Face au mythe de la neutralité, un journalisme situé

Considérée comme un pilier de l’éthique du jour­na­lisme, la neu­tra­li­té est remise en question depuis quelques années par des professionnel·les de l’information qui lui opposent des points de vue situés. À l’ère des fake news, de la concen­tra­tion et de l’extrême-droitisation des médias, ce jour­na­lisme situé et incarné s’attache plus que jamais à la vérité des faits.

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Publié le 28/07/2025

Modifié le 30/07/2025

Lors de la cérémonie des Out d’or du 18 juin 2023, Alice Coffin prend la parole avec Yasmina Cardoze (robe bleue, tout à gauche) et Yanis Chouiter (costume rose), alors coprésident·es de l’Association des jour­na­listes les­biennes, gays, bi·es, trans et inter­sexes (AJL). À droite, la drag-queen La Briochée et la jour­na­liste Linh-Lan Dao, qui animaient la soirée. Crédit photo : Ash Vuillaumey

Retrouvez cet article dans la revue La Déferlante n°19 S’informer, parue en septembre 2025. Consultez le sommaire.

En 2012, alors que les manifestant·es de La Manif pour tous battent le pavé parisien et saturent l’espace média­tique de discours hostiles au mariage homo­sexuel, la jour­na­liste Alice Coffin se heurte au mur de sa propre rédaction.

Elle racontera plus tard, dans son essai Le Génie lesbien (Grasset, 2020), la dis­qua­li­fi­ca­tion constante de son travail du fait de son identité lesbienne. Celle-ci biai­se­rait sa manière de traiter l’information ou d’analyser la cou­ver­ture média­tique de ce moment de mobi­li­sa­tion réac­tion­naire contre les droits des personnes LGBTQIA+.

La journaliste et militante féministe Alice Coffin en 2021. Marie Docher pour la déferlante
La jour­na­liste et militante féministe Alice Coffin en 2021. Crédit : Marie Docher pour La Déferlante.

En 2025, les jour­na­listes femmes, racisé·es, homosexuel·les ou trans conti­nuent d’être soupçonné·es de par­tia­li­té. Pascale Colisson, res­pon­sable péda­go­gique à l’Institut pratique du jour­na­lisme Dauphine-PSL (IPJ) et autrice d’une thèse sur la diversité dans les médias, cite le cas d’un étudiant d’origine magh­ré­bine surnommé « Robin des Banlieues » dans sa rédaction chaque fois qu’il propose un sujet sur les violences policières. 

Pour contour­ner les sus­pi­cions de mili­tan­tisme, il en vient à demander à « un collègue blanc, tren­te­naire, un peu bourgeois, de porter [s]es idées en confé­rence de rédaction. Et là, étran­ge­ment, c’est toujours validé », observe Pascale Colisson. Elle évoque aussi une jeune jour­na­liste racisée, envoyée couvrir des révoltes dans un quartier populaire. Après avoir interrogé la police et la pré­fec­ture, elle propose de ren­con­trer des élu·es, des res­pon­sables d’association et des habitant·es. Sa rédaction la taxe alors de « militante ». « Elle a répondu – et j’ai trouvé ça remar­quable – qu’elle ne faisait qu’appliquer ce qu’elle avait appris à l’école : la pluralité des sources », souligne la res­pon­sable péda­go­gique.
La tension est en effet par­ti­cu­liè­re­ment vive sur les questions raciales, pour les­quelles les jour­na­listes blanc·hes se voient souvent accorder un statut de neu­tra­li­té par défaut. « Leur blanchité les a géné­ra­le­ment protégé·es des contrôles abusifs ou de la violence policière. Ils et elles n’ont jamais vu cette facette du maintien de l’ordre », résume Arno Soheil Pedram, jour­na­liste indé­pen­dant spé­cia­liste des discriminations.

Les jour­na­listes LGBTQIA+, dix ans après La Manif pour tous, sont confronté·es aux mêmes méca­nismes. Jean1Le prénom a été modifié., jour­na­liste en agence de presse, trans, et membre de l’Association des jour­na­listes les­biennes, gays, bi·es, trans et inter­sexes (AJL), raconte aussi l’obligation de naviguer « entre l’assignation à une expertise et la pré­somp­tion de par­tia­li­té » – un équilibre précaire qui impose un rapport de force « subtil mais réel ». Iel dit « avoir la chance de pouvoir dialoguer avec [s]es collègues », régu­liè­re­ment en demande de son regard sur les sujets liés à la tran­si­den­ti­té. Mais dès qu’iel relève un biais ou une tournure pro­blé­ma­tique dans une dépêche, sa parole devient tout à coup suspecte : il lui faut alors « argu­men­ter avec fermeté » pour être entendu·e.

