Warning: Undefined variable $article in /home/clients/f3facd612bb3129d1c525970fad2eeb3/sites/tpp.revueladeferlante.org/wp-content/themes/divi-child/functions.php on line 400

Warning: Undefined variable $article in /home/clients/f3facd612bb3129d1c525970fad2eeb3/sites/tpp.revueladeferlante.org/wp-content/themes/divi-child/functions.php on line 400

Warning: Undefined variable $article in /home/clients/f3facd612bb3129d1c525970fad2eeb3/sites/tpp.revueladeferlante.org/wp-content/themes/divi-child/functions.php on line 400

Warning: Attempt to read property "ID" on int in /home/clients/f3facd612bb3129d1c525970fad2eeb3/sites/tpp.revueladeferlante.org/wp-content/themes/Divi/includes/builder/post/PostStack.php on line 62

Warning: Attempt to read property "ID" on int in /home/clients/f3facd612bb3129d1c525970fad2eeb3/sites/tpp.revueladeferlante.org/wp-content/themes/Divi/includes/builder/post/PostStack.php on line 62

Écologie : les idéologies réactionnaires en embuscade

La pen­sée écologique n’échappe pas à la ten­ta­tion du con­ser­vatisme. Même s’ils restent peu représen­tés, ces courants écoréac­tion­naires n’en con­stituent pas moins une men­ace réelle.
Publié le 29/07/2024

Modifié le 14/02/2025

Maïs "français"* riche en conservateurs ! * Sans OGM, PMA, GPA, IVG, LGBTQ+...
Maëlle Réat pour La Défer­lante

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°15 Résis­ter, parue en août 2024. Con­sul­tez le som­maire.

For­cé­ment pro­gres­sistes, les mou­ve­ments écol­o­gistes ? « Il ne faut pas croire que l’écologie est naturelle­ment de gauche, répond Antoine Dubi­au, doc­tor­ant à l’université de Genève et auteur de l’ouvrage Éco­fas­cismes (Gre­vis, 2022).

Comme tout objet poli­tique, elle trou­ve aus­si ses pro­pres con­fig­u­ra­tions à l’extrême droite. » Son vocab­u­laire, ses luttes et ses idéaux sont aus­si le ter­reau d’idéologies con­ser­va­tri­ces présentes de longue date.

En Europe, les pre­miers liens qui se tis­sent entre les courants con­ser­va­teurs et la défense de l’environnement remon­tent à la fin du XIXe siè­cle. En réac­tion à la mod­erni­sa­tion imposée par la révo­lu­tion indus­trielle, divers intel­lectuels et groupes poli­tiques nation­al­istes rejet­tent le pro­grès tech­nologique et l’urbanisation. Ils appel­lent à la préser­va­tion de la nature et au retour à la terre, à tra­vers lesquels ils voient un moyen de pro­téger l’existence des peu­ples, des paysages et des modes de vie tra­di­tion­nels.

Au cours du XXe siè­cle, les cri­tiques con­ser­va­tri­ces s’étendent à l’égalité des sex­es, la recon­nais­sance des droits des homosexuel·les ou la légal­i­sa­tion de l’avortement, qui appa­rais­sent à leur tour comme des dérives du pro­grès. Le libéral­isme poli­tique et économique dom­i­nant est accusé de piétin­er à la fois les normes sociales tra­di­tion­nelles (l’hétérosexualité, la com­plé­men­tar­ité des sex­es, l’assignation des femmes à la pro­créa­tion) et l’environnement, qui subit de mul­ti­ples dégra­da­tions (telles que la pol­lu­tion ou la déforesta­tion).

En ce début du XXIe siè­cle, cette cri­tique du libéral­isme prend une autre ampleur. La médi­ati­sa­tion gran­dis­sante des désas­tres écologiques et cli­ma­tiques, en même temps que des luttes fémin­istes, queers et antiracistes, favorise des dis­cours écoréac­tion­naires qui essai­ment à de mul­ti­ples endroits du spec­tre poli­tique. Minori­taire au sein des par­tis insti­tu­tion­nels d’extrême droite, qui s’illustrent plutôt par leur mépris de l’écologie et leur défense de l’industrie fos­sile, cette réserve d’arguments per­met aux mou­ve­ments iden­ti­taires d’avancer leurs pio­ns dans la bataille des idées avec d’autant plus d’efficacité qu’une cer­taine gauche anar­chiste et décrois­sante y est com­plète­ment poreuse. Au point qu’on peut par­ler de con­ver­gences « rouge-vert-brun », selon les couleurs tra­di­tion­nelle­ment asso­ciées à ces camps poli­tiques.

