Warning: Undefined variable $article in /home/clients/f3facd612bb3129d1c525970fad2eeb3/sites/tpp.revueladeferlante.org/wp-content/themes/divi-child/functions.php on line 400

Warning: Attempt to read property "ID" on int in /home/clients/f3facd612bb3129d1c525970fad2eeb3/sites/tpp.revueladeferlante.org/wp-content/themes/Divi/includes/builder/post/PostStack.php on line 62

Warning: Attempt to read property "ID" on int in /home/clients/f3facd612bb3129d1c525970fad2eeb3/sites/tpp.revueladeferlante.org/wp-content/themes/Divi/includes/builder/post/PostStack.php on line 62

« Les enfants du silence » de Juliette Rousseau

Que devi­en­nent nos rêves ? Cer­tains restent en sus­pens dans nos vies éveil­lées et accrois­sent notre sen­si­bil­ité au monde vivant. Dans ce dia­logue amoureux, l’autrice écofémin­iste Juli­ette Rousseau s’interroge sur la manière de guérir des trau­ma­tismes vécus dans l’enfance. Un texte poé­tique, dans lequel les rêves s’enracinent.
Publié le 18/10/2023

Modifié le 16/01/2025

Illustration de Jeanne Macaigne pour le récit « Les enfants du silence » signé Juliette Rousseau - La Déferlante 12
Jeanne Macaigne pour La Défer­lante

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°12 Rêver, paru en novem­bre 2023. Con­sul­tez le som­maire.

Sur le bocage à l’horizon, le mois de mars façonne des con­trastes vio­lents, comme seules les saisons inter­mé­di­aires savent ici en pro­duire. Incan­des­cent, le colza en fleur fend le ciel noir qui précède les giboulées, tan­dis que les pre­miers pis­senl­its per­cent la masse som­bre des fos­sés. On entend presque leur crépite­ment. Pour pren­dre sa place, le print­emps met le feu à l’hiver.

Dans une salle munic­i­pale sans pré­ten­tion, dans le courant des années 1990, un air d’accordéon impose le silence. Puis un chœur de voix émues s’élève, accom­pa­g­nant la valse. Rouge aux joues et dans les ver­res, mus­cles épais et mains calleuses, le papi­er blanc des nappes, sur les tables du comité des fêtes. Les corps enfin au repos, à la célébra­tion, en com­mu­nion.Trente ans plus tard, de corps, je sais qu’il reste le mien. Je le sais, car je le sens, me saign­er par en dedans, de tant d’absence et de beauté per­sis­tante. Mars ne me guéri­ra pas du passé. Mais il m’offre les métaphores dont j’ai besoin, pour faire avec le présent.

Les champs s’étalent main­tenant à l’infini. Nos vies, comme le paysage, ont pris la forme d’un rêve que d’autres, avant nous, ont fait. Cer­tains rêves gag­nent, d’autres se noient, et les derniers entrent peut-être en clan­des­tinité. Mais rien ne dure, pas même ce qui nous tue. J’écris pour don­ner matière aux rêves clan­des­tins qui nous furent trans­mis. Pour dépli­er les mots dif­férem­ment et racon­ter d’autres his­toires. Je veux les voir pren­dre corps, et pren­dre terre.

*

Illustration de Jeanne Macaigne pour le récit « Les enfants du silence » signé Juliette Rousseau - La Déferlante 12Ces mots-ci ne sont pas nés dans le colza ni les con­trastes de mars, mais dans une rue bla­farde de la ban­lieue parisi­enne, une rue à la chaussée éven­trée. Entre les bar­rières de chantier, on aperce­vait les tonal­ités ocre de la terre morte qui gît par-dessous les villes. L’envers asphyx­ié des exis­tences urbaines. Tu mar­chais à mes côtés et, de temps à autre, je dev­inais ton sourire et tes yeux sur moi. J’avais envie de t’arrêter à chaque pas pour t’embrasser. À la place, j’ai saisi une fleur sur une giroflée qui pous­sait dans une crevasse de goudron, et je te l’ai ten­due. Je sen­tais pro­fondé­ment que c’était aus­si nos enfances qui se ren­con­traient, et j’avais envie de te partager un peu plus de la mienne, de ses couleurs et ses sen­teurs. En dedans, j’avais de nou­veau 7 ou 8 ans, et ce n’était pas petit ni inachevé. Au con­traire, c’était plein et ten­dre. Au point que j’en pleur­erais, quelques jours plus tard. Comme le soulage­ment immense d’une chose que l’on a atten­due longtemps, sans savoir qu’on l’attendait : depuis des années, une enfant en moi patien­tait que l’on se sou­vi­enne d’elle avec ten­dresse.

