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Le Planning familial face aux « antichoix »

Des col­lec­tifs de plus en plus struc­turés com­bat­tent l’IVG, l’éducation à la sex­u­al­ité et les droits des per­son­nes LGBT+. Il y a cinq ans, le Plan­ning famil­ial a mis en place un groupe de lutte con­tre ces mou­ve­ments anti­choix. Entre­tien avec Véronique Sehi­er, anci­enne coprési­dente du Plan­ning famil­ial, qui a par­ticipé à la créa­tion de ce groupe et Dominique Mauvil­lain, qui en est la référente actuelle.
Publié le 26/07/2024

Modifié le 16/01/2025

Dominique Mauvillain, référente du groupe de lutte contre les mouvements antichoix, et Véronique Séhier, ancienne coprésidente du Planning familial.
Dominique Mauvil­lain, référente du groupe de lutte con­tre les mou­ve­ments anti­choix, et Véronique Séhi­er, anci­enne coprési­dente du Plan­ning famil­ial. Crédit : Sophie Palmi­er pour La Défer­lante.

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°15 Spé­cial Extrême droite : résis­ter en fémin­istes, parue en août 2024. Con­sul­tez le som­maire.

Le Plan­ning famil­ial est cou­tu­mi­er des attaques lancées par les mou­ve­ments anti-IVG. Avez-vous con­staté une évo­lu­tion de cette rhé­torique réac­tion­naire ?

VÉRONIQUE SÉHIER La Manif pour tous, au début des années 2010, a mar­qué un tour­nant : on a vu les mou­ve­ments con­ser­va­teurs s’organiser en réseaux. Les groupes opposés à la loi dite Taubi­ra du mariage pour tous et toutes ont, par exem­ple, dévelop­pé une com­mu­ni­ca­tion com­mune avec le col­lec­tif anti-IVG Les Sur­vivants, mul­ti­pli­ant les attaques con­tre l’éducation à la sex­u­al­ité, accusée de pro­mou­voir la « théorie du genre » [lire le glos­saire]. Aujourd’hui, les mou­ve­ments qu’on appelle « anti­choix » s’opposent aux droits sex­uels et repro­duc­tifs, en par­ti­c­uli­er à l’avortement, mais aus­si à l’éducation à la sex­u­al­ité à l’école et aux droits des per­son­nes LGBT+. Ils mili­tent pour la restau­ra­tion d’un sup­posé « ordre naturel » des choses : les femmes et les hommes doivent se mari­er entre eux, la sex­u­al­ité doit avoir un but pro­créatif… Au Plan­ning, nous défendons le droit de chacun·e à vivre une sex­u­al­ité libre et épanouie, quelles que soient son ori­en­ta­tion sex­uelle ou son iden­tité de genre.

Réunion de travail du groupe de lutte contre les « antichoix » au Planning familial, le 17 juin 2024, à Paris.

Réu­nion de tra­vail du groupe de lutte con­tre les « anti­choix » au Plan­ning famil­ial, le 17 juin 2024, à Paris. Crédit : Sophie Palmi­er pour La Défer­lante.

Dans quel con­texte le Plan­ning en est-il venu à mon­ter un groupe de lutte con­tre ces col­lec­tifs ?

VÉRONIQUE SÉHIER Au sein du Plan­ning, on était plusieurs à voir que, con­traire­ment à une idée reçue, il ne s’agissait pas de quelques petits cathos vieil­lis­sants, mais d’une relève organ­isée, avec des moyens financiers impor­tants : en matière de com­mu­ni­ca­tion ou de lev­ée de fonds, on ne leur arrivait pas à la cheville. Organ­is­er la riposte, ça demandait des moyens, du temps, de l’organisation. Finale­ment, en 2019, au terme du con­grès du Plan­ning (1), la lutte con­tre les anti­choix a été adop­tée comme ori­en­ta­tion poli­tique du mou­ve­ment. Le pre­mier objec­tif, c’était de dévelop­per au sein de notre struc­ture la récolte d’informations et la sen­si­bil­i­sa­tion autour de ce sujet.

Quels sont les liens entre mou­ve­ments anti­choix et extrême droite ?