Conférence « Les rédactions face à l’offensive transphobe » organisée par l’AJL le 19 octobre 2024 avec, de gauche à droite, Maud Royer, Margot Mahoudeau, Élie Hervé et Rozenn Le Carboulec, modérée par Coline Folliot. Jeanne Fourneau-Verdonck
Conférence « Les rédac­tions face à l’offensive trans­phobe » organisée par l’AJL le 19 octobre 2024 avec, de gauche à droite, Maud Royer, Margot Mahoudeau, Élie Hervé et Rozenn Le Carboulec, modérée par Coline Folliot. Crédit photo : Jeanne Fourneau-Verdonck ©jeanne-fourneau-verdonck

Les jour­na­listes bien situé·es socia­le­ment – autre critère pour être perçu·es comme neutres par défaut – incarnent une parole pré­ten­du­ment objective ; celles et ceux dont la position sociale, raciale ou de genre est subal­terne sont d’emblée soupçonné·es de se laisser emporter par leur sub­jec­ti­vi­té. Pour la socio­logue des médias Marie-France Malonga, « il y a une dif­fi­cul­té à accepter qu’un·e jour­na­liste est toujours une personne, avec une éducation, une histoire, des expé­riences. On peut tendre vers la neu­tra­li­té, mais l’envisager comme un absolu est un leurre. » Pour elle, l’essentiel réside dans l’honnêteté jour­na­lis­tique – laquelle exige « trans­pa­rence et écoute, dans la méthode comme dans les pratiques ; de vérifier ses sources, de les croiser rigou­reu­se­ment, et de savoir penser contre soi-même. »

Selon Arno Soheil Pedram, la mise à l’écart des jour­na­listes minorisé·es prend racine dans une logique de repro­duc­tion sociale et de coop­ta­tion qui a cours au sein des écoles de jour­na­lisme. En 2023, avec Khedidja Zerouali, jour­na­liste à Mediapart, il cofonde l’Association des jour­na­listes anti­ra­cistes et racisé·es (Ajar) pour lutter contre le racisme dans la pro­fes­sion et dans le trai­te­ment de l’information. Ce qui le frappe alors, c’est l’afflux de jeunes jour­na­listes racisé·es « ramassé·es à la petite cuillère » à la sortie des écoles, après avoir subi du har­cè­le­ment raciste – souvent sous couvert de « blagues d’intégration ».

Lire aussi : « Rendre audible une critique anti­ra­ciste des médias »

L’investigation à l’épreuve de la pression judiciaire

À ces méca­nismes d’exclusion s’ajoute un contexte judi­ciaire français de plus en plus défa­vo­rable à la presse, et en par­ti­cu­lier à l’investigation. Mediapart fait ainsi régu­liè­re­ment l’objet d’accusations de par­tia­li­té, en par­ti­cu­lier pendant les procès déclen­chés par ses révé­la­tions. Dans le cadre du procès Depardieu en mars 2025, Marine Turchi, jour­na­liste d’investigation spé­cia­li­sée dans les affaires de violences sexistes et sexuelles, a ainsi été accusée par la défense de par­ti­ci­per à un rocam­bo­lesque « complot féminin » qui aurait été monté, entre autres femmes, par la jour­na­liste, les plai­gnantes et leurs avocates dans le but de « vendre des clics »2Marine Turchi, « Sexisme et com­plo­tisme : les méthodes de la défense de Depardieu en question », Mediapart, 30 mars 2025..

Le 4 février 2019, la rédaction de Mediapart s’oppose à une perquisition dans ses locaux « susceptible d’atteindre le secret des sources » dans le cadre de l’affaire Benalla. De gauche à droite, les journalistes Antton Rouget, Marine Turchi, Fabrice Arfi et Edwy Plenel. Crédit photo : Maxppp
Le 4 février 2019, la rédaction de Mediapart s’oppose à une per­qui­si­tion dans ses locaux « sus­cep­tible d’atteindre le secret des sources » dans le cadre de l’affaire Benalla. De gauche à droite, les jour­na­listes Antton Rouget, Marine Turchi, Fabrice Arfi et Edwy Plenel. Crédit photo : Maxppp

