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« Le gros enjeu des squats, c’est la propreté »

À 35 ans, Aude a passé neuf années de sa vie dans des squats. Elle racon­te un quo­ti­di­en où l’intimité devient sec­ondaire et où les rôles de chacun·e restent très gen­rés.
Publié le 26/07/2023

Modifié le 14/02/2025

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°11 Habiter, paru en août 2023. Con­sul­ter le som­maire

« Je viens du sud de la France, de la classe moyenne. Mes par­ents étaient fonc­tion­naires. J’étais bonne à l’école. Après une pré­pa, je me suis retrou­vée en école d’ingénieur·es, dans le monde de la bour­geoisie parisi­enne. Je dor­mais dans une sorte de cité uni­ver­si­taire. Au bout d’un an, j’ai fait une grosse dépres­sion.

Un jour, un pote m’a don­né ren­dez-vous dans un ate­lier de vélo auto­géré. C’était dans un squat, avec une super ambiance, un peu foutraque. J’avais 24 ans, j’essayais de me recon­stru­ire, je cher­chais un local pour une can­tine collective.J’avais plutôt dans l’idée de me met­tre en coloc’ avec deux amies, mais finale­ment ça a capoté et j’ai com­mencé à vivre dans ce squat. J’étais d’abord hébergée, puis habi­tante (1). Il y avait une douzaine de per­son­nes, c’était comme une famille choisie, on fai­sait des trucs en bande. Pen­dant plusieurs semaines, j’ai d’abord dor­mi dans une cab­ine de douche avec mes affaires sus­pendues au-dessus de moi dans des sacs plas­tiques, puis j’ai bougé de cham­bre en cham­bre. C’était un endroit incroy­able, avec une ver­rière, un jardin super. On met­tait des cloi­sons, des mez­za­nines, c’était fait de bric et de broc.

Au début je n’étais qu’émerveillement pour ce mode de vie. Aux yeux des gens étrangers au milieu du squat, je deve­nais la meuf bizarre, “l’anarchiste de service”.J’avais beau­coup d’œillères. Un des gros enjeux des squats, c’est le rap­port au ménage et à la pro­preté. En vérité, on y repro­duit à mort ce qui se joue à l’extérieur. Tenir les espaces pro­pres, faire les lessives, trans­met­tre les infos, faire les vis­ites du squat, la ges­tion des stocks de nour­ri­t­ure, c’est sou­vent les meufs. L’ouverture du squat, les “ouvreurs (2)”, c’est plutôt les mecs. La répar­ti­tion est car­ré­ment arché­typ­ale : les travaux mas­sifs pour les mecs (gros œuvre, cloi­sons, élec­tric­ité, répa­ra­tions en tous gen­res…), mais aus­si tout ce qui a trait à la police, à la tech­nique et à ce qui sem­ble risqué. Les balu­chons, la bouffe, les choses pra­tiques, c’est pour les femmes. Tout le monde est indis­pens­able, mais ce sont surtout les hommes qui vont y trou­ver une val­ori­sa­tion sociale.

Quant aux assem­blées générales, ce sont tou­jours les mêmes qui s’y font enten­dre, ceux qui ont des grandes gueules. C’est un milieu qui se veut cool, ça vient par­fois légitimer la drague ou le har­cèle­ment. J’ai con­nu des femmes traquées par leurs cohab­i­tants. Et ça aus­si, la ques­tion des médi­a­tions, des con­flits inter­per­son­nels, c’est géré par des meufs… Dans mes pre­miers squats, on ne réfléchis­sait pas vrai­ment aux dom­i­na­tions sys­témiques. Moi je me dis­ais juste : “C’est moins pire qu’ailleurs, ça va.” Je me con­tentais de tout ça. J’avais pas envie d’incarner la râleuse.


« Dans un squat, on repro­duit ce qui se joue à l’ex­térieur. Tenir les espaces pro­pres, faire les lessives, trans­met­tre les infos, faire les vis­ites du squat, la ges­tion des stocks de nour­ri­t­ure, c’est sou­vent les meufs. »


Ensuite j’ai vécu dans un squat d’une cinquan­taine de per­son­nes. Là, les meufs étaient plus poli­tisées, il y avait plus de cli­vages. Les mecs étaient agacés par l’idée de non-mix­ité. Pour les réu­nions, OK, mais pour les événe­ments, pas ques­tion ! J’ai fini par en par­tir. Cela dit, un lieu de vie non mixte, c’était pas vrai­ment un besoin pour moi. J’avais plutôt envie de créer des espaces non mixtes au sein de squats mixtes. J’avais de l’énergie pour ça, pour per­me­t­tre à des per­son­nes très dif­férentes de cohab­iter. C’est un milieu où il faut appren­dre à lâch­er sur des choses, notam­ment l’hygiène, l’intimité. Je trou­vais un sens poli­tique à tout ça. C’est val­orisant de met­tre des espaces à dis­po­si­tion des luttes. Je me dis­ais que j’avais déjà suff­isam­ment de priv­ilèges, que je pou­vais bien m’asseoir sur un peu de con­fort.

Mon expéri­ence la plus mar­quante c’était en 2015, pen­dant la COP 21, on avait ouvert un bâti­ment pour accueil­lir les activistes, on en hébergeait une cen­taine. Ma prise de con­science s’est accélérée à ce moment-là, j’ai vrai­ment perçu la répres­sion dont les mil­i­tantes et les mil­i­tants étaient vic­times, et leurs capac­ités d’auto­organisation. Le dernier squat où j’ai vécu fai­sait, lui, plusieurs mil­liers de mètres car­rés. Là, il y avait des familles, des sans-papiers, des événe­ments non mixtes et/ou queer. Le plan­ning de ménage était mieux respec­té, beau­coup de for­mal­isme dans “qui fait quoi”. Donc des con­di­tions d’accueil plus sécurisantes. Depuis deux ans, je ne suis plus dans ce milieu. Je vis désor­mais dans une ferme col­lec­tive à la cam­pagne. Le squat, c’est la vie dans l’urgence, l’imprévisible. Et puis, tu revis les mêmes choses plusieurs fois, de façon assez rap­prochée. Je n’avais pas envie d’être la vieille conne qui rabâche son expéri­ence, que “c’était mieux avant”. Dans le fond, je suis par­tie à un moment où je me sen­tais enfin légitime.»

Le prénom a été mod­i­fié.

Pro­pos recueil­lis par Elsa Gam­bin, jour­nal­iste indépen­dante, le 10 mars 2023, par télé­phone.


(1) Le milieu du squat dis­tingue les per­son­nes «hébergées » dans le squat –il n’est pas prévu qu’elles y restent– de celles qui y «habitent».

(2) Il s’agit, lit­térale­ment, d’ouvrir le lieu, puis de le réap­pro­vi­sion­ner en eau et/ou en élec­tric­ité.

Les mots importants

Charge mentale

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Elsa Gambin

Journaliste indépendante nantaise, elle travaille notamment sur les féminismes, l'adolescence, les mouvements sociaux. Ancienne travailleuse sociale, elle est spécialisée en protection de l'enfance. Elle collabore notamment avec Télérama, Mediacités, Topo et Le Monde des Ados. (crédit photo Marine Fromont.) Voir tous ses articles

Habiter : brisons les murs !

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