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“Le lendemain de mon ‘IVG, je suis retournée travailler”

Lau­rane a 22 ans, elle vit dans le sud de la France. En févri­er 2022, elle avor­tait pour la pre­mière fois. Dans ce témoignage, elle revient sur le déroule­ment de cet acte courant, choisi, et pour­tant absent des représen­ta­tions col­lec­tives.
Publié le 02/02/2024

Modifié le 16/01/2025

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°13 Avorter, paru en mars 2024. Con­sul­tez le som­maire.

D’abord, j’ai eu un retard de règles, et une nuit, j’ai vomi. Le lende­main, sans me pos­er de ques­tions, j’ai fait un test de grossesse. Nor­male­ment, il faut atten­dre un peu, mais là, le résul­tat posi­tif s’est affiché directe­ment. Au fond de moi, je le savais déjà, alors je n’ai pas réa­gi. Mon copain m’attendait dans la pièce d’à côté. Je lui ai annon­cé la nou­velle, et là je me suis mise à pleur­er.

Depuis l’adolescence, je voulais avoir un enfant. Quand j’ai appris que j’étais enceinte, j’étais avec mon copain depuis deux ans, et on avait déjà évo­qué le sujet sans penser que ça pou­vait nous arriv­er aus­si rapi­de­ment. Il me restait encore une année d’alternance dans mon école d’optique et chez mon employeur. Je n’étais pas sta­ble finan­cière­ment, ni men­tale­ment. Ce n’était pas le moment.

Laurane, le 28 novembre 2023.

Lau­rane, le 28 novem­bre 2023.

Dans les min­utes qui ont suivi le test, j’ai appelé la mai­son de san­té la plus proche de chez moi, en expli­quant que je voulais avorter rapi­de­ment. Et je suis retournée tra­vailler chez l’opticien où j’étais en alter­nance.
Deux jours plus tard, j’ai ren­con­tré la gyné­co­logue de la mai­son de san­té. Elle m’a fait une échogra­phie et m’a demandé si je voulais regarder. En voy­ant l’image, je me rap­pelle avoir ressen­ti de la tristesse, je n’arrivais pas à voir le fœtus : ça fai­sait à peine deux mil­limètres. Selon ses cal­culs, j’étais enceinte depuis un mois. Avant de me don­ner les coor­don­nées d’une sage-femme, instal­lée à une heure de route de chez moi, elle a fait sor­tir mon copain de la pièce et s’est assurée de mon choix.

La sage-femme ne pou­vait me recevoir que deux semaines plus tard. Deux semaines, c’est long. Dans cet inter­valle, une copine m’a racon­té com­ment, une fois, elle avait pris deux cachets et avait atten­du à l’hôpital jusqu’à la fin des saigne­ments. J’ai appris aus­si que ma mère, après m’avoir eue, avait voulu avorter, mais que finale­ment elle avait fait une fausse couche. J’ai aus­si eu le temps de me pos­er mille ques­tions, de regarder sur Inter­net, de cal­culer sa pos­si­ble date de nais­sance et, surtout, avoir le temps d’y réfléchir m’a ren­du plus triste de le faire.

« Ça y est, c’est fait »

Le jour venu, ma mère m’a accom­pa­g­née. La sage-femme m’a demandé à nou­veau si j’étais sûre de mon choix, et m’a expliqué avec bien­veil­lance le proces­sus d’avortement médica­menteux, les deux pilules abortives à pren­dre, à deux jours d’intervalle. Je devais pren­dre la pre­mière devant elle, mais à ce moment-là, impos­si­ble de met­tre le médica­ment dans ma bouche. J’ai fon­du en larmes, et ma mère aus­si. La sage-femme m’a dit que je pou­vais encore chang­er d’avis. Mais mal­gré la peine, j’étais sûre de moi. J’ai avalé le médica­ment dix min­utes plus tard, en pen­sant : « Ça y est, c’est fait. »

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Pour la prise du deux­ième cachet, les médecins recom­man­dent d’être à moins de 30 kilo­mètres d’un hôpi­tal. J’habite à plus de 90 kilo­mètres de l’hôpital le plus proche, donc j’ai dû m’organiser. Mes par­ents nous ont prêté leur chalet dans un camp­ing sur la côte. J’y suis descen­due avec mon chien et mon copain. La veille, on a essayé de pass­er une soirée nor­male, avec des sushis et un film. Je ne par­lais pas, j’étais totale­ment per­due. J’avais pleuré tout le week-end. J’ai fini par m’endormir d’épuisement.

Le lun­di 28 févri­er 2022, à 10 h, j’ai pris le deux­ième com­primé, mis une pro­tec­tion hygiénique et j’ai atten­du. Trois heures plus tard, les con­trac­tions et les saigne­ments ont com­mencé. Ma copine qui avait déjà avorté m’a dit qu’elle avait per­du trois ou qua­tre cail­lots de sang pen­dant qua­tre heures. Moi, ça a duré toute la journée et j’ai arrêté de compter les cail­lots au bout d’une dizaine. J’étais épuisée. Dès que je mar­chais, je sen­tais le sang couler et j’ai dû me chang­er plusieurs fois. Je n’arrivais pas à penser à autre chose qu’à ce qui se pas­sait dans mon corps.

À 17 h, j’ai fini par m’asseoir sur les toi­lettes, et j’ai fait un malaise : mon copain a appelé la sage-femme qui lui a dit que c’était nor­mal et que ce n’était pas la peine d’aller aux urgences. On a ensuite pris la route pour ren­tr­er chez nous. On a fait une halte en chemin et j’ai mangé pour la pre­mière fois de la journée. À 19 h 30, une fois à la mai­son, je me suis douchée et j’ai changé une dernière fois de servi­ette avant de m’endormir. Le lende­main, je suis retournée tra­vailler.

Autant le jour de l’avortement, les douleurs étaient sup­port­a­bles, autant le lende­main matin, j’ai eu de fortes con­trac­tions : j’étais au tra­vail, accroupie, à me tenir le ven­tre, toute la mat­inée. Les jours suiv­ants, j’ai eu des maux de ven­tre et de légers saigne­ments, comme des règles douloureuses.

Une fois que c’était fini, je n’y ai plus pen­sé. Quelques mois plus tard, je suis retournée au chalet de mes par­ents, et je me suis ren­du compte que je n’en avais pas assez par­lé avec mon copain. Le choc d’être enceinte avait été vio­lent. Je pre­nais la pilule, on fai­sait atten­tion. Moi qui voulais telle­ment avoir un enfant, j’étais dégoûtée que ça me tombe dessus à ce moment-là. J’ai voulu en dis­cuter avec mon copain, puisque c’était quelque chose qu’on avait vécu à deux, mais ce que je ressen­tais après coup ne l’intéressait pas. J’ai passé qua­tre à cinq mois à ne penser qu’à ça, et puis j’ai fini par me faire une rai­son. De toute façon, j’avais pris la bonne déci­sion, et je ne l’ai jamais regret­tée. •

Pro­pos recueil­lis par télé­phone le 9 octo­bre 2023 par Marie-Agnès Laf­fougère, jour­nal­iste à La Défer­lante.

Marie-Agnès Laffougère

Journaliste indépendante, elle travaille pour Têtu, Livres Hebdo et Radio France sur des sujets liés au genre et aux questions LGBT+. Voir tous ses articles

Avorter : une lutte sans fin

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°13 Avorter, paru en mars 2024. Con­sul­tez le som­maire.


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