pau­vres des fave­las, la lutte pour la jus­tice sociale, la dénon­ci­a­tion des vio­lences d’État, raciale et de genre, ain­si que la défense des droits LGBT. Au con­seil munic­i­pal, elle avait notam­ment présen­té un pro­jet de loi pour que la ville recense les sta­tis­tiques des vio­lences con­tre les femmes. Elle dénonçait aus­si régulière­ment les vio­lences poli­cières et les meurtres com­mis par la police mil­i­taire dans les quartiers pau­vres.

Près de 70 % des victimes de violences de genre sont des femmes noires

Si cet assas­si­nat visait à instau­r­er la peur et la paralysie, il a eu l’effet inverse : aujourd’hui, Marielle Fran­co inspire une généra­tion de femmes noires qui ont décidé, dans son sil­lage, d’occuper les espaces insti­tu­tion­nels et poli­tiques qui leur étaient jusque-là refusés. « Avec la mort de Marielle, nous nous sommes ren­du compte que, même élues, on pou­vait être assas­s­inées et ça a été un choc », analyse Car­oli­na Iara, étu­di­ante noire, élue en novem­bre 2020 à la munic­i­pal­ité de São Paulo. Se définis­sant comme trav­es­tie, Car­oli­na Iara est inter­sexe, séropos­i­tive et mem­bre du man­dat col­lec­tif fémin­iste Ban­ca­da fem­i­nista¹. Nous la ren­con­trons à l’assemblée munic­i­pale. Elle est assise à la tri­bune, entourée des autres mem­bres du man­dat. Ici, Car­oli­na est lit­térale­ment cernée par les fon­da­teurs de la ville, représen­tés sur d’immenses tableaux affichés aux murs et dans lesquels ne fig­urent aucun Noir ni aucune femme. « Nous devons nous mobilis­er, occu­per l’espace insti­tu­tion­nel et être nous-mêmes les actri­ces de ce mou­ve­ment. En tuer une, peut-être, mais des mil­liers, ça n’est plus pos­si­ble. »

Femme noire, bisex­uelle, mère et issue d’une favela, Marielle incar­nait divers­es iden­tités opprimées du Brésil. Nom­breuses sont les femmes qui, aujourd’hui encore, se recon­nais­sent en elle : non seule­ment celles qui, sur le front de la poli­tique insti­tu­tion­nelle, repren­nent son flam­beau, mais aus­si « la dame qui vend des beignets en bas de la rue dans notre quarti­er », comme le souligne sa sœur, Anielle Fran­co². Car l’assassinat de la jeune con­seil­lère munic­i­pale s’inscrit dans une réal­ité struc­turelle et his­torique au Brésil où un·e jeune Noir·e meurt toutes les vingt-trois min­utes, selon l’ONU. Une vio­lence qui s’est encore aggravée depuis l’arrivée au pou­voir du prési­dent d’extrême droite Jair Bol­sonaro. D’après le baromètre annuel 2019 de la Coali­tion sol­i­dar­ité Brésil – qui regroupe des asso­ci­a­tions de sol­i­dar­ité inter­na­tionale, sur 6 000 per­son­nes tuées par la police, près de 80 % sont noires. Les meurtres trans­pho­bes ont quant à eux aug­men­té de près de 50 % au pre­mier trimestre 2020. Et presque 70 % des vic­times de vio­lences de genre sont des femmes noires. La mort de Marielle rap­pelle aus­si le « passé mal résolu du Brésil : un pays forgé dans la plus grande bru­tal­ité, comme celle du géno­cide des peu­ples autochtones, de l’esclavagisme, des dic­tatures et des coups d’État », ain­si que le soulig­nait au print­emps dernier sur Twit­ter la veuve de Marielle Fran­co, Mon­i­ca Beni­cio, élue à la munic­i­pal­ité de Rio.

