Warning: Attempt to read property "ID" on int in /home/clients/f3facd612bb3129d1c525970fad2eeb3/sites/tpp.revueladeferlante.org/wp-content/themes/Divi/includes/builder/post/PostStack.php on line 62

La guerre des mœurs de Vladimir Poutine

Mar­di 9 mai, le prési­dent russe com­mé­morait en grande pompe la vic­toire « sovié­tique » sur l’Allemagne nazie, en 1945. Une occa­sion nou­velle de jus­ti­fi­er la pour­suite de la guerre en Ukraine par la pré­ten­due mis­sion « civil­isatrice » de la Russie. Un com­bat qui, selon le régime de Moscou, passe par une croisade morale con­tre les droits des femmes et des per­son­nes LGBT+.
Publié le 12/05/2023

Modifié le 16/01/2025

Depuis une dizaine d'années, Vladimir Poutine mène une politique homophobe et misogyne en Russie. Ici une manifestation à Berlin, en 2013, en soutien à la communauté LGBT+ de Russie
© Mario Fieber/ Flickr

Com­man­dez le dernier numéro de La Défer­lante : Danser, de mai 2023. La Défer­lante est une revue trimestrielle indépen­dante con­sacrée aux fémin­ismes et au genre. Tous les trois mois, en librairie et sur abon­nement, elle racon­te les luttes et les débats qui sec­ouent notre société.
Con­sul­ter le som­maire

C’est un aspect resté au sec­ond plan de la guerre que mène la Russie de Vladimir Pou­tine con­tre l’Ukraine, et pour­tant cru­cial pour com­pren­dre la logique du maître du Krem­lin : la bataille des mœurs. Une guerre au sein de laque­lle Moscou entend com­bat­tre « l’Occi­dent déca­dent », selon ses pro­pres mots. « On a tous un peu raté le virage fana­tique de Pou­tine, explique Ele­na Volo­chine, grand reporter à France 24 et cor­re­spon­dante à Moscou pen­dant dix ans. On a beau­coup trop sous-estimé sa rad­i­cal­i­sa­tion religieuse au fil des années. »

Une poli­tique ultra­con­ser­va­trice

Car depuis dix ans env­i­ron, celui qui se plai­sait déjà à incar­n­er publique­ment la toute-puis­sance vir­ile prône un retour aux valeurs dites « tra­di­tion­nelles », par oppo­si­tion à ce qu’il désigne comme la déca­dence des mœurs du Vieux Con­ti­nent. Dans les faits, cela se traduit par une poli­tique éta­tique ultra­con­ser­va­trice dont les femmes et les minorités sex­uelles ont été les pre­mières cibles. « Le pre­mier sig­nal a été l’adoption de la loi lib­er­ti­cide por­tant sur l’offense aux sen­ti­ments religieux des croy­ants. C’était en réponse à la prière punk des Pussy Riot récla­mant le départ de Pou­tine dans la cathé­drale du Christ-Sauveur de Moscou en 2012 », indique Ele­na Volo­chine, désor­mais aux manettes de l’émission « Vu de Russie » sur France 24. Les trois jeunes opposantes ayant par­ticipé au hap­pen­ing de la cathé­drale du Christ-Sauveur ont été recon­nues coupables de van­dal­isme et d’incitation à la haine religieuse. « Jugée blas­phé­ma­toire par les autorités, cette action des Pussy Riot a été l’objet du pre­mier procès poli­tique de la Russie mod­erne », con­clut la jour­nal­iste.

Dépé­nal­i­sa­tion des vio­lences con­ju­gales

Anna Riv­ina, avo­cate russe et défenseuse des droits des femmes, en exil depuis le 24 févri­er 2022 partage le con­stat de cette dérive réac­tion­naire. Elle a créé en 2015 Nasiliu.net (« Non à la vio­lence » en russe), un por­tail et un cen­tre de sou­tien aux femmes russ­es vic­times de vio­lences con­ju­gales, alors qu’aucune loi n’existe en Russie pour leur venir en aide. Pire, pré­cise l’avocate : « La rhé­torique offi­cielle du Krem­lin ces dernières années est de préserv­er la familleOn force les femmes à rester avec leur con­joint ou leur mari, à leur par­don­ner, à appren­dre à vivre avec eux. C’est de plus en plus dif­fi­cile d’obtenir le divorce»

Tout cela, rap­pelle Ele­na Volo­chine, fait suite à la déci­sion de l’État russe de « ne pas inter­venir dans l’intimité des familles, comme on le ferait en Occi­dent ». Une mesure qui a entraîné, en 2017, la dépé­nal­i­sa­tion des vio­lences con­ju­gales, désor­mais punies d’une sim­ple amende. Cet arbi­trage est venu s’ajouter à la révo­ca­tion par Moscou, cette dernière décen­nie, de toute une liste des droits pro­gres­sistes : cours d’éducation sex­uelle à l’école où il est désor­mais proclamé que seuls les rap­ports entre hommes et femmes sont naturels ; ten­ta­tives de restrein­dre l’accès à l’IVG, mais aus­si inscrip­tion de l’interdiction du mariage pour toutes et tous dans la Con­sti­tu­tion, ren­for­cée en novem­bre dernier par l’interdiction de la pré­ten­due « pro­pa­gande LGBT+ » dans tous les domaines de la société.

