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Pomme et Nadège Beausson-Diagne : « On n’est pas là pour boire du champagne »

L’une est chanteuse, l’autre actrice et autrice. Claire Pom­met, dite Pomme, 25 ans, oscille entre chan­sons douces et gross­es colères fémin­istes. Nadège Beaus­son-Diagne, 49 ans, bien­tôt à l’affiche du film Chère Léa, et pop­u­lar­isée entre autres par ses rôles dans Bien­v­enue chez les Ch’tis et la série Plus belle la vie, est de toutes les batailles con­tre le racisme et le sex­isme. Leur engage­ment a un coût, mais il reste, pour l’une comme pour l’autre, indis­so­cia­ble de leur art.
Publié le 30/06/2023

Modifié le 16/01/2025

Pomme et Nadège Beausson-Diagne à la Cité Fertile le 19 mai 2021 à Pantin
Flo­rence Bro­choire

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue papi­er La Défer­lante n°8 Jouer, de mai 2023. La Défer­lante est une revue trimestrielle indépen­dante con­sacrée aux fémin­ismes et au genre. Tous les trois mois, en librairie et sur abon­nement, elle racon­te les luttes et les débats qui sec­ouent notre société.
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Le mou­ve­ment #MeToo a sur­gi à l’automne 2017. Cha­cune, vous avez décliné cette vague: Nadège, en 2019, avec le lance­ment de la cam­pagne #MêmePasPeur pour dénon­cer les agres­sions sex­uelles dans le ciné­ma africain; Claire, avec la pub­li­ca­tion d’une let­tre ouverte en 2021. Quel chemin avez-vous par­cou­ru depuis 2017?

Claire Pom­met Avec Nadège, on a des expéri­ences de #MeToo très dif­férentes, notam­ment parce qu’on n’évolue pas dans les mêmes milieux artis­tiques. Et puis, si en 2017 le mou­ve­ment part des États-Unis, il n’a pas encore vrai­ment existé en France.

Nadège Beaus­son-Diagne Tu as rai­son, avant Adèle Haenel, ça n’existait pas en France. Enfin… Des actri­ces français­es ont par­lé dès 2017, je tiens à leur ren­dre hom­mage – à Sand Van Roy¹ notam­ment –, mais per­son­ne ne les a écoutées à ce moment-là. Et bien avant #MeToo, en France, des actri­ces ont porté plainte con­tre le réal­isa­teur Jean-Claude Bris­seau² . Le sys­tème les a broyées.

Claire Pom­met Dans le milieu du ciné­ma français, per­son­ne n’était en mesure d’entendre quoi que ce soit. Si #MeToo sig­ni­fie qu’on déloge des gens au pou­voir qui sont des agresseurs, alors il n’y a rien eu de tel en France. Aujourd’hui, c’est seule­ment le début,on tâtonne. Je ne sais pas toi, Nadège, quelle est ton expéri­ence, mais dans mon cas, dans l’industrie de la musique, ça com­mence en 2020 avec #Music­TooFrance³ lancé sur Insta­gram. Ce compte fait un taf mon­u­men­tal. Il a per­mis de pub­li­er une quin­zaine d’articles sur des agresseurs et des vio­leurs.

Nadège Beaus­son-Diagne Pour ma part, il y a eu plusieurs vagues suc­ces­sives. En 2018, nous avons coécrit, avec plusieurs actri­ces noires et métiss­es, un livre inti­t­ulé Noire n’est pas mon méti­er (Seuil, 2018), à l’initiative de l’actrice et réal­isatrice Aïs­sa Maï­ga. Pour par­ler de la réal­ité de notre méti­er juste­ment, du racisme et du sex­isme qu’on pou­vait y trou­ver. Quand ce pro­jet est né, #MeToo était déjà là, ce mou­ve­ment a poussé Aïs­sa Maï­ga à nous faire par­ler, ensem­ble. Cette péri­ode n’était pas du tout anodine pour moi… Lorsque vous avez été vic­time d’agressions sex­uelles et que vous enten­dez le réc­it d’une autre vic­time, vous revivez l’horreur subie. Ça dépend bien sûr de là où vous en êtes de votre tra­vail sur vous-même. Ces moments douloureux, je les appelle «mes vagues». #MeToo a donc été vio­lent pour moi, mais l’écriture de ce livre a per­mis de faire ger­mer quelque chose: l’assurance que je pou­vais faire mon réc­it, que je pou­vais m’en empar­er, ce que je n’avais jamais fait. Même dans ma sphère intime, à de rares excep­tions près, je n’avais pas par­lé des agres­sions sex­uelles et des vio­ls dont j’avais été vic­time.

