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« Baise-moi », un film né sous X

En juin 2000 sor­tait Baise-moi de Vir­ginie Despentes et Coralie Trinh Thi. Le film se retrou­ve aus­sitôt au cen­tre d’une polémique lancée par l’extrême droite catholique. L’épisode annonce un tour­nant dans le fémin­isme avec, cinq ans plus tard, la paru­tion de King Kong Théorie. Un arti­cle de la revue La Défer­lante à paraître jeu­di 17 juin.
Publié le 08/06/2021

Modifié le 16/01/2025

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue papi­er La Défer­lante n°2 Manger (juin 2021).

C’est l’histoire d’une sor­tie éclair. Quelques jours entre fin juin et début juil­let 2000 qui font bas­culer une œuvre fémin­iste atten­due en brûlot pornographique inter­dit en salle :

 « Fait avec l’équivalent de 200 000 euros aujourd’hui, ce film est devenu un phénomène qui nous a échap­pé. On voulait faire des T‑shirts Baise-moi parce que ça nous fai­sait rigol­er, comme plein d’autres gens. À l’époque, il n’y avait pas de réseaux soci­aux, mais on ne s’attendait pas à l’ampleur que ça allait pren­dre », se rap­pelle aujourd’hui Vir­ginie Despentes, coréal­isatrice du film.

Sor­ti le 28 juin 2000 alors qu’elle n’a que 31 ans, Baise-moi racon­te l’épopée sex­uelle, sanglante et ven­ger­esse de Manu (Raf­faëla Ander­son) et Nadine (Karen Bach), dont le point de départ est le viol de la pre­mière. Adap­té du roman éponyme de Despentes sor­ti en 1993 aux édi­tions Flo­rent Mas­sot (réédité en 1998 par Gras­set), ven­du à des cen­taines de mil­liers d’exemplaires – après un démar­rage con­fi­den­tiel –, il relève d’un fémin­isme qui se revendique « avant-gardiste », voire guer­ri­er, avec « un goût cer­tain pour la provo­ca­tion », d’après son autrice dans un entre­tien au Figaro le 9 juin 2000.

Dans King Kong Théorie, elle revien­dra sur l’affaire Baise-moi pour soulign­er le sex­isme dont cette œuvre col­lec­tive a été la cible. « On n’entend jamais par­ler dans les faits divers de filles, seules ou en ban­des, qui arrachent des bites avec les dents pen­dant les agres­sions, qui retrou­vent les agresseurs pour leur faire la peau, ou leur met­tre une trempe. Ça n’existe, pour l’instant, que dans les films réal­isés par des hommes. La Dernière Mai­son sur la gauche, de Wes Craven, L’Ange de la vengeance, de Fer­rara, I Spit on your Grave de Meir Zarchi, par exem­ple. Les trois films com­men­cent par des vio­ls plus ou moins igno­bles (plutôt plus que moins, d’ailleurs). Et détail­lent dans une deux­ième par­tie les vengeances ultra­sanglantes que les femmes infli­gent à leurs agresseurs. Quand des hommes met­tent en scène des per­son­nages de femmes, c’est rarement dans le but d’essayer de com­pren­dre ce qu’elles vivent et ressen­tent en tant que femmes. C’est plutôt une façon de met­tre en scène leur sen­si­bil­ité d’hommes, dans un corps de femme. […] Dans ces trois films, on voit donc com­ment les hommes réa­gi­raient, à la place des femmes, face au viol. Bain de sang, d’une impi­toy­able vio­lence. Le mes­sage qu’ils nous font pass­er est clair : com­ment ça se fait que vous ne vous défend­ez pas plus bru­tale­ment ? Ce qui est éton­nant, effec­tive­ment, c’est qu’on ne réagisse pas comme ça. Une entre­prise poli­tique ances­trale, implaca­ble, apprend aux femmes à ne pas se défendre. Comme d’habitude, dou­ble con­trainte : nous faire savoir qu’il n’y a rien de plus grave et, en même temps, qu’on ne doit ni se défendre, ni se venger. »

« Un crime de lèse-phal­lus », selon la for­mule du cri­tique et his­to­rien du ciné­ma Noël Burch qui lui vau­dra les foudres non seule­ment de l’extrême droite catholique, mais aus­si d’une cer­taine gauche en perte de vitesse. Avec un petit effet Streisand à la clé : en l’interdisant, les censeurs ont attiré sur le film l’attention du pub­lic – y com­pris hors des fron­tières de la France –, et réu­ni des per­son­nes qui, sans ce scan­dale, ne se seraient peut-être jamais ren­con­trées.