À ce climat dans les palais de justice s’ajoutent des entraves légales de plus en plus pesantes. Marine Babonneau, jour­na­liste au Canard enchaîné et pré­si­dente de l’Association de la presse judi­ciaire (APJ), rappelle que l’arsenal légis­la­tif com­plexi­fie consi­dé­ra­ble­ment l’exercice du métier. « Cela s’est aggravé avec la loi de 2015 sur le ren­sei­gne­ment3La loi rela­ti­veau ren­sei­gne­ment­du 24 juillet 2015 présente des mesures contro­ver­sées sur les atteintes à la vie privée. L’APJ saisit la Cour euro­péenne des droits de l’homme mais sera déboutée dix ans plus tard, le 16 janvier 2025.. »

Selon elle, cette loi offre aux autorités de nouveaux moyens de pression pour iden­ti­fier les sources, notamment lors d’auditions libres ou de gardes à vue. « C’est scan­da­leux : la pro­tec­tion des sources est le fondement de notre métier », réagit-elle. À Mediapart, Marine Turchi dénonce un véritable « har­cè­le­ment judi­ciaire » : tentative de per­qui­si­tion illégale, mul­ti­pli­ca­tion des procédures-bâillons4Une procédure-bâillon est une action en justice qui vise
à intimider ou à faire taire des personnes physiques ou morales, le plus souvent des jour­na­listes, des ONG ou des lanceur·euses d’alerte.
, pressions constantes. « Le but est clair : nous faire perdre du temps. » La rédaction se retrouve sous le coup de droits de réponse, de pour­suites en dif­fa­ma­tion, de plaintes oppor­tu­né­ment retirées à la dernière minute. « Entre-temps, nous avons dû mobiliser nos res­sources, produire des preuves, consti­tuer un dossier… Autant de temps en moins pour enquêter », déplore-t-elle.

Sous le poids de mises en cause répétées, la pro­fes­sion réaffirme son atta­che­ment profond – et légitime – à la liberté de la presse, nourri par la conscience aiguë de sa fragilité. Mais la contre­par­tie de cette vigilance, si elle protège des ingé­rences, tend aussi à figer l’exercice du métier. Marine Babonneau constate que l’attachement aux tra­di­tions freine les remises en question au Canard enchaîné : « On continue à faire toujours un peu la même chose, alors qu’il faudrait évoluer pour mieux répondre aux offen­sives infor­ma­tion­nelles de l’extrême droite. »

L’information, un terrain de combat

Aujourd’hui, c’est dans un envi­ron­ne­ment poli­ti­que­ment et éco­no­mi­que­ment hostile, pris entre l’extrême-droitisation du débat public, l’éditorialisation crois­sante de l’information et la concen­tra­tion des médias, que les jour­na­listes ont pour mission d’informer. « La vérité est devenue sub­jec­tive », déplore Pascale Colisson. Marie-France Malonga confirme : « On assiste à l’essor d’un jour­na­lisme de plateau, du clash, qui alimente les polé­miques et relaie des contre-vérités sur les minorités. »

La déon­to­lo­gie jour­na­lis­tique se trouve ainsi fra­gi­li­sée par des récits imprégnés d’idéologie réac­tion­naire, portés par une logique de pro­vo­ca­tion plus que d’information. Sur CNews, les fake news deviennent une routine média­tique, qui valent à la chaîne d’être régu­liè­re­ment sanc­tion­née par l’Autorité de régu­la­tion de la com­mu­ni­ca­tion audio­vi­suelle et numérique, l’Arcom (lire l’encadré ci-dessous). Ce brouillage du vrai et du faux bou­le­verse en pro­fon­deur le rapport aux faits. Marine Babonneau observe un ren­ver­se­ment troublant : « La presse tra­di­tion­nelle est désormais perçue comme une fabrique à fake news, alors même que les dés­in­for­ma­tions massives pros­pèrent ailleurs. » 


« Les faits sont notre meilleure arme. Il faut les contex­tua­li­ser, leur donner de l’épaisseur. Mais au fond, un fait, c’est oui ou non : ça s’est passé ou non. »