En 2019, Nadège, vous par­lez publique­ment pour la pre­mière fois des agres­sions sex­uelles dont vous avez été vic­time.

Nadège Beaus­son-Diagne J’étais invitée à par­ler de la place des femmes dans le ciné­ma africain au Fes­pa­co, le Fes­ti­val panafricain du ciné­ma et de la télévi­sion de Oua­gadougou, au Burk­i­na Faso. Je me revois en train de pré­par­er ce texte chez moi et d’être prise par l’une de ces vagues juste­ment. Je me suis dit qu’il était temps de pren­dre la parole, de m’emparer de ces ques­tions. J’ai réal­isé que j’avais suff­isam­ment tra­vail­lé sur moi pour faire quelque chose de mon his­toire, pour que mes mots devi­en­nent une arme de révo­lu­tion. Pour faire de mon réc­it de l’intime un réc­it poli­tique. J’ai pu le faire parce que j’étais tou­jours vivante! Il faut le dire, car des vic­times de vio­ls sont mortes. J’ai donc tra­vail­lé et livré mon réc­it. La table ronde devait dur­er une heure, elle en a duré cinq… J’ai par­lé, Aza­ta Soro⁴ a par­lé, c’était impres­sion­nant. Mon agresseur était au Fes­pa­co, je ne l’ai pas nom­mé. Mais j’ai don­né tous les indices. Je n’en avais jamais par­lé publique­ment avant.

Claire Pom­met Tu as par­lé au moment où tu as sen­ti que tu étais vrai­ment écoutée…

Nadège Beaus­son-Diagne Oui… On évo­quait la dif­fi­culté à par­ler en France, mais c’est vrai­ment com­pliqué d’aborder ces ques­tions sur le con­ti­nent africain. J’ai reçu telle­ment de men­aces. Encore aujourd’hui, des gens m’insultent, m’accusent de faire ma pub. Tant pis. J’ai aus­si reçu de nom­breux témoignages de sou­tien. J’ai par­lé pour les petites filles. Pour celles de 14 ans qui me deman­dent si c’est nor­mal que tel ou tel réal­isa­teur met­tent les mains sur leurs seins. Tant pis si ma parole est insup­port­able. J’y ai beau­coup réfléchi. Cette parole est insup­port­able parce qu’elle oblige chacun·e à regarder ce qu’il en est de sa respon­s­abil­ité dans ce sys­tème de dom­i­na­tion de nos corps. Quels que soient le con­ti­nent et le milieu pro­fes­sion­nel.

Claire, com­ment vous êtes-vous décidée à par­ler, à écrire la let­tre ouverte pub­liée en févri­er dernier sur Medi­a­part?

