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« Je me sens en sécurité ici » : un accueil en non-mixité pour jeunes femmes exilées.

Au sein d’une pop­u­la­tion déjà vul­nérable, les jeunes filles migrantes isolées con­stituent un groupe par­ti­c­ulière­ment exposé aux vio­lences. Pour assur­er une prise en charge adap­tée, Médecins sans fron­tières a ouvert en juil­let dernier le pre­mier accueil de jour non mixte en région parisi­enne. La Défer­lante est le pre­mier média à avoir pu y accéder.
Publié le 27/02/2025

Modifié le 10/03/2025

Depuis le mois de juil­let, le cen­tre MSF de Pan­tin a accueil­li près d’une cen­taine de jeunes filles mineures exilées. Crédit pho­to : Méryl Sot­ty / MSF.

 

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En arrivant en région parisi­enne, où peut se ren­dre une ado­les­cente exilée, pas (encore) recon­nue par l’État français comme mineure, pour manger, se douch­er, con­sul­ter une infir­mière ?

Les cen­tres d’accueil de jour pour les per­son­nes migrantes sont réservés aux adultes, ou mixtes, donc très majori­taire­ment fréquen­tés par des hommes. Pour combler ce déficit d’accueil spé­ci­fique des jeunes filles, Médecins sans fron­tières (MSF) a décidé de ren­dre petit à petit son accueil de jour de Pan­tin (Seine-Saint-Denis) non mixte, et d’orienter les garçons vers d’autres lieux. « Ces jeunes filles man­quent de pro­tec­tion, elles sont plus vul­nérables que les vul­nérables. Elles fuient l’horreur, et se retrou­vent encore exposées, pour beau­coup d’entre elles, à l’horreur ici », déplore Ali Besnaci, coor­di­na­teur des activ­ités de MSF en Île-de-France.

C’est ain­si que, depuis juil­let 2024, ce cen­tre est le seul de la région entière­ment dévolu aux filles. Les ado­les­centes sont en attente de pass­er devant un·e juge des enfants qui recon­naisse leur minorité. Elle pour­ront ensuite, à ce titre, être pris­es en charge par l’État. « Soix­ante-dix pour cent des jeunes filles qu’on accom­pa­gne ici et qui ont réus­si à avoir une audi­ence sont recon­nues comme mineures et placées », informe Ali Besnaci. Mais avant la déci­sion de jus­tice, elles sont livrées à elles-mêmes et trib­u­taires des dis­posi­tifs asso­ci­at­ifs, par­fois pen­dant de longs mois.

Protéger des violences masculines

Après avoir passé une porte d’entrée dis­crète, au bout d’un long couloir où des pho­tos de jeunes femmes déguisées en super-héroïnes s’alignent, les ado­les­centes décou­vrent plusieurs bureaux où l’équipe de l’ONG les reçoit, une salle à manger et une pièce com­mune d’où parvi­en­nent par­fois des voix ado­les­centes, des rires ou de la musique.

L’accueil non mixte per­met d’assurer aux filles un envi­ron­nement sécurisé, là où l’écrasante majorité a déjà subi vio­lences mas­cu­lines, vio­lences sex­uelles, muti­la­tions géni­tales ou mariages for­cés. Le long des couloirs, des affichettes délivrent des mes­sages de préven­tion. On lit sur l’une d’elles : « Dire non, c’est ton droit », sur d’autres, des numéros de ser­vices d’aide.

« Je suis arrivée le 31 jan­vi­er [2025] en France. J’ai d’abord été dans un autre cen­tre, de la Croix-Rouge, mais on m’a dit que, vu que j’étais mineure, je ne pou­vais pas être prise en charge. On m’a par­lé de ce lieu et je suis arrivée hier, rap­porte Nao­mi, 16 ans et demi, orig­i­naire de République démoc­ra­tique du Con­go. Je me sens un peu en sécu­rité ici ; là où il y a des hommes, il y a par­fois des choses bizarres… Je veux de l’aide pour être sco­lar­isée et pour qu’on puisse me recon­naître comme mineure. Je ne sais pas où j’irais sinon. » La jeune fille dort, en ce moment et pour une poignée de jours encore, dans un apparte­ment mis à sa dis­po­si­tion par l’association Utopia 56. Elle devra ensuite trou­ver une nou­velle solu­tion de loge­ment.

