Au Brésil, le combat du véganisme populaire

Depuis 2018, un mouvement social inédit se développe au Brésil : le véganisme populaire. Croisant éman­ci­pa­tion animale, lutte féministe anti­co­lo­niale et justice sociale, ses partisan·es appellent à une société bré­si­lienne affran­chie de sa dépen­dance à l’agrobusiness. L’une des fon­da­trices de ce mouvement, l’écrivaine bré­si­lienne Sandra Guimarães, nous plonge dans la genèse et l’ambition de ce mouvement.

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Publié le 27/10/2025

De gauche à droite, les militantes Michelle Muriel, Sandra Guimarães et B.onça prennent la parole lors d’un événement du collectif Véganisme en mouvement à l’occasion de la journée du véganisme populaire, le 1er novembre 2024 à Belém. Crédit Anne Paq
De gauche à droite, les mili­tantes Michelle Muriel, Sandra Guimarães et B.onça prennent la parole lors d’un événement du collectif Véganisme en mouvement à l’occasion de la journée du véganisme populaire, le 1er novembre 2024 à Belém. Crédit : Anne Paq

Retrouvez cet article dans la revue La Déferlante n°20 Soigner, parue en novembre 2025. Consultez le sommaire

En novembre 2025, Belém a accueilli la COP 30, la confé­rence organisée par les Nations unies sur les chan­ge­ments cli­ma­tiques : un événement hors norme pour la deuxième plus grande ville de l’Amazonie, capitale du Pará, cet État du nord du Brésil qui détient le taux de défo­res­ta­tion le plus important, et abrite le plus grand cheptel bovin du pays. Un an plus tôt s’est tenu à Belém un autre événement, bien moins médiatisé : la Journée mondiale du véganisme populaire, issu du véganisme, mouvement qui prône un choix de vie éthique consis­tant à refuser toute exploi­ta­tion animale, que ce soit dans l’alimentation, l’habillement ou dans le cadre des loisirs (lire notre glossaire).

Depuis deux ans, le 1er novembre est inscrit au calen­drier officiel de la ville comme Journée du véganisme populaire, sous l’impulsion commune du collectif Véganisme en mouvement et de la Bancada Feminista, un groupe de conseillères muni­ci­pales sensibles à la cause animale. En y adossant l’adjectif « populaire », ce mouvement entend pro­mou­voir un véganisme acces­sible, enraciné dans les savoirs popu­laires, et articule la lutte pour la libé­ra­tion animale à celle de la justice sociale et de la décolonisation.


Le soir du 1er novembre 2024, à Belém, quelques dizaines de personnes ont pris place dans la salle de l’Armazém do Campo, épicerie et lieu d’organisation politique du Mouvement des travailleur·euses sans terre (MST), mouvement social brésilien apparu au début des années 1980 qui lutte contre la concen­tra­tion foncière et pour que les paysan·nes brésilien·nes puissent posséder des terres à cultiver. Une table ronde intitulée « Tu as déjà mangé l’Amazonie aujourd’hui ? » exposait les liens de cause à effet entre la consom­ma­tion de viande et la défo­res­ta­tion de l’Amazonie. Parmi les inter­ve­nantes : Michelle Muriel, militante du collectif Véganisme en mouvement, B.onça1Son nom de militante est un jeu de mots entre Beyoncé et « be-onça » – « onça » est le nom du jaguar brésilien qui vit en Amazonie., militante du Mouvement des travailleur·euses sans terre, et moi-même, qui suis cofon­da­trice de l’Union végane anti­spé­ciste au Brésil. Chercheuse en sciences sociales et envi­ron­ne­men­tales, spé­cia­li­sée en éco­fé­mi­nisme et en anti­spé­cisme2L’antispécisme est
un courant de pensée qui remet en question la hié­rar­chi­sa­tion des espèces, la domi­na­tion et l’exploitation des animaux par les humain·es. L’antispécisme affirme que l’espèce à laquelle appar­tient un animal n’est pas un critère pertinent pour décider de la consi­dé­ra­tion morale qui doit lui être accordée.
, Michelle Muriel s’est engagée dans le véganisme populaire pour dénoncer le rôle central de l’élevage dans la des­truc­tion et la colo­ni­sa­tion des terres indigènes : « C’est une prédation sur les ter­ri­toires qui a pour consé­quence d’éliminer des peuples autoch­tones. Des défenseur·euses de l’environnement sont assassiné·esD’après l’ONG Global Witness, l’Amazonie est l’un des endroits les plus dangereux au monde pour les défenseur·euses de l’environnement : au moins 296 d’entre elles et eux y ont été tué·es entre 2014 et 2022 . Se battre pour l’Amazonie sans regarder le contenu de son assiette, ça n’a pas de sens. » Le Brésil est le deuxième expor­ta­teur mondial de produits agricoles et agroa­li­men­taires. L’agrobusiness, dominé par les grandes entre­prises du secteur ali­men­taire (JBS, Marfrig, Cargill, Bunge, etc.), repré­sente 25 % de l’économie nationale. C’est dans ce contexte que le véganisme populaire a trouvé sa place aux côtés des paysan·nes mobilisé·es pour l’accès à la terre.