Claire Pom­met J’avais déjà par­lé des vio­lences sex­uelles et sex­istes dans l’industrie de la musique en 2018 dans Cheek Mag­a­zine. Mais comme per­son­ne n’écoutait ma musique à ce moment-là, ça n’avait pas eu d’impact. Il y a eu un coup d’accélérateur quand #Music­TooFrance est arrivé en 2020. Dès le début j’ai relayé, j’ai partagé, parce que ce qu’elles et ils font est bril­lant. À un moment, j’ai voulu pren­dre ma part de respon­s­abil­ité. D’autant que j’ai une com­mu­nauté de cen­taines de mil­liers de per­son­nes sur Insta­gram… Je ne me l’explique pas, c’est comme ça! Je sen­tais que la plu­part sauraient recevoir ce texte de la bonne manière. Le con­tenu de ma «let­tre» était clair, je crois : il ne s’agissait pas de dire «Je me suis fait agress­er et je me suis fait harcel­er », mais plutôt d’expliquer que ce qui m’est arrivé arrive à plein de gens parce que c’est un sys­tème, juste­ment. Le but est de par­ler de ce sys­tème, de cette espèce de truc qui est presque fatal pour les jeunes femmes dans la cul­ture et dans la société en général! J’ai donc ren­du pub­lic ce texte et je n’ai jamais regardé les com­men­taires. Je ne le fai­sais pas pour savoir ce que les gens en pen­saient. Je le fai­sais pour moi et pour toutes les femmes, toutes les autres per­son­nes qui se sont fait agress­er, qui n’ont pas eu cette tri­bune-là. Mes mots ont été pub­liés sur Medi­a­part (le 11 févri­er 2021). Un média crédi­ble, prob­a­ble­ment détesté par plein de gens de droite. Je m’en fichais. Je me dis­ais juste que si cinq meufs le lisaient et se dis­aient «Ah, putain! Mais moi aus­si ça m’est arrivé ce truc-là!» sans l’avoir for­mulé comme étant une agres­sion, alors c’était utile. Dire les choses, con­sci­en­tis­er les choses, c’est déjà beau­coup. C’est la pre­mière étape vers la pos­si­bil­ité de se recon­stru­ire, de pren­dre con­science de sa valeur.

Com­ment vos proches ont reçu votre témoignage?

Claire Pom­met Mes ami·es proches m’ont beau­coup soutenue avant la pub­li­ca­tion, parce que je ne me sen­tais pas for­cé­ment légitime pour pren­dre la parole. Je par­lais essen­tielle­ment de har­cèle­ment moral et sex­uel, pas de viol. Je me dis­ais que ça ne valait donc pas grand-chose aux yeux de la loi… Je hiérar­chi­sais la vio­lence. Elles et ils m’ont fait com­pren­dre que j’étais com­plète­ment légitime au con­traire, qu’il fal­lait pré­cisé­ment le faire pour les autres. Quand on par­le de har­cèle­ment et d’attouchements, on par­le aus­si de viol, on par­le d’un sys­tème de vio­lences trau­ma­ti­santes. Une fois que je l’ai écrit, je l’ai fait relire à Nadège et à un ami trans. Je voulais que ma let­tre puisse être lue par n’importe qui: un Bernard de 55 ans comme un jeune activiste trans ou non binaire, qui puisse se dire «OK, je me sens concerné·e». Parce que des textes inac­ces­si­bles sur la vio­lence sys­témique, il y a en a plein. Il y a des livres que je com­mence et j’arrête parce que je ne les com­prends pas. Si moi je n’y arrive pas, alors que j’ai eu accès à une cer­taine édu­ca­tion et que je viens d’une famille aisée, qui va com­pren­dre ce sys­tème? Et à part ce genre de prise de parole, de tri­bune médi­a­tique, des actions que certain·es con­sid­èrent un peu extrêmes, je ne sais pas trop quoi faire… Des man­i­fes­ta­tions ? Le gou­verne­ment s’en fout un peu. Aujourd’hui, je reçois encore des mes­sages de femmes qui m’écrivent à la suite de cette let­tre parce qu’elles se sen­tent en con­fi­ance. Je ne sais pas tou­jours com­ment réa­gir, je ne suis pas for­cé­ment armée. Je les ren­voie par­fois vers @MusicTooFrance, par­fois vers des asso­ci­a­tions comme Nous toutes. Com­ment fais-tu, Nadège?

