Des pages qui grattent : deux siècles de presse féministe

Dès la première moitié du XIXe siècle, des mili­tantes de la cause des femmes inves­tissent la presse pour faire entendre leur voix. Chaque vague de l’histoire du féminisme a donné naissance à de nouveaux titres. Depuis la brochure La Femme libre, lancée en 1832, jusqu’à La Déferlante, tour d’horizon de l’histoire des médias féministes. 

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Publié le 29/07/2025

Couverture du premier numéro du Torchon brûle, revue emblématique du Mouvement de libération des femmes (MLF), sorti en mai 1971. Ce « menstruel » à la parution irrégulière est un espace de bouillonnement intellectuel pour le mouvement féministe de l’époque. Crédit : Ville de Paris/BMD – collection Bibliothèque Marguerite-Durand.
Couverture du premier numéro du Torchon brûle, revue emblé­ma­tique du Mouvement de libé­ra­tion des femmes (MLF), sorti en mai 1971. Ce « menstruel » à la parution irré­gu­lière est un espace de bouillon­ne­ment intel­lec­tuel pour le mouvement féministe de l’époque. Crédit : Ville de Paris/BMD – col­lec­tion Bibliothèque Marguerite-Durand.

Retrouvez cet article dans la revue La Déferlante n°19 S’informer, parue en août 2025. Consultez le sommaire.

« La femme, jusqu’à présent, a été exploitée, tyran­ni­sée. Cette tyrannie, cette exploi­ta­tion, doit cesser. Nous naissons libres comme l’homme et la moitié du genre humain ne peut être, sans injustice, asservie à l’autre. » C’est avec ces mots que la brochure La Femme libre lance son premier numéro, en août 1832.

C’est pro­ba­ble­ment le tout premier journal féministe de France. Raconter l’histoire de la presse au service de la cause des femmes nécessite de s’interroger sur ses débuts : à partir de quand peut-on parler de presse « féministe » ?

Les premiers supports destinés spé­ci­fi­que­ment aux femmes appa­raissent à la fin du XVIIIe siècle, « mais, en réalité, ce sont des journaux de mode pour la plupart », modère la cher­cheuse en lit­té­ra­ture Lucie Barette, autrice de Corset de papier. Une histoire de la presse féminine (éditions Divergences, 2022). Au début du XIXe siècle, certaines de ces revues laissent tout de même une place à quelques articles où s’expose la condition des femmes, comme L’Athénée des dames. Mais, pour l’universitaire, c’est La Femme libre qui ressemble le plus à ce que l’on pourrait aujourd’hui qualifier de journal « féministe » – même si le terme n’a commencé à être utilisé dans le sens qu’on lui connaît aujourd’hui que cinquante ans plus tard.

Cette petite brochure est lancée non pas par des bour­geoises ayant reçu éducation et moyens finan­ciers, mais par des ouvrières adeptes du saint-simonisme, un mouvement de pensée réfor­ma­teur, politique et religieux, qui prône entre autres l’égalité entre les femmes et les hommes. De 1832 à 1834, l’équipe non mixte de La Femme libre s’en prend à l’institution du mariage, aux inéga­li­tés devant l’éducation et souhaite articuler l’émancipation féminine à celle du pro­lé­ta­riat. À l’époque, il est encore rare pour les femmes de prendre la plume et de s’exprimer : écrire pour être lue est en soi un acte de transgression.

