Et ne sommes-nous pas des filles ?

par

Publié le 07/02/2022

Modifié le 16/01/2025

Maya Mihindou

En novembre 2020, dans un podcast intitulé La Fille sur le canapé, l’autrice Axelle Jah Njiké a raconté le viol dont elle a été victime à l’âge de 11 ans. Pour La Déferlante, elle revient sur ce qui l’a décidée à prendre la parole. Ce faisant, elle s’interroge sur le silence assour­dis­sant qui entoure encore la question des violences sexuelles subies par les femmes noires, et dénonce le biais racial qui le fonde.

« Je m’appelle Axelle Jah Njiké et, lorsque j’avais 11 ans, j’ai été violée sous le toit sous lequel je gran­dis­sais. Mon agresseur d’une vingtaine d’années, était l’un des hommes de mon cercle familial » C’est ainsi que commence le podcast La Fille sur le canapé, diffusé un matin de novembre 2020. J’avais beau être à l’initiative de ce programme, l’avoir élaboré de A à Z, je ne m’attendais pas à fondre en larmes en m’entendant dire ces mots. Ce n’était pourtant pas la première fois que je les pro­non­çais. J’avais déjà eu l’occasion de relater publi­que­ment mon viol, que ça soit en tant que chro­ni­queuse, inter­ve­nante – ou par­ti­ci­pante – dans des évé­ne­ments consacrés au care et destinés aux personnes afro­des­cen­dantes. En août 2017, j’avais proposé à un pro­duc­teur renommé le texte donnant son titre au podcast. Il l’avait trouvé « fort mais déran­geant » selon ses termes, et m’avait répondu « craindre que, à l’écoute, [ses] audi­trices et auditeurs se disent “mais pourquoi j’écoute ça ?” ». Cet échange avait eu lieu exac­te­ment six semaines avant l’émergence du mouvement #MeToo. Je m’entends évoquer à nouveau, dans le cadre du podcast, l’agression subie ; je suis censée être « habituée » à en parler.

IL ME SEMBLAIT ENTENDRE LA PETITE FILLE QUE J’ÉTAIS
Pourtant quelque chose cède. Rompt. Peut-être est-ce dû à la charge émo­tion­nelle des semaines qui ont précédé, la tension accumulée dans le cadre de la pré­pa­ra­tion, le sentiment de poser enfin quelque chose qui pèse une tonne. […]