Évars : les cathos intégristes en embuscade

Alors que le nouveau programme d’Éducation à la vie affective, rela­tion­nelle, et à la sexualité (Évars) est entré en vigueur à la rentrée 2025, des asso­cia­tions catho­liques inter­viennent dans les éta­blis­se­ments privés pour y dispenser une tout autre vision de l’éducation à la sexualité. Soutenues notamment par le mil­liar­daire ultra­con­ser­va­teur Pierre-Édouard Stérin, ces struc­tures tentent aussi une percée dans le public. 

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Publié le 27/10/2025

Rassemblement contre la soirée de « La Nuit du bien commun » du mil­liar­daire ultra­con­ser­va­teur Pierre-Édouard Stérin, le 18 juin 2025 à Toulouse. Crédit : Pat Batard / Hans Lucas

Retrouvez cet article dans la revue La Déferlante n°20 Soigner, parue en novembre 2025. Consultez le sommaire

« Le garçon a une pulsion de vie plus forte », c’est pourquoi il ne faut surtout pas « provoquer son regard ». Tel est l’un des ensei­gne­ments prodigués par l’association Com’ je t’aime au collège Stanislas, éta­blis­se­ment privé catho­lique parisien dont Mediapart a épinglé, en 2022, l’univers sexiste, homophobe et autoritaire.

Com’ je t’aime (qui n’a pas répondu à nos questions) promeut, entre autres, « la com­plé­men­ta­ri­té homme/femme » ou décon­seille l’usage du pré­ser­va­tif et se targue d’avoir animé 1 800 inter­ven­tions sur l’éducation à la vie affective, rela­tion­nelle, et à la sexualité (Évars) dans des éta­blis­se­ments scolaires privés depuis sa création, en 2018. L’association dit s’inspirer d’une pédagogie élaborée par sa fon­da­trice, Inès de Franclieu – fervente défen­seuse de la « contra­cep­tion naturelle1Cette méthode repose sur l’abstinence pério­dique et le retrait avant éja­cu­la­tion. Elle a un taux d’échec élevé. ». Celle qui se décrit comme une « mère de famille pas­sion­née par l’éducation » est l’autrice de Dis, en vrai, c’est quoi l’amour ?, un ouvrage publié aux éditions de la com­mu­nau­té de l’Emmanuel, une mouvance réac­tion­naire très influente au sein de l’Église catholique.

En 2020, Pierre-Édouard Stérin, mil­liar­daire catho­lique qui investit mas­si­ve­ment pour pousser l’extrême droite au pouvoir, désignait Com je t’aime comme un « coup de cœur 2Antoine Bordier, « Les mous­que­taires du don et La Nuit du bien commun 2.0 », Opinion inter­na­tio­nale, 23 novembre 2020. ». Il la finançait alors à travers La Nuit du bien commun pari­sienne, une soirée de levée de fonds phi­lan­thro­pique qui se déroule dans une quinzaine d’autres villes fran­çaises chaque année depuis 2017, et qui a levé plus de 26 millions d’euros de dons au profit d’associations pour la plupart catho­liques et conservatrices.

À l’assaut de l’Évars

Com’ je t’aime est l’une des asso­cia­tions conser­va­trices inter­ve­nant dans le domaine de l’Évars. Ce champ dis­ci­pli­naire se voit doté pour la première fois, à la rentrée 2025, d’un programme officiel du CP à la terminale3L’Évars est obli­ga­toire depuis 2001, mais son contenu n’était, avant la rentrée 2025, décliné que sous forme de grandes orien­ta­tions générales. Les trois séances annuelles prévues étaient dis­pen­sées de manière très inégale.. Jusqu’ici, les enseignant·es et les direc­tions, par manque de temps et de formation, ont délégué régu­liè­re­ment les ateliers d’Évars à des asso­cia­tions. Pour inter­ve­nir dans le public et dans le privé sous contrat, celles-ci doivent béné­fi­cier d’un agrément national ou local, délivré par l’Éducation nationale, la pré­fec­ture ou l’académie, selon des critères plus ou moins stricts. Un principe loin de se vérifier dans la réalité.

