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Les frondeuses : portrait de militantes féministes en Corée du Sud

Publié le 29/07/2024

Modifié le 16/01/2025

Lors d’une réunion d’information de l’Institut Guerilla, en mars 2023, à Séoul. « J’ai créé un écosystème féministe et lesbien dans une société oppressive où la loi du patriarcat prévaut », dit l’activiste et entrepreneuse Min Gyeong Lee, sa fondatrice. Cette école de langues « non académique » promeut l’apprentissage du français et de l’anglais comme vecteur d’émancipation. Crédit photo : Agnès Dherbeys
Lors d’une réu­nion d’information de l’Institut Gueril­la, en mars 2023, à Séoul. « J’ai créé un écosys­tème fémin­iste et les­bi­en dans une société oppres­sive où la loi du patri­ar­cat pré­vaut », dit l’activiste et entre­pre­neuse Min Gyeong Lee, sa fon­da­trice. Cette école de langues « non académique » promeut l’apprentissage du français et de l’anglais comme vecteur d’émancipation. Crédit pho­to : Agnès Dher­beys

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°15 Résis­ter, parue en août 2024. Con­sul­tez le som­maire.

Née en Corée du Sud, Agnès Dher­beys a gran­di en France. Dans son pays d’origine, ce sont près de 200 000 enfants qui, comme elle, ont été adopté·es à l’international depuis le milieu des années 1950. Cette his­toire per­son­nelle a poussé la pho­to­jour­nal­iste à s’interroger sur la place et les luttes des femmes aujourd’hui dans un État d’Asie désor­mais classé par­mi les grandes puis­sances mon­di­ales. Sa série dresse le por­trait d’une généra­tion de jeunes mil­i­tantes résolues à déjouer les codes d’une société encore très con­ser­va­trice. Elles ont fait de la soror­ité une arme face à l’offensive mas­culin­iste attisée par l’arrivée au pou­voir de la droite pop­uliste.

Busan, deuxième ville de Corée du Sud. Crédit photo : Agnès Dherbeys

Busan, deux­ième ville de Corée du Sud.

Des jeunes femmes en tenue traditionnelle devant un temple à Séoul, la capital. « Quand on parle de la Corée du Sud, on pense à la technologie, à Samsung, aux relations avec la Corée du Nord ou au phénomène de la K-culture. On ignore que la société coréenne et les femmes en premier lieu sont prises dans l’étau de traditions qui refusent d’évoluer », constate la journaliste Hawon Jung (en photo page 126). Des normes de beauté strictes pèsent sur les femmes ; ainsi le simple fait de porter les cheveux courts est perçu comme transgressif. Crédit photo : Agnès Dherbeys

Des jeunes femmes en tenue tra­di­tion­nelle devant un tem­ple à Séoul, la cap­i­tal. 
« Quand on par­le de la Corée du Sud, on pense à la tech­nolo­gie, à Sam­sung, aux rela­tions avec la Corée du Nord ou au phénomène de la K‑culture. On ignore que la société coréenne et les femmes en pre­mier lieu sont pris­es dans l’étau de tra­di­tions qui refusent d’évoluer », con­state la jour­nal­iste Hawon Jung (en pho­to page 126). Des normes de beauté strictes pèsent sur les femmes ; ain­si le sim­ple fait de porter les cheveux courts est perçu comme trans­gres­sif.

Hanji Na, 29 ans, est assistante sociale pour la Korean Woman Hotline à Séoul. Elle aide des femmes et des enfants victimes de violences intrafamiliales à trouver un foyer. À l’université, elle était l’une des rares filles issues d’une région rurale : « Dans les campagnes, les parents préfèrent investir dans l’éducation des garçons. » Aujourd’hui cependant, bien que globalement plus diplômées que les hommes, les femmes sud-coréennes restent structurellement désavantagées dans leur vie professionnelle, rattrapées par une société qui continuede les assigner à l’espace domestique. Crédit photo : Agnès Dherbeys

Han­ji Na, 29 ans, est assis­tante sociale pour la Kore­an Woman Hot­line à Séoul. Elle aide des femmes et des enfants vic­times de vio­lences intrafa­mil­iales à trou­ver un foy­er. À l’université, elle était l’une des rares filles issues d’une région rurale : « Dans les cam­pagnes, les par­ents préfèrent inve­stir dans l’éducation des garçons. » Aujourd’hui cepen­dant, bien que glob­ale­ment plus diplômées que les hommes, les femmes sud-coréennes restent struc­turelle­ment désa­van­tagées dans leur vie pro­fes­sion­nelle, rat­trapées par une société qui con­tin­ue
de les assign­er à l’espace domes­tique.


