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Des travailleuses du sexe privées de droits

Absence de pro­tec­tion sociale, sit­u­a­tion dégradée dans la rue, vio­lences : un grand nom­bre de travailleur·euses du sexe (TDS) aler­tent sur la pré­cari­sa­tion de leurs con­di­tions pro­fes­sion­nelles. À Toulouse et Paris, plusieurs d’entre elles témoignent auprès de « La Défer­lante » de leur sen­ti­ment de ne pas être écoutées.

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Publié le 26/01/2025

Modifié le 03/04/2025

Béa Uhart pour La Déferlante
Katia : « Être TDS, ce n’est pas évi­dent : t’es à la fois psy­cho­logue, sex­o­logue, assis­tante sociale, il faut faire de la com’, entretenir les rela­tions… C’est un boulot à plein temps. » Crédit : Béa Uhart

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°17 Tra­vailler, parue en févri­er 2025. Con­sul­tez le som­maire.

Dans son deux-pièces à Toulouse (Haute-Garonne) où les étagères sont gar­nies de bibelots et de pho­tos de sa petite-fille et de son chat, Patri­cia*, 53 ans, exerce de jour ce qu’elle appelle son PTT (pour « petit tra­vail tran­quille »). À ses clients, elle pro­pose tou­jours un café quand ils arrivent.

« J’y mets le cœur, je soigne la rela­tion. C’est un principe que j’ai appris dans la vente : pour fidélis­er la clien­tèle, 80 % du tra­vail se fait dans l’accueil. » Depuis la fin des années 1990, Patri­cia exerce comme tra­vailleuse du sexe (TDS). Celle qui se définit comme une « fille de joie » assure bien vivre son « tra­vail » et gag­n­er suff­isam­ment grâce à des tar­ifs pas très élevés qui lui garan­tis­sent une régu­lar­ité.

Sa déci­sion de devenir tra­vailleuse du sexe (con­sul­tez notre glos­saire de con­cepts), Patri­cia l’a prise alors qu’elle était mère céli­bataire à Bor­deaux (Gironde) et gag­nait trop peu dans un emploi salarié à mi-temps. « J’avais besoin d’argent pour le petit. Je voy­ais les filles au bord de la route, et un jour je me suis assise pour les observ­er. Avant, j’allais beau­coup avec les garçons, donc je me suis dit : pourquoi ne pas me faire pay­er ? Si un jour ça me dégoûte, j’arrêterai. » Elle pré­cise aus­si : « J’ai des copines qui le vivent très mal, cha­cune a son par­cours. » En 2005, elle part vivre à Toulouse, pour se rap­procher de l’association de san­té com­mu­nau­taire Grisé­lidis auprès de qui trou­ver un appui. Elle exerce cinq ans dans la rue, avant de bas­culer sur Inter­net.

En réponse à ses annonces, Patri­cia reçoit beau­coup d’appels. Elle en bloque une grande par­tie, notam­ment ceux provenant d’hommes qui ne lui inspirent pas con­fi­ance ou quand on lui pro­pose des rap­ports sans préser­vatif. Pour se pro­téger des agres­sions, elle a investi dans une bombe lacry­mogène et porte autour du cou un sif­flet fourni par l’association Grisé­lidis. « Quand tu ne le sens pas, il ne faut pas rester. Il y a eu des tas de sit­u­a­tions où j’ai bien fait de par­tir. Une fois, un homme m’a men­acée avec un couteau pour vol­er mon argent, mais j’ai réus­si à m’enfuir. » Il y a quelques années, Patri­cia a essayé de retourn­er tra­vailler dans la rue. « J’aimais bien le fait de pou­voir jauger les per­son­nes avant de les accepter pour clients, mais j’ai vu que c’était devenu très dur : j’ai atten­du longtemps et je n’en ai eu qu’un seul. » 