Élevage et expansion coloniale

La colo­ni­sa­tion por­tu­gaise au Brésil a imposé un modèle éco­no­mique et politique fondé sur la concen­tra­tion des terres, la mono­cul­ture, l’esclavage et l’élevage. À leur arrivée, au début du XVIe siècle, les colons ont importé des espèces animales domes­ti­quées – jusque-là inconnues des peuples indigènes, pour qui le concept même d’élevage était nouveau. Les colons ont envahi d’immenses terres et rasé les forêts pour y créer des pâturages, et ont expulsé et exterminé les indigènes. L’élevage n’a pas seulement trans­for­mé le paysage : il a été le fer de lance de l’expansion coloniale et de l’accaparement des terres. Cette matrice coloniale structure la société brésilienne.

La dictature militaire bré­si­lienne (1964–1985), régime auto­ri­taire de droite soutenu par les élites éco­no­miques et les grands pro­prié­taires ruraux, a vio­lem­ment réprimé les mou­ve­ments sociaux et les paysan·nes en faveur de la réforme agraire. En 1966, le gou­ver­ne­ment fédéral brésilien lance l’opération « Amazonie » : un plan de colo­ni­sa­tion et de déve­lop­pe­ment de la région, qualifiée alors d’« enfer vert ». Ce programme visait à attirer, au moyen de sub­ven­tions et d’incitations fiscales, les inves­tis­se­ments privés dans l’élevage bovin et à trans­fé­rer des paysan·nes sans terre en Amazonie. Cette opération a ouvert la forêt aux intérêts de l’agrobusiness et des multinationales.

Au Brésil, les pâturages de l’agrobusiness rem­placent peu à peu la forêt ama­zo­nienne. Au fond, on peut aper­ce­voir les restes calcinés de noyers du Brésil, une espèce d’arbre protégée. Crédit : Anne Paq

La forêt ama­zo­nienne a également été victime de l’expansion de la culture du soja. Une variété tropicale mise au point par des agronomes bré­si­liens dans les années 1990 a permis son déve­lop­pe­ment massif. Destiné prin­ci­pa­le­ment à l’alimentation animale (le poulet en est le premier consom­ma­teur mondial), le soja s’est surtout étendu dans le sud de l’Amazonie, ter­ri­toire habité par plus de 80 groupes indigènes. Selon l’entreprise publique bré­si­lienne de recherche agricole, la surface consacrée à la culture du soja est passée de 10 millions d’hectares en 1993 à plus de 47 millions (un peu plus que la surface de la Suède), en 2024.

« Se battre pour l’Amazonie sans regarder le contenu de son assiette, ça n’a pas de sens. »

Michelle Muriel, militante du véganisme populaire

Devenu le premier expor­ta­teur mondial de soja, de viande bovine et de poulet, le Brésil paie aujourd’hui le prix social et envi­ron­ne­men­tal de ce modèle agro-exportateur. Le pays connaît l’une des plus fortes concen­tra­tions foncières au monde : 1 % des pro­prié­taires détiennent près de 50 % des terres agricoles. Cette expansion agro-industrielle s’accompagne d’une violence struc­tu­relle et coloniale : en 2024, d’après le rapport annuel « Caderno de Conflitos no Campo » (Cahier des conflits en milieu rural), 2 185 conflits liés à la terre ont été recensés, touchant prin­ci­pa­le­ment les peuples indigènes et les paysan·nes sans terre. Parallèlement, les éco­sys­tèmes bré­si­liens s’effondrent : à ce jour, 59 millions d’hectares de forêt ama­zo­nienne ont déjà été détruits pour ouvrir des pâturages, res­pon­sables à eux seuls de 90 % de la défo­res­ta­tion dans cette région. C’est pour combattre l’injustice sociale et la catas­trophe éco­lo­gique issues de cette histoire qu’est né le véganisme populaire.

