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Deux ans après la loi, la PMA n’est toujours pas « pour tou·tes »

Début octo­bre, Sarah El Haïry, secré­taire d’État chargée de la Bio­di­ver­sité, annonçait publique­ment sa grossesse obtenue au terme d’un par­cours de pro­créa­tion médi­cale­ment assistée (PMA) mené en France avec son épouse. Pour­tant, deux ans après la loi autorisant l’accès à la PMA pour les femmes céli­bataires et les­bi­ennes cis­gen­res, de nom­breuses can­di­dates dénon­cent une série de dys­fonc­tion­nements qui ren­dent ces pro­jets dif­fi­ciles.
Publié le 13/10/2023

Modifié le 16/01/2025

Le 3 juin 2023, la PMA pour tou·tes était une revendication de la Pride des banlieues. Crédit photo : Marie-Agnès Laffougère pour La Déferlante.
Le 3 juin 2023, la PMA pour tou·tes était une reven­di­ca­tion de la Pride des ban­lieues. Crédit pho­to : Marie-Agnès Laf­fougère pour La Défer­lante.

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En novem­bre 2021, quelques semaines après la pro­mul­ga­tion de la loi autorisant la PMA pour les cou­ples de femmes, Coralie et Pauline* s’inscrivaient auprès du Cen­tre de con­ser­va­tion des œufs et du sperme humain (Cecos) de l’hôpital Tenon à Paris. « 23 mois plus tard, 12 ren­dez-vous en présen­tiel à deux, et des heures passées au télé­phone et par mail à stress­er », Coralie est aujourd’hui enceinte de six mois.

Aupar­a­vant, les deux trente­naires s’étaient ren­seignées sur les procé­dures « arti­sanales » et sur celles pro­posées à l’étranger. Une dernière option très coû­teuse, « 3 500 euros au min­i­mum ». Ce n’est qu’une fois la loi adop­tée que le cou­ple s’est lancé, pour « être sûres que Pauline soit pro­tégée » en tant que sec­ond par­ent.

Comme elles, Hanane Ame­qrane, la quar­an­taine, fait par­tie de cette nou­velle généra­tion de femmes à avoir accès à la PMA en France, à la suite du vote de la loi du 2 août 2021 ouvrant aux cou­ples de les­bi­ennes et aux femmes céli­bataires cis­gen­res la pos­si­bil­ité de con­cevoir des enfants par PMA. De plus, depuis un décret pro­mul­gué en août dernier, les femmes trans ayant con­servé leur sperme peu­vent l’utiliser en vue d’une PMA – mais les hommes trans restent exclus du dis­posi­tif. Doc­u­men­tal­iste, mil­i­tante antiraciste et fémin­iste en Seine-Saint-Denis, Hanane « s’accroche à ce droit » pour con­cevoir et porter son deux­ième enfant en France. Déjà mère d’une petite fille de 4 ans, portée par sa com­pagne après un par­cours en Bel­gique, elle se pré­pare encore une fois à une attente inter­minable : « On s’est embar­quées dans un par­cours médi­cal­isé et sci­en­tifique, où la douceur, l’intime et l’amour dis­parais­sent. »

« Un an et demi d’attente »

Selon l’Agence de la bio­médecine, l’attente entre la prise du pre­mier ren­dez-vous et l’attribution de pail­lettes de sperme est, en moyenne, de 14 mois dans les Cecos français, con­tre 6 mois avant la loi. Au bout du fil, Coralie nous fait patien­ter. On l’entend fouiller dans son épais dossier médi­cal. « On nous avait annon­cé un an et demi d’attente ». Elles ont finale­ment atten­du treize mois avant que l’hôpital ne leur con­firme la disponi­bil­ité de gamètes : « C’était très stres­sant parce que si on loupait un ren­dez-vous en présen­tiel ou qu’on n’envoyait pas l’original de tel ou tel papi­er, on ajoutait trois mois d’attente sup­plé­men­taires. »

Mécanique­ment, l’ouverture des 33 Cecos français aux les­bi­ennes et aux femmes céli­bataires a fait explos­er les deman­des : elles ont bon­di de 2 000 en 2019 (de cou­ples hétéro­sex­uels exclu­sive­ment) à 15 000 en 2021. Or, cet afflux est loin d’avoir été anticipé : la loi de 2021 n’a été accom­pa­g­née d’aucune cam­pagne de sen­si­bil­i­sa­tion au don de gamètes, et ces dons restent bénév­oles. « La France a l’ambition de pren­dre en charge toutes les patientes unique­ment grâce à des don­neurs altru­istes, con­traire­ment à ses voisins européens », déplore Cather­ine Guille­main, prési­dente de la Fédéra­tion française des Cecos. Elle-même con­state, au sein de sa con­sul­ta­tion, l’explosion des deman­des : « Je pour­rais accueil­lir des patientes nuit et jour. »

