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L’École se moque-t-elle des questions de genre ?

Publié le 02/09/2022

Modifié le 16/01/2025

L'École se moque t-elle des questions de genre
Alors que 12 millions d’élèves font leur rentrée cette semaine, où en est la prise en charge des violences sexistes et sexuelles dans les établissements ? Neuf ans après la panique morale provoquée par les ABCD de l’égalité (lire notre article dans le numéro 7 de La Déferlante), les réflexions sur le genre restent apparemment un angle mort des enseignements et de la vie scolaire.

Yuna Visentin, pro­fesseure de français, restera longtemps mar­quée par ce débat organ­isé, il y a quelques années, dans une de ses class­es de troisième : « Les hommes doivent-ils pro­téger les femmes ? » D’un exer­ci­ce banal, l’expérience se trans­forme en fias­co péd­a­gogique : des garçons pren­nent seuls la parole et empêchent les filles de s’exprimer, jusqu’à l’altercation.

Cette anec­dote, qui ouvre l’essai qu’elle pub­lie en cette ren­trée, en dit long, selon elle, sur la dif­fi­culté à inter­roger les logiques de dom­i­na­tion au sein d’une insti­tu­tion his­torique­ment sex­iste. « Dès sa nais­sance vers 1880, explique la pro­fesseure, le pro­jet poli­tique de “l’école répub­li­caine” a été de sépar­er filles et garçons, ren­forçant de fait la bina­rité, l’hétéronormativité et les assig­na­tions de genre, en vue de l’exploitation par les hommes des per­son­nes assignées femmes. Les textes de Jules Fer­ry sont très clairs sur la néces­sité de pré­par­er les filles à être des femmes au foy­er. »

Les enseignant·es ne sont pas formé·es sur les ques­tions de genre

Et si la mix­ité s’est mise en place dans les années 1960, « cela s’est fait sans aucun accom­pa­g­ne­ment péd­a­gogique » et, aujourd’hui encore, sans « réelle mise à dis­tance insti­tu­tion­nelle de cette his­toire ». Pour Yuna Visentin, les vio­lences subies à l’école par les per­son­nes minorisées « ne sont pas un débor­de­ment », elles « organ­isent notre société », pré­cise-t-elle. « Elles arrangent la société patri­ar­cale, car elles nous minorent, nous paral­y­sent. C’est très clair avec les vio­lences racistes, mais c’est égale­ment vrai pour le sex­isme. »

Pour­tant, il serait faux d’affirmer que l’Éducation nationale ne s’est pas emparée de ces ques­tions : « Si l’on se réfère aux cir­cu­laires, la ques­tion du genre est bien abor­dée », explique Séver­ine Pin­aud, pro­fesseure de ciné­ma-audio­vi­suel dans un lycée toulou­sain et mem­bre du col­lec­tif Ça com­mence à l’école. « Dans les textes, il est claire­ment énon­cé que le genre est une con­struc­tion sociale qui entraîne des vio­lences con­tre lesquelles il faut lut­ter. »

 

Pour la pro­fesseure Yuna Visentin, le mod­èle d’é­cole pen­sé par Jules Fer­ry, ren­force la bina­rité et les stéréo­types de genre. Crédit pho­to : Google cre­ative com­mons.

Les pro­to­coles en place sont mécon­nus ou

non respec­tés, et les dis­posi­tifs exis­tants ne sont par ailleurs pas suff­isants. Ain­si, alors même que l’enseignante est l’une des deux référentes « Égal­ité » de son étab­lisse­ment, elle racon­te n’avoir reçu aucune for­ma­tion, aucune décharge, ni aucune com­pen­sa­tion finan­cière pour cette respon­s­abil­ité. Au-delà de son cas, elle dénonce le fait que les enseignant·es ne sont pas tous·tes formé·es sur la ques­tion des oppres­sions de genre, donc « lorsque certain·es l’abordent en classe, c’est en fonc­tion de leur décon­struc­tion per­son­nelle ».