 

Après la giroflée, j’ai cueil­li un brin de chéli­doine, t’ai mon­tré son suc jaune vif. J’ai dit : « C’est bon con­tre les ver­rues, si on en applique dessus tous les jours. » Je ne sais pas pourquoi j’ai dit ça. Peut-être que les trau­mas de l’enfance sont comme des ver­rues, des excrois­sances. Quelque chose en plus, mais avec des racines pro­fondes. J’ai imag­iné que nous étions enfants, que la chéli­doine nous entourait. Puis, j’ai eu envie de t’étreindre à nou­veau, dans des draps immenses et jaune vif. Serais-je aus­si heureuse à présent, si je n’avais pas déjà eu si honte ? Con­traire­ment à ce que voudraient croire les adultes, dans l’enfance, les joies, comme les peines et les ter­reurs, sont sérieuses. Elles don­nent à toute l’existence qui suit son rythme tenace et brisé.

Tu dis « les enfants per­dus », je dis « les enfants du silence ». Il est clair que pour nous, quelque chose s’arrête – ou bien com­mence – dans l’enfance. Cer­tains secrets sont comme des mau­vais rêves. Ils nous suin­tent à l’intérieur et sans bruit, fil­trent la lumière du jour, pren­nent pos­ses­sion de la nuit. Sans relâche ils nous fab­riquent, à l’insu des nôtres. Pour­tant, les enfants du silence ne sont pas silen­cieux. C’est l’absence de mots des autres, l’absence de mots justes, qui les façonne comme ils sont. C’est de les taire qui les inscrit dans le secret.

Quelques jours plus tard, tu m’as envoyé une pho­togra­phie de la giroflée, au creux de ta main. Tu l’avais gardée, l’avais lais­sée flétrir auprès de toi. J’ai eu envie d’être cette fleur à tes côtés, qui peut se laiss­er vieil­lir, se sachant accueil­lie. Je ne sais plus quand j’ai arrêté de dormir vrai­ment. Il y a des choses que je ne saurai jamais, je com­mence seule­ment à le com­pren­dre. Aux enfants du silence, il revient de vivre avec des ques­tions sans réponse. Qui, des gestes ou des mots qui leur lais­sent libre cours, meur­trit le plus la peau ? Com­bi­en pèse exacte­ment la mémoire ? Ce qu’une exis­tence con­fig­ure lente­ment à tra­vers un corps peut-il être renom­mé ? Je pense aux ter­res en nous, à nos lan­des arasées, après avoir été pris­es de force. J’aimerais que la chéli­doine y pousse.

*

Avant la décen­nie de ma nais­sance, entre la mai­son où je vis et la forêt qui lui fait face se trou­vaient sept par­celles. Sept par­celles, liées entre elles par autant de talus et de haies. Le hameau, qui ne compte plus que six maisons, en comp­tait trois de plus, et cinq fois plus d’habitant·es. Mesur­er le passé à l’aune des chiffres ne me plaît pas telle­ment, mais je cherche encore d’autres façons de nom­mer notre den­sité per­due. Le hameau était ceint de verg­ers : y pous­saient pom­miers, poiri­ers, cog­nassiers. Plutôt que de l’eau, on buvait sou­vent du cidre, et pen­dant les moissons, les bouteilles vides s’alignaient au rythme des paus­es. On finis­sait exsangues et rond·es, dans la chaleur atténuée de la fin du jour. Pour aller au vil­lage, qui se trou­ve à trois kilo­mètres, on pre­nait dif­férents chemins creux, bor­dés de haies, de chênes cen­te­naires. Une route de terre tra­ver­sait le hameau de part en part, longeant ce qui fut aus­si une cour de battage. De part et d’autre de ce chemin s’est longtemps tenu un marché, lequel a don­né son nom au lieu.

