Syndrome méditerranéen

Le « syndrome médi­ter­ra­néen » est un sté­réo­type raciste selon lequel les personnes d’origine étrangère – prin­ci­pa­le­ment les femmes noires et arabes – auraient tendance à exagérer ou simuler la douleur et les symptômes qu’elles res­sentent. Bien qu’il ne soit fondé sur aucune étude médicale, il est régu­liè­re­ment invoqué par des soignant·es pour minorer la douleur de leurs patient·es. Myriam Dergham, interne en médecine générale à Saint-Étienne et autrice d’une thèse consacrée aux dis­cri­mi­na­tions dans la santé, montre que le « syndrome médi­ter­ra­néen » s’ancre dans l’histoire coloniale et migra­toire française. Le concept est hérité de celui de « sinis­trose » (reven­di­ca­tion abusive de soins médicaux après un trau­ma­tisme), forgé en 1908 par le docteur Édouard Brissaud après la pro­mul­ga­tion d’une loi indem­ni­sant les accidenté·es du travail. À partir des années 1950, « lorsque le tra­vailleur immigré sollicite la Sécurité sociale pour être indemnisé, il devient suspect. », écrit Myriam Dergham en écho au concept de « syndrome nord-africain », dénoncé par le psy­chiatre Frantz Fanon en 1952. La stig­ma­ti­sa­tion des accidenté·es du travail est peu à peu remplacée par l’idée d’une tendance « cultu­relle » à la simulation.

L’interne en médecine Miguel Shema, auteur de La santé est politique. La médecine soigne-t-elle vraiment tout le monde ? (Belfond, 2025), raconte dans un entretien pour La Déferlante avoir été témoin de la façon dont ce prétendu syndrome empêchait une prise en charge éga­li­taire des patient·es. D’après un rapport de la Défenseure des droits sur l’accès aux soins, publié en mai 2025, cette croyance a la peau dure. Ce rapport dénonce une « sous-évaluation » de la douleur et « de la gravité des symptômes exprimés par les femmes, notamment lorsqu’elles sont jeunes, d’origine étrangère ou perçues comme telles. […] La douleur de la patiente est soit minimisée, soit remise en cause et renvoyée à une supposée anxiété ou à une souf­france psy­cho­lo­gique dissimulée. »

Plus glo­ba­le­ment, on observe des biais racistes dans la prise en charge médicale dans d’autres espaces géo­gra­phiques et culturels. En 2020, le taux de mortalité mater­nelle aux États-Unis était près de trois fois plus élevé parmi les femmes noires que chez les femmes blanches (55,3 pour 100 000 nais­sances contre 19,1).


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Étudiant en médecine, bisexuel et noir, Miguel Shema a fait des dis­cri­mi­na­tions dans les pratiques de soins un sujet d’étude. Dans « La santé est politique. La médecine soigne-t-elle vraiment tout le monde ? » (Belfond, 2025), il dénonce notamment la prise en charge dégradée des femmes racisées dans les hôpitaux.

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