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Crimes sexuels contre des Israéliennes : « la justice doit prendre le temps d’enquêter »

Alors que les inves­ti­ga­tions se pour­suiv­ent sur le déroulé de l’attaque du Hamas en Israël le 7 octo­bre, les autorités israéli­ennes soupçon­nent les assail­lants d’avoir com­mis des vio­ls sur des femmes israéli­ennes. Mais face à l’urgence con­sis­tant à iden­ti­fi­er les corps et trou­ver des survivant·es, le recueil des preuves s’annonce com­plexe. Dans ce deux­ième volet de notre série de newslet­ters sur le con­flit israé­lo-pales­tinien, nous pro­posons une inter­view de la juriste Céline Bardet, qui tra­vaille depuis plus de dix ans sur les crimes sex­uels com­mis en con­texte de guerre. [Entre­tien actu­al­isé en accord avec Céline Bardet, ven­dre­di 17 novem­bre à 18h40]
Publié le 17/11/2023

Modifié le 16/01/2025

Céline Bardet est juriste, spécialiste des violences sexuelles dans les conflits armés. Crédit Photo : Masha Rechova
Céline Bardet est juriste, spé­cial­iste des vio­lences sex­uelles dans les con­flits armés. Crédit Pho­to : Masha Recho­va

Com­man­dez le dernier numéro de La Défer­lante : Rêver, de novem­bre 2023. La Défer­lante est une revue trimestrielle indépen­dante con­sacrée aux fémin­ismes et au genre. Tous les trois mois, en librairie et sur abon­nement, elle racon­te les luttes et les débats qui sec­ouent notre société.
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Juriste en droit inter­na­tion­al, Céline Bardet est spé­cial­iste de la jus­tice post-con­flit, des crimes de guerre et des ques­tions de sécu­rité. En 2014, elle a fondé l’ONG We Are Not Weapons of War pour lut­ter con­tre les vio­lences sex­istes et sex­uelles en con­flit armé, porter assis­tance aux vic­times et rassem­bler des témoignages au prof­it des enquê­teurs.

Après le 7 octo­bre, divers élé­ments lais­sent à penser que des mem­bres du Hamas auraient vio­lé des femmes israéli­ennes dans les kib­boutz­im frontal­iers de la bande de Gaza. Com­ment ces réc­its ont-ils émergé ? Com­ment en attester la vérac­ité ? 

Pen­dant presque un mois, il n’y a pas eu, de la part des autorités israéli­ennes, de com­mu­ni­ca­tion offi­cielle sur les vio­ls. C’est la société civile qui a poussé la ques­tion, et les ONG ont com­mencé à s’emparer du sujet. Le témoignage d’une des sur­vivantes de la rave par­ty est un pre­mier élé­ment qui devra ensuite être com­plété. La dif­fi­culté ici, c’est que les ser­vices sur place n’ont pas procédé aux exa­m­ens médi­co-légaux pour con­firmer les vio­ls. Les images de femmes au sol, sans leurs vête­ments, sont des fais­ceaux d’indices mais pas des preuves. Le témoignage d’une vic­time en est une par exem­ple, les pro­pos des auteurs de crimes – s’ils sont arrêtés – aus­si.

Dans des con­textes de forte médi­ati­sa­tion comme celui-ci, qui mène l’enquête et à quel rythme ?

Même si la Cour pénale inter­na­tionale reste com­pé­tente, c’est avant tout Israël qui va juger les crimes sur son ter­ri­toire. Néan­moins, cette actu­al­ité mar­que un tour­nant dans le tra­vail des juristes. Depuis plusieurs années, on assiste à des con­flits extrême­ment doc­u­men­tés, et nous vivons dans une ère de com­mu­ni­ca­tion si émo­tive (à rai­son) et si polar­isée que la jus­tice s’exprime qua­si­ment en temps réel sur ces con­flits.
Mais il faut pren­dre son mal en patience. On ne peut pas imag­in­er qu’au lende­main d’un mas­sacre la jus­tice arrive et boucle une affaire. Pour l’enquête, la doc­u­men­ta­tion, l’analyse des élé­ments – qui peu­vent don­ner lieu à des pour­suites –, il faut du temps. Même sur un ter­ri­toire aus­si petit que celui d’Israël, avec des équipements adap­tés et des insti­tu­tions qual­i­fiées, on retrou­ve encore des corps un mois après les faits.
Par ailleurs, ce con­flit présente deux écueils, si l’on peut dire. Comme pour l’Ukraine, le poids de l’image est omniprésent. Mais je le rap­pelle sou­vent, la vidéo n’est pas une preuve. Ensuite, c’est une guerre plus com­plexe que d’autres con­flits. Les réac­tions sur les réseaux soci­aux sont explo­sives, et cela sus­cite énor­mé­ment d’attentes en ter­mes de jus­tice. Or, par­ler de crime con­tre l’humanité ou de ter­ror­isme, cela peut traduire un posi­tion­nement poli­tique que la jus­tice ne peut se per­me­t­tre. Des asso­ci­a­tions fémin­istes israéli­ennes, avec qui notre cel­lule We are Not Weapons of War tra­vaille sur le ter­rain, nous ont reproché de ne pas par­ler claire­ment de vio­lences sex­uelles. Même si c’est ce qui sem­ble se dégager les 7 et 8 octo­bre, il faut enquêter. De plus, comme dans tous les con­flits, et en par­ti­c­uli­er quand il s’agit de vio­lences sex­uelles, les per­son­nes met­tent du temps à par­ler. Entre trois mois ou six mois après les faits, des choses essen­tielles peu­vent émerg­er.