Première censure depuis des décennies

Avant sa sor­tie, le film obtient son visa d’exploitation – indis­pens­able à sa dif­fu­sion en salle – à l’issue d’une délibéra­tion de la com­mis­sion de clas­si­fi­ca­tion du Cen­tre nation­al du ciné­ma (CNC). Inter­dit aux moins de 16 ans, Baise-moi est assor­ti d’un aver­tisse­ment aler­tant sur les scènes de vio­lence et de sexe. L’interdiction aux moins de 18 ans, insti­tuée par Michel Debré en 1961 pour sauve­g­arder la « morale de la jeunesse en péril », avait été sup­primée en 1990 par Jack Lang, min­istre de la cul­ture sous Mit­ter­rand. Mais coup de théâtre, deux jours après la sor­tie du film dans une soix­an­taine de salles en France : le ven­dre­di 30 juin, le Con­seil d’État, saisi par l’association d’extrême droite Pro­mou­voir, retire le visa d’exploitation du film.

En prenant cette déci­sion, le Con­seil d’État prononce une sen­tence lourde de con­séquences. La seule façon pour le film d’être dif­fusé serait en effet d’être classé X. Or les pro­duc­tions de cette caté­gorie ne peu­vent recevoir aucune des sub­ven­tions qui irriguent l’économie du ciné­ma français. Elles sont soumis­es à une taxe fis­cale de 20 % sur les béné­fices com­mer­ci­aux qu’elles génèrent et ne peu­vent être pro­jetées que dans des cir­cuits spé­cial­isés. Comme il n’y a plus vrai­ment de ciné­mas pornos en France, les films X sont con­damnés à vivre dans l’ombre, sans pub­lic­ité.

Pour les réal­isatri­ces et la pro­duc­tion, il est hors de ques­tion de se laiss­er « ixer ». Non que le porno leur fasse honte. Mais pour Despentes, « ce n’était pas un film éro­tique, ni mas­tur­ba­toire ». « Et même si Baise-moi peut exciter des gens, recon­nais­sait-elle lors du Fes­ti­val des journées ciné­matographiques dionysi­ennes en 2015ce n’est vis­i­ble­ment pas sa voca­tion pre­mière ».

Cette cen­sure con­tre un film est une pre­mière depuis des décen­nies. C’est en 1966 avec la sor­tie de Suzanne Simonin, la religieuse de Diderot de Jacques Riv­ette, l’un des réal­isa­teurs phares de la Nou­velle Vague, que le couperet est tombé pour la dernière fois.

Pour Baise-moi, une asso­ci­a­tion d’extrême droite, Pro­mou­voir, a décidé d’attaquer l’État. Présidée à l’époque par André Bon­net, avo­cat fis­cal­iste de pro­fes­sion et ancien respon­s­able du MNR (Mou­ve­ment nation­al répub­li­cain), elle a été créée en 1996, avec l’objectif affiché de « défendre la dig­nité de la per­son­ne humaine et pro­téger les mineurs à tra­vers la “pro­mo­tion des valeurs judéo-chré­ti­ennes” ».

L’interdiction de Baise-moi est son pre­mier coup d’éclat. L’État est même con­damné à vers­er 10 000 francs – env­i­ron 1 500 euros – à l’association, et le juge­ment du Con­seil d’État va jusqu’à reprocher au film de ne pas être assez fémin­iste. « Baise-moi est com­posé pour l’essentiel d’une suc­ces­sion de scènes de grande vio­lence et de scènes de sexe non simulées, sans que les autres séquences traduisent l’intention, affichée par les réal­isatri­ces, de dénon­cer la vio­lence faite aux femmes par la société », indique son com­mu­niqué.

Au-delà du juge­ment moral, religieux et poli­tique, Vir­ginie Despentes pense que le film a aus­si choqué en rai­son du choix de sa coréal­isatrice et des actri­ces prin­ci­pales, qui ont d’abord fait car­rière dans le porno et qui ne vien­nent pas du sérail. A pos­te­ri­ori, elle pointe égale­ment le racisme des réac­tions de l’époque : « Le fait qu’une actrice d’origine algéri­enne et qu’une autre d’origine maro­caine, deux filles issues de la coloni­sa­tion, soient vio­lées et se met­tent à tuer tout le monde les a inquiétés. »

Les réac­tions envers le film sont si vio­lentes que la coréal­isatrice, Coralie Trinh Thi, une pornos­tar célébrée dans le milieu du X, expli­quera plus tard dans son livre auto­bi­ographique La Voie humide (Au dia­ble vau­vert, 2007), être sor­tie trau­ma­tisée de cette expéri­ence dans le ciné­ma dit « tra­di­tion­nel ».