Nadège Beaus­son-Diagne D’abord, ce que tu dis de notre respon­s­abil­ité d’artiste est essen­tiel. Notre rôle ne se réduit pas à met­tre des belles robes et à boire du cham­pagne à Cannes. Nos paroles réson­nent et, à chaque fois que l’une de nous par­le, elle per­met à une vic­time de se libér­er. Je me sou­viens par exem­ple de l’impact de la pièce de théâtre Les Cha­touilles d’Andréa Bescond … C’est l’une des choses qui m’a per­mis, pas à pas, de faire face aux vio­lences pédocrim­inelles dont j’ai été vic­time. Après, com­ment recevoir les paroles des autres ? Ça m’a pris du temps, je me suis for­mée avec ma cama­rade Adèle Haenel, on a eu un échange for­mi­da­ble sur la récep­tion de la parole avec l’association En avant toutes. Je tra­vaille avec la Fon­da­tion des femmes. Il y a aus­si le Col­lec­tif fémin­iste con­tre le viol… J’oriente tou­jours celles qui ont besoin d’aide vers ces asso­ci­a­tions et je con­seille à tout le monde de faire un tra­vail sur soi, parce qu’on ne peut pas s’en sor­tir seul·e quand on a été vic­time d’agression sex­uelle. Mais je n’ai pas ton âge, Pomme. À ton âge, je n’aurais pas pu faire ce que tu as fait. Pas encore.

Où en étiez-vous à 24 ans, Nadège?

Nadège Beaus­son-Diagne J’ai com­mencé à tra­vailler à 21 ans. Je suis une femme, noire. Je pen­sais, avec mon prix du Con­ser­va­toire, que j’allais tra­vailler, que l’art était uni­versel! J’ai réal­isé dans la douleur que j’étais noire avant d’être moi et que ça posait un prob­lème de légitim­ité à cette indus­trie. Moi je pen­sais que tous les corps, toutes les iden­tités, pou­vaient incar­n­er tous les réc­its.

Vous avez racon­té, notam­ment, ce cast­ing d’Astérix et Obélix: Mis­sion Cléopâtre (film d’Alain Cha­bat, sor­ti en 2002).

Nadège Beaus­son-Diagne Oui, je pour­rais en racon­ter mille, des exem­ples ! J’arrive, je pen­sais que je venais pour Cléopâtre… Le respon­s­able du cast­ing me regarde inter­loqué et me dit: «Ah non, mais pas du tout!»

Claire Pom­met Mais Cléopâtre était noire en plus, non?

Nadège Beaus­son-Diagne Oui! Il me dit: «Vous êtes avec une feuille de bananier et vous éven­tez Cléopâtre qui est jouée par Mon­i­ca Bel­luc­ci!» Bref, à 24 ans, voilà ce que j’étais en train de faire. J’essayais de dire : « Regardez ! J’ai fait le Con­ser­va­toire, j’existe !» D’abord, il y a eu le racisme. Et s’est ajouté le sex­isme. Tout ça est épuisant. Tu es face à un racisme incon­scient, face à des gens qui te dis­ent des choses sans réfléchir. J’appelle ça la « charge raciale », c’est une forme de charge men­tale. Il faut réa­gir sans s’effondrer, expli­quer, sans être affec­tée. Il faudrait songer à deman­der à être payées ! On réécrit sou­vent les textes pour qu’ils soient moins racistes, on éduque…


«Dire les choses, con­sci­en­tis­er les choses, c’est déjà beau­coup. C’est la pre­mière étape vers la pos­si­bil­ité de se recon­stru­ire.»

Claire Pom­met


Vous avez racon­té com­ment vous réécriv­iez les scé­nar­ios de Plus belle la vie, le feuil­leton de France 3 dans lequel vous avez inter­prété pen­dant qua­tre saisons une com­mis­saire de police…