Des discours truffés de métaphores biologisantes

Au cœur de ces con­cep­tions : la notion de « nature ». Elle repose sur l’idée que les interac­tions exis­tant entre tous les organ­ismes vivant sur Terre sont régies par des mécaniques biologiques fix­es, et que cet ordre naturel est un mod­èle pour l’organisation des sociétés humaines, qui doivent le respecter et le pro­téger. D’où l’utilisation con­stante de métaphores biol­o­gisantes dans les dis­cours écoréac­tion­naires : les migrant·es seraient des « espèces inva­sives » qui men­ac­eraient l’éco­système ; l’homosexualité serait « con­tre-nature » et les per­son­nes trans­gen­res nieraient les « réal­ités biologiques ». La réaf­fir­ma­tion de la notion de « lim­ite », en écho à l’expression de « lim­ites plané­taires (1) », est une injonc­tion à pren­dre en compte les « lim­ites » d’un ter­ri­toire, d’une iden­tité ou d’un corps.


Dans cette vision du monde, les femmes, les minorités de genre et de race sont con­sid­érées comme des men­aces vis-à-Vis de l’équilibre « naturel » des sociétés blanch­es, patri­ar­cales et hétéronor­mées.


 

Dans cette vision du monde, les femmes, les minorités de genre et de race sont con­sid­érées comme des men­aces vis-à-vis de l’équilibre « naturel » des sociétés blanch­es, patri­ar­cales et hétéronor­mées. « Il y a cette idée que les iden­tités minori­taires sont pro­fondé­ment artic­ulées au cap­i­tal­isme néolibéral, qu’elles en sont à la fois les incar­na­tions et les com­plices », analyse Cy Lecerf Maulpoix, chercheur indépen­dant et auteur du livre Écolo­gies déviantes, Voy­age en ter­res queers (Cam­bourakis, 2021). Les per­son­nes LGBT+, racisées, colonisées ou issues du Sud glob­al sont tan­tôt accusées d’être les sup­pôts du grand cap­i­tal qui détru­it la planète, tan­tôt perçues comme un poids écologique sup­plé­men­taire. Comme le soulig­nent Leïla et Kima (2), mem­bres du Front de luttes pour une écolo­gie décolo­niale (Fled), « ces per­son­nes sont per­sé­cutées et pris­es pour boucs émis­saires alors qu’en réal­ité ce sont les pre­mières vic­times des crimes envi­ron­nemen­taux ».

Au sein de cette nébuleuse intel­lectuelle, l’écofascisme, struc­turé par la pen­sée raciste, con­sid­ère que l’identité d’un peu­ple est le fruit de son enracin­e­ment au ter­ri­toire, et qu’il faut pro­téger cet écosys­tème des dan­gers de l’épuisement des ressources, de l’immigration et de la sur­pop­u­la­tion. En ayant, si besoin, recours à la vio­lence poli­tique, à l’image de ces deux atten­tats ter­ror­istes per­pétrés en 2019 : en mars, l’attaque de deux mosquées à Christchurch en Nou­velle-Zélande cause la mort de 22 per­son­nes ; en août, celle d’un super­marché fréquen­té par des His­paniques à El Paso, dans l’État du Texas aux États-Unis, fait 52 vic­times. Dans leur man­i­feste respec­tif, les meur­tri­ers invo­quent la défense de l’environnement : le pre­mier se qual­i­fie lui-même d’« éco­fas­ciste », le sec­ond entend, par son geste, « réduire le nom­bre de gens qui con­som­ment les ressources de l’Amérique ».