Critiques assassines et soutiens

Fin juin 2000, Baise-moi donne lieu à une salve de cri­tiques néga­tives. La rédac­tion en chef du Parisien a demandé à une équipe de jour­nal­istes femmes de vision­ner le film. Leur cri­tique est sans appel. « Baise-moi est un mau­vais film. Pire encore, un film totale­ment dénué d’intérêt. Sexe, drogue, sexe, meurtre, sexe, alcool, vomi, sexe, meurtre, la dérive de Manu [Raf­faëla Ander­son] et Nadine [Karen Bach] se résume à cela », assè­nent les jour­nal­istes, pour qui le film « se vautre […] sans rai­son dans la laideur, le sor­dide, la vio­lence la plus gra­tu­ite ».

Pas­cal Mérigeau dans Le Nou­v­el Obs estime pour sa part qu’« humil­i­a­tion, sadisme, bêtise sont les moteurs et les raisons d’être de Baise-moi, qui n’exprime jamais que la haine du monde et le mépris de soi […]. Plus que l’intrusion du hard dans le ciné­ma “stan­dard” […], c’est cette dérive qui inquiète, ce refus de la pen­sée, cette inca­pac­ité à réfléchir sur la mise en œuvre des pul­sions et sur les moyens de cette mise en œuvre. Le film au ser­vice de la bar­barie, en quelque sorte ».

Cette una­nim­ité con­tre un film que la cen­sure est en train de tuer dans l’œuf con­duit plusieurs per­son­nal­ités à pren­dre sa défense, à com­mencer par la réal­isatrice Cather­ine Breil­lat. Elle aus­si est autrice d’œuvres qui défient la loi morale par leur lib­erté de ton et le dis­cours porté sur la sex­u­al­ité. Un an plus tôt, en 1999, elle a sor­ti Romance, un film sur l’exploration du plaisir féminin, avec, entre autres, la star du X Roc­co Siffre­di au cast­ing. Elle ressent vis­cérale­ment le risque que la cen­sure de Baise-moi fait courir au ciné­ma qu’elle défend.

« Tous les jour­naux de gauche auraient dû s’unir pour débat­tre de ce que c’est qu’un film pour adultes », regrette-t-elle aujourd’hui en cri­ti­quant verte­ment Lau­rent Jof­frin, à l’époque à la tête du Nou­v­el Obs, qui avait pub­lié une tri­bune inti­t­ulée « Sexe, vio­lence, le droit d’interdire » : « La gauche ringarde telle qu’[il] incar­ne a abondé dans le sens d’André Bon­net [prési­dent de Pro­mou­voir]. Je l’accuse d’avoir insti­tué la lib­erté d’interdire. » Cather­ine Breil­lat avoue n’avoir jamais man­i­festé avant Baise-moi mais, très émue par l’interdiction du film de Vir­ginie Despentes et Coralie Trinh Thi, elle lance la mobil­i­sa­tion pour le soutenir.

Sa tri­bune paraît dans Libéra­tion le 5 juil­let 2000. Elle réclame, aux côtés d’acteur·rices du monde du ciné­ma comme Romain Goupil, Tonie Mar­shall, Jeanne Labrune, Claire Denis, Miou-Miou, « l’instauration immé­di­ate par décret de visas d’exploitation de films réser­vant leur vision – comme le droit de vote – à l’accession à la majorité de 18 ans », autrement dit la pos­si­bil­ité d’autoriser un film aux plus de 18 ans dans les salles tra­di­tion­nelles de ciné­ma, sans le con­damn­er à viv­ot­er dans des salles pornos inex­is­tantes. « Tout le monde l’a signée, se sou­vient la réal­isatrice. Même des gens qui ne m’appréciaient pas spé­ciale­ment, comme Jean-Luc Godard et Claude Lanz­mann. » Et le soir même, soit une semaine après la sor­tie du film – qui a déjà été vu par 50 000 per­son­nes –, un rassem­ble­ment de sou­tien a lieu devant le ciné­ma MK2 Odéon, qui a choisi de main­tenir le film à l’affiche.