Une immense éten­due de colza m’aveugle désor­mais. Les verg­ers ont dis­paru les uns après les autres. On achète le cidre au super­marché. Le chemin de terre s’est effacé, au prof­it d’une route qui passe devant le hameau. Petite encore, mais goudron­née et large, assez pour que les machines agri­coles y passent. Les chemins creux ont dis­paru égale­ment, presque plus per­son­ne ne marche ici. On se déplace en voiture, ou en tracteur. Peu à peu, cer­taines des bâtiss­es aban­don­nées s’effondrent. Là où se côtoy­aient les par­celles ne s’en trou­ve plus qu’une, désor­mais. Un champ à perte de vue, la mono­cul­ture comme total­ité.

Je ne vis pas dans la nos­tal­gie de ce que je n’ai pas con­nu. Com­ment le pour­rais-je ? Mais j’ai le manque de mon corps plein, et de mes ter­res vivantes. J’aimerais com­pren­dre ce qui nous hante, pour savoir com­ment sor­tir de ce rêve dans lequel je suis enfer­mée et qui n’est pas le mien.


Cer­tains secrets sont comme des mau­vais rêves. Ils nous suin­tent à l’intérieur et sans bruit, fil­trent la lumière du jour, pren­nent pos­ses­sion de la nuit.


 

*

Le plus sou­vent, je me lève aux aurores, le corps en alerte, après une nuit morcelée. Par­fois, j’imagine que cette con­di­tion précède les événe­ments de l’enfance et que je suis, par nature, un être au som­meil mité, un corps qui tra­verse la vie sans deman­der sa part de repos. Cela me ras­sure de n’être pas tout à fait définie par les abus. Tu me dis que tu dors peu égale­ment. Je com­prends, sans que tu aies besoin de le pré­cis­er : dormir implique de rêver, et les rêves ne con­nais­sent pas de fron­tières dans la car­togra­phie de nos mémoires. Com­ment, alors, se pro­téger de sa pro­pre his­toire ? La pre­mière nuit, nos corps sont restés nichés l’un con­tre l’autre, et je te sen­tais réa­gir au moin­dre de mes mou­ve­ments. Alerte, toi aus­si.

Après que tu m’eus lais­sée cette fois-là, les rêves ont fait à nou­veau leur chemin en moi, mal­gré moi. Calme­ment et fer­me­ment, la défla­gra­tion de notre ren­con­tre con­tin­u­ait d’opérer ses frac­tures salu­taires. Un rêve que je n’ai pas oublié : j’étais au lycée, nous regar­dions une vidéo, la classe était plongée dans le noir. Sur l’écran, un bébé pleu­rait. Elle était entourée de mains adultes. L’une de ces mains se sai­sis­sait d’une aigu­ille et l’approchait douce­ment de la tête du cli­toris. Elle l’y plan­tait fer­me­ment puis tirait d’un coup sec, faisant explos­er le bulbe rouge. L’enfant hurlait, moi aus­si, et la classe demeu­rait silen­cieuse, les yeux rivés à l’écran. L’aiguille remon­tait ensuite patiem­ment le long du corps, et se plan­tait à l’extrémité d’un œil, puis de l’autre, où elle creu­sait dans la peau un trait, en en soulig­nant la forme d’amande. Le bébé hurlait tou­jours, je hurlais tou­jours, mes mains sur mon vis­age brûlant. Per­son­ne ne m’entendait ni ne réagis­sait. C’est au lycée que j’ai par­lé pour la pre­mière fois. Des mots brusques et mal­adroits, pau­vre­ment accueil­lis par des adultes depuis longtemps privés des leurs.

J’ai gran­di dans un lieu plein de chants d’oiseaux et de mon­stres cachés dans les granges. Ce que j’y ai appris : au bord du précipice des granges obscures et en l’absence des mots, ce sont par­fois d’autres dia­logues qui te sauvent. Je te l’écris et j’ai main­tenant envie de te dire que c’est si long, que ça prend telle­ment de temps et de détours, de recou­vr­er sa voix, son corps, et de retrou­ver, peut-être, son enfance. Sans les abus. Je t’imagine me répon­dre douce­ment : « S’il faut, ça prend la vie, tu sais. » Puis me pren­dre dans tes bras.