Prospectus annonçant la publication des deux premiers numéros de la revue La Femme libre en août 1832. Composé d’une rédaction non mixte, le titre entend articuler l’émancipation féminine à celle du prolétariat. Crédit : BNF
Prospectus annonçant la publi­ca­tion des deux premiers numéros de la revue La Femme libre en août 1832. Composé d’une rédaction non mixte, le titre entend articuler l’émancipation féminine à celle du pro­lé­ta­riat. Crédit : BNF

À la suite de la révo­lu­tion de 1848, ce flambeau est repris par deux figures de l’histoire du féminisme, Eugénie Niboyet et Jeanne Deroin, passées par le saint-simonisme, et qui déve­loppent, res­pec­ti­ve­ment dans La Voix des femmes et L’Opinion des femmes, des réflexions aux accents socia­listes. Ces ini­tia­tives ne durent que quelques mois, mais, en posant ainsi leurs idées sur papier, ces mili­tantes ne font pas seulement irruption dans les débats de leur époque, elles laissent aussi des traces durables de l’histoire des femmes. « Pour nous, his­to­riennes, ces journaux sont des sources extra­or­di­naires », avance Florence Rochefort, cher­cheuse au Centre national de la recherche scien­ti­fique (CNRS) et coautrice du livre Ne nous libérez pas, on s’en charge1Bibia Pavard, Florence Rochefort et Michelle Zancarini- Fournel, Ne nous libérez pas, on s’en charge. Une histoire des fémi­nismes de 1789 à nos jours, La Découverte, 2020..

À partir de 1870, avec le renouveau politique de la IIIe République, les mobi­li­sa­tions fémi­nistes connaissent un essor important, autour de figures comme Maria Deraismes, Léon Richer ou Hubertine Auclert. Cette effer­ves­cence se traduit d’autant plus à travers la presse que celle-ci connaît un fort dynamisme. Le Droit des femmes est ainsi lancé par Léon Richer en 1869, puis La Citoyenne, d’Hubertine Auclert, paraît à partir de 1881. Créer un bulletin fait désormais partie du réper­toire d’action féministe, au même titre qu’or­ga­ni­ser des réunions publiques. Mais, malgré la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, les femmes n’ont toujours pas le droit de diriger une publi­ca­tion en leur nom propre. La suf­fra­giste Hubertine Auclert se voit donc contrainte de confier à son compagnon la gérance du journal qu’elle a elle-même créé.

Ces pério­diques publient des témoi­gnages de femmes sur les injus­tices qu’elles vivent, elles se désolent du sexisme du Code civil, réclament le réta­blis­se­ment du droit au divorce, s’inquiètent des condi­tions de travail des ouvrières… Ils s’intéressent aussi de près à la violence des hommes. Le titre d’Hubertine Auclert a même une rubrique consacrée à la « brutalité masculine  , où sont fustigés les « maris assassins ». « La presse féministe de l’époque parle beaucoup des faits divers parce qu’il y a très peu d’études sur les femmes à l’époque, décrypte Florence Rochefort. Donc elle s’appuie sur l’étude des textes juri­diques, mais aussi sur des faits de société qu’elle analyse de façon critique. Il y a toute une pédagogie militante, qui explique pourquoi il est néces­saire de réclamer des droits. »

Un cap sup­plé­men­taire est passé avec l’aventure de La Fronde, lancé par l’ambitieuse Marguerite Durand en 1897. Il s’agit désormais de prouver que les femmes peuvent être des jour­na­listes pro­fes­sion­nelles tout aussi capables que les hommes. Alors que, jusqu’ici, les journaux fémi­nistes étaient la pro­duc­tion de militant·es sou­hai­tant pro­mou­voir leurs idées, Marguerite Durand est, elle, avant tout jour­na­liste. Elle découvre d’ailleurs ces idées sur le tard alors que, rédac­trice pour Le Figaro, on l’envoie couvrir le congrès féministe inter­na­tio­nal de 1896 – dans le but de le railler ! Mais, pour elle, c’est une révé­la­tion. Membre de la bour­geoi­sie, elle décide alors de créer son média, avec le zèle de la nouvelle convertie. Si les idées fémi­nistes sont largement présentes dans ses pages, La Fronde se veut avant tout un quotidien d’actualité générale, à même de concur­ren­cer les autres grands journaux, mais – et c’est une dif­fé­rence de taille – réalisé par une équipe entiè­re­ment féminine. Le premier numéro est un événement. Il est tiré à pas moins de 200 000 exem­plaires – des chiffres jamais vus dans la presse féministe.