Camps survivalistes et défense du terroir

Out­re cette volon­té d’éliminer des groupes perçus comme des « par­a­sites », les éco­fas­cistes prô­nent le repli sur soi à tra­vers la con­struc­tion de com­mu­nautés alter­na­tives éco­lo-patri­otes. Face au pré­ten­du déclin écologique et civil­i­sa­tion­nel, l’objectif est de se retranch­er entre blanc·hes hétérosexuel·les pour con­stru­ire des modes de vie en auto­suff­i­sance et recon­quérir le ter­ri­toire. Certain·es se retrou­vent dans des camps sur­vival­istes, d’autres mon­tent
des pro­jets néoru­raux comme des Amap (3) ou des fer­mes pour se réap­pro­prier la cul­ture des ter­res et pro­mou­voir des pro­duits du ter­roir. Ce que le mil­i­tant d’extrême droite Clé­ment Mar­tin a rebap­tisé des « zones iden­ti­taires à défendre » (ZID), par analo­gie avec les zones à défendre (ZAD).

En milieu urbain, cer­tains grou­pus­cules d’extrême droite intè­grent égale­ment l’écologie au sein de leur com­bat. « Le respect de la Terre n’est pas l’apanage des Verts ou des mil­i­tants de gauche, mais un enjeu plein de bon sens pour tout homme attaché à sa patrie », affirme ain­si le groupe nation­al­iste iden­ti­taire Tene­soun. À Aix-en-Provence, ses mem­bres ont ouvert un local mil­i­tant avec leur pro­pre potager afin « d’apprendre le tra­vail de la terre pour mieux s’enraciner ». À Lyon, le groupe Lyon pop­u­laire mène depuis plusieurs mois une cam­pagne en faveur de « l’écologie humaine ». Ses affidé·es la définis­sent comme « le respect de l’intégrité des êtres humains de leur mort à leur con­cep­tion naturelle », et énon­cent divers­es « dérives bioéthiques » : « la manip­u­la­tion sci­en­tifique sur les embryons, la fécon­da­tion in vit­ro, la PMA et la GPA » pro­mues par « le lob­by LGBT+, cette arme du cap­i­tal ».

Cette notion d’« écolo­gie humaine » est directe­ment reprise des milieux catholiques tra­di­tion­al­istes, qui revendiquent égale­ment une pen­sée écologique. La leur est ancrée dans la spir­i­tu­al­ité chré­ti­enne. Dis­tincte de l’écofascisme en ce qu’elle met à dis­tance l’appel explicite à la vio­lence poli­tique et au racisme, elle est portée par une vision sacrée de la vie et des lois naturelles qui s’oppose à toutes formes de dis­posi­tifs biotech­nologiques. Ain­si, la PMA ou la GPA, les tran­si­tions hor­monales et chirur­gi­cales, la con­tra­cep­tion, l’IVG et l’euthanasie sont mis­es au même rang que les OGM et les pes­ti­cides. En France, au début des années 2010, La Manif pour tous a dif­fusé ce type d’arguments « pour dénon­cer la mise en péril de l’ordre famil­ial et repro­duc­tif naturel » que représen­tait à ses yeux l’ouverture du mariage aux cou­ples de même sexe, comme l’explique la socio-his­to­ri­enne Mag­a­li Del­la Sud­da dans son livre Les Nou­velles Femmes de droite (Hors d’atteinte, 2022).

En 2015, le pape François s’empare à son tour des ques­tions envi­ron­nemen­tales : sa célèbre ency­clique Lauda­to si (4), cri d’alerte face aux dévas­ta­tions de la planète, creuse la notion d’« écolo­gie inté­grale ». Celle-ci est sup­posée sauver les com­mu­nautés humaines et non humaines, dont les liens fondent l’écosystème ter­restre. Dès lors, les franges les plus con­ser­va­tri­ces de l’Église vont réin­ter­préter le con­cept d’écologie inté­grale dans une visée ouverte­ment réac­tion­naire, anti­féministe et anti-LGBT+. C’est notam­ment le cas des mem­bres de Lim­ite. Revue d’écologie inté­grale, un mag­a­zine d’écologie sociale et décrois­sante d’inspiration chré­ti­enne, qui naît la même année. Par­mi ses fondateur·ices, la jour­nal­iste du Figaro Eugénie Bastié, ou encore Gaulti­er Bès et Mar­i­anne Dura­no, deux ancien·nes mem­bres des Veilleurs (mou­ve­ment d’opposition au mariage pour tous et toutes) aujourd’hui installé·es dans un éco­hameau chré­tien. De 2015 à 2019 (5), la revue suit une ligne catholique pro­fondé­ment antilibérale et mélange des argu­men­taires con­ser­va­teurs de droite et des reven­di­ca­tions sociales de gauche. Les arti­cles qui dénon­cent le cap­i­tal­isme, l’exploitation des travailleur·euses ou val­orisent le chris­tian­isme social en côtoient d’autres typ­iques des milieux con­ser­va­teurs : « Vers le trans­fémin­isme, pen­dant féminin du tran­shu­man­isme (6) ? », ou encore « La GPA : cet esclavage tem­po­raire ». Mar­i­anne Dura­no y développe quant à elle le con­cept de « fémin­isme inté­gral », au cœur duquel se retrou­vent l’écologie du quo­ti­di­en, la san­té naturelle, le soin du corps féminin et de la famille.