Vous avez créé l’association We are Not Weapons of War (WWOW) en 2014. En quoi con­siste son tra­vail ?

Avec notre petite équipe à Paris, et toute une galax­ie d’acteurs et d’actrices sur le ter­rain, on mène d’abord un tra­vail de plaidoy­er, auprès de l’Assemblée nationale ou de l’ONU, par exem­ple, pour prévenir les vio­lences. En 2016, on a créé le pro­gramme Fos­ter a Sur­vivor pour per­me­t­tre aux femmes vic­times de se recon­stru­ire sur le plan médi­cal, psy­chologique et socio-économique. Des ate­liers de sen­si­bil­i­sa­tion per­me­t­tent aus­si de déstig­ma­tis­er celles exposées au sen­ti­ment de honte.


« Les vio­lences sex­uelles représen­tent une arme à défla­gra­tion mul­ti­ples »


En 2023, on a lancé une appli­ca­tion de col­lecte de témoignages, de pho­tos et de vidéos qui per­me­t­tent d’alimenter les enquêtes de ter­rain, et peu­vent servir ensuite à des procé­dures judi­ci­aires de la Cour pénale inter­na­tionale ou, en France, de l’unité chargée des crimes de guerre, l’Office cen­tral de lutte con­tre les crimes con­tre l’hu­man­ité et les crimes de haine. Cela nous per­met de con­naître aus­si les besoins spé­ci­fiques des vic­times : une assis­tance psy­chologique, le désir d’archiver une his­toire, la quête de groupes de parole ou d’aide juridique. Tous les ter­rains sont dif­férents. On a lancé le pro­jet au Kasaï en République démoc­ra­tique du Con­go, au Burun­di, en Ukraine et main­tenant en Israël.

Quelle est la sym­bol­ique des crimes sex­uels en con­flit armé ? Pourquoi le corps des femmes est-il visé ?

Le « meilleur moyen », si je puis dire, d’humilier quelqu’un, c’est la vio­lence sex­uelle. Elle est un moyen d’asseoir son pou­voir sur l’autre. Un pou­voir exer­cé par les hommes, évidem­ment facil­ité par un sys­tème patri­ar­cal, qui est, j’insiste, mon­di­al. Par ailleurs, les vio­lences sex­uelles com­mis­es sur des femmes représen­tent une arme à défla­gra­tions mul­ti­ples. Dans cer­taines sociétés, une femme vio­lée, c’est aus­si une atteinte à son mari, sa famille, sa com­mu­nauté.

Avec le doc­teur Denis Muk­wege, Prix Nobel de la paix, on porte l’idée de défendre une « pré­somp­tion de vio­ls » en con­flit armé, car la vio­lence sex­uelle est inhérente aux con­flits. On devrait par­tir du principe que, de toute façon, il y a des vio­lences sex­uelles en temps de guerre et qu’il faut dès le départ ori­en­ter les enquêtes en ce sens, chercher le modus operan­di, etc. Car on voit bien qu’en Israël, jusqu’ici rel­a­tive­ment épargné par ce phénomène, ça n’a pas été la pri­or­ité. Il y a des preuves qui auraient dû être relevées et ça n’a pas été le cas.

Y a‑t-il un his­torique de vio­lences sex­uelles dans le con­flit israé­lo-pales­tinien ?

Non, c’est le seul au monde où – jusqu’ici en tout cas – l’usage sys­té­ma­tique et mas­sif des vio­lences sex­uelles comme arme de guerre n’a pas été prou­vé. Ce qui n’empêche pas que des vio­ls aient pu être com­mis par l’ar­mée israéli­enne et que les vio­lences sex­uelles soient util­isées comme méth­ode de tor­ture. Con­traire­ment à d’autres armées du monde, l’ar­mée israéli­enne a un sys­tème dis­ci­plinaire extrême­ment strict et éprou­vé, avec des for­ma­tions sur ces ques­tions. Quant au Hamas, si ses mem­bres n’ont pas com­mis de vio­lences sex­uelles dans le passé, c’est aus­si parce que la reli­gion juive se trans­met par la mère. Vio­l­er une femme juive représen­terait « le risque » d’une fil­i­a­tion religieuse.

→ Retrou­vez les recom­man­da­tions ain­si que l’a­gen­da de la rédac­tion juste ici.

Johanna Cincinatis

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Rêver : la révolte des imaginaires

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