À l’heure où des struc­tures agréées, comme le Planning familial, voient leurs sub­ven­tions baisser dans plusieurs régions, de nom­breuses asso­cia­tions catho­liques réac­tion­naires convoitent ce terrain. Sur la vingtaine que nous avons recensées, un quart est soutenu par la galaxie de Pierre-Édouard Stérin. « On a vu émerger plein de petites struc­tures, parfois locales, qui prennent la place du Planning familial dans les éta­blis­se­ments privés. D’apparence res­pec­table et lisse, elles ont en réalité une vision très conser­va­trice et ten­dan­cieuse du rôle des femmes et du couple », expliquent à La Déferlante Marie Troadec et Pascale Picol, de la CGT-Enseignement privé. Ces asso­cia­tions ont en commun une pédagogie centrée sur le couple hété­ro­sexuel, « l’amour durable » et la lutte contre la por­no­gra­phie, et éludent certains objectifs pourtant essen­tiels du nouveau programme d’Évars, comme l’identité de genre et la lutte contre les dis­cri­mi­na­tions et les LGBTphobies.

« Il faut expliquer aux petites filles qu’elles ont entre les jambes un passage secret, le couloir de la vie, par lequel elles pourront un jour être maman », expli­quait par exemple Laura Bertail, res­pon­sable de Grandir et aimer, un parcours de formation des Associations fami­liales catho­liques4Regroupées en confé­dé­ra­tion, connues pour leurs positions conser­va­trices, les Associations fami­liales catho­liques relaient depuis 1905, auprès des pouvoirs publics, des préceptes de l’Église catho­lique en matière de morale familiale et sexuelle. à des­ti­na­tion des intervenant·es en Évars, lors du forum Viva ! de l’organisation anti-avortement Alliance Vita en mars 2025, auquel nous avons assisté. S’alarmant des « chiffres affolants de l’avortement chez les jeunes », elle ajoutait être contre l’« idéologie du genre » (expres­sion fourre-tout servant aux mou­ve­ments réac­tion­naires d’épouvantail rhé­to­rique), qui serait selon elle défendue dans les nouveaux pro­grammes d’Évars. Sur près de 50 struc­tures présentes ce week-end-là au parc Floral de Paris, dont des orga­ni­sa­tions anti-IVG, comme la Fondation Jérôme Lejeune ou Marche pour la vie, au moins six inves­tissent l’Évars. Parmi elles, Cycloshow XY, une asso­cia­tion proposant des ateliers « axés sur l’anatomie, le cycle féminin et la grossesse » pour « découvrir la puissance de vie qui est en chacun », ou encore TeenStar, un parcours d’éducation affective destiné aux éta­blis­se­ments du secon­daire qui promeut la doctrine catho­lique et prône l’abstinence et la pla­ni­fi­ca­tion naturelle.

Parmi les 150 intervenant·es, on pouvait trouver Philippe Delorme, l’ex-secrétaire général de l’Enseignement catho­lique (Sgec). Cette asso­cia­tion chapeaute les éta­blis­se­ments catho­liques privés sous contrat – qui concentrent près de 17 % de l’effectif scolaire –, et bénéficie de l’écoute attentive des pouvoirs publics. À la fin d’août 2025, elle pro­dui­sait un document détaillant sa concep­tion de l’Évars dans l’Enseignement catho­lique, « plus large que celle des nouveaux pro­grammes scolaires ». Soit « un accom­pa­gne­ment à la connais­sance de soi, à l’estime de soi, à l’ouverture et au respect de l’autre, dans la pers­pec­tive d’un amour véritable et durable », toujours tourné vers Dieu. S’ils béné­fi­cient d’une certaine liberté péda­go­gique, les éta­blis­se­ments privés, lorsqu’ils sont sous contrat avec l’État, sont pourtant tenus de respecter le programme officiel. Cela semble loin d’être le cas, comme en témoigne Pascale Picol, de la CGT-Enseignement privé : « Pour l’instant, et c’est bien le problème, rien ne contraint l’enseignement catho­lique à respecter le programme ou à choisir des struc­tures agréées. »