MSF et d’autres asso­ci­a­tions dis­posent de quelques places d’hébergement d’urgence pour ces filles, mais pas suff­isam­ment, et cer­taines d’entre elles dor­ment dehors, ou dans des tentes dans des gym­nas­es réqui­si­tion­nés par les asso­ci­a­tions, où les jeunes filles souf­frent du froid et du manque de con­fort. À la veille de leur arrivée au cen­tre, 60 % d’entre elles sont à la rue, d’après les chiffres com­mu­niqués par l’ONG.


« Depuis qu’il n’y a plus de garçons, les filles pren­nent plus de place. »


« J’aime bien le fait qu’il n’y ait que des filles ici. Là où j’étais avant, il y avait trop de garçons. Il y en a qui sont ren­trés là où on dor­mait, relate Dali­cia, 15 ans, arrivée en France depuis l’Angola en jan­vi­er. Je me sen­tais isolée là-bas. Et je n’aime pas le com­porte­ment des garçons avec nous, je ne veux pas être amie avec eux. Ici, il y a beau­coup de filles qui par­lent les mêmes langues que moi, je me sens mieux. »

« Les comportements ont changé »

Une petite ving­taine d’entre elles sont présentes le jour de notre vis­ite. Cer­taines se font des tress­es, d’autres dis­cu­tent dans un coin ou passent du temps sur Tik­Tok, après avoir mangé ensem­ble le repas du jour : du poulet yas­sa, une spé­cial­ité ouest-africaine. Elles vien­nent par­fois pour des ren­dez-vous, mais aus­si sim­ple­ment pour occu­per leur journée, surtout pour celles qui ne sont pas encore sco­lar­isées. Dans le cen­tre, les ado­les­centes peu­vent manger, se douch­er, se repos­er, se pro­cur­er des pro­tec­tions hygiéniques – des ser­vices de base qui ne leur sont pas for­cé­ment acces­si­bles ailleurs. Des ate­liers, par exem­ple sur l’utilisation de Google Maps, la san­té sex­uelle, ou encore le dessin, sont aus­si régulière­ment organ­isés.

L’équipe a remar­qué que la fréquen­ta­tion hors ren­dez-vous, a aug­men­té avec la non-mix­ité. « La douche était beau­coup moins util­isée avant, alors que c’est com­pliqué pour elles d’avoir accès à l’hygiène à Paris. Là, on sent qu’elles sont beau­coup plus à l’aise, et on va même devoir en installer une deux­ième », racon­te Véga Lev­ail­lant, respon­s­able des activ­ités socio-juridiques.

Plus large­ment, « les filles pren­nent plus de place, elles rigo­lent fort, elles chantent, elles se coif­f­ent… Elles ne se com­por­tent pas de la même manière que lorsqu’elles étaient minori­taires dans une salle rem­plie de garçons », pour­suit la respon­s­able. Elle note aus­si que les filles adhéraient moins au pro­gramme lorsqu’il était mixte : l’équipe per­dait sou­vent leur trace en cours de route, ce qui est devenu « extrême­ment rare ». Véga Lev­ail­lant observe aus­si que la libéra­tion de la parole sur les vio­lences subies est « beau­coup plus rapi­de » qu’avant.

Une prise en charge en évolution

Le cen­tre a pris en charge une cen­taine de filles depuis le mois de juil­let. Elles ont en moyenne 15 ans, et ont, pour la plu­part, fui des pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique cen­trale. « Tous les acteurs ont remar­qué une aug­men­ta­tion du nom­bre de mineur·es non accompagné·es en recours depuis deux ans », et notam­ment des filles, explique Véga Lev­ail­lant (lire l’encadré ci-dessous).

