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« Les filles progressent mieux en non-mixité »

Dans un ouvrage paru en juin dernier, Véronique Deck­er et Audrey Chenu, respec­tive­ment direc­trice d’école à la retraite et enseignante en Seine-Saint-Denis, pro­posent des pistes con­crètes pour met­tre en place, auprès des élèves, une péd­a­gogie fémin­iste. Com­ment agir effi­cace­ment con­tre les stéréo­types et les vio­lences de genre, sans atten­dre un hypothé­tique plan d’action du gou­verne­ment ? Dans cette newslet­ter de ren­trée, Audrey Chenu témoigne de son expéri­ence de ter­rain.
Publié le 15/09/2023

Modifié le 16/01/2025

Dans les écoles françaises, la mixité de genre demeure obligatoire.
Cre­ative com­mons

Com­man­dez le dernier numéro de La Défer­lante : Habiter, de août 2023. La Défer­lante est une revue trimestrielle indépen­dante con­sacrée aux fémin­ismes et au genre. Tous les trois mois, en librairie et sur abon­nement, elle racon­te les luttes et les débats qui sec­ouent notre société.
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Dans votre livre Entr­er en péd­a­gogie fémin­iste (Lib­er­talia, 2023), vous com­mencez par dire qu’en tant qu’enseignant·e, il ne faut pas « agir naturelle­ment ». Qu’est-ce que cela veut dire ?

Les stéréo­types de genre intéri­or­isés depuis l’enfance par chaque per­son­ne – y com­pris nous, les profs – ont ten­dance, au fil du temps, à créer des réflex­es « naturels » : si on n’accorde pas une atten­tion par­ti­c­ulière à ce que l’on dit et fait, on per­pétue des réflex­es sex­istes auprès de nos élèves, comme cette col­lègue qui dit : « Allez les garçons, on va déplac­er les bancs ! », comme si les filles n’avaient pas de bras…
Donc quand on veut tra­vailler à l’égalité con­crète entre tous les enfants, on se doit de réfléchir à tous ces biais et d’adopter volon­taire­ment un prisme fémin­iste, antiraciste, etc. Ça demande de la curiosité. Par exem­ple, il faut avoir envie de s’intéresser aux nou­velles recherch­es en his­toire pour faire décou­vrir des femmes impor­tantes aux élèves, ou encore trou­ver des albums jeunesse dont les représen­ta­tions ne col­lent pas aux stéréo­types de genre et, par exem­ple, mon­trent des per­son­nages LGBT+. En ce moment, ma pas­sion, c’est d’aller dénich­er dans les sci­ences naturelles des infor­ma­tions qui per­me­t­tent de con­tre­car­rer les argu­ments des réac­tion­naires faisant référence au car­ac­tère « naturel » du mod­èle hétéronor­mé : je par­le à mes élèves des ani­maux dont les mâles por­tent les bébés, vivent ensem­ble ou ont des rela­tions sex­uelles entre eux, par exem­ple. J’ai même suivi une for­ma­tion « Faune et flo­re » pour ça, cette année !

En classe, vous utilisez sou­vent les out­ils de coopéra­tion, et notam­ment les « con­seils d’enfants » chers à la péd­a­gogie Freinet. En quoi s’agit-il de péd­a­gogie fémin­iste ?

L’institution sco­laire et les adultes en général ont très peur de don­ner la parole aux enfants. À mon avis, c’est pour­tant la pre­mière chose à faire, car impos­er nos dis­cours fémin­istes aux élèves ne marche pas. Les laiss­er s’exprimer est aus­si un moyen de lut­ter con­tre la dom­i­na­tion adulte.

Pour faire bouger les choses, il faut laiss­er émerg­er les représen­ta­tions sex­istes, homo­phobes ou racistes des élèves, et tra­vailler à par­tir de ça, à tra­vers la coopéra­tion, pour décon­stru­ire les stéréo­types. Si on ne le fait pas, l’enfant répète juste le dis­cours qu’on lui tient, sans savoir ce que ça veut dire con­crète­ment, ni chang­er ses cer­ti­tudes. Même si les mod­èles que les enfants met­tent en avant sont assez homogènes en ter­mes de représen­ta­tions, il y a tou­jours deux ou trois élèves qui dis­ent des choses dif­férentes – par exem­ple que c’est leur père qui fait le ménage. Au sein des con­seils d’enfants, filles et garçons peu­vent s’exprimer et porter la con­tra­dic­tion au cours de leurs dis­cus­sions, et c’est ça qui per­met de faire avancer l’égalité et l’émancipation.