VÉRONIQUE SÉHIER Les mou­ve­ments anti-IVG ont tou­jours eu des con­nex­ions très fortes avec l’extrême droite : par exem­ple dans les années 2000, le GUD (2) fai­sait le ser­vice d’ordre des per­son­nes qui organ­i­saient des prières devant le Plan­ning famil­ial. L’un des axes forts à venir dans le tra­vail glob­al que nous menons au Plan­ning sera d’affiner notre con­nais­sance des ram­i­fi­ca­tions exis­tant entre ces col­lec­tifs anti­choix et l’extrême droite. Ce n’est pas un hasard si le Plan­ning est juste­ment sou­vent attaqué dans des villes où les réseaux de l’extrême droite sont bien implan­tés, comme à Bor­deaux, Lyon, Stras­bourg ou Lille.


« Les mou­ve­ments anti-IVG ont tou­jours eu des con­nex­ions très fortes avec l’extrême droite. »
Véronique Séhi­er


DOMINIQUE MAUVILLAIN Pour moi, toute per­son­ne d’extrême droite est anti­choix, mais tout anti­choix n’est pas néces­saire­ment d’extrême droite. Certes, une par­tie des député·es du Rassem­ble­ment nation­al (RN) ont voté pour la con­sti­tu­tion­nal­i­sa­tion de la lib­erté des femmes à recourir à l’IVG, mais c’était le fruit d’une stratégie élec­toral­iste, puisque la majorité de la pop­u­la­tion était pour. Ils et elles ont pu se dire que c’était une mesure sym­bol­ique, qui n’empêcherait pas le par­ti, s’il arrive au pou­voir, de dérem­bours­er l’avortement ou de réduire le délai légal d’accès par exem­ple.

VÉRONIQUE SÉHIER Ça mon­tre com­ment, en dix ans, les fronts de lutte ont évolué. Les mou­ve­ments anti­choix savent que ce n’est plus la peine de s’attaquer autant à l’IVG, parce que sa con­sti­tu­tion­nal­i­sa­tion fai­sait con­sen­sus en France. Par con­tre, ils y vont très fort con­tre les droits des per­son­nes trans, au nom de l’opposition à la « théorie du genre ». Leurs straté­gies aus­si ont changé. Aujour­d’hui, les col­lec­tifs anti­choix sont très forts sur les réseaux soci­aux. Ils font de l’entrisme dans des organ­i­sa­tions insti­tu­tion­nelles, par exem­ple dans celles liées à l’ONU. Ils se sont emparés des leviers de la démoc­ra­tie par­tic­i­pa­tive : en 2013, la fédéra­tion anti­a­vorte­ment One of Us a déposé une ini­tia­tive citoyenne européenne (ICE) pour inter­dire le verse­ment de fonds européens à des clin­iques pra­ti­quant l’avortement3. Ils s’attaquent aux organ­i­sa­tions comme le Plan­ning ou les asso­ci­a­tions LGBT+ en mul­ti­pli­ant les fake news, par exem­ple sur les mineur·es trans.

Lire aus­si : En arrière toutes

Quelles straté­gies adoptez-vous con­tre ces fauss­es infor­ma­tions ?

VÉRONIQUE SÉHIER Là où il y a de la dés­in­for­ma­tion sur les droits des femmes ou des per­son­nes LGBT+, là où des per­son­nes parta­gent des thès­es pseudo­scientifiques, on essaie d’apporter un con­tre-dis­cours factuel. L’année dernière, la psy­ch­an­a­lyste et essay­iste Car­o­line Eli­ach­eff est venue par­ler de son livre La Fab­rique de l’enfant trans­genre (4) à Lille. Sur la ques­tion des enfants trans, elle se per­met de dire des choses qui dépassent com­plète­ment ses com­pé­tences. Donc on a décidé de faire des con­férences ouvertes au grand pub­lic, en invi­tant par exem­ple des soignant·es qui accom­pa­g­nent réelle­ment des enfants trans et savent de quoi elles et ils par­lent. L’idée, c’est de décon­stru­ire toutes les fauss­es idées que des livres comme celui-là véhicu­lent. C’est un enjeu qui dépasse les cer­cles con­ser­va­teurs. Récem­ment, alors que j’intervenais dans une col­lec­tiv­ité ter­ri­to­ri­ale à la demande de per­son­nes a pri­ori de gauche et pro­choix, une élue m’a expliqué que l’avortement ne pour­rait jamais être un soin comme les autres, parce que « quand même, c’est trau­ma­ti­sant ». Cette musique de fond per­sis­tante sur le car­ac­tère trau­ma­ti­sant d’une IVG empêche d’en faire un droit à part entière.