La prise en charge au cen­tre a évolué, pour s’adapter à ce pub­lic exclu­sive­ment féminin. Qua­tre ren­dez-vous sont organ­isés pour chaque nou­velle arrivante : avec l’infirmière ou la sage-femme, la psy­cho­logue, un·e assistant·e social·e et un·e juriste. Dans son cab­i­net dont les murs sont tapis­sés d’affiches en faveur des droits LGBT+ et con­tre les vio­lences, Mar­got Seas, l’infirmière, a aus­si ajusté sa pra­tique. Elle pro­pose une séance de dépistage des urgences médi­cales ou psy­chologiques dès l’arrivée de chaque jeune. Elle demande à cha­cune si elle a été vic­time de vio­lences sex­uelles dans les trois derniers jours, pour une prise en charge rapi­de à l’hôpital. L’infirmière par­le égale­ment des douleurs de règles et de la décou­verte de son corps pen­dant la puberté.

« Main­tenant, j’aborde beau­coup plus les ques­tions des vio­lences, de con­sen­te­ment, de con­tra­cep­tion, observe-t-elle. Presque 100 % des jeunes filles ont été vio­lées dans leur pays d’origine. Pour cer­taines, en France aus­si. Leur statut ici les rend très vul­nérables. Venir au cen­tre leur évite de mendi­er, de s’exposer encore plus. »

Dans la salle com­mune, où le chauffage est poussé au max­i­mum, au milieu des con­ver­sa­tions mul­ti­lingues, les jeunes filles sem­blent baiss­er la garde entre deux ren­dez-vous. Elles retrou­vent des occu­pa­tions d’adolescentes, en espérant être bien­tôt pris­es en charge, logées et sco­lar­isées par l’État.

Une augmentation du nombre de jeunes filles isolées partout en France

À l’accueil de jour de Pan­tin (Seine-Saint-Denis), MSF reçoit une ving­taine de nou­velles jeunes filles chaque mois depuis le début de l’année, con­tre une dizaine habituelle­ment. Cette aug­men­ta­tion est aus­si con­statée par d’autres asso­ci­a­tions, ailleurs en France. À Lille, l’association Utopia 56 a mené lun­di dernier une action pour deman­der la mise à l’abri urgente de quinze jeunes filles à la rue.

En 2023, l’antenne lil­loise d’Utopia 56 n’accompagnait que trois filles. En 2024, ce nom­bre est passé à 24. Depuis le début de l’année 2025, l’association a déjà été con­tac­tée par une dizaine de nou­velles ado­les­centes. Elles étaient jusque-là hébergées par un réseau d’habitant·es sol­idaires. « Ce nom­bre n’était plus ten­able pour nous, on s’est dit qu’on allait bien­tôt devoir en laiss­er cer­taines à la rue, alors que c’est très risqué pour elles », relate Marie Davt­ian, la coor­di­na­trice locale. L’association dit avoir alerté depuis plusieurs mois les pou­voirs publics sur l’augmentation du nom­bre de jeunes filles isolées, sans réponse pour l’instant. À l’issue de la man­i­fes­ta­tion de lun­di, ces 15 ado­les­centes ont fini par obtenir des places en héberge­ment d’urgence.

La sit­u­a­tion à Lille n’est pas isolée : « Cette aug­men­ta­tion se con­state dans toutes les antennes locales d’Utopia qui accom­pa­g­nent des jeunes », rap­porte Marie Davt­ian. Les asso­ci­a­tions d’aide aux exilé·es obser­vent que les raisons qui poussent à l’exil sont plus var­iées chez les filles que chez les garçons, mais n’ont pour l’instant pas assez de recul pour expli­quer cette hausse. En 2023, le rap­port d’activité du min­istère de la Jus­tice rel­e­vait déjà « une aug­men­ta­tion de la pro­por­tion et du nom­bre de jeunes filles » mineures non accom­pa­g­nées, ajoutant qu’une « atten­tion par­ti­c­ulière » devait être portée à leur suivi et aux risques qu’elles courent.

Maya Elboudrari

Journaliste indépendante, Maya Elboudrari s’intéresse à l’actualité internationale et aux questions sociales – féminismes et migrations en particulier. Engagée à l’Association des journalistes antiracistes et racisé·es (Ajar), elle assure également des séances d’éducation aux médias. Voir tous ses articles

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