Warning: Attempt to read property "ID" on int in /home/clients/f3facd612bb3129d1c525970fad2eeb3/sites/tpp.revueladeferlante.org/wp-content/themes/Divi/includes/builder/post/PostStack.php on line 62

L’Ukraine face aux viols de guerre : de trop lentes avancées

À la mi-mars 2024, un rap­port des Nations unies fai­sait une nou­velle fois état de vio­lences sex­uelles com­mis­es par l’occupant russe en Ukraine. Alors que, dès les débuts de la guerre, les autorités de Kiev met­taient en place un sys­tème de doc­u­men­ta­tion et de répa­ra­tion des vio­ls de guerre, deux ans plus tard, les vic­times ukraini­ennes peinent encore à faire val­oir leurs droits.
Publié le 29/03/2024

Modifié le 16/01/2025

Oleksandra Matviichuk, avocate ukrainienne, activiste et Prix Nobel de la paix 2022 est à l'initiative d'un projet de loi visant à donner un cadre aux violences sexuelles commises en temps de guerre. Crédit photo : Créative commons.
Olek­san­dra Matvi­ichuk, avo­cate ukraini­enne, activiste et Prix Nobel de la paix 2022 est à l’ini­tia­tive d’un pro­jet de loi visant à don­ner un cadre aux vio­lences sex­uelles com­mis­es en temps de guerre. Crédit pho­to : Créa­tive com­mons.

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°13 Avorter, paru en mars 2024. Con­sul­tez le som­maire.

 « Aucune vic­time ne restera sans jus­tice » : depuis le début de l’invasion russe en Ukraine, le 24 févri­er 2022, Kiev affiche une posi­tion ferme au sujet des crimes sex­uels. Aux pre­miers jours de l’offensive, le bureau du pro­cureur général d’Ukraine inau­gure un départe­ment d’enquête sur les vio­lences sex­uelles com­mis­es par l’armée occu­pante.

À l’été 2022, une ligne télé­phonique à usage des vic­times est mise en place. Les per­son­nes recon­nues comme vic­times peu­vent obtenir une aide médi­cale et psy­chologique, mais égale­ment un sou­tien financier. Des efforts suff­isam­ment rares pour être salués par la représen­tante spé­ciale de l’ONU sur les vio­lences sex­uelles, Prami­la Pat­ten.

 

Pour­tant, depuis deux ans, seule­ment 200 vic­times de vio­lences sex­uelles ont été offi­cielle­ment iden­ti­fiées par le par­quet. Un chiffre bien en dessous de la réal­ité. « Il n’est pas évi­dent d’échanger avec les représentant·es de la police, des ser­vices d’enquête ou du par­quet. Peu savent com­ment abor­der le sujet », explique Khrysty­na Kit, prési­dente de l’association ukraini­enne des avo­cates Jur­Fem, qui assiste les « survivant∙es » (plutôt que « vic­times » : c’est ain­si qu’elles et ils préfèrent se nom­mer) de vio­lences sex­uelles. À ces résis­tances s’ajoute la crainte de la stig­ma­ti­sa­tion, encore fréquente en Ukraine. En effet, pour déter­min­er si une vic­time peut pré­ten­dre à des com­pen­sa­tions, il n’est pas rare que les enquêteur∙ices inter­ro­gent le voisi­nage des survivant∙es. Or, une majorité de ces per­son­nes, peu sen­si­bil­isées au sujet des vio­lences y voient une forme de trahi­son par des rap­ports sex­uels avec l’ennemi. « Certain·es survivant·es se sont même vu·es visé·es par une procé­dure pour “col­lab­o­ra­tion” », se désole Katery­na Illikchi­ie­va, autre avo­cate ukraini­enne qui défend plusieurs vic­times.

 

Les hommes victimes : l’ultime tabou

Dif­fi­culté sup­plé­men­taire dans la recon­nais­sance de ces crimes, 25 % des vic­times seraient de sexe mas­culin. « Comme dans toutes guer­res, même si l’on n’en par­le pas, les vio­lences sex­uelles infligées à des hommes, c’est l’ultime tabou », note Katery­na Illikchi­ie­va. Plus encore, dans une société ukraini­enne en guerre où la cul­ture patri­ar­cale est par­ti­c­ulière­ment ancrée, où « l’homme fort est glo­ri­fié, con­sid­éré comme défenseur de la nation, ne pou­vant donc être vic­time de viol », analyse de son côté Volodymyr Shcherbachenko, directeur du Cen­tre pour les ini­tia­tives civiques de l’est de l’UkraineDepuis la guerre du Don­bass en 2014, son organ­i­sa­tion non gou­verne­men­tale (ONG) doc­u­mente les vio­la­tions des droits humains et apporte une assis­tance juridique aux vic­times. Son man­dat a été élar­gi à tout le pays en févri­er 2022. « Pour ces hommes, on va par­ler de tor­ture plutôt que de viol, et ain­si mas­quer la réal­ité », décrypte-t-il.