Depuis dix-huit ans qu’elle exerce dans le quarti­er du Raisin à Toulouse, Rebec­ca, 49 ans, a égale­ment vu la sit­u­a­tion se dégrad­er dans la rue. « Cette semaine, je n’ai eu que deux clients. Avant, je pou­vais tra­vailler toute la nuit. On se retrou­vait au petit matin avec les col­lègues, pour manger une entrecôte dans un restau­rant qui était ouvert 24 heures sur 24. »

Patricia exerce comme travailleuse du sexe depuis la fin des années 1990.
Patri­cia exerce comme tra­vailleuse du sexe depuis la fin des années 1990. Crédit : Béa Uhart.


La faute à l’inflation, mais surtout à un con­texte répres­sif : depuis 2014, dans les rues où les TDS se con­cen­trent, la ville de Toulouse a mul­ti­plié les arrêtés anti-pros­ti­tu­tion. « Quand les pou­voirs publics voient que les TDS se dépla­cent, ils mod­i­fient les arrêtés pour nous pouss­er tou­jours plus loin, vers les périphéries de la ville et les boule­vards mal éclairés », dénonce-t-elle. Depuis quelques années, Rebec­ca a décidé d’exercer sur le trot­toir à quelques mètres de chez elle, pour pou­voir se réfugi­er der­rière son por­tail quand la police arrive et éviter les amendes de plusieurs cen­taines d’euros. Rebec­ca a déjà été ver­bal­isée de 180 euros à plusieurs repris­es dans une même soirée.

Quand elle ne tra­vaille pas, avec une amie, elles remon­tent en voiture l’avenue des Min­imes pour s’assurer que les col­lègues qui exer­cent dans les zones indus­trielles moins pas­santes du nord de la ville vont bien. « On se sur­veille les unes les autres, et s’il y a un prob­lème, on accourt. Nous venons toutes d’horizons divers, mais nous sommes sol­idaires. Seule­ment, plus ça va, plus on est dis­per­sées dans l’espace. C’est ce que veut la police. On se perd de vue. »

Arrêtés anti-prostitution

La loi de 2016 visant à ren­forcer la lutte con­tre le sys­tème pros­ti­tu­tion­nel a pour­tant abrogé le délit de raco­lage pas­sif. Mais selon Émil­ion Esnault, adjoint au maire de Toulouse chargé de la sécu­rité, ce n’est pas con­tra­dic­toire avec les arrêtés anti-pros­ti­tu­tion : « On a rem­placé un délit par une con­tra­ven­tion de classe 2, et on l’applique unique­ment quand ça pose un prob­lème. L’interdiction pèse sur les rues où il y a des regroupe­ments avérés et des plaintes de riverains. »

En mai 2024, une tra­vailleuse du sexe de 57 ans a été poignardée à Toulouse par un récidi­viste, qui avait déjà écopé d’une peine de vingt ans pour le meurtre d’une pros­ti­tuée dont il était le client. Le risque d’agression, « c’est comme une épée de Damo­clès au-dessus de nos têtes, explique Rebec­ca. On se le dit entre col­lègues : “Un jour on se fera planter.” Et quand on a un souci, la police ne se déplace jamais pour nous ». Ce qu’Émilion Esnault, réfute : « Aucun fil­trage n’est fait sur la qual­ité de la vic­time. Des appels de ce type, on n’en a jamais. »

Depuis la loi de 2016, nom­bre de TDS et d’associations com­mu­nau­taires ou parte­naires, comme Médecins du Monde, aler­tent sur une aggra­va­tion de leurs con­di­tions de tra­vail, attribuées prin­ci­pale­ment à une inver­sion du pou­voir de négo­ci­a­tion passé du côté du client. « De plus en plus, ils me deman­dent des rap­ports “nature”, sans préser­vatif. Et par­fois, t’as pas le choix. Avec cer­tains, j’accepte pour les fel­la­tions », indique Katia, une TDS trans de 50 ans.