Des associations implantées localement

Certaines de ces asso­cia­tions catho­liques ont avant tout une implan­ta­tion locale, comme l’Atelier Kerlatio, créé en 2022 en Bretagne. L’une de ses cofon­da­trices, Charlotte Bischoff, expli­quait en 2018 au magazine Zélie (« 100 % féminin, 100 % chrétien ») être engagée auprès de la Communauté de l’Emmanuel. L’autre cofon­da­trice, Ségolène Vaury, est par ailleurs ani­ma­trice pour l’association Cycloshow XY. Depuis 2023, toutes deux inter­viennent dans le milieu scolaire, de la mater­nelle au lycée, dans des éta­blis­se­ments privés mais aussi publics (comme à Dinan ou à Lancieux, dans les Côtes‑d’Armor) ; pour les parents, elles animent des ren­contres, des ateliers, et des cinés-débats en lien avec le centre communal d’action sociale de Pleurtuit (Ille-et-Vilaine).

Formées au conseil conjugal et familial par l’association Cler Amour et famille – prônant un catho­li­cisme très conser­va­teur –, Charlotte Bischoff et Ségolène Vaury ont beau jeu d’indiquer que leurs « inter­ve­nants sont formés dans dif­fé­rents orga­nismes […] pour permettre toute la pluralité et la diversité d’apports et de posi­tion­ne­ments néces­saires à l’accueil incon­di­tion­nel de chaque personne et à son écoute ». Si l’association argue que « les actions d’Atelier Kerlatio en milieu scolaire répondent aux exigences du programme d’Éducation à la vie affective rela­tion­nelle et sexuelle 2025 », le rectorat de l’académie de Rennes a néanmoins averti les directeur·ices d’écoles élé­men­taires, en septembre dernier, de la non-habilitation de l’association : elle ne dispose d’aucun agrément de l’Éducation nationale. « Certaines approches évoquées par l’association – mélange sciences/spiritualité, discours genrés, séances en non-mixité – ne sont pas conformes aux objectifs du programme Évars, qui vise notamment l’égalité filles-garçons et le respect de la laïcité », alertent les instances du rectorat.

Sur LinkedIn, les deux entre­pre­neures affichent la couleur : elles citent régu­liè­re­ment les posts de Thérèse Hargot, sexologue proche de La Manif pour tous5Émanation des milieux conser­va­teurs du catho­li­cisme français, La Manif pour tous est le mouvement qui s’est opposé en 2013 à l’adoption de la loi auto­ri­sant le mariage pour les personnes du même sexe. et influen­ceuse réac­tion­naire qui produit de nombreux contenus critiques de la pilule, du féminisme ou de la por­no­gra­phie. Ségolène Vaury explique par ailleurs, dans un portrait d’ancienne élève de l’école de com­mu­ni­ca­tion Ircom, publié sur le site internet de Kerlatio, que son stage à l’association anti-avortement Alliance Vita a été « une expé­rience fon­da­trice, qui continue de [l]’habiter aujourd’hui ». Par ailleurs, en 2024, l’Atelier Kerlatio a fait partie, à l’instar de Com’ je t’aime, des heureux lauréats de La Nuit du bien commun dans sa version rennaise. Parmi les membres du comité de sélection de cette édition : Julien Bischoff, parent d’une des cofon­da­trices de Kerlatio et ancien directeur de L’1visible, « le mensuel fondé dans les grâces de la com­mu­nau­té de l’Emmanuel et dédié à l’évangélisation ». Interrogée à ce sujet, ainsi que sur son lien avec Pierre-Édouard Stérin, l’association Kerlatio nous a répondu ne pas souhaiter « rentrer dans une polémique concer­nant La Nuit du bien commun », et affirme que « Julien Bischoff n’a pas pris part au jury chargé de la sélection de l’association […] : il n’a ni examiné le dossier ni voté lors du grand oral ».