Retournement de la violence

Par­mi les per­son­nes présentes ce soir-là, il y a l’écrivaine et activiste Flo­rence Mon­trey­naud, con­nue pour ses posi­tions abo­li­tion­nistes et anti-pornogra­phie, mais qui ne se trompe pas une sec­onde sur le mes­sage fémin­iste du film. « Baise-moi était à mon sens d’un intérêt excep­tion­nel, l’équivalent à peu près de Thel­ma et Louise [Rid­ley Scott, 1991], qui est un film d’homme, mais en un peu plus gore », racon­te la cofon­da­trice des Chi­ennes de garde, l’association créée l’an­née précé­dente pour défendre les femmes con­tre les injures sex­istes.

« J’ai vu le film de Vir­ginie Despentes et Coralie Trinh Thi dès qu’il est sor­ti en salle, j’en suis ressor­tie gal­vanisée. Il retour­nait enfin la vio­lence intrin­sèque du viol, du har­cèle­ment. Quand j’ai appris qu’il allait être cen­suré, j’ai mis en bran­le tout mon réseau, d’autant que c’était le pre­mier film réal­isé par des femmes à être con­cerné par cette inter­dic­tion» Une ving­taine de mil­i­tantes du col­lec­tif se retrou­ve donc devant le MK2 Odéon ce soir-là.

Marin Kar­mitz est présent aus­si. Fon­da­teur et gérant de cette chaîne de ciné­ma, il fait de la résis­tance au nom de la lib­erté d’expression. « On ne pra­tique pas la cen­sure dans notre réseau de salles, même quand ce sont des films que je n’aime pas, qui ne m’intéressent pas ou que je n’ai pas vus, explique-t-il aujourd’hui. Ces pro­jec­tions per­me­t­tent de dis­cuter de l’œuvre pro­gram­mée et de sa rai­son d’être dans nos salles. On s’interdit, par con­tre, tout ce qui relèverait d’une expres­sion d’extrême droite ou de vio­lence fas­ciste. Je ne con­nais­sais pas l’œuvre de Despentes et n’avais pas vu le film. À par­tir du moment où mon pro­gram­ma­teur, en qui j’ai toute con­fi­ance, a décidé de le dif­fuser, j’ai suivi. Ça ne me gênait pas du tout que le film soit inter­dit aux moins de 18 ans, je ne pense pas que tout doive être vu par les jeunes. Quand on n’a pas la majorité, des choses peu­vent nous être inter­dites et c’est nor­mal. Ce qui n’est pas nor­mal, c’est qu’il soit inter­dit aux plus de 18 ans. »

L’affaire entraîne le rétab­lisse­ment d’une anci­enne clas­si­fi­ca­tion, per­me­t­tant l’interdiction aux moins de 18 ans pour des films non classés X. Baise-moi ressort en 2001, mais il a déjà été mas­sive­ment dif­fusé en vidéo. Précédé de son aura de film cen­suré, il a fait « une car­rière extra­or­di­naire » à l’étranger pour un film français, souligne Vir­ginie Despentes. « Je ne sais pas si ça aurait été le cas sans le coup de pro­jecteur de Pro­mou­voir », se demande la coréal­isatrice, qui a fait une longue tournée des fes­ti­vals hors de l’Hexagone.

Marin Kar­mitz est plus amer quant à la suite des événe­ments, qui l’a vu se coltin­er des années de procé­dure con­tre l’association Pro­mou­voir. Un com­bat qu’il dit avoir dû men­er seul. De même, Cather­ine Breil­lat a, elle aus­si, dû faire face à des procé­dures dans une cer­taine soli­tude. Vir­ginie Despentes, elle, se sou­vient que Kar­mitz n’avait pas voulu lui ser­rer la main. « Il aurait préféré que ce soit Godard plutôt que nous », cin­gle-t-elle aujourd’hui.

Vingt ans après, toujours puritanisme et morale

Avec le recul, l’affaire Baise-moi sem­ble par ailleurs avoir joué un rôle de catal­y­seur dans l’histoire des idées, en polar­isant le débat de façon inédite. La revanche idéologique de l’extrême droite, dans un pays alors gou­verné par la gauche, a éclaté deux ans plus tard avec l’accession de Jean-Marie Le Pen au sec­ond tour de l’élection prési­den­tielle. Et le fémin­isme va, lui aus­si, pren­dre un nou­veau tour­nant (pro-sexe, queer et antiraciste), tout comme le débat sur la lib­erté d’expression.