Nadège Beaus­son-Diagne Ce n’est pas spé­ci­fique à Plus belle la vie. Comme actrice, mon rôle ne se résume pas à inter­préter. Les textes ne sont pas tou­jours bien écrits. J’essaie d’intervenir quand je vois des choses qui ne vont pas. Pour Plus belle la vie, j’ai notam­ment réécrit des pas­sages qui con­te­naient des choses racistes ou très lim­ites. On en dis­cu­tait avec l’équipe, je les aler­tais. La ques­tion, au fond, est «Qui écrit pour qui ? » Le tra­vail de décon­struc­tion est-il fait ? Com­ment nos corps de femmes noires sont perçus, à tra­vers quel prisme ? Ça ne devrait pas être un sujet d’être noire, je n’ai pas de prob­lèmes de Noire. Je suis bien avec moi-même, c’est dans le regard de l’autre que je deviens, par moments, dif­férente. L’industrie du ciné­ma nous met dans un sous-ensem­ble, une Noire peut rem­plac­er une Noire. Le ciné­ma pro­duit incon­sciem­ment des images racistes, et invis­i­bilise en même temps toute une par­tie de nos concitoyen·nes.

Ça a un prix, d’être dans cette pos­ture? De ne pas lâch­er?

Nadège Beaus­son-Diagne Dans le milieu du ciné­ma, à par­tir du moment où tu as par­lé des vio­lences dont tu as été vic­time, tu tra­vailles moins. C’est un fait. Ta parole est insup­port­able puisque les gens qui te recru­tent sont poten­tielle­ment des agresseurs ou con­nais­sent des agresseurs. Ils se dis­ent: « Elle va nous faire chi­er sur le plateau»… Je me sou­viens que le philosophe Paul B. Pre­ci­a­do s’en était inquiété gen­ti­ment. Il nous avait dit, à Adèle Haenel et moi: «Vous avez un peu d’argent de côté ? Parce que ça va être com­pliqué pour vous…» Mais d’un autre côté, j’ai eu aus­si des occa­sions incroy­ables. Comme si je pre­nais enfin ma place ! J’ai fait la paix avec la petite fille en moi que je n’avais pas pu pro­téger. Ça n’a pas de prix.

Claire Pom­met De mon côté, avant de par­ler, j’avais prévenu mon label, Uni­ver­sal. Il n’y a eu aucune résis­tance. Dis­ons qu’aujourd’hui j’ai trou­vé ma place, mon équipe. Mais je sais que, si demain, la France entière se met­tait à me détester ou si Uni­ver­sal me dis­ait «On rompt ton con­trat parce qu’on ne veut plus avoir affaire à des mil­i­tantes comme toi», je ne me retrou­verais pas à la rue. Je pars avec des priv­ilèges de base dans la vie. Je tra­vaille énor­mé­ment et je suis indépen­dante depuis que j’ai 18 ans, mais je peux aus­si me per­me­t­tre de par­ler du fait de ma posi­tion… Quand Camélia Jor­dana et moi, on tient le même dis­cours dans les médias, il n’est pas du tout reçu de la même manière.

Nadège Beaus­son-Diagne C’est la dou­ble peine des femmes racisées. Je fais un par­al­lèle entre Aïs­sa Maï­ga qui par­le à la céré­monie des Césars de la non-représen­ta­tion des per­son­nes non blanch­es au ciné­ma, et Camélia Jor­dana quand elle dénonce les vio­lences poli­cières⁵. Si tu es une femme, non blanche, alors on t’a fait un cadeau d’être là. Tu ne vas pas non plus com­mencer à cri­ti­quer la France. Aux Césars, pen­dant qu’Aïssa Maï­ga s’exprimait, la caméra fai­sait des gros plans sur les Noirs dans la salle pour qu’on s’indigne : « Qu’est-ce qu’elle va nous faire chi­er celle-là ! En plus, l’année des Mis­érables!»… Pour­tant ce qu’elle dit est doc­u­men­té, on a les chiffres du CNC à l’appui. Mais c’est inaudi­ble. Femme, non blanche, tu ne dois pas par­ler.

Claire Pom­met Camélia Jor­dana en prend plein la gueule. Moi, au même endroit, avec ma tête, tu pens­es que je vais recevoir les mêmes insultes qu’elle ? Qu’on va me dire de ren­tr­er chez moi ? Où est-ce, chez elle ? Com­ment ça s’appelle, « Ren­tre chez toi», si ce n’est pas du racisme?