« Des petites struc­tures, parfois locales, prennent la place du Planning familial dans les éta­blis­se­ments privés. D’apparence res­pec­table, elles ont en réalité une vision très conser­va­trice du rôle des femmes et du couple. »

Marie Troadec et Pascale Picol, de la CGT-Enseignement privé

Parmi les points communs de ces dif­fé­rents mou­ve­ments : une obsession anti-pornographie, la por­no­gra­phie étant consi­dé­rée comme une dégra­da­tion des relations affec­tives. « Le cheval de bataille de l’Église catho­lique est d’affirmer qu’on ne peut pas séparer amour et sexualité », explique Florian Vörös, maître de confé­rences en sciences de l’information et de la com­mu­ni­ca­tion à l’université de Lille, auteur d’un article sur « l’invention de l’addiction à la por­no­gra­phie6Florian Vörös, « L’invention de l’addiction à la por­no­gra­phie », in Sexologies. Revue euro­péenne de sexologie et de santé sexuelle, 2009. ».

L’association We Are Lovers (WAL) a fait de la lutte contre la por­no­gra­phie son unique fonds de commerce. Assurant être « acon­fes­sion­nelle » et « apo­li­tique », la structure, qui collabore régu­liè­re­ment avec le parcours d’éducation affective TeenStar, entend porter « un message d’espoir à tous les jeunes qui sont aujourd’hui dépen­dants de la por­no­gra­phie ». Elle prétend inter­ve­nir uni­que­ment sur la por­no­gra­phie, pourtant les ateliers qu’elle propose sont parfois présentés dans le cadre de l’Évars dans les projets péda­go­giques de certains éta­blis­se­ments privés que nous avons pu consulter. We Are Lovers affirme par ailleurs être inter­ve­nue dans 324 éta­blis­se­ments scolaires privés et publics, à partir de la classe de 4e, depuis sa création en 2018.

En parallèle, l’association donne des confé­rences pour des diocèses et dans dif­fé­rents milieux catho­liques conser­va­teurs, comme au forum L’amour est dans le vrai des Associations fami­liales catho­liques de Bordeaux en octobre 2024. Enfin, l’association fait aussi, sur ses réseaux sociaux, la promotion du mouvement américain No Fap, qu’on pourrait traduire par « pas de branlette », et du « No Nut November », « un défi mas­cu­li­niste dont la promesse est de retrouver sa virilité naturelle en arrêtant de se masturber. Un peu plus res­pec­table en apparence », explique Florian Vörös. Le chercheur voit dans la promotion d’une telle démarche « un grand écart avec la lutte contre les sté­réo­types de genre » qu’affiche par ailleurs l’association. We Are Lovers propose d’arrêter le porno en huit semaines grâce à son programme Revival, dont les affir­ma­tions et res­sources scien­ti­fiques laissent Florian Vörös sceptique : « L’“addiction à la por­no­gra­phie” et ses effets sur les jeunes sont des objets de contro­verse, sans consensus scien­ti­fique, et leur étude pose d’importantes dif­fi­cul­tés métho­do­lo­giques. » Cette addiction en tant que telle n’a jamais été validée ni par l’Association amé­ri­caine de psy­chia­trie ni par l’Organisation mondiale de la santé.