« BEAUCOUP D’UKRAINIEN·NES VOIENT DANS LES VIOLS DE GUERRE UNE FORME DE COLLABORATION AVEC L’ENNEMI »


Cette pudeur témoigne aus­si du manque d’outils juridiques pour appréhen­der les vio­ls de guerre. La notion n’apparaît pas dans le Code pénal ukrainien. Seul un arti­cle fourre-tout – l’article 438 – per­met d’enquêter sur ces crimes. Olek­san­dra Matvi­ichuk, direc­trice du Cen­tre pour les lib­ertés civiques et Prix Nobel de la Paix en 2022, tra­vaille à un pro­jet de loi sur les crimes de guerre inclu­ant les vio­lences sex­uelles. « Il a été rat­i­fié par le Par­lement, mais la sig­na­ture incombe au prési­dent Zelen­sky, détaille-t-elle. Or, il ne l’a tou­jours pas don­née. » Volodymyr Shcherbachenko croit y voir un manque de volon­té : « Les autorités ont peur que les sol­dats ukrainiens puis­sent eux aus­si être accusés de vio­lences sex­uelles, et que la pro­pa­gande russe récupère le sujet. »  Il con­clut : « Même s’il existe beau­coup de déc­la­ra­tions offi­cielles sur le sujet, dans les faits, les vic­times de vio­lences sex­uelles sont les dernières à béné­fici­er des aides prévues par l’État. »

Faire payer la Russie

Mais d’autres tem­pèrent cette impa­tience : « Avant 2022, notre gou­verne­ment ne se sou­ci­ait pas de cette ques­tion », rap­pelle Alisa Kovalenko, sur­vivante de crimes sex­uels com­mis en 2015, lors de la guerre dans le Don­bass, et aujourd’hui mem­bre active de l’ONG Sema, unique organ­i­sa­tion d’entraide créée par et pour des vic­times de viol de guerre. « Moi-même, j’ai mis des années avant de par­ler. Je fer­mais les yeux sur mes trau­mas, je me per­suadais que tout allait bien. Les mesures mis­es en place par le gou­verne­ment, c’est une forme de jus­tice dont nous, à l’époque, n’avons pas béné­fi­cié », estime-t-elle.

Olek­san­dra Matvi­ichuk, de son côté, s’interroge : « La Russie est respon­s­able de ces crimes sex­uels. Ne serait-il pas plus juste que la prise en charge des vic­times lui incombe plutôt qu’à l’Ukraine, qui gère déjà un pays en guerre ? » Selon elle, une par­tie des avoirs russ­es gelés par les ban­ques pour­rait être util­isée par le gou­verne­ment de Kiev pour apporter des répa­ra­tions aux vic­times : « Ce serait un pre­mier pas en atten­dant de met­tre en place un cadre juridique aligné sur celui des instances inter­na­tionales », en par­ti­c­uli­er celui de la Cour pénale inter­na­tionale, dont le statut per­met de juger les vio­ls de guerre comme crimes con­sti­tu­tifs de crime con­tre l’humanité.

 

→ Retrou­vez les recom­man­da­tions ain­si que l’agenda de la rédac­tion juste ici.

AVORTER : UNE LUTTE SANS FIN

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°13 Avorter, paru en mars 2024. Con­sul­tez le som­maire.


Notice: ob_end_flush(): Failed to send buffer of zlib output compression (1) in /home/clients/f3facd612bb3129d1c525970fad2eeb3/sites/tpp.revueladeferlante.org/wp-includes/functions.php on line 5471

Notice: ob_end_flush(): Failed to send buffer of zlib output compression (1) in /home/clients/f3facd612bb3129d1c525970fad2eeb3/sites/tpp.revueladeferlante.org/wp-includes/functions.php on line 5471

Notice: ob_end_flush(): Failed to send buffer of zlib output compression (1) in /home/clients/f3facd612bb3129d1c525970fad2eeb3/sites/tpp.revueladeferlante.org/wp-content/plugins/really-simple-ssl/class-mixed-content-fixer.php on line 107