Nadège Beaus­son-Diagne Le com­bat con­tre le racisme est vrai­ment com­pliqué, il y a tou­jours un moment où on te fait com­pren­dre que tu fais chi­er… Mais moi je ne veux pas lâch­er. Il faut que les jeunes gran­dis­sent en ayant des clés de résilience et de décon­struc­tion. Sans ça, on ne se rend pas compte, c’est comme grandir avec une tumeur qui te ronge… Des mots qui te rabais­sent, que tu entends depuis que tu es petit·e et même avant; on se les trans­met de généra­tion en généra­tion. Tu peux grandir en te détes­tant. Ma mère métisse me racon­tait que dans la cour de récréa­tion, dans les années 1960, on l’encerclait en la trai­tant de négresse. Moi dans les années 1980, j’ai eu le droit à «sale Noire ». C’est une réal­ité.


« Je pen­sais, que l’art était uni­versel! J’ai réal­isé dans la douleur que j’é­tais noire avant d’être moi. Moi je pen­sais que tous les corps, toutes les iden­tités, pou­vaient incar­n­er tous les réc­its. »

Nadège Beaus­son-Diagne


Par­lons de vos enfances juste­ment. Nadège, vous par­lez de votre mère comme d’une femme très mod­erne, qui a eu trois enfants avec trois hommes dif­férents. Vous ne con­nais­sez pas votre père. Vos par­ents se sont ren­con­trés à une manif de sou­tien à Angela Davis…

Claire Pom­met La classe!

Nadège Beaus­son-Diagne On est d’accord, c’est classe! Ma grand-mère était déjà une mil­i­tante com­mu­niste, elle vendait L’Humanité dimanche. Elle était engagée con­tre le racisme, le sex­isme, pour les droits humains, le fémin­isme et elle a inculqué ces valeurs à ma mère. De mon côté, je crois que ça com­mence avec les cheveux: ma mère ne s’est jamais défrisé les cheveux. Imag­inez, vous nais­sez avec les cheveux cré­pus ou frisés, et la société dans laque­lle vous vivez vous demande de chang­er la nature de ce que vous êtes. En tant qu’artiste, on m’a sou­vent demandé de chang­er mes cheveux. De les liss­er. Au fond, vous devez être le moins noir·e pos­si­ble. Ma mère dis­ait non. Elle dis­ait aus­si: «Je veux bien élever un enfant, mais je ne veux pas élever un homme.» Elle voulait des enfants sans la vie de cou­ple. Elle en a eu trois. Après, on fait comme on peut avec son his­toire famil­iale. Et on a trois his­toires dif­férentes avec mes frères. Ma mère a 71 ans aujourd’hui, et l’engagement reste encore très fort chez elle. Elle est à Osez le fémin­isme, elle lutte pour les droits LGBTQIA+. Quand j’ai par­lé publique­ment de vio­lences sex­uelles, elle et ses amies ont com­mencé aus­si à se ques­tion­ner entre elles, à racon­ter. On ne se rend pas compte de ce que toutes ces femmes ont tu.

Claire Pom­met C’est bien pour ça qu’on par­le du con­sen­te­ment et qu’on l’apprend. Ce mot a tou­jours existé, mais on ne l’utilisait pas. Je n’ai pas le sou­venir qu’on m’ait par­lé du con­sen­te­ment dans mon enfance.

Dans quel milieu avez-vous gran­di, Claire?