Catholicisme ultraconservateur

D’abord née en 2017 sous le nom de Collectif M, l’association We Are Lovers a été fondée par trois jeunes hommes qui disent avoir souffert d’addiction à la por­no­gra­phie. Elle affirme dans son rapport d’activités de 2023 pri­vi­lé­gier « l’ouverture et l’inclusion, en étant notamment vigilante à équi­li­brer le ratio femmes/hommes », mais elle ne compte en 2025 qu’une femme parmi les cinq membres de son bureau. Les personnes qui l’animent ont des marqueurs socio­lo­giques et idéo­lo­giques typiques du catho­li­cisme ultra­con­ser­va­teur : la fré­quen­ta­tion de l’institution Stanislas – en tant qu’élève ou, comme Joseph Pesme (un temps directeur de WAL), en tant qu’enseignant ; la proximité pro­fes­sion­nelle avec des entités telles que la com­mu­nau­té de l’Emmanuel ou la fondation anti-IVG Jérôme Lejeune, à l’image du vidéaste Christophe Hellot, réa­li­sa­teur en 2024 du premier film de WAL, L’Usage pro­blé­ma­tique de la por­no­gra­phie ; et enfin, sur le versant financier, des liens divers avec des orga­nismes de la phi­lan­thro­pie catho­lique ultraconservatrice.

« Le cheval de bataille de l’Église catho­lique est d’affirmer
qu’on ne peut pas séparer amour
et sexualité. »

Florian Vörös, maître de confé­rences en sciences de l’information

We Are Lovers a été lauréate à quatre reprises de La Nuit du bien commun à Paris en 2018, Lyon en 2021, Bordeaux en 2024 et Nantes en 2025 ; elle dit avoir perçu « en moyenne 35 000 euros par événement », sans toutefois com­mu­ni­quer le détail. Elle a par ailleurs été béné­fi­ciaire du Parvis solidaire, autre soirée cari­ta­tive co-organisée par Obole, la société qui organise aussi les éditions de La Nuit du bien commun, et la Fondation Sainte-Geneviève, qui émane, elle, du diocèse de Nanterre – en 2024, We Are Lovers y rem­por­tait pas moins de 80 000 euros. Au-delà de la galaxie Stérin, elle est aussi soutenue par le fonds de dotation Stella Domini, lequel finance des orga­ni­sa­tions anti-avortement et l’association Com’ je t’aime. Qu’il s’agisse du corpus idéo­lo­gique ou des leviers de finan­ce­ment, le pro­sé­ly­tisme des milieux catho­liques réac­tion­naires en faveur d’une morale familiale ultra­con­ser­va­trice est ainsi porté par un réseau d’acteur·ices cohérent et homogène. Interrogé·es sur les res­sources privées dont WAL bénéficie, ses res­pon­sables assurent que « [l’association] tient à son indé­pen­dance vis-à-vis de ses finan­ceurs et [qu’]ils n’interfèrent pas dans [son] fonc­tion­ne­ment ».

D’étonnants soutiens publics

Plus sur­pre­nant : certaines de ces asso­cia­tions peuvent également compter sur le soutien d’organismes publics. C’est le cas de l’Atelier Kerlatio : après avoir formé des agent·es de la ville de Dinan en 2023 aux questions d’Évars, sur demande et finan­ce­ment de la mairie, l’association a remporté un appel à projets de la Maison du dépar­te­ment de Dinan, pour lui permettre de mener des actions de pré­ven­tion. Un soutien financier de 3 920 euros en 2023, qui fait suite à une autre sub­ven­tion de 2 000  euros accordée l’année pré­cé­dente. Selon le service Enfance-Éducation de la ville, la mairie aurait « complété la sub­ven­tion » en 2023, sans préciser le montant.

Pour certaines asso­cia­tions, le soutien public est plus insidieux. We Are Lovers est par exemple réper­to­riée sur jeveuxaider.gouv.fr, site officiel du gou­ver­ne­ment qui liste les missions de bénévolat dans plusieurs asso­cia­tions. En mai 2025, Clara Chappaz et Sarah El Haïry, res­pec­ti­ve­ment ancienne ministre déléguée chargée de l’Intelligence arti­fi­cielle et du Numérique et haut-commissaire à l’enfance, assis­taient à une inter­ven­tion de cette asso­cia­tion au lycée privé sous contrat l’Initiative, à Paris, preuve du poids de We Are Lovers. « Nous tra­vaillons désormais avec elles pour amplifier notre démarche », écrit We Are Lovers dans sa news­let­ter. Sarah El Haïry n’a pas répondu à nos sol­li­ci­ta­tions ; le cabinet de Clara Chappaz assure qu’« il n’y a pas de col­la­bo­ra­tion entre le ministère du Numérique et cette asso­cia­tion », qui a « partagé une demande de soutien au cabinet à laquelle il n’a pas été donné suite ».

