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Argentine : « Lutter pour les droits humains, c’est être féministe »

Cette semaine, nous don­nons la parole à la mil­i­tante argen­tine Ana Ríos Bran­dana qui, dans un pays désor­mais dirigé par le réac­tion­naire ultra­l­ibéral Javier Milei, lutte pour la mémoire et la répa­ra­tion des crimes de la dernière dic­tature mil­i­taire (1976–1983). 
Publié le 09/08/2024

Modifié le 16/01/2025

Ana Ríos Brandana, le 21 avril 2024 à à Buenos Aires. Crédit photo : Anita Pouchard Serra pour La Déferlante
Ana Ríos Bran­dana, le 21 avril 2024 à à Buenos Aires. Crédit pho­to : Ani­ta Pouchard Ser­ra pour La Défer­lante

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°15 Résis­ter en fémin­istes, à paraître en août 2024. Con­sul­tez le som­maire.

Étu­di­ante en psy­cholo­gie à Buenos Aires, Ana Ríos Bran­dana a com­mencé à militer très jeune. Mem­bre de l’association Nietes, elle racon­te com­ment son com­bat pour les droits humains l’a con­duite à rejoin­dre les rangs fémin­istes.

« En tant que descen­dante de disparu·es, la lutte a débuté pour moi dès l’adolescence à tra­vers des ques­tions autour des pri­va­tions de lib­erté. Je me suis ensuite impliquée dans le mou­ve­ment pour l’avortement légal, sûr et gra­tu­it, puis, en entrant à l’université, je me suis engagée con­crète­ment au sein d’une organ­i­sa­tion péro­niste [mou­ve­ment poli­tique de gauche]. Enfin, j’ai fait par­tie de celles et ceux qui ont organ­isé les pre­mières réu­nions de l’association Nietes.

Je me bats pour que les droits humains soient garan­tis, pour qu’il ne s’agisse pas seule­ment d’une idée, pour qu’ils soient con­crets et uni­versels. Mais en Argen­tine, notam­ment depuis l’élection de Javier Milei [en novem­bre 2023], nous mili­tons dans un con­texte par­ti­c­ulière­ment com­pliqué en rai­son de trois élé­ments : la crise économique qui empêche matérielle­ment de nom­breuses per­son­nes de par­ticiper aux mobil­i­sa­tions, la dia­boli­sa­tion du mil­i­tan­tisme, et enfin, sa con­séquence, la per­sé­cu­tion des militant·es. Nous ne lais­sons pas ces vio­lences nous paral­yser, mais nous sommes obligé·es d’en tenir compte. Avant, je dis­ais ouverte­ment que j’étais mil­i­tante. Il y avait du rejet, mais je pou­vais le dire sans peur. Aujourd’hui, je fais plus atten­tion à qui je m’adresse.

Une des actions les plus graves du gou­verne­ment de Milei a été le licen­ciement mas­sif de fonc­tion­naires, dont les employé·es du min­istère des Femmes, des Gen­res et de la Diver­sité. Plus de la moitié de mon entourage est main­tenant au chô­mage. Le déman­tèle­ment de l’État s’accompagne d’un cli­mat de vio­lence général­isé et de dis­cours de haine au som­met du pays, qui infusent dans la pop­u­la­tion et con­duisent à des actes crim­inels. Par exem­ple, récem­ment, un homme a jeté un cock­tail Molo­tov sur un cou­ple de femmes. Il a lui-même expliqué qu’il les avait tuées parce qu’elles étaient les­bi­ennes. Les dis­cours néga­tion­nistes con­cer­nant les vic­times de la dic­tature se sont aus­si mul­ti­pliés.