Claire Pom­met Avec une mère chré­ti­enne gau­cho très pra­ti­quante. Elle a voy­agé en Inde, elle a un petit boud­dha à qui elle dépose des offran­des. Elle est pas­sion­née par la reli­gion et elle a fait une licence de théolo­gie en chris­tian­isme. Mes par­ents se sont ren­con­trés à l’aumônerie, entre chré­tiens. Ils sont cool. Ce sont des chré­tiens ouverts, pas du tout des chré­tiens extrêmes qui man­i­fes­tent con­tre la PMA et le mariage gay, par exem­ple. Dans votre chan­son On brûlera, vous dites tout de même « Je m’excuse auprès des dieux, de ma mère et ses louanges, je sais toutes les prières, tous les vœux, pour que ça change»…

Claire Pom­met Mes par­ents sont ouverts ; la société française, elle, est autant homo­phobe que raciste. Alors, quand tu es chré­tien comme l’est ma mère, ce n’est pas évi­dent de décon­stru­ire dans ta tête toute l’histoire de la reli­gion fab­riquée sur la base de l’hétérosexualité. Quand je lui ai dit que j’étais tombée amoureuse d’une fille, j’avais 19 ans, elle a eu une pre­mière réac­tion un peu homo­phobe mal­gré elle. Déjà, à 16 ans, je lui avais dit que je n’aimais pas trop sor­tir avec des garçons, que je ne savais pas pourquoi… Je lui avais aus­si dit que lorsque je regar­dais les filles et les garçons dans la rue, je ressen­tais la même chose. Elle n’avait pas dit grand-chose, mais elle m’avait ensuite envoyé un arti­cle qui par­lait de «l’homosexualité pas­sagère de l’adolescente ». Ce sont des petites graines mal semées… Je pen­sais qu’elle me guiderait cor­recte­ment sur ce sujet-là, d’autant que ma mère était mon idole à cette péri­ode. C’était une mil­i­tante éco­lo, qui ne por­tait jamais de soutif, ne s’épilait pas, hyper libre, hyper amoureuse de mon père depuis trente ans… Mais quand je lui ai dit un peu plus tard que j’étais tombée amoureuse d’une fille, elle ne l’a pas bien vécu et m’a dit que je cher­chais autre chose que de l’amour. Ça a été très dur. Si dur qu’elle s’est excusée trois mois plus tard. Elle a fait un chem­ine­ment de malade sur le sujet, en très peu de temps. C’est le plus impor­tant dans cette his­toire. Main­tenant, c’est une femme qui ne sup­porte pas d’entendre des par­ents chouin­er parce que leurs enfants sont gay ! Quant à mon père, il s’en foutait à la base. Sa sœur est les­bi­enne depuis tou­jours. L’importance des exem­ples, de la représen­ta­tion… Quand je lui ai écrit pour lui dire, pen­sant qu’il allait trop mal réa­gir, il m’a lit­térale­ment répon­du: «Très bien, mais je m’en fous!»


«Ma parole est insup­port­able parce qu’elle oblige chacun·e à regarder ce qu’il en est de sa respon­s­abil­ité dans ce sys­tème de dom­i­na­tion de nos corps.»
Nadège Beaus­son-Diagne


Peut-on par­ler de vos fémin­ismes? Nadège, vous vous revendiquez comme inter­sec­tion­nelle, vous vous posi­tion­nez sur plusieurs com­bats à la fois, par exem­ple con­tre les vio­lences poli­cières.

Nadège Beaus­son-Diagne Je peux déjà vous par­ler de la vio­lence subie par mes frères. À l’adolescence, ils se sont fait con­trôler tous les jours. Tu gran­dis avec de la vio­lence, for­cé­ment. Qu’est-ce qu’on en fait ? Je ne dis pas que tous les policiers sont racistes, je dis que le sys­tème actuel donne la lib­erté d’être raciste et banalise un vocab­u­laire d’une vio­lence insup­port­able. Moi je suis tra­ver­sée par tous ces enjeux, ces obsta­cles, donc évidem­ment je suis inter­sec­tion­nelle. Il y a tant à faire! C’est pour cette rai­son que je ne sup­porte pas les débats du moment sur des ques­tions de vocab­u­laire, des thé­ma­tiques que certain·es pensent «importées des États-Unis». Mais pourquoi cette perte de temps ? Pourquoi on ne com­bat pas toutes ces iné­gal­ités ensem­ble ? On n’a pas de temps à per­dre.

