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« L’industrie du prêt-à-porter repose sur un systême d’exploitation extrême »

L’essor de la fast-fash­ion est fondé sur l’exploitation d’une main‑d’œuvre sous-payée, souligne Audrey Mil­let, spé­cial­iste de l’histoire de l’habillement. Pour sor­tir de ce sys­tème, il faut sanc­tion­ner les grandes mar­ques, estime-t-elle.
Publié le 22/10/2024

Modifié le 16/01/2025

Audrey Mil­let, spé­cial­iste de l’his­toire de l’ha­bille­ment. Crédit : Bar­ré Stu­dio créatif X

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°16 S’ha­biller, parue en novem­bre 2024. Con­sul­tez le som­maire.

Dans vos travaux, vous vous appliquez à retrac­er l’histoire de la pro­duc­tion indus­trielle des vête­ments. Quels liens faites-vous entre le colo­nial­isme, l’esclavage et l’industrie de la mode ?

Au XVIIe siè­cle, dans le cadre d’une forte con­cur­rence fran­co-bri­tan­nique, la France et l’Angleterre entre­pren­nent de colonis­er le monde. Il leur faut habiller les marins et les sol­dats.

À Oxford, Lon­dres et Paris, on assiste au début du prêt-à-porter, avec des femmes qui con­fec­tion­nent des uni­formes en série dans des con­di­tions déplorables. De manière générale, la sécu­rité nationale et la guerre ont été des moteurs de l’industrie de la mode. Les pre­mières bas­kets sont fab­riquées pour l’armée à la fin du XIXe siè­cle, avec la semelle en caoutchouc vul­can­isé, ini­tiale­ment conçue pour tenir sur les ponts des bateaux. Ensuite, après la Sec­onde Guerre mon­di­ale, le nylon util­isé pour les para­chutes sert de col­lants.

L’autre élé­ment indis­so­cia­ble de cette pro­duc­tion, c’est la pra­tique de l’esclavage et le développe­ment de la cul­ture du coton. Cette matière pre­mière n’aurait jamais dû finir en fibres pour vête­ments, car c’est une plante frag­ile, qui sup­porte mal le soleil ou la pluie selon les péri­odes. Aux États-Unis, le tra­vail pénible de cueil­lette et d’égrenage est effec­tué par des esclaves noir·es. Après l’abolition (1865), c’est la main‑d’œuvre noire, puis mex­i­caine qui pour­suit ce labeur dans les champs de coton.

Depuis l’avènement de la fast-fash­ion dans les années 1990, tout s’accélère. On fab­rique des vête­ments grâce à la pétrochimie et en délo­cal­isant les usines : on ne peut pas pro­duire au prix et à la vitesse des entre­pris­es chi­nois­es comme Temu ou Shein, pour le prêt-à-porter, sans recourir à des pra­tiques qui s’apparentent à de l’esclavage mod­erne, avec des cadences qui vont jusqu’à qua­torze heures de tra­vail par jour.

L’industrie de la mode a tou­jours été une indus­trie très fémin­isée. Com­ment l’expliquer ?

Depuis l’Antiquité, on a con­stru­it l’idée que les femmes seraient plus pré­cis­es, donc meilleures ouvrières pour la cou­ture. La main‑d’œuvre fémi­nine est surtout avan­tageuse pour cette indus­trie parce qu’elle perçoit ce qu’on con­sid­ère comme un salaire d’appoint par rap­port à celui du mari ou du père : elles sont donc moins rémunérées. Au XIXe siè­cle, la machine à coudre per­met de reléguer les filles hors de l’usine. Elles vont alors tra­vailler à plusieurs dans des cham­bres de bonne, avec le risque d’attraper la tuber­cu­lose… Cette dis­crim­i­na­tion spa­tiale ren­force leur exploita­tion.

L’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh en 2013 a mis en lumière les con­di­tions de tra­vail infer­nales des ate­liers de con­fec­tion de vête­ments. Qu’est-ce qui a changé depuis ?

Au Bangladesh, deux­ième pays expor­ta­teur de vête­ments au monde, les choses ont bougé dans les grandes villes grâce aux syn­di­cats. Il y a eu des aug­men­ta­tions de salaire, mais on n’arrive tou­jours pas à un salaire vital. Les enfants con­tin­u­ent à tra­vailler. Et, sou­vent, les grandes mar­ques ne veu­lent pas pay­er d’augmentations. Cer­tains États pro­duc­teurs y sont même récal­ci­trants, de peur de devoir aug­menter ensuite le salaire min­i­mum. Il y a tou­jours des sys­tèmes d’exploitation extrême, comme celui que subit la minorité ouïghoure en Chine. Les entre­pris­es de tex­tile savent très bien où elles s’installent. Si on regarde les listes de four­nisseurs trans­mis­es par les mar­ques Benet­ton et Guc­ci, on observe que la présence de syn­di­cats y est très minori­taire.