Associations communautaires et fonds de solidarité

Arrêtée pour longue mal­adie depuis quelques années, Katia voit la pros­ti­tu­tion comme un « tra­vail ali­men­taire » per­me­t­tant de com­pléter une indem­nité qui ne « lui suf­fit pas pour vivre ». Depuis qu’elle a fait sa tran­si­tion de genre, elle indique avoir per­du les trois quarts de ses clients habituels. Si elle tra­vaille sur Inter­net, il lui arrive d’aller sur le trot­toir quand elle n’a pas eu d’appel de la soirée. « Être TDS, ce n’est pas évi­dent : t’es à la fois psy­cho­logue, sex­o­logue, assis­tante sociale, il faut faire de la com’, entretenir les rela­tions… C’est un boulot à plein temps. Les jeunes qui se lan­cent dedans, je leur remets les pieds sur terre, car beau­coup pensent qu’on peut encore en vivre, et ce n’est plus vrai­ment le cas. »


« Être TDS, ce n’est pas évi­dent : t’es à la fois psy­cho­logue, sex­o­logue, assis­tante sociale, il faut faire de la com’, entretenir les rela­tions… C’est un boulot à plein temps. »

Katia



À Nantes (Pays de la Loire), alors qu’ici aus­si la crise du covid a accéléré la migra­tion des TDS sur Inter­net, l’association de san­té com­mu­nau­taire Palo­ma effectue des tournées numériques pour créer du lien et informer les per­son­nes de leurs droits. De nom­breuses TDS exilées, régu­lar­isées ou non, anglo­phones pour la plu­part, sont accueil­lies dans les per­ma­nences de l’association et ori­en­tées, quand c’est pos­si­ble et souhaité, vers les par­cours de sor­tie de la pros­ti­tu­tion (1). « On fait aus­si de l’accompagnement sur les ouver­tures d’autoentreprises, explique Marie Bon­net, core­spon­s­able de l’association. Mais ce statut n’est pas idéal en matière de pro­tec­tion sociale : quand il y a eu l’épidémie de Mpox (2), il y a deux ans, cer­taines per­son­nes ont dû s’isoler plusieurs semaines et se sont retrou­vées dans des sit­u­a­tions très dif­fi­ciles finan­cière­ment. »

« Le statut de microen­tre­pre­neur est le seul statut auquel les TDS ont accès (3), mais si la per­son­ne ne peut pas tra­vailler, elle ne touche rien, observe June Char­lot de l’association Grisé­lidis. On accom­pa­gne des femmes âgées qui n’ont aucun droit à la retraite, alors que cer­taines ont tra­vail­lé plus longtemps que la plu­part des Français·es. »

Les TDS paient pour­tant des impôts (4), mais leur sit­u­a­tion admin­is­tra­tive tient du casse-tête : elles ne peu­vent que dif­fi­cile­ment louer un loge­ment, puisque leur pro­prié­taire peut être poursuivi·e pour prox­énétisme hôte­lier. Elles n’ont pas non plus la pos­si­bil­ité de vivre en cou­ple ou de soutenir finan­cière­ment leurs enfants adultes qui risquent d’être poursuivi·es pour le même motif.

C’est aus­si pour ces raisons que les Ros­es d’acier, asso­ci­a­tion créée en 2015 par et pour les femmes chi­nois­es en pré­car­ité, tra­vailleuses du sexe ou non, ont lancé leur pro­pre fonds de sol­i­dar­ité : U Care. Il visait au départ à soutenir les femmes qui ne peu­vent plus tra­vailler du fait de prob­lèmes de san­té, avant d’être élar­gi aux sit­u­a­tions d’agressions ou de vio­ls. Lele *, 55 ans, atteinte d’un can­cer de l’utérus et se trou­vant dans l’impossibilité de tra­vailler, en est l’une des béné­fi­ci­aires.