*

Rêver ?
Il y a d’un côté ces rêves que je fuis en évi­tant le som­meil. Cer­taines enfances brisent pro­fondé­ment le rap­port à soi, lais­sant le corps inapte à enten­dre sa pro­pre mélodie. J’ai erré, longtemps, entre une sen­si­bil­ité exac­er­bée par la vio­lence vécue à par­tir de mes 6 ans, et la tra­ver­sée sans fin d’un brouil­lard des sens. Trop sen­si­ble ou pas assez, jamais à la bonne place pour savoir s’aimer. J’ai cogné, sou­vent, mon corps au sou­venir des pre­miers pil­lages. Pour sen­tir à nou­veau et con­tin­uer d’oublier. Dans un monde humain que le besoin de dévor­er domine, il est des con­di­tions dont il est infin­i­ment dif­fi­cile de s’extraire. Je l’ai appelée « ma men­tal­ité d’abusée », et, un jour, elle a ren­con­tré la tienne. Nos rêves, comme les paysages, ont des formes que d’autres nous ont imposées.

De l’autre côté, il y a les mots que je choi­sis pour laiss­er venir à moi mon his­toire, pour fab­ri­quer patiem­ment le tis­su d’un autre rêve hab­it­able. Quand je le peux, j’écris. Ce faisant, je fais le chemin inverse et j’élabore une ren­con­tre. Selon mes pro­pres ter­mes.


J’imagine à quoi ressem­bleraient nos vies si nos mon­des avaient su caler leur rythme sur celui de nos déli­cat­esses. Com­bi­en elles seraient pleines.


*

Pen­dant quelques jours au print­emps, l’odeur du lisi­er envahit tout, jusqu’à l’intimité de mes draps. Je ne veux plus fuir, je sais désor­mais qu’il y a des choses sur lesquelles on ne ferme pas la porte. C’est peut-être parce que c’est le bocage qui, en pre­mier lieu, m’a don­né les refuges, la con­nex­ion et la magie dont j’avais besoin pour me con­sol­er, qu’il me sem­ble aus­si dif­fi­cile de cohab­iter avec son ago­nie muette. Dans mon immense besoin de guéri­son, je ne sais plus faire la dif­férence : mon enfance pro­tégée et les haies abon­dantes, mon corps insoumis et les talus ressus­cités. J’imagine à quoi ressem­bleraient nos vies si nos mon­des avaient su caler leur rythme sur celui de nos déli­cat­esses. Com­bi­en elles seraient pleines.

Je rêve de guéri­son. Où est le corps de ceux qui rêvent d’avenir, sans penser à répar­er ? Je veux raviv­er, ren­dre mul­ti­ple, réin­ven­ter patiem­ment ce qui a été détru­it. Et avec toi, affirmer qu’on ne lais­sera plus faire. Qu’on ne lais­sera plus taire. Nom­mer la honte et l’envoyer se couch­er au panier. Des anéan­tisse­ments ont eu lieu, des gestes raci­naires furent infligés, à jamais plan­tés dans le corps. J’en prends acte, j’apprends à habiter ma tristesse, à faire feu de mon passé. Nous aus­si, nous mour­rons de nos enfances. Mais qu’on nous laisse d’abord le temps et les mots pour leur faire ten­dresse – même un petit peu, même mal­adroite­ment.

Au-dessus de mon lit, après la peau austère du toit, un vieux chêne déploie ses branch­es. Très tôt, je t’ai par­lé de lui, je voulais que tu le ren­con­tres. La loi, qui con­sid­ère qu’il m’appartient, me donne le droit de le laiss­er vivre ou mourir. À lui, elle ne cède rien, sinon la pos­si­bil­ité fugace d’aider les siens à vivre par sa sim­ple présence, douce­ment et sans répit, depuis des décen­nies. Après m’être longtemps égarée, je suis rev­enue auprès de lui pour com­mencer le tra­vail patient qui con­siste à lier le passé au présent. Pour la plu­part d’entre nous, guérir est un art bricolé. Une pra­tique sub­al­terne, arti­sanale et par­fois clan­des­tine. Il faut guérir à l’arraché. Mais c’est aus­si une néces­sité col­lec­tive. La tâche est immense : il faut vivre après l’enfance, trou­ver où se blot­tir, dans les sil­lons ter­reux qu’elle a lais­sés der­rière elle. Sans cesse, aller à la ren­con­tre de soi, par le corps, les sens. Con­tourn­er les mots, en dépos­er de nou­veaux, tout con­tre ce qui demeure au fond de nous. Leur pro­pos­er un com­pagnon­nage. Créer, pour laiss­er revenir peu à peu, puis inviter la suite, la ren­dre pos­si­ble. Inscrire l’existence dans tout ce qui vit, sans mots et avec ténac­ité, pour se rap­pel­er qu’on en est, nous aus­si. Rêver pour repren­dre corps à par­tir du monde vivant, abîmé mais résis­tant, qui est le nôtre.