La naturalisation de l’ordre social influe aussi à gauche

Cepen­dant, comme le pointe le chercheur Cy Lecerf Maulpoix, « la nat­u­ral­i­sa­tion du sys­tème hétéro­cis­pa­tri­ar­cal n’émane pas seule­ment des milieux cathos et de l’extrême droite. Il existe aus­si des zones trou­bles classées à gauche qui pro­duisent de la matière fas­cisante sur ces ques­tions ». Cer­taines voix écol­o­gistes de gauche, très iden­ti­fiées dans le débat pub­lic, repren­nent des anti­ennes telles que la nat­u­ral­i­sa­tion de l’ordre social ou la dénon­ci­a­tion de la manip­u­la­tion exces­sive du vivant par les tech­nolo­gies, sus­ci­tant de vives polémiques. Pio­nnier de l’écologie et chantre de la « sobriété heureuse », selon la for­mule qu’il a pop­u­lar­isée, Pierre Rah­bi (décédé en 2021) déclarait par exem­ple, dans un livre d’entretiens pub­lié en 2013 (Pierre Rah­bi, semeur d’espoirs, Actes Sud), à pro­pos de la PMA pour les cou­ples homo­sex­uels : « Je con­sid­ère comme dan­gereuse pour l’avenir de l’humanité la val­i­da­tion de la “famille” homo­sex­uelle alors que, par déf­i­ni­tion, cette rela­tion est infé­conde. » En 2018, c’était le mil­i­tant alter­mon­di­al­iste et ex-eurodéputé Europe Écolo­gie les Verts (EELV) José Bové qui affir­mait au jour­nal La Croix : « La GPA, comme la PMA, n’[était] que le pro­longe­ment de ces tech­niques pro­duc­tivistes. Si on accepte, on ouvre la boîte de pan­dore de l’eugénisme et du tran­shu­man­isme. »

Moins médi­atisés, cer­tains milieux écol­o­gistes décrois­sants rad­i­caux tien­nent le même type de dis­cours. L’un des axes majeurs de leur approche est la « tech­n­o­cri­tique », c’est-à-dire la cri­tique du sys­tème tech­nologique pro­duit par les régimes cap­i­tal­istes et pro­duc­tivistes. Elle peut débouch­er sur un refus total du « pro­grès tech­nique » et fustige celles et ceux supposé·es l’encourager : les per­son­nes LGBT+, dont les tech­niques repro­duc­tives ou les tran­si­tions de genre sont tou­jours accusées de faire le lit du tran­shu­man­isme. Dans le champ édi­to­r­i­al, ce courant trou­ve des relais dans des maisons d’édition telles que L’Échappée ou La Lenteur, ou dans des médias éco­lo-rad­i­caux comme le jour­nal d’écologie poli­tique La Décrois­sance. « PMA-GPA pour toutes, les idiots utiles du cap­i­tal­isme », titrait-il par exem­ple en une en octo­bre 2019, deux mois après la pub­li­ca­tion d’un dossier inti­t­ulé « Con­tre la grande con­fu­sion », qui offrait un con­cen­tré de pro­pos mas­culin­istes, sex­istes, homo­phobes et trans­pho­bes.


La PMA, la GPA, les tran­si­tions, la con­tra­cep­tion, l’IVG et l’euthanasie sont mis­es au même rang que les OGM et les pes­ti­cides.