La pêche aux finan­ce­ments aura été plus fruc­tueuse auprès de la mission inter­mi­nis­té­rielle de lutte contre les drogues et les conduites addic­tives (Mildeca) du Rhône, qui a accordé à We Are Lovers sa première sub­ven­tion publique de 6 000 euros dans le cadre d’un appel à projets en 2025, afin de mener des actions de pré­ven­tion de l’addiction liée à la consom­ma­tion de por­no­gra­phie chez les 12–18 ans. Mildeca dont le chargé de mission « Pratiques numé­riques – addic­tions et numérique – intel­li­gence éco­no­mique » n’est autre que Joseph Pesme, directeur de We Are Lovers en 2023 et 2024. Au sujet du potentiel rôle qu’il aurait joué dans l’attribution de cette sub­ven­tion, la mission inter­mi­nis­té­rielle répond qu’elle « n’a pas été en contact avec cette asso­cia­tion et n’avait pas à connaître ce projet, les pré­fec­tures étant sou­ve­raines pour déter­mi­ner les projets financés loca­le­ment ».

Ainsi, peu à peu, les asso­cia­tions catho­liques réac­tion­naires conti­nuent d’avancer leurs pions. Au début de 2025, We Are Lovers a par exemple déposé une demande d’agrément auprès de l’Éducation nationale. Le tout en béné­fi­ciant du soutien de plus en plus appuyé du Secrétariat général de l’enseignement catho­lique, dont le nouveau patron, Guillaume Prévost, multiplie les décla­ra­tions pro­blé­ma­tiques sur l’Évars. Lors de sa confé­rence de presse de rentrée, le 23 septembre, celui-ci reven­di­quait par exemple la pos­si­bi­li­té de prier en début de cours. À rebours des pro­grammes officiels, donc.

Cette enquête a été réalisée avec le concours du Fonds pour une presse libre dans le cadre de l’appel à projets : « Extrême droite : enquêter, révéler, démonter », ainsi qu’avec le soutien financier de la bourse Brouillon d’un rêve de la Société civile des auteurs multimédia.

  • 1
    Cette méthode repose sur l’abstinence pério­dique et le retrait avant éja­cu­la­tion. Elle a un taux d’échec élevé.
  • 2
    Antoine Bordier, « Les mous­que­taires du don et La Nuit du bien commun 2.0 », Opinion inter­na­tio­nale, 23 novembre 2020.
  • 3
    L’Évars est obli­ga­toire depuis 2001, mais son contenu n’était, avant la rentrée 2025, décliné que sous forme de grandes orien­ta­tions générales. Les trois séances annuelles prévues étaient dis­pen­sées de manière très inégale.
  • 4
    Regroupées en confé­dé­ra­tion, connues pour leurs positions conser­va­trices, les Associations fami­liales catho­liques relaient depuis 1905, auprès des pouvoirs publics, des préceptes de l’Église catho­lique en matière de morale familiale et sexuelle.
  • 5
    Émanation des milieux conser­va­teurs du catho­li­cisme français, La Manif pour tous est le mouvement qui s’est opposé en 2013 à l’adoption de la loi auto­ri­sant le mariage pour les personnes du même sexe.
  • 6
    Florian Vörös, « L’invention de l’addiction à la por­no­gra­phie », in Sexologies. Revue euro­péenne de sexologie et de santé sexuelle, 2009.

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