Je rêve de repe­u­pler mon milieu comme mon exis­tence, ma chair, mes sou­venirs, mes affects, mes rêves. De renaître de ma diver­sité. Que le réap­pren­tis­sage d’une atten­tion fine à mon corps et ses désirs s’étende à la pos­si­bil­ité d’une acuité des sens à l’endroit des mon­des vivants qui sont les nôtres. Je n’ai pas con­sen­ti au saccage de mon intégrité ni à celui de mon envi­ron­nement. Et je ne m’accommoderai pas des décom­bres.

*

Illustration de Jeanne Macaigne pour le récit « Les enfants du silence » signé Juliette Rousseau - La Déferlante 12Juin est là. Sur la petite route qui tra­verse le hameau, la chaleur trou­ble les per­spec­tives. Dans la grange, les jeunes hiron­delles sor­tent à l’unisson leurs têtes des nids, con­stam­ment affamées. Les par­ents érein­tés con­clu­ent leurs journées en se rassem­blant pour jouer au-dessus de l’eau et avec elle. Réu­nies sur les berges de l’étang, nous les imi­tons, sirotant de la bière au coing, ou allongées dans les effluves de men­the sauvage.

Ces jours-ci, nous pré­parons l’automne et la récolte des fruits. La presse mobile, dont nous aurons besoin pour faire le cidre et le jus de pomme, doit être réparée. Le chantier est l’occasion de partager nos con­nais­sances en mécanique, en soudure, et par­fois de répar­er d’autres machines qui doivent l’être. Quand la sai­son vien­dra, nous fer­ons le tour des hameaux alen­tour pour aller y press­er les pommes de nos voisins. Et puis les nôtres, bien sûr. En atten­dant, nous pas­sons nos journées les mains dans la graisse, dans l’ombre du hangar.

Tu es là depuis quelques jours, et à tes côtés, je redé­cou­vre les aspérités de mon monde. Hier, après avoir ramassé et ren­tré les bottes de foin, je suis allée avec toi au verg­er qui bor­de le sud-ouest du hameau. Sous la frondai­son des arbres, au soleil couchant, nous avons renoué avec nos paysages intimes. Nos peaux piquaient, nos bras et nos jambes étaient striés d’éraflures. Douce­ment et avec minu­tie, j’ai arpen­té ton corps et embrassé cha­cune d’entre elles, remer­ciant l’univers de ta présence au sein du bocage.
Au-dessus de nos corps nus, les fruits con­tin­u­aient de mûrir. •

Juliette Rousseau

Autrice (Lut­ter ensem­ble, 2018, et La Vie têtue, 2022, aux édi­tions Cam­bourakis) et tra­duc­trice (Joie mil­i­tante, éd. du com­mun, 2021), elle est aus­si éditrice aux édi­tions du com­mun, dont elle dirige la col­lec­tion de poésie.

Les mots importants

Infantisme

La pédopsy­chi­a­tre et soci­o­logue Laelia Benoit...

Lire plus

Juliette Rousseau

Journaliste, autrice et éditrice, travaille sur les questions de justice sociale, de féminisme, d’anti-racisme, de justice climatique et sur les mouvements qui s’en revendiquent. Voir tous ses articles

Rêver : La révolte des imaginaires

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°12 Rêver, paru en novem­bre 2023. Con­sul­tez le som­maire.


Notice: ob_end_flush(): Failed to send buffer of zlib output compression (1) in /home/clients/f3facd612bb3129d1c525970fad2eeb3/sites/tpp.revueladeferlante.org/wp-includes/functions.php on line 5471

Notice: ob_end_flush(): Failed to send buffer of zlib output compression (1) in /home/clients/f3facd612bb3129d1c525970fad2eeb3/sites/tpp.revueladeferlante.org/wp-includes/functions.php on line 5471

Notice: ob_end_flush(): Failed to send buffer of zlib output compression (1) in /home/clients/f3facd612bb3129d1c525970fad2eeb3/sites/tpp.revueladeferlante.org/wp-content/plugins/really-simple-ssl/class-mixed-content-fixer.php on line 107