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La fête, un milieu hostile pour les femmes trans

Au surlen­de­main de la Fête de la musique et alors que se déroule le mois des Fiertés, nous avons souhaité nous attarder sur la con­di­tion spé­ci­fique des femmes trans, sur­ex­posées aux vio­lences sex­istes, par­ti­c­ulière­ment dans les milieux fes­tifs. Dans cette newslet­ter, le jour­nal­iste Tal Mades­ta analyse cette vio­lence ordi­naire et rap­pelle quelles actions peu­vent être mis­es en œuvre pour y remédi­er.
Publié le 23/06/2023

Modifié le 16/01/2025

Cre­ative com­mons.

Com­man­dez le dernier numéro de La Défer­lante : Danser, de mai 2023. La Défer­lante est une revue trimestrielle indépen­dante con­sacrée aux fémin­ismes et au genre. Tous les trois mois, en librairie et sur abon­nement, elle racon­te les luttes et les débats qui sec­ouent notre société.
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« À l’arrivée [dans le club], la dame de la sécu annonce : “Je ne fais de pal­pa­tions qu’aux femmes qui ont un F sur leurs papiers d’identité” ». Ce réc­it, relaté en avril dernier sur Insta­gram par la poétesse Luz Vol­ck­mann et la DJ Edna, venues par­ticiper à une soirée queer à Mar­seille, s’inscrit dans la con­ti­nu­ité d’une « trans­pho­bie ordi­naire » vécue par les femmes trans dans les lieux fes­tifs.

Reçus à la suite d’un appel sur les réseaux soci­aux lancé pour les besoins de cet arti­cle, une trentaine de témoignages ren­dent compte d’une dynamique dou­ble : être une femme trans dans les milieux de la fête con­siste à subir dans un même geste la fétichi­sa­tion sex­uelle et la réassig­na­tion au mas­culin. C’est ce que racon­te Lana, 26 ans, fréquen­tant les soirées étu­di­antes de Metz : «Les gens me trait­ent  de “trav­elo”, “fausse femme”… J’ai été la cible d’attouchements et de mecs qui voulaient “tester” une femme trans. Soit je me fais insul­ter, soit on me voit comme un objet sex­uel. »

Passer pour une femme dominée

Les femmes trans sont sur­ex­posées en per­ma­nence aux vio­lences sex­istes dans l’espace pub­lic et par­ti­c­ulière­ment en soirée, leurs agresseurs prof­i­tant de la promis­cuité offerte par un lieu clos. «Ils pensent que je fais par­tie du show, que je suis là pour les diver­tir, les faire s’explorer, avec ou sans apos­tro­phe», relate Améthyste, 30 ans, sor­tant à Lyon. Claude-Emmanuelle, 32 ans et vivant à Paris, con­firme : «J’ai le sen­ti­ment d’appartenir à tout le monde. On touche mes seins, on me tire les cheveux, on me demande quelles chirur­gies j’ai faites. Si je m’énerve, on me dit que je suis hys­térique et fer­mée d’esprit.»

Spé­ci­ficité des com­porte­ments trans­misog­y­nes en soirée : ils se déploient de la même façon en milieu queer que dans des fêtes cis-hétéro. C’est ce que remar­que Milan Bon­té, géo­graphe et chercheur, auteur d’une thèse sur l’accessibilité des espaces publics aux per­son­nes trans : «Les femmes trans sont poussées à adopter une féminité sub­or­don­née. Une vraie femme, c’est une femme dom­inée : celle qui ne prend pas de place, qui ne va pas par­ler trop fort. C’est pareil dans les soirées queer, même si la rhé­torique est poli­tisée : une femme trans qui prend trop de place ne serait pas une “bonne femme”, car elle prendrait la place des femmes cis.»


« Ils pensent que je fais par­tie du show, que je suis là pour diver­tir »


Au cœur de la fête, cer­tains lieux sont par­ti­c­ulière­ment éprou­vants pour les femmes trans. C’est le cas des toi­lettes gen­rées. Maud Roy­er, mil­i­tante trans­fémin­iste, détaille ce con­stat : «On vient te rap­pel­er en per­ma­nence que tu es perçue comme trans. Dans la file d’attente des toi­lettes, les per­son­nes se retour­nent vers toi pour te deman­der si tu vas piss­er debout. »
Mil­i­tante dans le col­lec­tif Toutes des femmes, elle explique aisé­ment cette per­pé­tu­a­tion des vio­lences : «Il y a très peu de lieux de fête par et pour les per­son­nes trans­féminines. Elles nav­iguent dans des espaces pen­sés d’abord pour les per­son­nes cis», espaces dans lesquels les femmes trans qui dévient des normes atten­dues sont bien sou­vent réas­signées au mas­culin. Cela se joue à « un ongle pas assez tail­lé », iro­nise la poétesse Luz Vol­ck­mann.