Dans la cap­i­tale économique brésili­enne, Paula Nunes, égale­ment mem­bre de la Ban­ca­da fem­i­nista se sou­vient du rassem­ble­ment des femmes noires du PSOL dans la rue, au lende­main de la mort de Marielle. « On a fait un pacte : on s’est promis que Marielle était une graine dont nous seri­ons les fruits. En voulant la faire taire, ils ont réveil­lé des mil­liers d’autres voix dans tout le pays. » Pour la mil­i­tante afro-fémin­iste, ce moment est aus­si celui d’une rup­ture : « Moi qui lut­tais depuis si longtemps dans les mou­ve­ments soci­aux, j’ai com­pris que j’allais devoir, moi aus­si, occu­per des fonc­tions insti­tu­tion­nelles. Cela nous a tou­jours été refusé. La mort de Marielle c’est cela : on l’a assas­s­inée pour qu’elle ne siège pas. »

Pre­mière députée noire et trans au monde, Eri­ca Malun­guin­ho siège à l’assemblée lég­isla­tive de l’État de São Paulo depuis le 7 octo­bre 2018. Artiste, mil­i­tante engagée dans le mou­ve­ment noir, elle détonne au sein de cette insti­tu­tion très blanche et hétéronor­mée. Son cab­i­net y côtoie ceux de fer­vents sup­port­ers de Jair Bol­sonaro, aux portes desquels s’affiche la devise du par­ti prési­den­tiel Alliance pour le Brésil, « Dieu, Patrie, Famille ». Eri­ca ne se laisse pas intimider : elle nous reçoit au vu et au su de tous et toutes, au cen­tre de l’assemblée vide, trô­nant sur un siège en cuir. « Ils n’ont pas unique­ment tué Marielle, ils ont aus­si essayé de détru­ire une lutte poli­tique. En tant que mil­i­tantes noires, nous avons la respon­s­abil­ité, au sein d’un proces­sus his­torique, de don­ner une con­ti­nu­ité à cette lutte. Il y a du change­ment : lors de ces dernières élec­tions, de nom­breuses femmes trans ont été élues au Brésil. »

Aux élec­tions munic­i­pales en novem­bre 2020, 3 521 femmes noires ont obtenu un siège, soit 22 % de plus que lors du scrutin précé­dent, qua­tre ans plus tôt. Si elles ne représen­tent que 6 % du total des élu·es, elles ont sou­vent béné­fi­cié d’un sou­tien pop­u­laire et obtenu des scores très élevés. À Recife, Por­to Ale­gre, Rio de Janeiro, Vito­ria ou encore Belém, des can­di­dates noires comptent par­mi celles ayant rassem­blé le plus de votes. Au sud du pays, dans la ville de São Paulo, Eri­ka Hilton, femme noire et trans, est la can­di­date qui a recueil­li le plus de suf­frages au pre­mier tour des élec­tions munic­i­pales du 15 novem­bre 2020. Selon l’Antra (Asso­ci­a­tion nationale de travesti·es et transsexuel·les), le nom­bre d’élues trans – 30 dans l’ensemble du pays – a aug­men­té de 275 % en 2020.

Si, pour la pre­mière fois, des femmes noires siè­gent dans les con­seils munic­i­paux, d’autres devi­en­nent préfètes et d’autres encore pren­nent la tête de groupes par­lemen­taires. C’est notam­ment le cas au PSOL, avec Talíria Petrone à l’Assemblée nationale, et avec Rena­ta Souza à l’assemblée lég­isla­tive de l’État de Rio de Janeiro. Alors que le gou­verne­ment brésilien s’obstine à min­imiser la pandémie du Covid-19 et s’enlise dans une ges­tion cat­a­strophique de la crise san­i­taire, ces nou­velles élues imposent un rap­port de force poli­tique, à l’échelon local comme à celui des États, notam­ment autour des ques­tions de poli­tique de san­té publique et des enjeux con­cer­nant la vac­ci­na­tion. Elles sont aus­si très engagées dans le sou­tien aux familles qui souf­frent de famine, dans un con­texte de paupéri­sa­tion des class­es pop­u­laires.