Arrivée en France en 2017, elle a d’abord été assis­tante mater­nelle, avant de per­dre son emploi qua­tre ans plus tard et de devenir tra­vailleuse du sexe. Dans le local parisien des Ros­es d’acier, elle tient des per­ma­nences l’après-midi, ce qui lui per­met de con­serv­er une activ­ité sociale. 

Rebecca : « Je veux être reconnue comme une travailleuse normale, quitte à payer des impôts et à cotiser. »
Rebec­ca : « Je veux être recon­nue comme une tra­vailleuse nor­male, quitte à pay­er des impôts et à cotis­er. » Crédit : Béa Uhart.


Trois cent vingt femmes sont adhérentes, dont beau­coup ne se revendiquent pas tra­vailleuses du sexe. « Cer­taines femmes mar­iées n’ont rien dit de leur passé à leur famille mais ont main­tenu des liens avec des clients, d’autres tra­vail­lent en salon de mas­sage et acceptent des clients à côté. D’autres encore tra­vail­lent aus­si comme nounous. Cer­taines vien­nent d’arriver et sont vul­nérables. Ce sont surtout ces dernières que nous avons voca­tion à accom­pa­g­n­er », détaille Ting, coor­di­na­trice des Ros­es d’acier.

L’accumulation des stigmates

Sur les étagères de la per­ma­nence, des livres en man­darin côtoient des méga­phones et du matériel médi­cal. Mais égale­ment le por­trait encadré de Meili, assas­s­inée durant l’été 2024 dans l’exercice de son activ­ité. En 2024, selon les chiffres de Médecins du Monde (5), sept tra­vailleuses du sexe ont été assas­s­inées, dont trois étaient chi­nois­es.

« En tant que femmes asi­a­tiques étrangères, nous sommes une pop­u­la­tion mar­gin­al­isée et stig­ma­tisée, pour­suit Ting. Il faudrait que la police puisse mieux nous accueil­lir. Mais parce que nous sommes sans papiers, et sans inter­prète, c’est qua­si mis­sion impos­si­ble. C’est une telle accu­mu­la­tion de stig­mates que cer­taines se dis­ent : “J’ai été volée de 200 euros, mais au moins je n’ai pas été agressée. Je ne vais donc pas porter plainte.” »

Depuis la loi de 2016, l’association observe aus­si une raré­fac­tion des clients dans la rue et le départ de nom­breuses femmes vers de plus petites villes, dans l’espoir d’y trou­ver moins de con­cur­rence. « Mais par­tir, c’est per­dre des liens soci­aux, les clients dont on a l’habitude et les col­lègues qui nous pro­tè­gent. Tu es seule dans un apparte­ment et ça peut être très stres­sant. »

Par­tir, c’est pour­tant le choix qu’a fait Lin­da, tra­vailleuse du sexe chi­noise âgée de 60 ans, après avoir observé une forte baisse de ses clients habituels. Anci­enne ouvrière en Chine, elle est arrivée en France il y a dix ans, dans l’espoir de mieux gag­n­er sa vie. Elle a com­mencé très vite à exercer dans la rue à Paris. Avec l’inflation, ses « bons clients » se sont raré­fiés. Pen­dant huit mois, elle a ten­té de se met­tre sur Inter­net et de chang­er régulière­ment de ville, avant de retourn­er dans la rue. « Sur Inter­net, on ne peut pas voir les clients avant qu’ils arrivent. Quand la per­son­ne est là, c’est déjà trop tard. Dans la rue, je peux mieux dis­cuter et refuser les per­son­nes. »

Lin­da indique avoir choisi d’être TDS, mais un autre méti­er n’aurait de toute façon pas été envis­age­able, selon elle, en rai­son de la bar­rière de la langue. « C’est la plus grosse dif­fi­culté. Comme on ne par­le pas français, on a moins de pos­si­bil­ités de se défendre et de porter plainte en cas d’agression. » Pour trou­ver du sou­tien, elle a rejoint les Ros­es d’acier dès son arrivée à Paris. « En tant que femmes immi­grées, et TDS, on est très sol­idaires entre nous. Sur notre groupe de con­ver­sa­tion, on partage les infos. Si on a eu affaire à un agresseur, on donne ses pho­tos, on se prévient. »

Sans accès à une pro­tec­tion sociale, Lin­da pra­tique l’automédication. « Je me restreins dans ma vie, pour pou­voir faire face aux aléas. » Dans quelques années, assure-t-elle, elle pren­dra « sa retraite ».