 

Sur le ter­rain mil­i­tant, la tech­n­o­cri­tique réac­tion­naire est défendue par des col­lec­tifs antitech comme Pièces et main‑d’œuvre (PMO). Fondé en 2000 à Greno­ble, le groupe mul­ti­plie les mêmes dia­tribes sex­istes, homo­phobes et trans­pho­bes : sur leur site, on trou­ve des pub­li­ca­tions qui s’en pren­nent à « ces tor­dus “queer” », qual­i­fiés égale­ment d’« agents de la tech­nocratie » au ser­vice de « pro­grès tech­nologiques [qui] déval­orisent la viril­ité et favorisent l’émancipation fémi­nine ». Sa ver­sion fémi­nine, Flo­raisons, un col­lec­tif d’écoféministes rad­i­cales anti­trans, entend quant à elle « déman­tel­er la civil­i­sa­tion indus­trielle patri­ar­cale ». En 2022, lorsqu’elles annon­cent leur venue pour une con­férence sur l’écoféminisme à la Mai­son de l’écologie à Lyon, une coali­tion d’activistes queers et trans­fémin­istes parvient à faire annuler l’événement, dénonçant dans un man­i­feste des « éco-oppor­tunistes » dont les « posi­tions sont une voie royale vers l’écofascisme ».

Décoloniser et queeriser l’écologie

Ces brico­lages idéologiques for­ment un « réseau pro­téi­forme et inter­con­nec­té », explique la jour­nal­iste de Poli­tis Daph­né Deschamps, qui a car­tographié ces écolo­gies en col­lab­o­ra­tion avec le col­lec­tif Fled (7). Les oppo­si­tions qu’il sus­cite ne sont pas nou­velles : en 2013 déjà, les écol­o­gistes Aude Vidal et Stéphane Lav­i­g­notte pub­li­aient dans Reporterre une tri­bune dénonçant la façon dont certain·es écol­o­gistes, sous pré­texte de cri­tique des tech­nolo­gies, refu­saient la PMA aux cou­ples homo­sex­uels (8).

Mais l’existence de cette nébuleuse réac­tion­naire dans laque­lle se côtoient des mou­vances d’extrême droite et d’autres rat­tachées à la gauche est symp­to­ma­tique d’un mal plus pro­fond : « L’écologie main­stream de gauche elle-même n’a pas encore décon­stru­it ses idées, ni ses pra­tiques », pointe Can­nelle Four­drinier, mil­i­tante éco­féministe, queer et anti­colo­nial­iste. Par­fois trop focal­isée sur l’environnement, elle nég­lige les con­di­tions matérielles des humain·es, qu’il s’agisse de vic­times de crimes colo­ni­aux (tels que l’épandage d’un défo­liant haute­ment tox­ique, l’agent orange, par l’armée états-uni­enne durant la guerre du Viet­nam, ou la dif­fu­sion du chlordé­cone aux Antilles (9)), d’habitant·es des quartiers pop­u­laires sur­ex­posés aux pol­lu­tions, ou de femmes et per­son­nes LGBT+ dont l’émancipation passe par le développe­ment de tech­niques con­tra­cep­tives, repro­duc­tives ou hor­monales. Les mou­ve­ments écol­o­gistes doivent faire leur aut­o­cri­tique, iden­ti­fi­er leurs points d’aveuglement et met­tre au cœur de leurs reven­di­ca­tions les luttes des minorités, tout en garan­tis­sant l’autonomie poli­tique de ces dernières.

Cela implique de mobilis­er les penseur·euses des écolo­gies queers, fémin­istes et décolo­niales pour déter­min­er claire­ment les ter­mes de la lutte : de quelle nature par­le-t-on ? Où est-elle en dan­ger ? Com­ment la pro­téger con­tre ses oppresseur·euses ? « L’écologie poli­tique doit absol­u­ment ouvrir le dia­logue et faire sa mue sur ces sujets », estime Cy Lecerf Maulpoix. À l’instar du mou­ve­ment Les Soulève­ments de la Terre qui, dans son dernier ouvrage, Pre­mières sec­ouss­es (La Fab­rique, 2024), affirme vouloir « trac­er une ligne claire entre une écolo­gie qui fait de la nature une norme pour ban­nir les corps minori­taires, et une écolo­gie qui cherche dans la nature les forces pour ren­vers­er les pos­sesseurs et destruc­teurs de la Terre ». À rebours des dis­cours écoréac­tion­naires, il faut désor­mais être capa­ble de faire front avec toutes les caus­es qui ont été ini­tiale­ment exclues du champ de l’écologie poli­tique, pour la ren­dre véri­ta­ble­ment éman­ci­patrice et lut­ter con­tre l’ensemble des dom­i­na­tions à l’origine des destruc­tions humaines et écologiques. •

 

Chris­telle Gilabert Jour­nal­iste indépen­dante, elle tra­vaille sur les liens entre écolo­gie et société à tra­vers des approches sci­en­tifiques, poli­tiques, tech­n­o­cri­tiques et fémin­istes.