La vague des années 1970

« L’expérience de La Fronde est fon­da­trice parce que Marguerite Durand met vraiment le pied dans la porte en ce qui concerne l’accès des femmes au jour­na­lisme et à l’ensemble de l’espace public », analyse Lucie Barette, qui a consacré une bio­gra­phie à la patronne de presse2Lucie Barette, Marguerite Durand. Lutter par la presse, Les Pérégrines, 2025.. Couvrir les sujets habituels de la presse géné­ra­liste pose en effet la question de la présence des femmes dans des lieux où elles ne sont pas les bien­ve­nues. Les jour­na­listes de La Fronde doivent se battre pour être auto­ri­sées à entrer à l’Assemblée nationale ou à la Bourse. Marguerite Durand bataille également pour embaucher des femmes à des postes de typo­graphe et aide ses « typotes » à monter un syndicat féminin.

Lithographie au format affiche réalisée en 1897 ou 1898 par Clémentine-Hélène Dufau pour promouvoir La Fronde. Fondé par la journaliste Marguerite Durand, ce journal réalisé par une équipe entièrement féminine cherche à concurrencer les grands quotidiens d’actualité générale. Crédit : DIXMIER / KHARBINE TAPABOR / LA COLLECTION
Lithographie au format affiche réalisée en 1897 ou 1898 par Clémentine-Hélène Dufau pour pro­mou­voir La Fronde. Fondé par la jour­na­liste Marguerite Durand, ce journal réalisé par une équipe entiè­re­ment féminine cherche à concur­ren­cer les grands quo­ti­diens d’actualité générale. Crédit : DIXMIER / KHARBINE TAPABOR / LA COLLECTION

Pour séduire l’opinion publique, cette ancienne actrice n’hésite pas à miser sur le luxe (la rédaction est installée dans un hôtel par­ti­cu­lier) et l’élégance – ce qui ne manque pas de faire grincer les dents de quelques mili­tantes aguerries. Mais La Fronde finit par se heurter, comme tant d’autres projets fémi­nistes, à la question du finan­ce­ment. Jamais rentable, « jugée trop bour­geoise pour les socia­listes et trop révo­lu­tion­naire pour les bourgeois », selon les propres mots de Marguerite Durand, La Fronde met la clé sous la porte en 1905, après que sa fon­da­trice a dû régu­liè­re­ment renflouer la caisse avec ses fonds personnels.

Quelques autres ini­tia­tives font vivre les idéaux d’égalité lors de la première moitié du XXe siècle, comme L’Écho de Pointe-à-Pitre de 1918 à 1921, premier journal féministe de la Caraïbe fran­co­phone, ou La Française, heb­do­ma­daire lié à l’Union française pour le suffrage des femmes, qui réussit l’exploit de durer de 1906 à 1940. Mais il faut attendre que le mouvement féministe revienne sur le devant de la scène dans les années 1970 pour voir déferler une vague sans précédent de médias féministes.

Né à l’été 1970, le Mouvement de libé­ra­tion des femmes (MLF) voit son premier journal paraître moins d’un an plus tard, en mai 1971. Il est tiré à 35 000 exem­plaires. C’est le fameux Torchon brûle, un « menstruel » à la pério­di­ci­té tout à fait irré­gu­lière, comme peuvent parfois l’être les règles. La mise en page est foutraque et créative, le ton insolent et imper­ti­nent ; le propos, émi­nem­ment politique. Ici pas de rubriques régu­lières : témoi­gnages per­son­nels alternent avec analyses théo­riques, poésie et dessins, textes tapés à la machine ou écrits à la main… Et si les mili­tantes à l’origine des publi­ca­tions du début du XIXe siècle étaient des auto­di­dactes, les rédac­trices du MLF sont des femmes ayant eu accès aux études supé­rieures, voire des cher­cheuses à l’université. Ses équipes sont bénévoles et non pro­fes­sion­nelles, orga­ni­sées de manière hori­zon­tale et changent au gré des numéros. Financé par des dons de mili­tantes, Le torchon brûle est dis­po­nible en kiosque, vendu à la criée dans la rue ou lors de ras­sem­ble­ments militants. « L’idée est de créer un média à soi, un lieu d’expression qui n’existe pas dans la presse d’information ou dans la presse féminine, qui permet de se rendre visible et de faire connaître ses actions », décrit Bibia Pavard, his­to­rienne à l’université Paris-Panthéon-Assas, spé­cia­liste de la période – et membre du comité éditorial de La Déferlante.

