Warning: Attempt to read property "ID" on int in /home/clients/f3facd612bb3129d1c525970fad2eeb3/sites/tpp.revueladeferlante.org/wp-content/themes/Divi/includes/builder/post/PostStack.php on line 62

Annie Ernaux : « Je veux écrire sur #MeToo »

Publié le 09/12/2022

Modifié le 16/01/2025

Annie Ernaux
Samedi 10 décembre à Stockholm, Annie Ernaux recevra officiellement le prix Nobel de littérature. Première écrivaine française à recevoir cette récompense, elle a exploré, tout au long de son œuvre, les effets des logiques de domination et porté haut et fort le combat pour la liberté et l’émancipation des femmes.
Pour La Déferlante, elle revient sur l’annonce de cette distinction, début octobre, et 
sur sa carrière d’écrivaine engagée.

Com­ment avez-vous vécu ces dernières semaines et l’intense médi­ati­sa­tion autour de cette con­sécra­tion ?

Annie Ernaux : C’est une grande joie de con­stater que beau­coup de gens sont heureux que j’aie eu le Nobel ! Ces dernières semaines ont été bous­culées. Je reviens tout juste du Brésil. J’avais des engage­ments pris aupar­a­vant, notam­ment des déplace­ments pour la sor­tie du film Les Années Super 8 que j’ai réal­isé avec mon fils, David Ernaux-Briot. Et puis d’un seul coup j’ai reçu une masse de cour­ri­ers et de mails !
Il me sem­ble qu’il y a une machine qui s’est mise en route pour m’extraire du monde dans lequel j’ai l’habitude d’être. Je tâche de résis­ter le mieux pos­si­ble et, en même temps, je me soumets aux exi­gences de la médi­ati­sa­tion en bon petit sol­dat ! Mais ma vie ne se jus­ti­fie pas par le fait de me mon­tr­er, de par­ler de moi. Ce n’est pas ça, ce que je voulais faire à 20 ans ! Ni à 40 ans ! (Rires.)

Vous êtes la pre­mière Française récom­pen­sée par ce prix. Est-ce qu’il change quelque chose dans votre manière d’aborder votre tra­vail d’écrivaine ?

Annie Ernaux : Absol­u­ment pas. Des événe­ments per­son­nels peu­vent chang­er ma façon d’écrire, mais pas un événe­ment de cet ordre-là. Je ne veux pas être réduite à ce prix Nobel. Je suis Annie Ernaux voilà tout !

Le dis­cours de récep­tion du prix Nobel que vous pronon­cerez demain, same­di 10 décem­bre, est très atten­du – il est d’ailleurs pub­lié en avant-pre­mière par plusieurs jour­naux. Quel mes­sage avez-vous voulu faire pass­er ?

A.E. : Il s’agit d’affirmer la ligne qui a été la mienne et d’expliquer com­ment je suis dev­enue écrivaine dans ce monde-ci. Je tâche de l’expliquer sans com­pro­mis­sion, c’est-à-dire sans remerci­er Untel et Untel, ce ne serait pas moi ça… En tant que femme, j’ai per­son­nelle­ment été très mar­quée par le dis­cours de récep­tion du Nobel d’Albert Camus, en 1957. J’avais 17 ans et j’avais déjà lu L’Homme révolté. C’est en pen­sant à lui que j’ai abor­dé mon dis­cours.
Il est tra­ver­sé par deux lignes essen­tielles à mes yeux. Le fémin­isme, d’abord, ou com­ment ma con­di­tion de femme m’a fait écrire mon pre­mier livre, Les Armoires vides, en 1974. Et la ques­tion sociale : ce que cela m’a fait d’être née dans un milieu con­sid­éré comme inférieur au monde de la cul­ture et de la lit­téra­ture.

Annie Ernaux

Annie Ernaux recevra demain, à Stock­holm, le prix Nobel de lit­téra­ture. Crédit pho­to : Cre­ative com­mons.

Quelques jours après l’annonce du prix, vous avez par­ticipé à la man­i­fes­ta­tion nationale con­tre la vie chère et l’inaction cli­ma­tique. Quelles étaient vos moti­va­tions ?

A.E. : J’avais décidé d’y par­ticiper un mois aupar­a­vant. Donc je me suis demandé : […]

est-ce que c’est ma place ou pas ? Et j’ai con­sid­éré que ça l’était, en tant que Nobel et en tant qu’autrice de tous les livres engagés que j’ai écrits. Je dif­féren­cie bien l’écriture et l’engagement poli­tique : l’écriture, c’est la recherche d’une vérité qui se fait avec les mots et toutes sortes de com­posantes très com­plex­es. Mais il n’y a pas de rup­ture entre l’écriture et l’engagement. Ce sont deux modes d’action dif­férents. L’écriture agit sur chaque indi­vidu, sur l’intime. Alors que la poli­tique demande des actes : qu’on signe des tri­bunes, qu’on défile, qu’on prenne des posi­tions…

« IL N’Y A PAS DE RUPTURE
ENTRE L’
ÉCRITURE ET L’ENGAGEMENT.
CE SONT DEUX MODES D’ACTION DIFF
ÉRENTS. »

Dans une inter­view que vous avez accordée il y a deux ans à La Défer­lante, vous avez pronon­cé cette phrase à pro­pos de la lutte fémin­iste et du mou­ve­ment #MeToo : « La lutte est sans fin. Mais après tout, pourquoi pas ? C’est bien la lutte. » Aujourd’hui, quel com­bat fémin­iste est-il urgent de men­er ?