« En général, les femmes ne font pas le lien entre leur statut dans la société et la dis­crim­i­na­tion de genre… même celles de ma généra­tion. »

Han­ji Na


« Arrêtez d’être obsédés par la famille normale ! Toutes les structures familiales ont le droit d’exister » : c’est le slogan préféré de Hanji, photographiée levant le poing sur un char lors de la Journée internationale des droits des femmes le 8 mars 2023. Cette journée est l’occasion pour les féministes de dénoncer la pression sociale et les rôles de genre institués par l’héritage confucéen, ainsi que la militarisation du pays. Les femmes sud-coréennes ne disposent d’un état civil individuel que depuis 2008, et l’IVG n’a été légalisée qu’en 2021.Crédit photo : Agnès Dherbeys

« Arrêtez d’être obsédés par la famille nor­male ! Toutes les struc­tures famil­iales ont le droit d’exister » : c’est le slo­gan préféré de Han­ji, pho­tographiée lev­ant le poing sur un char lors de la Journée inter­na­tionale des droits des femmes le 8 mars 2023. Cette journée est l’occasion pour les fémin­istes de dénon­cer la pres­sion sociale et les rôles de genre insti­tués par l’héritage con­fucéen, ain­si que la mil­i­tari­sa­tion du pays. Les femmes sud-coréennes ne dis­posent d’un état civ­il indi­vidu­el que depuis 2008, et l’IVG n’a été légal­isée qu’en 2021.

La moitié des vingtenaires sud-coréennes se disent aujourd’hui féministes. La plupart attribuent leur prise de conscience à l’affaire du « Gangnam Murder », le féminicide d’une jeune femme dans la station de métro Gangnam à Séoul, en 2016, qui n’avait pas été reconnu comme un « crime de haine » lié au genre, alors que l’auteur avait justifié son geste par l’indifférence des femmes à son égard. Si aujourd’hui les militantes, portées aussi par le #MeToo mondial, n’hésitent plus à investir la rue, c’est d’abord en ligne qu’elles se sont mobilisées, sur l’éphémère forum Megalia, créé en 2015 en réaction aux violences masculinistes.Crédit photo : Agnès Dherbeys

La moitié des vingte­naires sud-coréennes se dis­ent aujourd’hui fémin­istes. La plu­part attribuent leur prise de con­science à l’affaire du « Gang­nam Mur­der », le fémini­cide d’une jeune femme dans la sta­tion de métro Gang­nam à Séoul, en 2016, qui n’avait pas été recon­nu comme un « crime de haine » lié au genre, alors que l’auteur avait jus­ti­fié son geste par l’indifférence des femmes à son égard. Si aujourd’hui les mil­i­tantes, portées aus­si par le #MeToo mon­di­al, n’hésitent plus à inve­stir la rue, c’est d’abord en ligne qu’elles se sont mobil­isées, sur l’éphémère forum Mega­lia, créé en 2015 en réac­tion aux vio­lences mas­culin­istes.

Yun Won Choi, 23 ans, travaille pour la Busan Women Hotline, une ligne téléphonique d’assistance aux femmes ayant subi des violences adossée à une radio Internet qui diffuse témoignages et conseils.Crédit photo : Agnès Dherbeys

Yun Won Choi, 23 ans, tra­vaille pour la Busan Women Hot­line, une ligne télé­phonique d’assistance aux femmes ayant subi des vio­lences adossée à une radio Inter­net qui dif­fuse témoignages et con­seils.