Mal­gré tout, des ini­tia­tives exis­tent locale­ment. Ain­si, le col­lec­tif Ça com­mence à l’école, dans lequel milite Séver­ine Pin­aud, est né à l’automne 2019 de la mobil­i­sa­tion de mil­i­tantes et de syn­di­cal­istes fémin­istes, après qu’une alerte a été lancée au sujet de qua­tre vio­ls col­lec­tifs sur une ado­les­cente de 14 ans aux abor­ds d’un col­lège toulou­sain. Des rassem­ble­ments en sou­tien à la vic­time et à sa famille ont été organ­isés, l’inaction du col­lège et du rec­torat a été dénon­cée, et la lanceuse d’alerte a finale­ment été mutée pour pour­suiv­re sa car­rière sere­ine­ment. Séver­ine Pin­aud remar­que : « Nous avons dévelop­pé une exper­tise pour aider nos col­lègues confronté·es à des vio­lences sex­istes et sex­uelles subies par des élèves, notam­ment lorsque leur chef·fe d’établissement ne suit pas la procé­dure appro­priée. »

« LE PROJET POLITIQUE DE L’ÉCOLE RÉPUBLICAINE A ÉTÉ DE SÉPARER FILLES ET GARÇONS, RENFORÇANT DE FAIT LA BINARITÉ
ET LES ASSIGNATIONS DE GENRE.
»

Que ce soit le fait de militant·es de ter­rain ou de chercheur·euses, les logiques de genre et les oppres­sions qu’elles génèrent à l’école sont large­ment doc­u­men­tées. Dans un ouvrage qui paraît en cette ren­trée, la géo­graphe Édith Maruéjouls racon­te com­ment elle accom­pa­gne des étab­lisse­ments sco­laires à repenser l’aménagement de leur cour de récréa­tion.

En inter­venant auprès des équipes éduca­tives, des élèves et des admin­is­tra­tions locales, elle aide à observ­er et nom­mer les prob­lé­ma­tiques de genre qui tra­versent cet espace : quel jeu acca­pare le plus de place dans la cour ? Le foot­ball. Qui y joue ? En général, des garçons. Où jouent les filles ? En périphérie de la cour. Est-ce que filles et garçons se mélan­gent ? Non. Une fois le con­stat établi, les équipes éduca­tives et les élèves dessi­nent ensem­ble un lieu où chacun·e est libre d’être égal·e : « Après mes inter­ven­tions, écrit-elle, les filles me dis­ent “je peux jouer à mes jeux”, mais surtout, “les garçons jouent enfin avec nous”. C’est-à-dire qu’on per­met à des êtres humains de se par­ler. »

« Je n’ai jamais reçu un cen­time de l’Éducation nationale »

Un dis­posi­tif ent­hou­si­as­mant qui ne peut se met­tre en œuvre qu’à une échelle locale et qui, par ailleurs, sem­ble ignoré au niveau nation­al : « Je n’ai jamais reçu un cen­time de l’Éducation nationale, nous explique la chercheuse, je suis unique­ment mis­sion­née et payée par les col­lec­tiv­ités locales. Tout au plus, l’Éducation nationale a repris mon tra­vail sans me citer. »

Toutes nos inter­locutri­ces insis­tent, mal­heureuse­ment, sur la lim­ite des actions indi­vidu­elles. Pour Yuna Visentin : « On peut tou­jours tomber sur le bon ou la bonne professeur·e, ou la bonne école qui va pren­dre ces enjeux à bras-le-corps. Mais c’est incer­tain et c’est un prob­lème. Il faut sor­tir du local, qui fait porter la respon­s­abil­ité d’un change­ment sur l’individuel plutôt que sur une trans­for­ma­tion col­lec­tive. Il nous faut penser le col­lec­tif. » Pour cette nou­velle année sco­laire, Ça com­mence à l’école réflé­chit à met­tre en place une for­ma­tion syn­di­cale dédiée à la lutte con­tre les vio­lences sex­istes et sex­uelles, afin d’augmenter les rangs des professionnel·les à même de se mobilis­er col­lec­tive­ment, de met­tre en place un rap­port de force. « Sans cela, le rec­torat nous ignore », explique Séver­ine Pin­aud.

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Alix Bayle

Ancienne correspondante à Londres pour France 24, elle travaille comme pigiste, notamment dans le documentaire audiovisuel. Militante féministe, elle a cofondé le PA.F (collectif pour une PArentalité Féministe) et Toutes Apôtres !, qui agit pour l’égalité de tous·tes les baptisé·es au sein de l’Église catholique. Voir tous ses articles


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