Jean, jour­na­liste en agence de presse, trans, et membre de l’AJL

Marine Turchi en constate les effets dans les glis­se­ments du discours média­tique : selon elle, il aurait été « impen­sable » il y a encore quelques années que soit remise en cause l’appartenance du Rassemblement national à l’extrême droite. Pourtant, aujourd’hui, « ce posi­tion­ne­ment est conti­nuel­le­ment rela­ti­vi­sé, tandis que certaines thé­ma­tiques, comme celle du “grand rem­pla­ce­ment”, sont reprises sans être inter­ro­gées », analyse-t-elle. Arno Soheil Pedram va plus loin : « Le racisme est une forme de post-vérité. 5La post-vérité décrit une situation dans laquelle l’opinion per­son­nelle, l’idéologie, l’émotion ou la croyance l’emportent sur la réalité des faits. L’« ère de la post-vérité » (ou « ère post-factuelle ») renvoie à l’évolution des liens entre la politique et les médias au xxie siècle, du fait de la montée en puissance des médias sociaux.. C’est un récit construit pour manipuler. C’est déjà une fake news. »

Concentration et extrême-droitisation des médias

La concen­tra­tion des médias en France atteint des niveaux pré­oc­cu­pants : onze mil­liar­daires – des hommes – contrôlent 80 % des ventes de la presse quo­ti­dienne géné­ra­liste et 57 % des audiences télé­vi­sées, selon les chiffres publiés à la fin de 2023 par la Bibliothèque publique d’information. Vincent Bolloré, par exemple,
régit un empire média­tique ten­ta­cu­laire : Canal+, CNews, Europe 1, Le JDD, Capital

Cette concen­tra­tion menace le plu­ra­lisme de l’information et l’indépendance édi­to­riale, alertent l’Inspection générale des finances et l’Inspection générale des affaires cultu­relles, à l’origine d’un rapport sur la concen­tra­tion des médias, rendu public en 2022 sur le site du ministère de la Culture.

Dans le même temps, on assiste à une extrême-droitisation du paysage média­tique. Des chaînes comme CNews, ou C8, avant d’être exclue de la TNT en février 2025, pro­prié­tés du groupe Bolloré, font régu­liè­re­ment l’objet de condam­na­tions judi­ciaires ou de sanctions de l’autorité de régu­la­tion, l’Arcom, pour man­que­ments à leurs obli­ga­tions, notamment en matière de plu­ra­lisme et d’honnêteté de l’information, contri­buant à la diffusion de discours d’extrême droite dans l’espace médiatique.

Sur le plan éco­no­mique, les aides publiques accordées à la presse accen­tuent encore ces dés­équi­libres. Ainsi le Syndicat de la presse indé­pen­dante en ligne et le Fonds pour une presse libre dénoncent une
dis­tri­bu­tion inéqui­table des sub­ven­tions, favo­ri­sant les grands groupes au détriment des médias
indé­pen­dants. Les prin­ci­paux béné­fi­ciaires sont les journaux de Bernard Arnault (Les Échos, Le Parisien…), de Xavier Niel (groupes Nice Matin et Le Monde), de la famille Dassault (Le Figaro)… Autrement dit : les prin­ci­pales fortunes du pays.

Faire vivre un autre journalisme

Longtemps érigée en gage d’objectivité, la neu­tra­li­té jour­na­lis­tique a surtout servi les caté­go­ries domi­nantes et contribué à invi­si­bi­li­ser les points de vue mino­ri­taires. Certain·es jour­na­listes réaf­firment la place centrale des faits, en utilisant leur « objec­ti­vi­té » comme un levier de résis­tance face à la droi­ti­sa­tion du champ média­tique. « Il faut tenir la digue des mots », insiste Marine Turchi, qui rappelle aussi l’exigence du contra­dic­toire : « J’envoie des dizaines de questions précises aux personnes mises en cause, parfois au point qu’on me reproche de poser des “questions de flics”. » Dans ce contexte, les véri­fi­ca­tions fac­tuelles (fact checking) les plus rigou­reuses sont une stratégie défensive à opposer aux contre-vérités. « Les faits sont notre meilleure arme, tranche Jean. Il faut les contex­tua­li­ser poli­ti­que­ment, socia­le­ment, his­to­ri­que­ment, leur donner de l’épaisseur. Mais au fond, un fait, c’est oui ou non : ça s’est passé ou non. »