Valoriser le mot « utopie »

De mon côté, je tra­vaille en plus de mes études, mais ça ne suf­fit plus et je dois deman­der à mes par­ents de m’aider. J’ai la chance de pou­voir le faire. Dans ce con­texte, c’est dur de con­serv­er son énergie vitale, de rester ent­hou­si­aste. Nous sommes beau­coup à être abattu·es, découragé·es, angoissé·es. Heureuse­ment chez Nietes, nous nous soutenons, mais quand les con­di­tions basiques de sub­sis­tance ne sont pas réu­nies, c’est vrai­ment dif­fi­cile. La sit­u­a­tion est cat­a­strophique et on a du mal à savoir com­ment s’en sor­tir. Je n’ai jamais été aus­si fatiguée de toute ma vie.


« AVANT, JE DISAIS OUVERTEMENT QUE J’ÉTAIS MILITANTE. AUJOURD’HUI, JE FAIS PLUS ATTENTION »


Pour moi, la résis­tance à l’extrême droite se matéri­alise par le fait de “défendre et con­stru­ire”. Chez Nietes nous cher­chons à bâtir une société qui dit haut et fort “nun­ca más” (plus jamais ça). Défendre d’abord les droits acquis et revendi­quer la lutte des militant·es révo­lu­tion­naires, opposant·es sous la dic­tature. Ces per­son­nes ont été per­sé­cutées parce qu’elles étaient un obsta­cle à la mise en place du mod­èle social et économique que ce régime voulait met­tre en place. Elles et ils mil­i­taient pour un pays meilleur, mais la dic­tature les a torturé·es et fait dis­paraître. Je ne veux pas dire que ces militant·es ont don­né leur vie pour le com­bat poli­tique car la mémoire est une con­struc­tion col­lec­tive et celle que je souhaite trans­met­tre ne roman­tise pas les faits. Mais je revendique leurs actions, leurs utopies et leurs straté­gies pour les attein­dre. Ces utopies peu­vent être dif­férentes aujourd’hui, mais ce mot – utopie – est impor­tant à soulign­er parce qu’il est main­tenant très déval­orisé.

Il faut aus­si con­tin­uer à con­stru­ire cette mémoire, parce qu’il y a encore cer­tains types d’exactions qui sont passées sous silence. Les mil­i­taires ont réus­si à exter­min­er des organ­i­sa­tions entières dont il ne reste plus rien. Il faut aus­si point­er les non-dits : certain·es per­son­nes ont été enlevées à cause de leur ori­en­ta­tion sex­uelle ou leur iden­tité de genre.

Le fait que Nietes soit une organ­i­sa­tion fémin­iste est cru­cial. Cela per­met d’aborder la ques­tion fon­da­men­tale de la bina­rité de genre au sein d’un espace inclusif. Prob­lé­ma­tis­er cette ques­tion du genre et dépass­er les injonc­tions qui y sont liées apporte de nou­veaux éclairages sur nos com­bats. L’inclusivité est un mag­nifique out­il de lutte porté par notre généra­tion. Pour moi, le fémin­isme est le mou­ve­ment le plus trans­for­ma­teur et révo­lu­tion­naire qui existe en ce moment en Argen­tine. Puisque le patri­ar­cat tra­verse l’ensemble de la société et génère des iné­gal­ités à de nom­breux endroits, lut­ter pour les droits humains, c’est être fémin­iste. Au sein de notre généra­tion, les femmes entrent mas­sive­ment dans les espaces poli­tiques tra­di­tion­nelle­ment mas­culins, en par­ti­c­uli­er les instances de déci­sion. Je veux con­tin­uer à me bat­tre, en groupe, pour tout ça : les droits humains, les droits des femmes. On ne peut rien faire seul·e, les champs de lutte sont néces­saire­ment col­lec­tifs. »


→ Retrou­vez les recom­man­da­tions ain­si que l’agenda de la rédac­tion juste ici.

Eva Tapiero

Journaliste indépendante et membre des collectifs La Friche et Les Journalopes, son travail se concentre sur l’identité, la mémoire, les droits des femmes et des enfants. Elle est coautrice du livre Les Patientes d’Hippocrate. Dans ce numéro, elle signe le reportage sur les mères célibataires au Maroc. Voir tous ses articles

Résister en féministes

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°15 Résis­ter en fémin­istes, à paraître en août 2024. Con­sul­tez le som­maire.


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