Michelle Muriel, militante du collectif Véganisme en mouvement, critique la logique capi­ta­liste
et la mar­chan­di­sa­tion de la forêt ama­zo­nienne, dans les­quelles s’inscrivent les solutions de la COP 30. Crédit : Anne Paq

La montée de l’extrême droite ces dernières années a accéléré les mobi­li­sa­tions. En 2018, à Recife, dans le nord-est du Brésil, entre les deux tours de l’élection pré­si­den­tielle qui allait porter au pouvoir Jair Bolsonaro, candidat d’extrême droite, nous décidons de créer avec une dizaine d’ami·es véganes un courant du véganisme réso­lu­ment anti­ca­pi­ta­liste et anti­fas­ciste, le véganisme populaire, et de fonder un réseau militant pour le porter : l’Union végane anti­spé­ciste (UVA). L’année suivante, une première rencontre nationale rassemble 300 participant·es à Recife. Depuis, des dizaines de col­lec­tifs anti­spé­cistes, issus de dif­fé­rentes régions du pays, ont rejoint l’UVA pour pro­mou­voir le véganisme populaire sur tout le ter­ri­toire. Lutte pour la libé­ra­tion animale, le véganisme populaire s’attache à iden­ti­fier les obstacles struc­tu­rels à l’abolition de l’exploitation animale et se bat pour que les humain·es s’émancipent de cette relation avec les animaux. Le mouvement relie ainsi l’antispécisme aux luttes fémi­nistes, éco­lo­gistes et anticoloniales.

Tácila Matos est étudiante en jour­na­lisme, issue d’une com­mu­nau­té ribei­rin­ha (com­mu­nau­té bré­si­lienne tra­di­tion­nelle qui vit au bord des rivières). Elle dénonce l’exploitation animale héritière du processus colonial au Brésil. Crédit : Anne Paq

Mais au sein des mou­ve­ments sociaux de gauche, le véganisme fait l’objet de critiques. Pour certain·es, les chan­ge­ments indi­vi­duels, comme le régime ali­men­taire voulu par les véganes, ne sauraient consti­tuer une réponse efficace aux injus­tices sociales struc­tu­relles. Nous répondons que personne n’oserait avancer cet argument pour justifier le refus d’agir indi­vi­duel­le­ment contre le racisme ou le sexisme. En refusant de par­ti­ci­per à ce qui est combattu et dénoncé publi­que­ment, nous, les véganes, entendons faire preuve de cohérence politique.

Octobre 2024. Rio Branco, capitale de l’État amazonien de l’Acre, à l’ouest du Brésil, s’embrase. Depuis plusieurs semaines, la ville est plongée dans la fumée : l’air a atteint un niveau record de pollution. Le 5 octobre, un appel à mani­fes­ter est lancé par des orga­ni­sa­tions envi­ron­ne­men­ta­listes locales pour dénoncer les incendies, déclen­chés prin­ci­pa­le­ment par les éleveurs qui déboisent illé­ga­le­ment la forêt pour ouvrir de nouveaux pâturages. Sur une banderole, on lit : « La fumée est le symptôme, l’agrobusiness est la maladie ». Tácila Matos, étudiante en jour­na­lisme, issue d’une com­mu­nau­té ribei­rin­ha (com­mu­nau­té tra­di­tion­nelle qui vit au bord des rivières), est venue mani­fes­ter pour dénoncer l’exploitation animale : « Dans mon ter­ri­toire, l’influence des éleveurs de bétail est immense. Notre culture ali­men­taire a été trans­for­mée, et aujourd’hui nous mangeons du fromage, du jambon, des barbecues de bœuf… Notre relation tra­di­tion­nelle avec la nature et les animaux est vue comme un archaïsme à dépasser. Nous nous éloignons de la forêt, de notre histoire et de nos aliments tra­di­tion­nels. Nous devons aider les gens à se rappeler ce qu’est vraiment notre tradition, et réparer notre relation ances­trale avec la forêt et les autres animaux. »

Véganisme et féminisme  : même combat

Runi Garcia, édu­ca­trice sociale, fait partie du collectif végane et féministe Manas na Rua, membre de l’UVA, depuis sa création il y a cinq ans. Comme Michelle Muriel et Tácila Matos, elle articule lutte anti­co­lo­niale, lutte contre l’exploitation animale et lutte féministe. « Dans notre ter­ri­toire, nous avons subi un processus profond de colo­ni­sa­tion des corps et des esprits. À cause de la concen­tra­tion foncière agricole et de la défo­res­ta­tion provoquée par l’élevage, il ne reste presque plus de terres qui per­mettent aux popu­la­tions locales de pratiquer leur mode de vie tra­di­tion­nel. » Critiquant « le refus de recon­naître les consé­quences de nos choix ali­men­taires sur les animaux et l’environnement », elle estime que, sans la pratique du véganisme populaire, « l’avenir devient impossible. »