Dès 2013, Pascale Colisson introduit à l’IPJ Dauphine des cours sur les sté­réo­types sexistes et racistes dans les contenus média­tiques – une pratique encore rare dans les cursus. L’accueil est contrasté, entre adhésion sincère et rejet manifeste. « Certain·es étudiant·es s’installent au fond de la salle et me font com­prendre qu’on les “bassine” avec ça », observe-t-elle. Parallèlement, la valo­ri­sa­tion du point de vue situé se pro­fes­sion­na­lise. Mediapart, pionnier en la matière, s’est doté en 2020 d’un poste de gender editor6Le terme a été traduit par « res­pon­sable édi­to­riale aux questions de genre », et race editor par « res­pon­sable édi­to­riale aux questions raciales ». Lénaïg Bredoux et Sabrina Kassa occupent res­pec­ti­ve­ment ces fonctions., et plus récemment d’une race editor. Ces vigies édi­to­riales intègrent les questions de genre et de race au cœur de la pro­duc­tion de l’information. Une démarche saluée par la socio­logue Marie-France Malonga : « Elles enri­chissent le trai­te­ment jour­na­lis­tique, font émerger des sujets invi­si­bi­li­sés, apportent d’autres sen­si­bi­li­tés et ins­taurent une vigilance accrue sur les mots, les ter­mi­no­lo­gies, les stéréotypes. »

Pour accom­pa­gner ce chantier, des asso­cia­tions comme l’Ajar ou l’AJL inter­viennent dans les écoles de jour­na­lisme et les rédac­tions : l’une sur le trai­te­ment des questions raciales, l’autre sur les repré­sen­ta­tions des personnes LGBTQIA+ et les violences qu’elles subissent. Au-delà de ces missions de sen­si­bi­li­sa­tion, elles assurent un travail d’auto-support entre jour­na­listes minorisé·es, mènent des veilles infor­ma­tion­nelles, pilotent des for­ma­tions dans des struc­tures variées et proposent des analyses critiques sur les pro­duc­tions médiatiques. 

Intervention de l’Association des journalistes antiracistes et racisé·es à l’IUT de Lannion (Côtes-d’Armor) le 10 janvier 2024. Crédit photo : Ajar / DR
Intervention de l’Association des jour­na­listes anti­ra­cistes et racisé·es à l’IUT de Lannion (Côtes‑d’Armor) le 10 janvier 2024. Crédit photo : Ajar / DR

Arno Soheil Pedram raconte la « guerre séman­tique » menée par l’Ajar sur le trai­te­ment des questions raciales et post­co­lo­niales, en prenant l’exemple des « mots utilisés pour décrire ce qu’il se passe à Gaza ». Cette vigilance se décline par thé­ma­tiques, à travers des struc­tures comme Prenons la une, une asso­cia­tion féministe qui milite pour une meilleure repré­sen­ta­tion des femmes dans les médias.

L’expérience vécue ne suffit pas à faire expertise, mais elle offre bien souvent une lecture plus fine des récits impli­cites. « Si je dois traiter un fait divers impli­quant une personne trans, je comprends immé­dia­te­ment qu’une source qui parle d’un “homme trans­sexuel” désigne en réalité une femme trans », illustre Jean, habitué·e à être mégenré·e.

Cette proximité avec le sujet facilite également l’accès, et le lien, aux sources : elle permet un exercice d’empathie, affûte l’intuition sur ce qu’il faut creuser, aide à poser les bonnes questions et à éviter les faux pas. Ce jour­na­lisme situé, sensible, Arno Soheil Pedram y voit un antidote à la lassitude média­tique : « Les gens en ont assez de lire toujours les mêmes récits. La diversité des points de vue renou­velle non seulement les idées de sujets, mais aussi la manière de les raconter. » •

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    Une procédure-bâillon est une action en justice qui vise
    à intimider ou à faire taire des personnes physiques ou morales, le plus souvent des jour­na­listes, des ONG ou des lanceur·euses d’alerte.
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    La post-vérité décrit une situation dans laquelle l’opinion per­son­nelle, l’idéologie, l’émotion ou la croyance l’emportent sur la réalité des faits. L’« ère de la post-vérité » (ou « ère post-factuelle ») renvoie à l’évolution des liens entre la politique et les médias au xxie siècle, du fait de la montée en puissance des médias sociaux.
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    Le terme a été traduit par « res­pon­sable édi­to­riale aux questions de genre », et race editor par « res­pon­sable édi­to­riale aux questions raciales ». Lénaïg Bredoux et Sabrina Kassa occupent res­pec­ti­ve­ment ces fonctions.

S’informer en féministes : face à l’offensive, la contre-attaque

Retrouvez cet article dans la revue La Déferlante n°19 S’informer, parue en septembre 2025. Consultez le sommaire.