Si Le torchon brûle ne connaît que six numéros et s’éteint à l’été 1973, des publi­ca­tions mili­tantes paraissent à foison dans son sillage, de la feuille de chou agrafée à la main à la revue brochée plus sérieuse. Le livre Mouvements de presse de Martine Laroche et Michèle Larrouy3Martine Laroche, Michèle Larrouy, collectif des Archives, recherches et cultures les­biennes, Mouvements de presse des années 1970 à nos jours, luttes fémi­nistes et les­biennes, éditions ARCL, 2009. réper­to­rie pas moins d’une cin­quan­taine de lan­ce­ments entre 1971 et 1979, éphémères ou plus durables. Citons le titre éco­fé­mi­niste Sorcières (1975 à 1982), La Revue d’en face (1977 à 1983), Quand les femmes s’aiment… (1978 à 1980), la brochure de la Coordination des femmes noires en 1978 ou encore Questions fémi­nistes (1977 à 1980), parution animée par des uni­ver­si­taires4Certaines revues de la période ont été numé­ri­sées et sont consul­tables sur le site Féminismes en revue.. Presque toujours fabri­quées béné­vo­le­ment, ces publi­ca­tions s’essoufflent vite faute de finan­ce­ment, parce que l’énergie militante retombe, ou parce que des désac­cords scindent les collectifs.

Quelques pro­fes­sion­nelles du jour­na­lisme ou de l’édition tentent de lancer des pério­diques à des­ti­na­tion d’un public élargi. Des jour­na­listes fémi­nistes, frustrées par les journaux qui les emploient, montent Histoire d’elles et réus­sissent, avec très peu de moyens, à faire paraître 22 numéros entre mars 1977 et avril 1980, tirés à 20 000 exem­plaires. Les éditions des femmes, d’Antoinette Fouque, plus à l’aise finan­ciè­re­ment – grâce au mécénat d’une riche héritière – proposent Le Quotidien des femmes, imprimé à 60 000 exem­plaires de 1974 à 1976, puis Des femmes en mouvement, un magazine sur papier glacé, de 1977 à 1982. « Mais en France, on n’a pas eu l’équivalent de Ms Magazine, lancé en 1971 aux États-Unis, et qui existe toujours aujourd’hui, ou du bri­tan­nique Spare Rib, qui perdure jusque dans les années 1990 », observe Bibia Pavard.

L’historienne note cependant une « cir­cu­la­tion » des idées fémi­nistes jusque dans des médias com­mer­ciaux. Ainsi, le féminin Marie Claire innove en 1976 avec un « cahier femme ». Dans ce qu’elles appellent les « pages qui grattent », tant sur le fond que sur la forme – les feuilles sont plus rugueuses que l’habituel papier glacé –, de jeunes jour­na­listes engagées dressent le portrait de femmes qui font des « métiers d’hommes », taclent des publi­ci­tés sexistes ou donnent des nouvelles des mou­ve­ments militants.

Une autre tentative grand public vient de Claude Servan-Schreiber, passée par Elle et L’Express, avec le soutien financier du groupe L’Expansion. Comme elle le raconte dans sa bio­gra­phie (Une femme dans son siècle, Seuil, 2025), la jour­na­liste rêve alors d’un « journal qui ne trai­te­rait pas de mode, de cuisine ni de cos­mé­tique, mais de ce que les femmes accom­plissent dans tous les domaines ». Elle recrute pour l’occasion une rédaction 100 % féminine, dont l’écrivaine Benoîte Groult, qui vient de faire un carton en librairie avec son essai Ainsi soit-elle (Grasset, 1975). Le premier numéro de F Magazine est lancé en janvier 1978, avec un tirage à 400 000 exem­plaires, des chiffres fara­mi­neux pour un magazine aux velléités féministes.