À la longue, Ting espère que le fonds U Care ne sera plus seule­ment pris en charge par les coti­sa­tions des adhérentes, mais aus­si par des fon­da­tions privées et par l’État. « Actuelle­ment, tout repose sur l’auto-organisation, et notre asso­ci­a­tion bouche les trous des ser­vices publics. Si le 15 ou le 17 avaient des inter­prètes, notre ligne d’urgence n’aurait pas de rai­son d’être. Et si on pou­vait faire con­fi­ance à la police et aux insti­tu­tions, les femmes iraient porter plainte. »


« Je veux être recon­nue comme une tra­vailleuse nor­male, quitte à pay­er des impôts et à cotis­er. »

Rebec­ca


Reconnaître le travail du sexe

Pour Ting, la ques­tion des con­di­tions de tra­vail des TDS reste un impen­sé de notre société : « Nous sommes tous·tes con­tre l’exploitation. Une fois que c’est dit, com­ment fait-on pour arriv­er à dis­cuter et penser la com­plex­ité de nos expéri­ences de vie sans qu’elles soient ignorées ? »

D’après elle, le socle lég­is­latif actuel suf­fit pour lut­ter con­tre l’exploitation : « On ne veut pas de lois spé­ci­fiques, mais une décrim­i­nal­i­sa­tion du tra­vail du sexe pour avoir accès à une pro­tec­tion sociale et à des coti­sa­tions. »

« Pour beau­coup, la recon­nais­sance du tra­vail du sexe comme un tra­vail ne va pas de soi », estime de son côté Manon Cou­jou, doc­tor­ante en sci­ence poli­tique à l’Institut des sci­ences sociales du poli­tique (uni­ver­sité Paris-Nan­terre). « La CGT, par exem­ple, est abo­li­tion­niste, comme le sont la plu­part des par­tis de gauche. Les TDS ont donc dû chercher d’autres moyens juridiques pour porter leurs reven­di­ca­tions. »

En juil­let 2024, le recours déposé par 260 tra­vailleuses du sexe devant la Cour européenne des droits humains pour dénon­cer l’impact de la loi de 2016 a été rejeté. Dans un com­mu­niqué paru en octo­bre 2024, des syn­di­cats de SUD édu­ca­tion, Asso-Sol­idaires ou de la CGT Ferc Sup (qui s’adresse aux pro­fes­sions de l’enseignement supérieur et de la recherche) ont appelé à les soutenir dans leurs reven­di­ca­tions et à leur per­me­t­tre « l’accès au droit du tra­vail, [au] droit de for­mer et de rejoin­dre des syn­di­cats ». Une posi­tion à con­tre-courant de celles majori­taire­ment défendues par les syn­di­cal­istes.

Le texte rap­pelle en effet « qu’il faut écouter les per­son­nes qui ont arrêté le tra­vail sex­uel, mais pas au détri­ment de celles qui con­tin­u­ent de l’exercer et qui subis­sent les con­séquences des mesures défendues ».