Discriminées dès la file d’attente

Avant même qu’on passe la porte, le per­son­nel de sécu­rité à l’entrée donne le ton. « Pen­dant les fouilles, on nous demande de pass­er du côté des hommes», racon­te Galathéa, 24 ans, à Paris. Sun­siaré, Arlési­enne de 42 ans, se sou­vient : «Le ser­vice de sécu­rité d’une soirée à laque­lle j’étais lançait en boucle en rigolant : “C’est des trav­e­los !”» De manière générale, c’est sou­vent dans la file d’entrée que se jouent les dynamiques de dis­crim­i­na­tion, un « enfer » dont Améthyste a été la vic­time : «Je me sou­viens d’une physio [pour “phy­s­ion­o­miste”, qui fil­tre les entrées] qui me touchait l’entrejambe et me fai­sait bien com­pren­dre que je n’avais pas à me plain­dre. » Elle ajoute : «Je ne compte pas les fois où les gens de la sécu dis­ent bien fort lorsqu’ils me voient : “Les hommes, c’est dans l’autre file.”»

Milan Bon­té explique : «La spé­ci­ficité du milieu fes­tif, c’est qu’il y a des chefs, des gar­di­ens. En soirée, il y a une notion de main­tien de l’ordre encore plus présente qu’ailleurs, ce qui peut amen­er à ren­forcer les vio­lences. » C’est un dou­ble cir­cuit de mar­gin­al­i­sa­tion que subis­sent les femmes trans venues faire la fête : éprou­ver les vio­lences d’abord, et les voir légitimées, voire encour­agées par le per­son­nel de sécu­rité ensuite. Galathéa résume : «Avec mes amies, on sait que, en cas de con­flit avec d’autres client·es, c’est nous qui allons nous faire vir­er de la soirée, pas elleux. »

Afin de ne pas subir ces vio­lences, pas d’autre solu­tion que de met­tre en place des straté­gies d’évitement. Pour Maud Roy­er, il s’agit de « trou­ver le juste milieu » dans sa manière de s’habiller. Pour Galathéa et Améthyste, il faut venir en groupe, le col­lec­tif faisant office de boucli­er. Dernière pos­si­bil­ité : rester chez soi. Des straté­gies sim­i­laires à celles adop­tées par les femmes cis. Selon Milan Bon­té, cela témoigne d’un rap­port com­mun à l’espace social : « Les trau­ma­tismes vécus dans le monde fes­tif accom­pa­g­nent ces femmes dans les autres espaces publics. Cette social­i­sa­tion à la peur des vio­lences mas­cu­lines est typ­ique­ment fémi­nine. »

Formation et prévention en soirée

La sit­u­a­tion n’est pas irrémé­di­a­ble, assurent les bénév­oles de Con­sen­tis. L’association, basée en régions parisi­enne et nan­taise, s’est spé­cial­isée dans la lutte con­tre les vio­lences sex­uelles et les dis­crim­i­na­tions en milieu fes­tif. «On fait de la for­ma­tion avec les struc­tures en amont, on les accom­pa­gne à organ­is­er matérielle­ment un lieu où on n’est pas en hyper­vig­i­lance quand on est une per­son­ne minorisée, on va leur par­ler logis­tique, toi­lettes, on les accom­pa­gne à une pos­ture d’écoute et d’accueil des per­son­nes vic­times», liste Safi­a­tou, mem­bre de l’association. Celle-ci pro­pose des stands de préven­tion directe­ment dans les soirées pour assur­er une per­ma­nence et répon­dre aux ques­tions.
L’association martèle : c’est avant tout un enjeu de poli­tique de recrute­ment et de volon­tarisme. Safi­a­tou résume : « Il faut des phys­ios fix­es et un engage­ment con­cret dans la pro­tec­tion des clientes. On fait des cas pra­tiques pour expli­quer com­ment assur­er l’accueil des per­son­nes trans et on fait de la péd­a­gogie sur l’impact des vio­lences. C’est une chose de dire : “Désign­er une per­son­ne par le mau­vais genre, c’est pas bien”, mais expli­quer pourquoi, c’est mieux. »

📖 ⟶  Tal Mades­ta sera à la librairie Dia­logues à Brest le 7 juil­let. Il échang­era avec les lecteur·ices autour de son livre La Fin des mon­stres, pub­lié en avril dernier par La Défer­lante Édi­tions.

→ Retrou­vez la revue de presse ain­si que les coups de cœur de la rédac­tion juste ici.

Tal Madesta

Journaliste indépendant spécialisé dans les questions de discriminations, il est l’auteur de plusieurs livres, dont La Fin des monstres (La Déferlante Éditions, 2023). Il co-anime le podcast Les Couilles sur la table (Binge Audio). Voir tous ses articles

Danser : l’émancipation en mouvement

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