Mais la démarche de F Magazine, comme celle de Marie Claire, n’est pas bien vue par un milieu militant qui se méfie plus que tout de la récu­pé­ra­tion politique. « À l’époque, il y a une hantise que le mouvement soit dévoyé, constate Florence Rochefort. Avec le recul, on peut aussi constater l’effet positif des réper­cus­sions du mili­tan­tisme sur d’autres supports. Oui, ça édulcore, mais cela diffuse aussi des notions qui touchent un public large, qui ne serait pas forcément sensible à un posi­tion­ne­ment politique plus dur. » Trop com­mer­cial pour les mili­tantes, F Magazine ne l’est cependant pas assez pour les agences publi­ci­taires. Ces dernières se méfient de ce « repaire d’enquiquineuses », comme le décrit Claude Servan-Schreiber, qui n’hésitent pas à refuser des pages de publicité sexistes. Faute de ren­ta­bi­li­té, l’aventure s’arrête en 1981.

Le féminisme est alors en train en perte de vitesse et il faut attendre le renouveau du début des années 2010 pour retrouver une ébul­li­tion côté presse, qui s’accentue avec le mouvement MeToo à la fin de 2017. Désormais, les médias fémi­nistes sont avant tout numé­riques, qu’ils soient lancés par des professionnel·les ou par des mili­tantes. Citons ainsi les sites Madmoizelle (de 2005 à 2025), Les Nouvelles News (depuis 2009), Cheek magazine (de 2013 à 2025), ou encore les news­let­ters ou les podcasts (lire nos articles sur les podcasts et les news­let­ter). Des acti­vistes s’emparent aussi des blogs, créent leurs chaînes YouTube et des comptes Instagram, qui se trans­forment en pla­te­formes pour diffuser les points de vue progressistes.

Une du cinquième numéro du quotidien La Fronde, publié le 13 décembre 1897. Crédit : BIBLIOTHÈQUE MARGUERITE-DURAND
Une du cinquième numéro du quotidien La Fronde, publié le 13 décembre 1897. Crédit : BIBLIOTHÈQUE MARGUERITE-DURAND
Une du journal L’Écho de Pointe-à- Pitre du 10 août 1919, premier journal féministe de la Caraïbe francophone. Crédit : ARCHIVES DÉPARTEMENTALES DE GUADELOUPE, PG 1166
Une du journal L’Écho de Pointe-à- Pitre du 10 août 1919, premier journal féministe de la Caraïbe fran­co­phone. Crédit : ARCHIVES DÉPARTEMENTALES DE GUADELOUPE, PG 1166
Affiche de promotion de la revue Le torchon brûle en 1971. Crédit : VILLE DE PARIS / BMD – COLLECTION BIBLIOTHÈQUE MARGUERITE DURAND
Affiche de promotion de la revue Le torchon brûle en 1971. Crédit : VILLE DE PARIS / BMD – COLLECTION BIBLIOTHÈQUE MARGUERITE DURAND
Couverture du dixième numéro de la revue écoféministe Sorcières, sorti en 1977. Elle est illustrée par la peinture Le Silence de Jeanne Socquet. Crédit : BIBLIOTHÈQUE MARGUERITE DURAND © ADAGP, PARIS, 2025
Couverture du dixième numéro de la revue éco­fé­mi­niste Sorcières, sorti en 1977. Elle est illustrée par la peinture Le Silence de Jeanne Socquet. Crédit : BIBLIOTHÈQUE MARGUERITE DURAND © ADAGP, PARIS, 2025
Couverture du premier numéro du magazine F, publié en 1978. En photo : la dessinatrice Claire Bretécher. Crédit : DR
Couverture du premier numéro du magazine F, publié en 1978. En photo : la des­si­na­trice Claire Bretécher. Crédit : DR
Couverture du septième numéro de la revue féministe de critique sociale Panthère première, illustrée par Pauline Barzilaï à partir de romans-photos du magazine Nous deux. Crédit : PAULINE BARZILAÏ / PANTHÈRE PREMIÈRE
Couverture du septième numéro de la revue féministe de critique sociale Panthère première, illustrée par Pauline Barzilaï à partir de romans-photos du magazine Nous deux. Crédit : PAULINE BARZILAÏ / PANTHÈRE PREMIÈRE
Couverture conçue par Apolline Labrosse pour le huitième numéro de la revue Censored, publié en avril 2023. Crédit : CENSORED
Couverture conçue par Apolline Labrosse pour le huitième numéro de la revue Censored, publié en avril 2023. Crédit : CENSORED
Couverture du premier numéro de La Déferlante, « Naître », publié en mars 2021. L’illustration est un collage de Nadia Diz Grana.
Couverture du premier numéro de La Déferlante, « Naître », publié en mars 2021. L’illustration est un collage de Nadia Diz Grana.