Avec la lev­ée des con­damna­tions qui pesaient sur l’ancien prési­dent Lula et le retour de son éli­gi­bil­ité³, l’horizon poli­tique pour­rait s’ouvrir de nou­veau à gauche et devenir plus favor­able à ces nou­velles élues. Cepen­dant, même si la diver­si­fi­ca­tion de la représen­ta­tion poli­tique évolue de manière sig­ni­fica­tive, elle reste minori­taire rap­portée à l’échelle du pays. « Il n’y a pas encore de véri­ta­ble change­ment de la représen­ta­tion au Brésil, mais on va dans ce sens », analyse Rena­ta Souza, députée de l’État de Rio de Janeiro, qui tra­vaille sous le regard de celle qui fut son amie : les murs de son bureau sont cou­verts de por­traits de Marielle.

Pour la soci­o­logue brésili­enne Ana Car­oli­na Lourenço, ces nou­velles élues s’inscrivent dans le mou­ve­ment des femmes noires, struc­turé au Brésil dans les années 1980, et duquel émer­gent des penseuses telles que Lélia Gon­za­lez, Sueli Carneiro et Beat­riz Nasci­men­to, qui font aujourd’hui fig­ure de men­tores pour cette nou­velle généra­tion. Un mou­ve­ment qui ne peut se com­pren­dre que dans l’héritage de la péri­ode colo­niale et de l’esclavage. « Cette his­toire explique sans doute la manière dont les femmes noires brésili­ennes font de la poli­tique : à par­tir de leurs com­mu­nautés et ancrées dans des reven­di­ca­tions pour les plus opprimées », analyse la soci­o­logue.

L’un des obsta­cles aux­quels sont con­fron­tées ces élues reste la cul­ture majori­taire de leur camp poli­tique – la gauche –, et sa dif­fi­culté à recon­naître la per­ti­nence des caté­gories poli­tiques de race et de genre. « Les femmes noires sont celles qui por­tent le reste de la société sur leurs épaules, la gauche doit com­pren­dre le rôle prépondérant qu’ont le racisme et le machisme dans la repro­duc­tion du mod­èle néolibéral », estime de son côté Rena­ta Souza. Pour la députée, pren­dre en compte cette réal­ité « est la seule con­di­tion pour enclencher un change­ment rad­i­cal de société ».

« La pauvreté au Brésil a une couleur : elle est noire »

Eri­ca Malun­guin­ho, elle, se met en colère quand on l’assigne à gauche : « Je crois que ce que ce que l’on désigne comme la gauche, ici, est une éma­na­tion du camp pro­gres­siste occi­den­tal, qui vient d’Europe. Dans les débats, le prisme prin­ci­pal con­tin­ue d’être celui de la classe sociale, alors qu’au Brésil la classe est une con­séquence de la race. Je crois qu’on ne pour­ra par­ler de gauche brésili­enne que lorsque l’on pensera la race et le genre comme des fon­da­men­taux. Si on envis­age de met­tre fin à la pau­vreté, si on pense à une révo­lu­tion, alors on par­le de race, parce que la pop­u­la­tion pau­vre au Brésil a une couleur : elle est noire. »

Si l’assassinat de Marielle a impul­sé l’arrivée d’une généra­tion de femmes noires dans les insti­tu­tions poli­tiques, la vio­lence à laque­lle elles ont été exposées est tou­jours bien présente. Depuis leur élec­tion en 2020, ces nou­velles élues sont régulière­ment men­acées de mort, via les réseaux soci­aux ou par cour­ri­er. En novem­bre 2020, la police révélait avoir déjoué un atten­tat visant la députée Talíria Petrone, une amie proche de Marielle. Plus récem­ment, en jan­vi­er 2021, env­i­ron un mois après leur élec­tion, deux con­seil­lères munic­i­pales trans de São Paulo, Car­oli­na Iara et Sama­ra Sostenes, ont été les cibles de tirs d’intimidation devant leur domi­cile.