Vous avez mis en place plusieurs activ­ités en non-mix­ité à l’école : pour quelle rai­son ?

J’ai d’abord pro­posé une activ­ité où je trans­met­tais des tech­niques d’autodéfense aux filles. Ça leur a don­né l’envie de faire de la boxe. Donc j’ai demandé la val­i­da­tion du pro­jet à l’inspection académique, mais elle m’a été refusée en rai­son de la non-mix­ité du groupe. On a alors inscrit des garçons sur la liste, et en fin de compte je n’ai pris que les filles. Cela n’a pas tou­jours été facile à jus­ti­fi­er auprès des col­lègues, et j’ai décidé d’intégrer quelques garçons : ceux qui ne béné­fi­cient pas d’activités sportives à l’extérieur, comme les enfants roms, ceux qui ont des hand­i­caps, ou encore ceux qui sont plutôt inhibés. Ça a don­né une mix­ité intéres­sante.


« L’in­sti­tu­tion sco­laire a très peur de don­ner la parole aux enfants »


Avec ma co-autrice et anci­enne direc­trice Véronique Deck­er, on a aus­si voulu agir sur le foot à la récré, où les filles étaient très minori­taires. On a décidé de leur réserv­er deux des huit créneaux heb­do­madaires. Et là, d’un coup, 40 filles se sont inscrites ! Elles s’éclataient, dis­aient qu’elles ado­raient le foot, et au bout de quelque temps, elles sont dev­enues aus­si fortes que les garçons. En pas­sant par la non-mix­ité, on a en fait ren­for­cé la mix­ité de ce sport et empou­voiré les filles. J’ai essayé de pro­pos­er ça dans ma nou­velle école, mais cer­tains col­lègues hommes sportifs m’ont reproché de vouloir « priv­er les garçons d’un créneau »…
En sci­ences de l’éducation, il a pour­tant été prou­vé depuis longtemps que les filles pro­gressent beau­coup mieux en non-mix­ité. C’est l’inverse pour les garçons, et c’est pour ça, à mon avis, que la mix­ité reste oblig­a­toire.

Fin août, le min­istre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal, annonçait l’interdiction de l’abaya pour les filles à l’école. Que vous inspire cette mesure en tant que péd­a­gogue fémin­iste ?

Il y a quelques jours, j’étais avec Véronique et un jour­nal­iste l’a appelée pour com­menter cette annonce. Elle a refusé en dis­ant : « Je veux bien en par­ler, mais unique­ment si je peux par­ler du manque de postes et de tout ce qui ne va pas ». Le jour­nal­iste a décliné. Comme d’habitude, cette mesure est un mélange d’islamophobie et de con­trôle de la tenue ves­ti­men­taire des filles, bref tout ce qu’on aime. Lais­sez-leur le choix ! Lais­sez-les tran­quilles et lais­sez-les s’habiller comme elles veu­lent ! Je ne vois pas où est le prob­lème. Apparem­ment, le gou­verne­ment avait besoin de détourn­er l’attention en cette ren­trée. Avant c’était les crop-tops, on passe de l’un à l’autre…

⟶  Pour aller plus loin :

Out­re l’ouvrage d’Audrey Chenu et Véronique Deck­er (Entr­er en péd­a­gogie fémin­iste, Lib­er­talia, 2023, 10 euros), cette ren­trée 2023 voit égale­ment s’annoncer, le 22 sep­tem­bre, la paru­tion d’un ouvrage col­lec­tif, coor­don­né par la com­mis­sion antiraciste du syn­di­cat Sud Édu­ca­tion : Entr­er en péd­a­gogie antiraciste (Shed Pub­lish­ing, 25 euros).

Audrey Chenu con­seille aux professeur·es qui veu­lent se for­mer à la péd­a­gogie fémin­iste et antiraciste de se rap­procher du réseau de péd­a­gogie Freinet dont elle fait par­tie, ou de mon­ter des pro­jets avec des asso­ci­a­tions fémin­istes qui peu­vent inter­venir dans les class­es. Elle pro­pose égale­ment de lui écrire directe­ment pour être inscrit·e sur la liste de dif­fu­sion du Réseau de péd­a­gogie fémin­iste qu’elle a elle-même cocréé en 2012.

Mathilde Blézat

Journaliste indépendante basée à Marseille, elle est coautrice du manuel féministe Notre corps nous mêmes (Hors d’atteinte 2020) et cofondatrice de la revue Panthère première. En février 2022, elle a publié Pour l’autodéfense féministe (Editions de la dernière lettre). Voir tous ses articles

Habiter : Brisons les murs

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