« Les hommes de mon âge utilisent le mot “fémin­iste” comme s’il s’agissait d’une insulte. »

Yun Won Choi


Hawon Jung, 45 ans, a publié Flowers of Fire (2023, non traduit), un livre publié aux États-Unis sur l’essor des nouveaux mouvements féministes en Corée du Sud. Passée par la prestigieuse université pour femmes Ewha de Séoul, elle a pris la mesure des discriminations de genre en devenant journaliste. Elle écrit régulièrement sur les technologies mises au service des violences sexistes : caméras espionnes, « revenge porn », etc.Crédit photo : Agnès Dherbeys

Hawon Jung, 45 ans, a pub­lié Flow­ers of Fire (2023, non traduit), un livre pub­lié aux États-Unis sur l’essor des nou­veaux mou­ve­ments fémin­istes en Corée du Sud. Passée par la pres­tigieuse uni­ver­sité pour femmes Ewha de Séoul, elle a pris la mesure des dis­crim­i­na­tions de genre en devenant jour­nal­iste. Elle écrit régulière­ment sur les tech­nolo­gies mis­es au ser­vice des vio­lences sex­istes : caméras espi­onnes, « revenge porn », etc.

Eun-Ji Won, 28 ans, journaliste d’investigation, elle préfère cacher son visage. En 2018, encore étudiante, elle a contribué à démanteler un réseau d’esclavage sexuel digital. En 2020, le gouvernement a voté des lois pour la prévention de ce type de crimes. Aujourd’hui, elle continue ses enquêtes et aide des victimes.Crédit photo : Agnès Dherbeys

Eun-Ji Won, 28 ans, jour­nal­iste d’investigation, elle préfère cacher son vis­age. En 2018, encore étu­di­ante, elle a con­tribué à déman­tel­er un réseau d’esclavage sex­uel dig­i­tal. En 2020, le gou­verne­ment a voté des lois pour la préven­tion de ce type de crimes. Aujourd’hui, elle con­tin­ue ses enquêtes et aide des vic­times.

Min Gyeong Lee, fondatrice de l’institut Guerrilla, est sortie de l’hétérosexualité en 2016. « Dans l’intimité lesbienne, l’économie est tout à fait différente », dit-elle. Pour elle, monter une entreprise lucrative est aussi « un acte de résistance dans une société où on n’attend pas des femmes qu’elles fassent de l’argent ».Crédit photo : Agnès Dherbeys

Min Gyeong Lee, fon­da­trice de l’institut Guer­ril­la, est sor­tie de l’hétérosexualité en 2016. « Dans l’intimité les­bi­enne, l’économie est tout à fait dif­férente », dit-elle. Pour elle, mon­ter une entre­prise lucra­tive est aus­si « un acte de résis­tance dans une société où on n’attend pas des femmes qu’elles fassent de l’argent ».

Park YeonJin, 29 ans, est la présidente de WITH (Wolves in the Hell, « Louves en enfer »), une communauté de femmes du sud du pays qui fonde ses principes sur le lesbianisme politique. Ses membres, au nombre de 540, se retrouvent pour faire du sport, pique-niquer, organiser des groupes de parole… ou pour partir en vacances ensemble.Crédit photo : Agnès Dherbeys

Park Yeon­Jin, 29 ans, est la prési­dente de WITH (Wolves in the Hell, « Lou­ves en enfer »), une com­mu­nauté de femmes du sud du pays qui fonde ses principes sur le les­bian­isme poli­tique. Ses mem­bres, au nom­bre de 540, se retrou­vent pour faire du sport, pique-niquer, organ­is­er des groupes de parole… ou pour par­tir en vacances ensem­ble.

Haein Shim, 29 ans, étudiante en Californie, est la porte-parole de Team Haeil (« tsunami » en coréen). Cet important collectif d’activistes féministes a pour objectif de sensibiliser les médias étrangers à la situation des femmes coréennes. Il a réussi à susciter de nombreux articles sur le sujet, dont le premier en mars 2022 dans le média américain Vice.Crédit photo : Agnès Dherbeys

Haein Shim, 29 ans, étu­di­ante en Cal­i­fornie, est la porte-parole de Team Haeil (« tsuna­mi » en coréen). Cet impor­tant col­lec­tif d’activistes fémin­istes a pour objec­tif de sen­si­bilis­er les médias étrangers à la sit­u­a­tion des femmes coréennes. Il a réus­si à sus­citer de nom­breux arti­cles sur le sujet, dont le pre­mier en mars 2022 dans le média améri­cain Vice.