Pour la jour­nal­iste, autrice et cri­tique Iris Brey, Baise-moi est un geste dis­rup­tif dans l’industrie du ciné­ma qui force à réfléchir aux caté­gories ciné­matographiques. Dans Le Regard féminin, une révo­lu­tion à l’écran, elle explique que ce film s’inscrit dans le genre « rape and revenge » (viol et revanche), dans lequel l’héroïne se venge con­tre son ou ses vio­leurs et pointe com­bi­en il y est rare « d’épouser le point de vue des héroïnes », comme c’est le cas dans le film de Vir­ginie Despentes.

Serait-il pos­si­ble de réalis­er Baise-moi en 2021 ? Le con­texte en matière de cen­sure a en tout cas beau­coup changé, notam­ment à gauche : aujour­d’hui, « tout le monde est hyper stressé, per­son­ne ne s’inquiète de toutes ces grandes œuvres qui ont été annulées à cause du puri­tanisme et de la moral», pointe Iris Brey, au dia­pa­son des débats actuels sur la « can­cel cul­ture » – cette pra­tique de dénon­ci­a­tion d’œuvres, de pro­pos jugés prob­lé­ma­tiques qui mèn­erait à l’évic­tion des per­son­nes qui les ont tenus du débat pub­lic ou des réseaux soci­aux.

Pour Flo­rence Mon­trey­naud, Baise-moi reste « une cathar­sis essen­tielle comme on en a peu revu depuis, avec cette incan­des­cence, représen­tant la dom­i­na­tion mas­cu­line, qui garde tout son poten­tiel libéra­teur et mon­tre l’envers de la pornogra­phie ».

À l’origine de King Kong Théorie

Pour sa part, Vir­ginie Despentes avoue avoir eu du mal à digér­er l’hostilité et le manque de sou­tien, mais se sou­vient aus­si de ce que cette aven­ture lui a apporté. « C’est comme ça que j’ai ren­con­tré [Paul B.] Pre­ci­a­do [avec qui elle a vécu pen­dant dix ans], qui à l’époque trac­tait devant le MK2 pour défendre le film, Gas­par [Noé] que j’aimerai toute ma vie. Je suis vrai­ment recon­nais­sante envers Cather­ine Breil­lat, Nicole Brenez, Philippe Manœu­vre… Tous ces gens qui nous ont soutenues ont été hyper impor­tants dans ma vie. Il y a aus­si une part de cul­pa­bil­ité hyper forte, parce que j’étais la plus âgée du groupe des qua­tre [avec Coralie Trinh Thi, Raf­faëla Ander­son et Karen Bach], la plus “priv­ilégiée” : j’avais pub­lié déjà trois romans et j’avais embar­qué Karen, Coralie et Raf dans cette galère sans savoir que ça se passerait comme ça. On était qua­tre per­son­nes dif­férentes, sur le fémin­isme notam­ment, mais hyper fières de ce film. Une fois la cen­sure instal­lée, c’était super dur d’aller dans les salles, face à des jour­nal­istes et une foule pas com­mode. Les pre­mières min­utes étaient tou­jours élec­triques et Raf­faëla fai­sait front, elle était pré­cieuse, un vrai sol­dat. Ces moments d’hostilité nous ont encore plus soudées. »

Le film n’a pas été qu’un moment décisif dans l’histoire du ciné­ma français et de sa cen­sure. « C’est de Baise-moi et de tous les entre­tiens autour du film qu’est né King Kong Théoriepour­suit Vir­ginie Despentes. Tous les thèmes de ce livre : le viol, la vio­lence, le tra­vail sex­uel… vien­nent de Baise-moi. J’ai vrai­ment eu l’impression d’avoir été remise à ma place de femme, qui fait des films de femmes, avec des femmes. Si on avait été qua­tre mecs, faisant des films sur notre sex­u­al­ité de mecs, on aurait eu des prob­lèmes avec Pro­mou­voir mais on aurait été soutenues. »

Au moment où a lieu notre échange, le battage médi­a­tique autour d’Alice Cof­fin sur son livre Le Génie les­bi­en (Gras­set, 2020) est à son apogée. « À nous aus­si, on nous a beau­coup demandé si on détes­tait les hommes, con­clut Vir­ginie Despentes. Si ça avait été le cas, on aurait fait un film plus dur. »

Dolorès Bakela

Journaliste indépendante, cofondatrice de L’Afro, un blog d’information sur l’expérience noire en France et du festival afroféministe Fraîches Women. Elle collabore avec Libération, ChEEk Magazine et 20 minutes. Dans ce numéro, elle signe l’article sur Baise-moi, classé X. Voir tous ses articles

Manger : Le genre passe à table

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