L’un des ouvrages disponibles au cen­tre de doc­u­men­ta­tion du Plan­ning famil­ial, une étude dont Véronique Sehi­er est l’autrice. Crédit : Sophie Palmi­er pour La Défer­lante.

Com­ment répon­dez-vous aux attaques physiques ?

DOMINIQUE MAUVILLAIN On a édité un doc­u­ment qui explique com­ment réa­gir et se pro­téger en cas d’attaque. On met aus­si en con­tact nos antennes départe­men­tales avec des asso­ci­a­tions locales qui pro­posent des for­ma­tions que nous, en interne, n’avons pas encore les moyens d’assurer, sur l’autodéfense ou sur la sécuri­sa­tion d’une man­i­fes­ta­tion ou d’un stand. Enfin, on pro­pose une infor­ma­tion juridique : on explique aux mem­bres du Plan­ning famil­ial com­ment trou­ver un avo­cat et dépos­er plainte, quelle est la jurispru­dence, etc. Même si les plaintes n’aboutissent pas, on veut doc­u­menter les attaques, pou­voir com­mu­ni­quer à la jus­tice leur nom­bre et laiss­er une trace offi­cielle aux pou­voirs publics.

VÉRONIQUE SÉHIER À Lille, le local du Plan­ning a été attaqué cette année par des activistes anti­a­vorte­ment le jour de la céré­monie de scelle­ment de la Con­sti­tu­tion (4) le 8 mars. Ils ont tagué sur la vit­rine « IVG = meurtre, assas­sins ». Dans ce cas-là, la ten­ta­tion, c’est de pren­dre des pho­tos et de les dif­fuser. Mais les mou­ve­ments anti-IVG sont très con­tents quand on fait ça : ce qu’ils veu­lent, c’est de la vis­i­bil­ité. Et donc, c’est impor­tant de deman­der aux asso­ci­a­tions départe­men­tales ou aux médias de ne pas pub­li­er ces pho­tos, pour ne pas entr­er dans leur jeu.

Com­ment envis­agez-vous l’évolution de votre groupe de lutte ?

DOMINIQUE MAUVILLAIN Notre tra­vail et nos pri­or­ités évolu­ent en fonc­tion de la sit­u­a­tion sur le ter­rain. Nous venons d’échapper au pire en France. Nous devons ren­forcer ce tra­vail d’information et inten­si­fi­er la mobil­i­sa­tion au sein du Plan­ning, avec les groupes de tra­vail sur les ques­tions LGBTQIA+ et l’IVG, et bien au-delà, pour faire front à ces attaques per­ma­nentes con­tre les droits fon­da­men­taux. •


(1) Le Plan­ning famil­ial fédère env­i­ron 80 asso­ci­a­tions départe­men­tales rece­vant du pub­lic. Le con­grès qui les réu­nit tous les trois ans  per­met de vot­er les ori­en­ta­tions poli­tiques.
(2) Par­ti­c­ulière­ment act­if dans les années 1970, le Groupe union défense (GUD) est une organ­i­sa­tion étu­di­ante d’extrême droite qui pra­tique l’action vio­lente.
(3) Coécrit avec Céline Mas­son, La Fab­rique de l’enfant trans­genre (L’Observatoire, 2022), sous cou­vert de pro­tec­tion des enfants, remet en cause le droit des enfants et adolescent·es à chang­er de genre.
(4) Journée sym­bol­ique actant la mod­i­fi­ca­tion de la Con­sti­tu­tion et l’inscription de la lib­erté garantie des femmes de recourir à l’IVG.

Maya Elboudrari

Journaliste indépendante, Maya Elboudrari s’intéresse à l’actualité internationale et aux questions sociales – féminismes et migrations en particulier. Engagée à l’Association des journalistes antiracistes et racisé·es (Ajar), elle assure également des séances d’éducation aux médias. Voir tous ses articles

Extrême droite : résister en féministes

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°15 Spé­cial Extrême droite : résis­ter en fémin­istes, parue en août 2024. Con­sul­tez le som­maire.


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