Ces men­aces n’ont pas détourné les élues de leur tra­vail poli­tique mais ont con­sid­érable­ment affec­té leur vie quo­ti­di­enne. Ben­ny Briol­ly, con­seil­lère à la munic­i­pal­ité de Niterói, ville voi­sine de Rio, fait par­tie de ces élues men­acées de mort. Juste après son élec­tion, elle a reçu plusieurs men­aces, dont cet e‑mail : « Je vais te tuer de la même façon que mon groupe a tué Marielle. » Comme d’autres, elle a dû quit­ter son apparte­ment, se déplace en voiture blind­ée et ne sort plus sans garde du corps. À la mairie de Niterói, l’entrée de son bureau affiche la célèbre plaque de rue « Rua Marielle Fran­co », dev­enue le sym­bole de lutte pour la mémoire de l’élue assas­s­inée. Quelques mètres plus loin, autre porte, autre con­seiller munic­i­pal, autre ambiance : des mes­sages de sou­tien au prési­dent Bol­sonaro et à la dic­tature passée. Là aus­si, les divi­sions sont cri­antes et la con­fronta­tion cou­ve. Noire et trans, mem­bre du PSOL et élue du man­dat col­lec­tif Quilom­bo Per­iféri­co à la munic­i­pal­ité de São Paulo, Sama­ra Sostenes a été la cible de tir d’intimidation devant chez elle. « Je savais que je m’exposerais cer­taine­ment à des vio­lences en accep­tant d’intégrer le man­dat col­lec­tif, mais que cela arrive aus­si vite et de façon aus­si bru­tale je ne m’y attendais pas », com­mente-t-elle.

Quand on lui demande si elle a peur, la députée de l’État de São Paulo Eri­ca Malun­guin­ho répond : « Je suis née morte ! Marielle était une élue. Cela aurait pu la pro­téger mais ça n’a pas été le cas. Sa mort a prou­vé que nos corps sont tou­jours vul­nérables. Le Brésil vend le lib­erti­nage au monde, le car­naval, le métis­sage mais c’est une cocotte-minute ! Il y a la vio­lence raciale et de genre, la lutte pour la terre, la vio­lence poli­tique. C’est très effrayant de se dire, quand on va se couch­er “j’ai survécu”, c’est comme un scé­nario de guerre. »

Pour Eri­ka Campe­lo, coprési­dente de l’association Autres Brésils en France, la vio­lence poli­tique puise directe­ment dans la vio­lence de l’esclavage et de la coloni­sa­tion. « C’est un proces­sus qui a pro­duit à la fois Marielle et la vio­lence qui l’a tuée. » Et cette longue his­toire, comme le rap­pelle Eri­ca Malun­guin­ho, prend racine en dehors du Brésil. En vis­ite en France peu avant son élec­tion, celle-ci décou­vre que les jour­nal­istes qu’elle ren­con­tre ne font pas de lien entre l’histoire brésili­enne et la leur. « Vous devez com­pren­dre que Bol­sonaro est le pro­duit de la poli­tique colo­niale que vous avez inven­tée. Ce qui nous arrive n’est pas aléa­toire, c’est la con­séquence d’un proces­sus d’assimilation, de pré­cari­sa­tion, qui nous a laissé·es dans cette con­di­tion. L’Europe a besoin de com­pren­dre, et les États-Unis aus­si, qu’ils sont core­spon­s­ables de la mis­ère et de la vio­lence qu’il y a dans le Sud. La mort de Marielle est le fruit de tout cela. »

Ne pas faire de Marielle Franco une martyre

Surtout, elles sont nom­breuses à le dire, il faut se sou­venir de Marielle vivante, lui ren­dre hom­mage, sans en faire une mar­tyre. « L’héritage de Marielle vient de ses luttes, il nous donne les forces pour nous bat­tre, mais il est clair qu’on ne doit pas en pass­er par la mort pour être recon­nues », aver­tit Déb­o­ra Dias. À 22 ans, cette jeune femme orig­i­naire d’une favela, comme Marielle, a récem­ment été élue à la munic­i­pal­ité de São Paulo, au sein du man­dat col­lec­tif Quilom­bo Per­iféri­co. Elle con­sid­ère que son engage­ment, au même titre que celui de Marielle, s’inscrit dans une con­ti­nu­ité his­torique : celle des luttes des femmes noires pour une vie digne. Aux yeux de Déb­o­ra, cet engage­ment poli­tique est fon­da­men­tal pour chang­er rad­i­cale­ment le Brésil : « Quand on fait de la poli­tique à par­tir de nos expéri­ences, on change struc­turelle­ment ce pays. »