« Tous les sui­cides de femmes sont des fémini­cides. Je ne veux plus per­dre d’amies. »

Haein Shim


Lee Gahyung, 30 ans, et Lee Soyun, 26 ans, coprésidentes du Feminism Party, ne se reconnaissaient ni dans les partis politiques traditionnels pour lesquels « l’égalité des genres n’est pas une cause à défendre », ni dans le Women’s Party, dont « les membres sont toutes cisgenres et font trop de concessions ». Leur mouvement – pas encore reconnu comme un parti officiel faute d’un nombre d’adhérent·es suffisant – soulève notamment la question de l’écart de salaire moyen entre les hommes et les femmes, de l’ordre de 31 %, soit le plus élevé parmi les pays de l’OCDE.Crédit photo : Agnès Dherbeys

Lee Gahyung, 30 ans, et Lee Soyun, 26 ans, coprési­dentes du Fem­i­nism Par­ty, ne se recon­nais­saient ni dans les par­tis poli­tiques tra­di­tion­nels pour lesquels « l’égalité des gen­res n’est pas une cause à défendre », ni dans le Women’s Par­ty, dont « les mem­bres sont toutes cis­gen­res et font trop de con­ces­sions ». Leur mou­ve­ment – pas encore recon­nu comme un par­ti offi­ciel faute d’un nom­bre d’adhérent·es suff­isant – soulève notam­ment la ques­tion de l’écart de salaire moyen entre les hommes et les femmes, de l’ordre de 31 %, soit le plus élevé par­mi les pays de l’OCDE.

Lors de la manifestation pour la Journée internationale des droits des femmes, en mars 2023, à Séoul. Les mouvements féministes ont connu un nouvel essor au moment de l’élection du très conservateur Yoon Suk-yeol à la présidence en 2022. Le dirigeant n’hésite pas à leur faire porter la responsabilité du faible taux de natalité, l’un des plus bas de la planète, et à soutenir ouvertement les mouvements masculinistes radicalisés. Ces derniers se sont montrés particulièrement violents lors des dernières élections législatives, en avril 2024, finalement remportées par l’opposition.Crédit photo : Agnès Dherbeys

Lors de la man­i­fes­ta­tion pour la Journée inter­na­tionale des droits des femmes, en mars 2023, à Séoul. Les mou­ve­ments fémin­istes ont con­nu un nou­v­el essor au moment de l’élection du très con­ser­va­teur Yoon Suk-yeol à la prési­dence en 2022. Le dirigeant n’hésite pas à leur faire porter la respon­s­abil­ité du faible taux de natal­ité, l’un des plus bas de la planète, et à soutenir ouverte­ment les mou­ve­ments mas­culin­istes rad­i­cal­isés. Ces derniers se sont mon­trés par­ti­c­ulière­ment vio­lents lors des dernières élec­tions lég­isla­tives, en avril 2024, finale­ment rem­portées par l’opposition.

Agnès Dher­beys est pho­to­jour­nal­iste, mem­bre de l’agence MYOP. Elle alterne cou­ver­ture de l’actualité et pro­jets doc­u­men­taires. Elle est l’autrice du port­fo­lio sur la jeune généra­tion fémin­iste en Corée du Sud.

Chloé Devis est jour­nal­iste indépen­dante et pho­tographe. Elle a pub­lié plusieurs livres en lien avec l’image, dont, dernière­ment, Le Por­trait de presse au prisme des dom­i­na­tions avec Marie Docher et Ingrid Mil­haud. Elle a rédigé les légen­des de ce port­fo­lio à par­tir des entre­tiens réal­isés par Agnès Dher­beys.

Le tra­vail d’Agnès Dher­beys a été réal­isé avec l’aide du fonds de sou­tien pour la pho­togra­phie doc­u­men­taire du CNAP, le Cen­tre nation­al français des arts plas­tiques.

Note de la cor­rec­tion : la tran­scrip­tion, l’orthographe et l’ordre des noms et prénoms repro­duits dans ce port­fo­lio respectent le choix for­mulé par les per­son­nes pho­tographiées.

Agnès Dherbeys

Membre de l’agence MYOP, lauréate de nombreux prix et bourses, Agnès Dherbeys partage son activité de photojournaliste entre l’actualité et des projets documentaires qui s’inscrivent au plus proche des gens. Voir tous ses articles

Résister en féministes : la lutte continue

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°15 Résis­ter, parue en août 2024. Con­sul­tez le som­maire.


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