Dans les médias grand public

Le papier n’a, pour autant, pas disparu, qu’il soit vendu en kiosque comme avec le magazine Causette (2009 à 2024), ou en librairie, avec les revues Panthère première (depuis 2017), Censored (en version papier de 2018 à 2024, et désormais en ligne), Gaze (depuis 2020) ou La Déferlante (depuis 2021, lire notre manifeste). « Ce qui me frappe, c’est l’importance qu’ont prise, dans ces médias, les infor­ma­tions inter­na­tio­nales, sur la situation des femmes dans d’autres pays, ainsi que les sujets LGBTQIA+, analyse Florence Rochefort. On voit qu’il y a une grande porosité entre la recherche féministe, qui s’est déve­lop­pée ces dernières décennies, et ces médias. Aujourd’hui, certaines jour­na­listes ont fait des études de genre et sont formées en amont à ces questions. »

De fait, de jeunes rédac­trices portent aussi les thé­ma­tiques fémi­nistes dans les rédac­tions géné­ra­listes où elles tra­vaillent, et on observe, comme dans les années 1970, une dis­sé­mi­na­tion de ces idées dans les médias grand public, y compris avec la création d’espaces spé­ci­fiques : les news­let­ters fémi­nistes de Libération, Mediapart, Ouest-France. Sans compter des médias ad hoc, comme Simone, journal numérique du groupe Prisma, pourtant propriété du mil­liar­daire
d’extrême droite Vincent Bolloré.

Il faut attendre le début des années 2010 pour retrouver une ébul­li­tion côté presse, qui s’accentue avec le mouvement MeToo à la fin de 2017. 

L’historienne Bibia Pavard remarque l’importance prise par la com­mu­ni­ca­tion pour la nouvelle géné­ra­tion de fémi­nistes. « On ne retrouve pas exac­te­ment la même pers­pec­tive que dans les années 1970. À l’époque, l’important était de mani­fes­ter, de changer la société par la lutte, et les journaux n’étaient que le pro­lon­ge­ment de ces combats. Aujourd’hui, on voit appa­raître l’idée que c’est en com­mu­ni­quant auprès d’un vaste public que l’on va pouvoir faire changer les men­ta­li­tés, que ce sont cette com­mu­ni­ca­tion et ces médias qui vont faire descendre dans la rue et donc peser sur le chan­ge­ment social. » Ainsi, après bientôt deux cents ans d’histoire, les médias fémi­nistes, qu’ils soient papier ou numé­riques, semblent plus que jamais être un lieu capital des luttes.

S’informer en féministe : face à l’offensive, la contre attaque

Retrouvez cet article dans la revue La Déferlante n°19 S’informer, parue en août 2025. Consultez le sommaire.