33 millions

de personnes sont en situation d’insécurité ali­men­taire modérée ou sévère au Brésil en 2023

À plus de 5 000 kilo­mètres de Rio Branco, un samedi d’octobre 2024, le collectif Manas na Rua prépare la nour­ri­ture qui sera dis­tri­buée dans les rues de Natal, capitale de l’État du Rio Grande do Norte, au bord de l’océan Atlantique. Tous les samedis, ce collectif de femmes engagées « dans la lutte contre l’insécurité ali­men­taire, pour le véganisme populaire et le féminisme » propose à environ 200 personnes à la rue ou en situation de grande précarité des repas d’origine végétale, res­pec­tueux de la culture ali­men­taire de la région, avec des ingré­dients tra­di­tion­nels du ter­ri­toire. En 2023, le Brésil comptait plus de 33 millions de personnes en situation d’insécurité ali­men­taire modérée ou sévère, selon l’Institut brésilien de géo­gra­phie et de statistique.

Au cœur de la lutte contre la faim, le véganisme populaire se veut autant un enjeu de santé com­mu­nau­taire que de justice ali­men­taire. Selon la militante Runi Garcia, « ce sont surtout les gens dans les quartiers popu­laires, les favelas et les zones rurales qui meurent à cause d’une ali­men­ta­tion pauvre en végétaux, centrée sur la viande et les produits ultra­trans­for­més ». En 2017, selon une étude publiée en 2019 par The Lancet, une mort sur cinq dans le monde était liée aux habitudes ali­men­taires, dont une consom­ma­tion insuf­fi­sante de céréales complètes et de fruits.

Si la santé peut être la porte d’entrée vers le véganisme, la réflexion s’articule dans une pers­pec­tive plus globale pour ce qui est du véganisme populaire. Larissa Pontes s’est d’abord inté­res­sée au régime végé­ta­rien en raison des soucis de santé de sa mère. Aujourd’hui, elle explique qu’elle « pratique le véganisme par soli­da­ri­té envers les humain·es, les non-humain·es, et les géné­ra­tions futures ». Pour la socio­logue, le spécisme, parce qu’il hié­rar­chise les corps selon leur espèce, reproduit les logiques d’oppression du racisme, du sexisme et du colo­nia­lisme. Estimant que l’antispécisme doit être au cœur des luttes sociales, elle souligne que « les Amazoniennes subissent direc­te­ment et plus durement les consé­quences de l’expansion des pâturages sur le climat ». Elles perdent l’accès à l’eau potable et à leurs moyens de sub­sis­tance tra­di­tion­nels, tout en portant la charge de nourrir leurs familles dans des condi­tions de plus en plus précaires.

Runi Garcia, édu­ca­trice sociale, est membre du collectif végane et féministe Manas na Rua depuis sa création, il y a cinq ans.
Manas na Rua fait partie de l’Union végane anti­spé­ciste. Crédit : Anne Paq

Pour les défenseur·euses du véganisme populaire, mettre en lumière les injus­tices cli­ma­tiques subies par les femmes permet d’articuler le féminisme et le véganisme, qui ont en commun de remettre en cause les systèmes de domi­na­tion fondés sur la hié­rar­chi­sa­tion et l’exploitation des corps – féminins ou non humains. Le féminisme dénonce la subor­di­na­tion des femmes et des personnes mino­ri­sées par le genre ; l’antispécisme, celle des animaux, traités comme des res­sources ou des objets sans droits propres. Dans les deux cas, il s’agit de décons­truire les idéo­lo­gies qui natu­ra­lisent ces oppressions.

