Warning: Attempt to read property "ID" on int in /home/clients/f3facd612bb3129d1c525970fad2eeb3/sites/tpp.revueladeferlante.org/wp-content/themes/Divi/includes/builder/post/PostStack.php on line 62

Jean-Luc Mélenchon, candidat des féministes ?

Publié le 04/04/2022

Modifié le 16/01/2025

Les fémin­istes qui appel­lent à vot­er pour le can­di­dat de La France insoumise au pre­mier tour de la prési­den­tielle sont de plus en plus nom­breuses. Un posi­tion­nement qui inter­roge : Jean-Luc Mélen­chon, sou­vent cri­tiqué pour sa pra­tique autori­taire du pou­voir, s’est entouré d’une garde rap­prochée aux allures de “boy’s club”. Son par­ti n’a pas non plus été épargné par les affaires de vio­lences sex­istes et sex­uelles. Com­ment expli­quer alors ces ral­liements en série ? Jean-Luc Mélen­chon peut-il vrai­ment être le can­di­dat des fémin­istes ? La Défer­lante a enquêté.

Le 4 mars dernier, sur son blog hébergé par Medi­a­part, Car­o­line De Haas, fon­da­trice d’Osez le fémin­isme puis du col­lec­tif Nous toutes, pub­li­ait un bil­let inti­t­ulé : « Ce sera Mélen­chon », appelant à vot­er, au pre­mier tour pour le can­di­dat de La France insoumise (LFI). Elle pré­pare égale­ment une tri­bune, signée par des citoyen·nes et des per­son­nal­ités de gauche, qui devrait paraître dans la presse lun­di. Con­tac­tée par télé­phone, l’ancienne direc­trice de cam­pagne de Cécile Duflot lors de la pri­maire écol­o­giste de 2016 recadre immé­di­ate­ment : « Mon fémin­isme n’est pas le pre­mier déter­mi­nant dans ce choix […]. C’est un vote stratégique : il s’agit d’éviter que l’extrême droite ne soit au sec­ond tour et d’avoir deux semaines de moins de paroles racistes et islam­o­phobes qui se déversent sur les ondes. La présence de LFI au sec­ond tour per­me­t­trait de créer de la con­tra­dic­tion, de l’opposition, de l’espoir aus­si face à Emmanuel Macron, y com­pris pour la cam­pagne des lég­isla­tives. »

Que pense-t-elle de son pro­gramme et plus pré­cisé­ment du chapitre sur les droits des femmes ? « Les propo­si­tions sont OK », répond-elle. Dans son livret con­sacré à l’égalité femmes-hommes, Jean-Luc Mélen­chon pro­pose notam­ment d’allouer un mil­liard d’euros à la lutte con­tre les vio­lences sex­uelles, comme le deman­dent les asso­ci­a­tions fémin­istes, d’améliorer la prise en charge judi­ci­aire des femmes vic­times de vio­lence, de pro­mou­voir l’égalité salar­i­ale, ou encore de con­sti­tu­tion­nalis­er le droit à l’avortement. « J’étais tout aus­si rac­cord avec les propo­si­tions de Philippe Poutou [Nou­veau Par­ti ant­i­cap­i­tal­iste NPA], explique Car­o­line De Haas, mais LFI a plus de chances d’être au sec­ond tour. » Celle qui a égale­ment été, en 2013, con­seil­lère de la min­istre de l’Éducation nationale Najat Val­laud-Balka­cem, insiste sur ce qu’elle perçoit comme « la capac­ité des mélen­chon­istes à gou­vern­er […]. Je lis leur pro­gramme et j’entrevois déjà le con­seil des min­istres : ils sont prêts. »

« J’AIMERAIS ENTENDRE DES DISCOURS DE SOUTIEN PLUS CLAIRS AUX FEMMES VOILÉES ET AUX FEMMES TRANS »

Mal­gré son sou­tien sans ambiguïtés, la mil­i­tante fémin­iste n’imagine pas rejoin­dre

les rangs insoumis ni faire cam­pagne à son tour. « LFI ne m’apparaît pas comme une organ­i­sa­tion poli­tique joyeuse et bien­veil­lante, on le sent notam­ment sur les réseaux soci­aux. Ce cli­mat, qui fait qu’on milite la boule au ven­tre, je n’en veux plus. C’est pré­cisé­ment ce qui m’a fait quit­ter la scène poli­tique en 2017. Mais j’ai écrit ce texte parce que j’en suis arrivée à me dire qu’il y avait une “big­ger pic­ture” », c’est-à-dire des pri­or­ités plus grandes, comme celle de main­tenir la gauche en vie.