Par le biais d’une puis­sante com­mu­ni­ca­tion, les mar­ques de vête­ments met­tent pour­tant en avant leurs actions phil­an­thropiques, avec leurs fon­da­tions pour les femmes, leurs écoles financées dans cer­tains pays, etc. Pri­mark, par exem­ple, se veut très clean, mais fait pro­duire ses vête­ments au Myan­mar, dirigé par une junte mil­i­taire qui ne respecte pas les droits humains. On sauverait la planète si on s’intéressait d’abord aux droits humains. En Inde, au Pak­istan et en Chine, des vil­lages se dépe­u­plent car l’eau est con­t­a­m­inée aux pes­ti­cides [util­isés dans la cul­ture inten­sive du coton], et les gens meurent à cause des tein­tures tex­tiles.

Quelles sont les pistes pour sor­tir de ce sys­tème ?

En France, ce qui reste de notre ray­on­nement à l’international tient à notre indus­trie du luxe, avec des groupes comme Chanel ou LVMH. En juin 2024, une fil­iale ital­i­enne de Chris­t­ian Dior (LVMH), Man­u­fac­tur­ers Dior Srl, a été épinglée pour avoir sous-traité sa pro­duc­tion à des entre­pris­es chi­nois­es accusées de tra­vail for­cé. Des faits sim­i­laires ont été reprochés à Guc­ci, Pra­da ou Burber­ry. Puisque l’on tient à ce ray­on­nement, on leur passe tout, même quand ils oublient de pay­er le fisc (1).

C’est aux pays d’être plus con­traig­nants vis-à-vis des entre­pris­es sur tous les plans, dans le luxe comme dans la fast-fash­ion. Mais l’Union européenne nous dit pour le moment que ce n’est pas dans son agen­da, et la loi de 2017 sur le « devoir de vig­i­lance » [lire l’encadré ci-dessous] n’a eu que peu d’impact pour le moment. Le prob­lème, c’est qu’on con­sid­ère trop rarement les chefs d’entreprise comme respon­s­ables de leurs indus­tries. Quand une sit­u­a­tion con­damnable est décou­verte, les respon­s­ables de H&M se défend­ent tou­jours en arguant : « On ne savait pas, on part tout de suite. » Il faudrait leur dire : « Tu touch­es des mil­liards de béné­fices ? Alors tu n’avais qu’à véri­fi­er. »

Après le choc du Rana Plaza, le devoir de vigilance

Le 24 avril 2013, à Dac­ca (Bangladesh), un bâti­ment où sont instal­lés plusieurs ate­liers de con­fec­tion s’effondre, cau­sant la mort d’au moins 1 130 per­son­nes, dont 80 % de femmes, et faisant 2 500 blessé·es. Les patrons des ate­liers, sous-trai­tants de mar­ques européennes de fast-fash­ion comme Man­go ou Pri­mark, avaient refusé de suiv­re les con­signes  de sécu­rité après l’apparition de fis­sures, causées par les généra­teurs élec­triques fonc­tion­nant à plein régime sur le toit du bâti­ment.

C’est à la suite de cet acci­dent qu’a été instau­rée en France la loi du 27 mars 2017 rel­a­tive au devoir de vig­i­lance des sociétés mères et des entre­pris­es don­neuses d’ordre, dans tous les domaines d’activité, de plus de 5 000 salarié·es en France ou 10 000 ailleurs dans le monde. Elles doivent désor­mais établir et met­tre en œuvre un plan de vig­i­lance visant à prévenir les risques d’atteinte grave aux droits humains ou à l’environnement du fait de leurs activ­ités ou de celles de leurs sous-trai­tants. Cette loi n’a pour le moment entraîné qu’une seule con­damna­tion : celle, en 2023 du groupe pub­lic La Poste, dont des sous-trai­tants avaient employé des per­son­nes sans-papiers. En mai 2024, l’Union européenne a égale­ment adop­té une direc­tive sur le devoir de vig­i­lance, pour les entre­pris­es employ­ant plus de 1 000 per­son­nes et réal­isant un chiffre d’affaires mon­di­al supérieur à 450 mil­lions d’euros.


(1) Selon une enquête de Medi­a­part pub­liée en décem­bre 2023, « Face à LVMH, le fisc coincé dans ses con­tra­dic­tions » de Flo­rence Loève, le fisc français a renon­cé, fin décem­bre 2023, à pour­suiv­re LVMH mal­gré des soupçons de fraude fis­cale con­cer­nant une fil­iale, la cen­trale de tré­sorerie du groupe, domi­cil­iée en Bel­gique.

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Sarah Bos

Journaliste indépendante, spécialisée dans les questions de discriminations, elle est membre de l'association des journalistes antiracistes et racisé·e–s (Ajar). Elle a notamment réalisé l’interview croisée de Assa Traoré et Sophie Binet ainsi que le débat « Faut-il débattre avec l’extrême droite ? » Voir tous ses articles

S’habiller, en découdre avec les injonctions

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°16 S’ha­biller, parue en novem­bre 2024. Con­sul­tez le som­maire.


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