Larissa Pontes, socio­logue, dénonce l’exploitation animale, qui contribue au réchauf­fe­ment cli­ma­tique,
dont les femmes d’Amazonie subissent le plus durement les consé­quences. Crédit : Anne Paq

Les femmes sont nom­breuses à porter la lutte anti­spé­ciste au Brésil. Pour Daniela Rosendo, docteure en éthique et membre du Comité d’Amérique latine et de la Caraïbe pour la défense des femmes (Cladem), cela s’explique par une expé­rience commune et his­to­rique de la domi­na­tion. « En étant his­to­ri­que­ment assignés au travail de la repro­duc­tion de la vie et de soin, nos corps subal­ter­ni­sés peuvent à la fois refuser ces assi­gna­tions et tisser des soli­da­ri­tés avec d’autres corps dominés. C’est sans doute l’une des raisons pour les­quelles les femmes et les personnes LGBTQIA+ sont si présentes dans le mouvement antispéciste. »

Au Brésil, contrai­re­ment à ce qui se passe en Europe, associer les femmes à la nature n’est pas perçu comme un discours essen­tia­li­sant. Cette dif­fé­rence s’explique par l’influence des luttes indigènes et par le cadre de pensée anti­co­lo­nial. Le colo­nia­lisme, en déva­lo­ri­sant la nature pour se justifier, a imposé l’idée qu’elle devait être dépassée. Dès lors, s’en rap­pro­cher devient un geste de déco­lo­ni­sa­tion des ima­gi­naires, des corps et des modes de vie. Loin d’un roman­tisme naïf, il s’agit d’une analyse maté­ria­liste, qui s’inscrit dans une expé­rience sociale vécue et concrète : ce sont les femmes qui, dans les com­mu­nau­tés rurales, indigènes et qui­lom­bo­las3Membres de com­mu­nau­tés de descendant·es d’esclaves noir·es africain·es qui ont fui le travail forcé pour former des villages en pleine nature., portent la res­pon­sa­bi­li­té de préserver l’eau, les semences, les forêts et l’alimentation de leurs familles. Le soin et la défense de la nature sont des actes pro­fon­dé­ment ration­nels – c’est la condition même de la vie.

« Les Amazoniennes subissent direc­te­ment et plus durement les consé­quences de l’expansion des pâturages sur le climat. »

Larissa Pontes, sociologue
Quelques jours par mois, Larissa Pontes trans­forme une partie de sa maison en res­tau­rant végane.
Ici, elle reçoit des ami·es. Crédit : Anne Paq

Pour faire le lien entre l’alimentation et l’effondrement cli­ma­tique, l’UVA organise sa troisième rencontre nationale du 31 octobre au 2 novembre 2025 à Belém, une semaine avant la COP 30, qui a tota­le­ment exclu de son programme la question animale. Pour Michelle Muriel, qui fait partie de l’équipe orga­ni­sa­trice de la rencontre, « les thèmes centraux de la COP 30, comme le marché du carbone et l’élevage dit “régé­né­ra­tif”, incarnent par­fai­te­ment la logique capi­ta­liste de mar­chan­di­sa­tion de la vie dans la forêt ama­zo­nienne : sous couvert de solutions éco­lo­giques, on perpétue les méca­nismes d’exploitation qui détruisent les éco­sys­tèmes. Les anti­spé­cistes affirment qu’il n’y aura pas de réponse réelle à l’effondrement cli­ma­tique sans sortir de l’exploitation animale. »

Quelques jours plus tard, à Belém, un autre espace de lutte devrait prendre forme. Organisé en parallèle aux COP, le Sommet des peuples est un grand ras­sem­ble­ment de la société civile, où s’exprime la voix des com­mu­nau­tés les plus affectées par le chan­ge­ment cli­ma­tique. L’UVA a été invitée à concevoir des options véganes pour chaque repas servi pendant l’événement, qui doit durer cinq jours et réunir environ 10 000 personnes. Une manière de montrer que le véganisme populaire ouvre la voie à une écologie qui refuse de séparer justice sociale, justice cli­ma­tique et justice animale.

Carte de l'Amérique du Sud. Le territoire du Brésil y est délimité en verre claire et la surface de la forêt amazonienne en 2020 y est représentée en vert foncé. La capitale, Brasilia, ainsi que les villes de Rio Branco, Belém, Recife et Natal y sont également indiquées.
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    Son nom de militante est un jeu de mots entre Beyoncé et « be-onça » – « onça » est le nom du jaguar brésilien qui vit en Amazonie.
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    L’antispécisme est
    un courant de pensée qui remet en question la hié­rar­chi­sa­tion des espèces, la domi­na­tion et l’exploitation des animaux par les humain·es. L’antispécisme affirme que l’espèce à laquelle appar­tient un animal n’est pas un critère pertinent pour décider de la consi­dé­ra­tion morale qui doit lui être accordée.
  • 3
    Membres de com­mu­nau­tés de descendant·es d’esclaves noir·es africain·es qui ont fui le travail forcé pour former des villages en pleine nature.

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