Je ne crois pas qu’il y ait des com­bats pri­or­i­taires. La lutte est mul­ti­forme car l’hégémonie mas­cu­line se man­i­feste à tous les niveaux de la société. Ce sont tou­jours les hommes qui font les lois, y com­pris les lois sociales. On ne peut pas s’endormir, le com­bat est tou­jours néces­saire.

Quar­ante ans après la loi Veil, que vous inspire l’adoption de la propo­si­tion de loi sur l’inscription du droit à l’avortement dans la Con­sti­tu­tion, votée le 24 novem­bre dernier ?

Per­son­nelle­ment, je serais favor­able à ce que le droit à l’avortement fig­ure jusque dans la Con­sti­tu­tion européenne car, con­cer­nant l’avortement, on n’est jamais à l’abri d’un retour en arrière ! Il faut aus­si se préoc­cu­per de tout ce qui se passe ailleurs qu’en France, je pense notam­ment à la Pologne [où l’accès à l’IVG n’est autorisé qu’en cas de viol ou de dan­ger vital pour la femme enceinte]. Et là je reviens du Brésil où l’avortement n’est per­mis qu’à cer­taines con­di­tions. Les femmes se débrouil­lent comme elles peu­vent ; les rich­es trou­vent des solu­tions, mais pas les habi­tantes des fave­las.

Dans Les Années, vous écrivez, que ce qui compte pour vous, c’est de « saisir cette durée qui con­stitue [votre] pas­sage sur la terre à une époque don­née, ce temps qui [vous] a tra­ver­sée […] de sauver quelque chose du temps où l’on ne sera plus jamais ». Quels livres vous reste-t-il à écrire ?

Je pense à un roman sur la vieil­lesse, mais il ne s’agira pas d’un essai, comme Simone de Beau­voir a pu en écrire un. Je voudrais écrire un livre à par­tir de mon vécu, même si c’est un « moi » observé à dis­tance et qui inclut les autres. Mais je pour­rais aus­si écrire sur autre chose.
#MeToo m’a sec­ouée per­son­nelle­ment. Je m’aperçois que, dans ma vie, j’ai sou­vent été con­sen­tante – pas seule­ment d’un point de vue sex­uel – au pou­voir mas­culin. Et je voudrais revenir là-dessus. À vrai dire ce sont deux sujets que j’ai lais­sés en jachère cette année car j’ai été très prise, mais que j’ai grande hâte de les repren­dre.

→ Retrou­vez la revue de presse ain­si que les coups de cœur de la rédac­tion juste ici.

Couverture La Déferlante #9 - Baiser pour une sexualité qui libère

Précommandez le dernier numéro de La Déferlante  !

Pour ce pre­mier numéro de 2023, nous con­sacrons notre dossier au thème BAISER car, oui la révo­lu­tion sex­uelle reste encore à venir ! On y par­le de sex­olo­gie fémin­iste, de désirs qui font désor­dre, on y décon­stru­it les normes validistes et on plonge à pieds joints dans le réc­it de sci­ence-fic­tion éro­tique « Tout est chaos », signé Wendy Delorme et Elise Bon­nard.

⟶ Vous souhaitez recevoir La Défer­lante, au tarif de 15 euros (au lieu de 19), et sans engage­ment ? Décou­vrez notre offre d’abonnement à durée libre.

Lucie Geffroy

Elle a travaillé comme journaliste à Courrier international puis au Monde. Cofondatrice de La Déferlante, elle en est également corédactrice en chef et cheffe d'édition. Depuis Marseille, elle coordonne, entre autres, les pages BD de la revue et supervise la maison d’édition avec Emmanuelle Josse. Voir tous ses articles


Notice: ob_end_flush(): Failed to send buffer of zlib output compression (1) in /home/clients/f3facd612bb3129d1c525970fad2eeb3/sites/tpp.revueladeferlante.org/wp-includes/functions.php on line 5471

Notice: ob_end_flush(): Failed to send buffer of zlib output compression (1) in /home/clients/f3facd612bb3129d1c525970fad2eeb3/sites/tpp.revueladeferlante.org/wp-includes/functions.php on line 5471

Notice: ob_end_flush(): Failed to send buffer of zlib output compression (1) in /home/clients/f3facd612bb3129d1c525970fad2eeb3/sites/tpp.revueladeferlante.org/wp-content/plugins/really-simple-ssl/class-mixed-content-fixer.php on line 107