« Notre seule option »

Le ressen­ti de l’historienne et mil­i­tante fémin­iste Mathilde Lar­rère est sim­i­laire. Elle a, elle aus­si, appelé à soutenir le par­ti mélen­chon­iste dans une tri­bune cosignée avec les historien·nes Lau­rence De Cock et Arnault Sko­r­nic­ki. « Je n’avais pas exprimé publique­ment mes inten­tions en 2017, car je n’avais pas le même sen­ti­ment d’urgence qu’aujourd’hui », explique-t-elle. Pour­tant, elle aimerait enten­dre « des dis­cours de sou­tien plus clairs en faveur des femmes voilées ou des femmes trans. Mais le pro­gramme est déjà solide. Je retiens entre autres la volon­té de mieux for­mer la police à l’accompagnement des vic­times, l’attention accordée aux métiers fémin­isés sous-payés, sujet sur lequel on sent l’influence du député François Ruf­fin, avec par exem­ple la reval­ori­sa­tion du smic men­su­el, ou encore la pro­créa­tion médi­cale­ment assistée ouverte aux femmes trans. » L’historienne votera bien France insoumise le 10 avril, mais reste cri­tique sur les méth­odes de ce par­ti : « LFI m’a pro­posé d’intégrer son “par­lement de l’union pop­u­laire” [une instance de réflex­ion réu­nis­sant des mem­bres de la société civile et des intellectuel·les tel·les que l’écrivaine fémin­iste Annie Ernaux – NDLR], mais j’ai refusé. Dans ma con­cep­tion de la démoc­ra­tie, un par­lement est élu, pas coop­té. »

Côté insoumis·es, ces sou­tiens sont évidem­ment accueil­lis avec fierté. On veut y voir la preuve que les ques­tions de genre ont été cor­recte­ment inté­grées. Par télé­phone, Clé­men­tine Autain, députée de Seine-Saint-Denis et femme poli­tique fémin­iste de longue date, détaille l’impact qu’a eu #MeToo sur le par­ti depuis 2017 : « Les ques­tions fémin­istes qui étaient en marge sont main­tenant au cœur de nos débats. Il y a encore du tra­vail, bien sûr, mais les mil­i­tants éloignés de ces sujets ont pris con­science du niveau d’inégalités et de vio­lence subi par les femmes. L’autre rai­son à cette évo­lu­tion est qu’il y a plus de femmes au sein du mou­ve­ment insoumis qui ont une authen­tique fibre fémin­iste », assure-t-elle. Et de nom­mer Mathilde Pan­ot, prési­dente du groupe LFI à l’Assemblée nationale depuis 2021, la députée européenne Manon Aubry, ou encore Clé­mence Guet­té, core­spon­s­able du pro­gramme de cam­pagne.

La colère face aux Verts 

L’éclosion d’une généra­tion de respon­s­ables et d’élues fémin­istes dans le par­ti de Jean-Luc Mélen­chon est l’autre argu­ment qui compte pour la plu­part des nou­velles ral­liées. Notam­ment pour celles qui ont claqué la porte de la cam­pagne de Yan­nick Jadot début mars, juste après le limo­geage de San­drine Rousseau. L’ancienne prési­dente du con­seil poli­tique du can­di­dat vert a été exclue de l’équipe de cam­pagne après des pro­pos très cri­tiques tenus devant des jour­nal­istes.

« CHEZ JADOT, ON DIRAIT UNE CAMPAGNE DE RELATIONS PUBLIQUES POUR VENDRE DES PANNEAUX SOLAIRES ! »

« Ce con­seil poli­tique n’était qu’une coquille vide de toute façon », tem­pête Elen Debost, élue du Mans et sou­tien de San­drine Rousseau lors de la pri­maire écol­o­giste – elle a égale­ment porté plainte à ses côtés con­tre Denis Baupin. Elle n’a pas de mots assez durs con­tre l’actuel can­di­dat des Verts et son équipe rap­prochée : « Yan­nick Jadot et son entourage n’ont pas du tout com­pris le prisme fémin­iste et en quoi il était majeur pour nom­bre d’écologistes. L’écologie poli­tique, c’est la recherche d’un équili­bre entre les dimen­sions envi­ron­nemen­tales, socié­tales et économiques. Là, on n’y est pas du tout : on dirait une cam­pagne de rela­tions publiques pour ven­dre des pan­neaux solaires ! » Elen Debost sou­tient aujourd’hui la can­di­da­ture de Jean-Luc Mélen­chon : « Sa ligne mêlant jus­tice sociale, écolo­gie et fémin­isme est finale­ment plus proche de celle qu’on défendait avec San­drine que celle des Verts aujourd’hui. »