Nouvelle loi, nouvelles inégalités

L’attente est plus longue encore pour les per­son­nes non blanch­es, car beau­coup de Cecos pra­tiquent, par défaut, l’appariement entre les mères et les don­neurs. En d’autres ter­mes, ils recherchent sys­té­ma­tique­ment des gamètes en prove­nance d’hommes dont les car­ac­téris­tiques physiques et eth­niques cor­re­spon­dent à celles des receveuses. Par chance, le cen­tre où Hanane est inscrite a iden­ti­fié un don­neur orig­i­naire d’Asie du Sud-Est, con­cor­dant avec les critères physiques de sa com­pagne, d’origine hmong. Mais « j’ai des copines à qui on a dit qu’il y avait un manque de don­neurs racisés, alors elles sont de fait exclues de la PMA ! » Selon l’Agence de la bio­médecine, le temps d’attente pour ces per­son­nes passerait de trois à dix ans pour un don d’ovocytes, con­tre deux ans en moyenne pour les per­son­nes blanch­es. La doc­teure Cather­ine Guille­main con­firme prudem­ment : « Ça peut être plus dif­fi­cile pour cer­taines eth­nies. »


LA LEVÉE DE L’ANONYMAT DU DONNEUR  PRÉVUE PAR LA LOI DE 2021 N’EST PAS APPLICABLE


À ces délais d’attente, il faut ajouter les humil­i­a­tions régulières liées au car­ac­tère jusqu’ici très hétéronor­mé du par­cours de PMA à la française : out­re qu’elle a régulière­ment dû ray­er la men­tion « Mon­sieur » sur les for­mu­laires, Pauline racon­te avec humour la fois où on lui a demandé de « venir pour un prélève­ment de sperme en tant que con­joint ». À l’hôpital Tenon, la gyné­co­logue « m’a prév­enue qu’il y aurait beau­coup d’échographies pelvi­ennes et que ça pou­vait rompre mon hymen, racon­te Coralie. Comme si, en tant que les­bi­ennes, nous n’avions aucune vie sex­uelle ! »

Un système à deux vitesses

Autre prob­lème de taille engen­dré par le manque d’anticipation des pou­voirs publics, la lev­ée de l’anonymat des don­neurs, prévue par la loi d’août 2021, n’est actuelle­ment pas applic­a­ble. En rai­son de la pénurie de sperme, les Cecos ont tou­jours recours aux ban­ques de don­neurs ayant été prélevés sans avoir don­né leur accord pour que leur iden­tité soit com­mu­niquée à la majorité de l’enfant. « Au moment où notre tour est venu, ils n’avaient tou­jours pas de nou­velle banque de sperme, regrette Pauline. Soit on attendait sans savoir com­bi­en de temps cela pou­vait pren­dre, soit on fai­sait avec un don­neur anonyme. »

La loi de 2021 oblige égale­ment les cou­ples de femmes à établir chez un·e notaire une recon­nais­sance de mater­nité con­jointe anticipée. Une règle qui ne con­cerne pas les cou­ples hétéro­sex­uels ayant recours à la PMA. Et, pour Hanane, « une absur­dité à 400 euros min­i­mum, qui ajoute charge men­tale et frais à une démarche cen­sée être gra­tu­ite ». Coralie et Pauline, qui ont dû se tourn­er vers une notaire avant même que le proces­sus de pro­créa­tion ait com­mencé, se sont égale­ment vu deman­der « un papi­er qui jus­ti­fie que le don­neur n’a aucun droit sur l’enfant et que l’on con­sent au don de gamètes. » Or, « plus on fait de papiers, plus on paye », tranche Pauline.

« La parental­ité queer est une aven­ture en soi, faite de décou­vertes et de brico­lages », résume Hanane. Une for­mule pudique qui dit bien les embûch­es pous­sant, aujourd’hui encore, les per­son­nes queers qui en ont les moyens à ten­ter la PMA à l’étranger. Tan­dis que le sys­tème français con­tin­ue de s’engorger.

* À la demande des inter­viewées, seuls leurs prénoms sont men­tion­nés.

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Marie-Agnès Laffougère

Journaliste indépendante, elle travaille pour Têtu, Livres Hebdo et Radio France sur des sujets liés au genre et aux questions LGBT+. Voir tous ses articles

Habiter : brisons les murs

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