La « cor­rup­tion morale » de l’Occident

Une homo­pho­bie d’État assumée par Moscou selon Ele­na Volo­chine : « Il s’est inspiré des écrits d’un obscur philosophe du début du XXe siè­cle, Ivan Iline, pour qui la défense du bien jus­ti­fie l’utilisation de la vio­lence con­tre ce qui est con­sid­éré être de la cor­rup­tion morale. » Dans la logique d’Ivan Iline, auteur de l’essai De la résis­tance au mal par la force (1925), le religieux et le poli­tique doivent s’unir pour assumer au mieux la mis­sion rédemptrice qui incomberait à la Russie. Vladimir Pou­tine voit ain­si Moscou comme une troisième Rome, après Con­stan­tino­ple, ayant la charge de défendre la foi chré­ti­enne à l’international.


« Que tu le veuilles ou non, ça va se pass­er comme ça…»


Dans son dis­cours du 30 sep­tem­bre 2022, l’ancien agent du KGB dénonçait ain­si « les per­ver­sions » de l’Occident, comme par exem­ple « la pos­si­bil­ité de choisir son genre ». Il affir­mait : « Un tel ren­verse­ment de la foi et des valeurs tra­di­tion­nelles, une telle sup­pres­sion de la lib­erté revê­tent les car­ac­téris­tiques […] du satanisme pur et sim­ple» Vladimir Pou­tine dis­pose, en out­re, du sou­tien incon­di­tion­nel du patri­arche Kir­ill, qui, en 2016, appelait à l’interdiction de l’avortement, assim­ilé à un « meurtre légal des enfants avant leur nais­sance ». En mars 2022, le puis­sant chef de l’Église ortho­doxe russe par­lait d’« affron­te­ment civil­i­sa­tion­nel » pour jus­ti­fi­er l’invasion de l’Ukraine par la Russie, dont la lutte con­tre l’homosexualité serait l’un des enjeux.

Face à cette dérive ultra­con­ser­va­trice qui vient expli­quer, en par­tie, la guerre menée con­tre l’Ukraine, les fémin­istes sont par­mi les dernières à tenir tête à Pou­tine en organ­isant des actions et des man­i­fes­ta­tions dans tout le pays.

Une totale soumis­sion

Au lende­main de l’offensive russe de févri­er 2022, a été créé le mou­ve­ment russe Résis­tance fémin­iste anti-guerre (FAS), une organ­i­sa­tion présente en Russie et dans une ving­taine de pays, dont le but est de dénon­cer l’agression con­tre l’Ukraine comme on dénon­cerait l’agression d’une femme. Dans un man­i­feste pub­lié le 27 févri­er 2022, les fémin­istes de FAS appelaient leurs sœurs du monde entier « et toutes celles qui parta­gent des valeurs uni­verselles », à s’opposer à la guerre. Pour Sacha*, l’une des mem­bres de ce mou­ve­ment, le par­al­lèle entre impéri­al­isme et dom­i­na­tion mas­cu­line est évi­dent : « En Russie, la guerre a com­mencé, pour les femmes, dans le foy­er, explique-t-elle. Le chef de l’État a fait en sorte qu’elles n’aient plus de choix, plus de droits. Il a encour­agé les hommes à se con­duire comme des chefs de famille et à utilis­er la vio­lence comme il le fait avec tous ceux qui ten­teraient de s’opposer à son pou­voir. »

Il y a un peu plus d’un an, à la veille de l’offensive mil­i­taire en Ukraine, Vladimir Pou­tine menaçait le prési­dent ukrainien, Volodymyr Zelen­sky en ces ter­mes : « Que tu le veuilles ou non, ma jolie, ça va se pass­er comme ça… » Si l’on en croit l’avocate Anna Riv­ina, « ça l’a ren­du fou de per­dre le pou­voir sur l’Ukraine, comme un homme vio­lent perdrait le con­trôle sur une femme qui ne veut plus de lui ». Sacha, la mil­i­tante fémin­iste, con­firme : « Tout comme un bour­reau impose la loi du silence à sa vic­time, les autorités russ­es ne veu­lent pas de cri­tiques mais une totale soumis­sion à leurs ambi­tions» D’où la dou­ble néces­sité pour elle de con­tin­uer à agir pour résis­ter.

*Le prénom a été changé

→ Retrou­vez la revue de presse ain­si que les coups de cœur de la rédac­tion juste ici.

Danser : l’émancipation en mouvement

Com­man­dez le dernier numéro de La Défer­lante : Danser, de mai 2023. La Défer­lante est une revue trimestrielle indépen­dante con­sacrée aux fémin­ismes et au genre. Tous les trois mois, en librairie et sur abon­nement, elle racon­te les luttes et les débats qui sec­ouent notre société.
Con­sul­ter le som­maire


Notice: ob_end_flush(): Failed to send buffer of zlib output compression (1) in /home/clients/f3facd612bb3129d1c525970fad2eeb3/sites/tpp.revueladeferlante.org/wp-includes/functions.php on line 5471

Notice: ob_end_flush(): Failed to send buffer of zlib output compression (1) in /home/clients/f3facd612bb3129d1c525970fad2eeb3/sites/tpp.revueladeferlante.org/wp-includes/functions.php on line 5471

Notice: ob_end_flush(): Failed to send buffer of zlib output compression (1) in /home/clients/f3facd612bb3129d1c525970fad2eeb3/sites/tpp.revueladeferlante.org/wp-content/plugins/really-simple-ssl/class-mixed-content-fixer.php on line 107