Un mou­ve­ment opaque et désor­gan­isé

Les ral­liements médi­a­tiques ont créé un effet d’entraînement chez les proches d’EELV. Comme d’autres, Coralie Miller, doc­u­men­tariste et mil­i­tante bénév­ole, a ain­si tro­qué son dis­cret sou­tien à Jadot pour un ral­liement pub­lic à LFI. « Je me méfie, j’espère que là encore ce n’est pas du fem­i­nist-wash­ing. Mais je me suis ren­due à la marche des insoumis, le 29 mars à Paris, et déjà j’ai retrou­vé un élan que j’avais per­du depuis la défaite de San­drine Rousseau. J’ai retrou­vé quelque chose qui me meut, et ça fait du bien. »

Faut-il con­sid­ér­er La France Insoumise comme un nou­veau refuge pour élec­tri­ces fémin­istes ? « Je ne crois pas que ce soit appro­prié », répond le chercheur Manuel Cervera-Marzal, auteur d’une enquête soci­ologique menée pen­dant trois ans auprès des mil­i­tants de LFI. Selon lui, le par­ti et son groupe par­lemen­taire, créé en 2017, sont bel et bien tra­ver­sés par les ques­tions de genre, comme en témoignent leur tra­vail lég­is­latif ou la créa­tion d’un comité de suivi des vio­lences sex­istes et sex­uelles en 2018. Pour autant, « la dom­i­na­tion mas­cu­line y reste nette ». À com­mencer par celle exer­cée par le leader, « ren­for­cée par le car­ac­tère opaque et désor­gan­isé du mou­ve­ment ».
Le soci­o­logue aime imag­in­er que cette for­ma­tion de gauche puisse suiv­re l’exemple du par­ti Podemos, en Espagne, dans lequel le leader Pablo Igle­sias s’est retiré, de son par­ti comme du gou­verne­ment, au prof­it de sa com­pagne, la mil­i­tante fémin­iste Irene Mon­tero et de la min­istre com­mu­niste Yolan­da Díaz. « Podemos se présente comme le par­ti fémin­iste en Espagne, c’est assumé, depuis l’écriture inclu­sive dans tous ses tracts jusqu’à sa grande loi sur la tran­si­d­en­tité et la pro­tec­tion des [per­son­nes] LGBTI adop­tée à l’été 2021 », explique-t-il.

La députée Clé­men­tine Autain recon­naît qu’il reste du chemin à par­courir : « L’image vir­iliste de La France insoumise demeure un frein » lors de ses dis­cus­sions avec des fémin­istes. Et le prob­lème dépasse sa seule for­ma­tion poli­tique. « Nous avons un énorme tra­vail à men­er pour dévir­ilis­er la poli­tique, ça va pren­dre du temps. Beau­coup de femmes s’y cassent les dents. On doit inven­ter et impos­er nos modes d’action. »

⟶  Pour aller plus loin, vous pou­vez lire l’article de Libéra­tion sur les affaires de vio­lences sex­istes et sex­uelles qui ont agité La France insoumise, ain­si que l’enquête soci­ologique de Manuel Cervera-Marzal auprès des militant·es insoumis·es. Les tri­bunes de Car­o­line De Haas et de Mathilde Lar­rère sont en accès libre ici et . L’écrivaine Annie Ernaux, quant à elle, s’est longue­ment entretenue de son engage­ment ancien pour Jean-Luc Mélen­chon dans une inter­view don­née début mars.

Lire la newslet­ter dans son inté­gral­ité.

Couverture La Déferlante #9 - Baiser pour une sexualité qui libère

Précommandez le dernier numéro de La Déferlante  !

Pour ce pre­mier numéro de 2023, nous con­sacrons notre dossier au thème BAISER car, oui la révo­lu­tion sex­uelle reste encore à venir ! On y par­le de sex­olo­gie fémin­iste, de désirs qui font désor­dre, on y décon­stru­it les normes validistes et on plonge à pieds joints dans le réc­it de sci­ence-fic­tion éro­tique « Tout est chaos », signé Wendy Delorme et Elise Bon­nard.

⟶ Vous souhaitez recevoir La Défer­lante, au tarif de 15 euros (au lieu de 19), et sans engage­ment ? Décou­vrez notre offre d’abonnement à durée libre.

La Déferlante

Voir tous ses articles


Notice: ob_end_flush(): Failed to send buffer of zlib output compression (1) in /home/clients/f3facd612bb3129d1c525970fad2eeb3/sites/tpp.revueladeferlante.org/wp-includes/functions.php on line 5471

Notice: ob_end_flush(): Failed to send buffer of zlib output compression (1) in /home/clients/f3facd612bb3129d1c525970fad2eeb3/sites/tpp.revueladeferlante.org/wp-includes/functions.php on line 5471

Notice: ob_end_flush(): Failed to send buffer of zlib output compression (1) in /home/clients/f3facd612bb3129d1c525970fad2eeb3/sites/tpp.revueladeferlante.org/wp-content/plugins/really-simple-ssl/class-mixed-content-fixer.php on line 107