En con­clu­sion de son dernier dis­cours, Marielle Fran­co rendait hom­mage aux femmes de son cab­i­net : « Nous pen­sons que le pro­jet poli­tique dans lequel chaque femme en aide une autre à s’élever doit être con­crétisé. Cela n’arrivera que si les femmes qui occu­pent des posi­tions de pou­voir en accueil­lent d’autres et leur font de la place. Nous sommes divers­es mais pas dis­per­sées. » Trois ans plus tard, mal­gré le flou qui entoure encore sa mort, l’héritage poli­tique de Marielle est là, bien vivant, divers mais pas dis­per­sé. N’en déplaise à ses assas­sins, Marielle Fran­co n’a pas été « inter­rompue ». •

1. Ini­tia­tive apparue au début des années 2010 au Brésil pour rompre avec la per­son­nal­i­sa­tion des man­dats poli­tiques, le « man­dat col­lec­tif » est partagé par plusieurs per­son­nes. Sur la liste de Ban­ca­da fem­i­nista, cinq femmes parta­gent le même man­dat, l’une d’entre elles étant offi­cielle­ment élue et les autres enreg­istrées comme attachées au sein du cab­i­net. Le man­dat se con­stru­it col­lec­tive­ment dans le partage des fonc­tions.

2. Lire l’entre­tien com­plet sur www.revueladeferlante.fr

3. Lula, l’ancien prési­dent du Brésil (2003–2010), remis en lib­erté le 8 novem­bre 2019 après un an et demi de déten­tion, a recou­vré son éli­gi­bil­ité en mars dernier. Il avait été con­damné à 12 ans d’emprisonnement pour cor­rup­tion et blanchi­ment d’argent dans le cadre du scan­dale Petrobas ou « Lava Jato » (lavage express) et déclaré inéli­gi­ble en vue de la prési­den­tielle de 2018.

Sarah Benichou

Historienne et politiste de formation, Sarah Benichou se passionne pour l’enquête historique. En tant que journaliste indépendante, elle s’intéresse en particulier à l’extrême droite, au colonialisme, aux expériences juives et aux liens qu’entretiennent les femmes avec les instances de pouvoir. Elle est membre du collectif Youpress. Voir tous ses articles

Juliette Rousseau

Journaliste, autrice et éditrice, travaille sur les questions de justice sociale, de féminisme, d’anti-racisme, de justice climatique et sur les mouvements qui s’en revendiquent. Voir tous ses articles

Manger : Le genre passe à table

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue papi­er La Défer­lante n°2. La Défer­lante est une revue trimestrielle indépen­dante con­sacrée aux fémin­ismes et au genre. Tous les trois mois, en librairie et sur abon­nement, elle racon­te les luttes et les débats qui sec­ouent notre société.


Notice: ob_end_flush(): Failed to send buffer of zlib output compression (1) in /home/clients/f3facd612bb3129d1c525970fad2eeb3/sites/tpp.revueladeferlante.org/wp-includes/functions.php on line 5471

Notice: ob_end_flush(): Failed to send buffer of zlib output compression (1) in /home/clients/f3facd612bb3129d1c525970fad2eeb3/sites/tpp.revueladeferlante.org/wp-includes/functions.php on line 5471

Notice: ob_end_flush(): Failed to send buffer of zlib output compression (1) in /home/clients/f3facd612bb3129d1c525970fad2eeb3/sites/tpp.revueladeferlante.org/wp-content/plugins/really-simple-ssl/class-mixed-content-fixer.php on line 107