Maëlle Réat Illus­tra­trice et autrice de BD, elle est notam­ment l’autrice de Comme une grande (Virages graphiques, 2022) et d’Insomnie (Exem­plaire, 2023).

 

Cet arti­cle a été édité par Diane Milel­li.


(1) Le con­cept de « lim­ites plané­taires » iden­ti­fie, pour neuf phénomènes bio­physiques impactés par les activ­ités humaines (effet de serre, acid­i­fi­ca­tion des océans, bio­di­ver­sité en péril…), un point de bas­cule au-delà duquel l’habitabilité de la Terre est men­acée.

(2) Leïla et Kima n’ont pas souhaité que leurs noms soient men­tion­nés.

(3) Une Amap (asso­ci­a­tion pour le main­tien d’une agri­cul­ture paysanne) est un parte­nar­i­at de prox­im­ité qui met en rela­tion des agriculteur·ices avec des consommateur·ices qui s’engagent à acheter leur pro­duc­tion à un prix équitable et en payant par avance.

(4) Une ency­clique est une let­tre du pape adressée à l’ensemble de l’Église catholique ou à un groupe de fidèles, qui a valeur d’enseignement.

(5) Date à laque­lle les mem­bres fondateur·ices les plus à droite, dont Eugénie Bastié, quit­tent la revue, qui a cessé de paraître en 2022.

(6) Le tran­shu­man­isme est une mou­vance intel­lectuelle et économique qui défend l’idée selon laque­lle divers­es tech­nolo­gies (biotech­nolo­gies, intel­li­gence arti­fi­cielle…) pour­ront un jour aug­menter les fac­ultés physiques et cog­ni­tives de l’être humain.

(7) « Cinquante nuances de vert-brun », Daph­né Deschamps, Poli­tis, 7 juin 2023.

(8) « PMA et cri­tique de la tech­nique : au nom de quelle nature ? », Reporterre, 18 jan­vi­er 2013.

9. L’utilisation de ce pes­ti­cide, pour­tant iden­ti­fié comme dan­gereux dès 1969, a été autorisée par l’État français jusqu’en 1993. Comme l’agent orange au Viet­nam, ses impacts envi­ron­nemen­taux et san­i­taires sont mas­sifs et étalés sur des généra­tions.

Les mots importants

Masculinisme

Réac­tion­naire, misog­y­ne et antifémin­iste, ce...

Lire plus

Écoféminisme

Forgé par l’essayiste et mil­i­tante fémin­iste...

Lire plus

Écofascisme

Ce con­cept a été forgé dans les années 1970 pour...

Lire plus

Christelle Gilabert

Journaliste indépendante, elle explore l'écologie à travers des approches scientifiques, politiques, technocritiques et féministes. Elle écrit à la fois sur les critiques et les alternatives de notre société actuelle. Voir tous ses articles

Résister en féministes : la lutte continue

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°15 Résis­ter, parue en août 2024. Con­sul­tez le som­maire.


Notice: ob_end_flush(): Failed to send buffer of zlib output compression (1) in /home/clients/f3facd612bb3129d1c525970fad2eeb3/sites/tpp.revueladeferlante.org/wp-includes/functions.php on line 5471

Notice: ob_end_flush(): Failed to send buffer of zlib output compression (1) in /home/clients/f3facd612bb3129d1c525970fad2eeb3/sites/tpp.revueladeferlante.org/wp-includes/functions.php on line 5471

Notice: ob_end_flush(): Failed to send buffer of zlib output compression (1) in /home/clients/f3facd612bb3129d1c525970fad2eeb3/sites/tpp.revueladeferlante.org/wp-content/plugins/really-simple-ssl/class-mixed-content-fixer.php on line 107