Une opin­ion que partage Rebec­ca : « Je veux être recon­nue comme une tra­vailleuse nor­male, quitte à pay­er des impôts [sur le revenu] et à cotis­er. À la retraite, je sais que je ne toucherai rien. On est telle­ment dis­crim­inées que par­fois on a l’impression d’être seules face au monde entier. »

Quelques mois plus tôt, comme d’autres tra­vailleuses du sexe dis­posant d’une adresse postale, Rebec­ca a reçu un cour­ri­er avec des brochures, indi­quant que sa dernière amende serait annulée à con­di­tion qu’elle cesse son activ­ité. « Ça ne m’intéresse pas. Le jour où j’arrêterai, je le déciderai par moi-même. J’ouvrirai un mag­a­sin de fleurs, ou alors je par­ti­rai voir le monde en van. » En sep­tem­bre, sur le pan­neau qui référence les com­merçants du quarti­er, Rebec­ca a posé sa pro­pre plaque : « Rebec­ca pros­ti­tuée ». Deux mois plus tard, cet écriteau était tou­jours bien vis­i­ble. •

La prostitution, un travail ?

L’usage du terme « tra­vail du sexe » dans cet arti­cle ne man­quera pas de faire débat. Cer­taines fémin­istes y voient une euphémi­sa­tion de la pros­ti­tu­tion, à leurs yeux une vio­lence gen­rée spé­ci­fique dont il faut réclamer l’abolition.

Vouloir abolir l’exploitation des femmes est une chose, ris­quer d’abolir la parole des exploitées en est une autre. La Défer­lante s’attachant, sur tout enjeu fémin­iste, à recueil­lir d’abord le point de vue des pre­mières con­cernées, nous avons recueil­li celui de femmes pour qui la pros­ti­tu­tion est une activ­ité pro­fes­sion­nelle.

Nous faisons nôtre l’interrogation poli­tique lancée par Ting, citée plus haut : « Nous sommes tous·tes con­tre l’exploitation. Une fois que c’est dit, com­ment fait-on pour arriv­er à dis­cuter et penser la com­plex­ité des expéri­ences de vie [des TDS] sans qu’elles soient ignorées ? »

Cet arti­cle a été édité par Élise Thiébaut.

* Les prénoms suiv­is d’un astérisque ont été mod­i­fiés.


(1) La loi de 2016 prévoit un dis­posi­tif de sor­tie de la pros­ti­tu­tion com­prenant une indem­nité de 343,20 euros par mois, un accom­pa­g­ne­ment vers le loge­ment et l’emploi, et la pos­si­bil­ité d’une régu­lar­i­sa­tion. Faute de moyens et de volon­té poli­tique quant à l’accès à la régu­lar­i­sa­tion, ce dis­posi­tif ne prof­ite qu’à un nom­bre réduit de per­son­nes.

(2) Le Mpox, précédem­ment appelé « var­i­ole du singe », est une mal­adie infec­tieuse très con­tagieuse qui se trans­met par des con­tacts rap­prochés.

(3) La Bel­gique a adop­té en décem­bre 2024 une loi qui accorde aux TDS la pos­si­bil­ité de sign­er un con­trat de tra­vail leur don­nant accès à l’assurance-maladie, à la retraite, aux con­gés payés et con­gés mater­nité ou mal­adie. Il s’agit de la pre­mière loi de ce type au monde.

(4) Les TDS paient des impôts lorsqu’elles déclar­ent leurs revenus en microen­tre­prise ou sous d’autres statuts.

(5) . La plate­forme Jas­mine est un pro­gramme de lutte con­tre les vio­lences faites aux TDS dans leur activ­ité. Elle a enreg­istré 3 110 sig­nale­ments de faits de vio­lence en 2024, dont 203 vio­ls ou ten­ta­tives de viol, et 82 cas d’agressions avec une arme.

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Sarah Bos

Journaliste indépendante, spécialisée dans les questions de discriminations, elle est membre de l'association des journalistes antiracistes et racisé·e–s (Ajar). Elle a notamment réalisé l’interview croisée de Assa Traoré et Sophie Binet ainsi que le débat « Faut-il débattre avec l’extrême droite ? » Voir tous ses articles

Travailler, à la conquête de l’égalité

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°17 Tra­vailler, parue en févri­er 2025. Con­sul­tez le som­maire.


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