Claire Pom­met Moi, je n’ai pas eu la chance d’avoir une édu­ca­tion vrai­ment fémin­iste comme toi. Même si ma mère, en étant libérée des dik­tats de la féminité, m’a don­né un bagage assez cool. Par exem­ple: «Si tu veux t’épiler, tu peux. Mais moi, je ne le fais pas.» Elle ne le con­sci­en­ti­sait pas for­cé­ment, n’utilisait pas le mot «fémin­isme», mais elle m’a don­né quelques clés de base pour dis­pos­er libre­ment de mon corps. Ensuite, j’ai
eu la chance, très jeune, de beau­coup voy­ager au Québec. Là-bas, ils ont claire­ment une dizaine d’années d’avance. Quand j’arrive à Mon­tréal, j’ai 18 ans, je ren­con­tre plein de gens, je tombe amoureuse d’une meuf. Sans ce détour, je serais peut-être sor­tie avec des mecs pen­dant dix ans avant d’avoir un déclic. Sans le Québec, je n’aurais pas décou­vert ce qu’était la tran­si­d­en­tité ni ren­con­tré des per­son­nes trans… Là-bas, c’est nor­mal d’être bi, les­bi­enne, dans un cou­ple ouvert, etc. Cet endroit donne espoir! J’aime vrai­ment être entre les deux pays et me servir de ce que j’apprends là-bas pour le trans­pos­er ici. La recon­nais­sance, la con­fi­ance en moi qu’on me donne au Québec me ser­vent d’armes ici. Parce que dans le milieu dans lequel j’évoluais ado­les­cente, on était à des années lumière de tout ça. J’ai été dans le moule de l’hétérosexualité jusque très tard, j’ai com­mencé à me décon­stru­ire sur plein de sujets très récem­ment. La pre­mière sec­ousse est arrivée quand j’ai réal­isé que j’étais une femme les­bi­enne et que j’allais m’en pren­dre plein la gueule. Puis je me suis intéressée à l’écologie, à l’écoféminisme. Plus récem­ment, avec le soulève­ment antiraciste après la mort de George Floyd ⁶, je me suis éduquée sur les vio­lences poli­cières. J’étais dans ma bulle de Blanche, c’est venu tard. J’ai réal­isé qu’il y avait des gens qui clam­saient encore aujourd’hui en France dans les mains de la police.
Vous avez pub­lié un post sur Insta­gram dans lequel vous dites : «Ce mou­ve­ment immense qui s’appelle le fémin­isme et qui me main­tient en vie.» C’est très fort !

Claire Pom­met C’est une let­tre que j’ai écrite pour les petites filles à l’occasion du 8‑Mars. Oui… cette lutte per­ma­nente me main­tient en vie. L’idée qu’il y ait des résul­tats à un moment don­né, dans cinq ans ou dans trois cents ans. C’est plus impor­tant que de ven­dre des albums. Je l’ai tou­jours dit et c’est pareil pour l’écologie. Pour moi, c’est une espèce de pack­age géant. Il y a des hommes au pou­voir qui font n’importe quoi, qui instal­lent un sys­tème pol­lu­ant, raciste et homo­phobe, qui est oppres­sant pour tout le monde. Ne pas s’attaquer à ce sys­tème, ça n’a pas de sens. Et puis j’ai de l’espoir tout de même.

Nadège Beaus­son-Diagne Il y a quelque chose d’exaltant dans les ren­con­tres qu’on fait. Il se passe des choses puis­santes entre artistes notam­ment, je pense à Céline Sci­amma, Adèle Haenel, Nadège Loiseau, Camélia Jor­dana et ma sœur et amie de tou­jours Aïs­sa Maï­ga. Et on n’est pas tout le temps d’accord, on échange, on apprend. Ça m’a fait du bien d’avoir de nou­velles ami­tiés les­bi­ennes… Quel gain de temps sur le tra­vail de décon­struc­tion de l’oppression patri­ar­cale de nos corps ! Il y a de l’amour, de la douceur entre nous. C’est reposant… Et puis le mélange de nous toutes, la diver­sité: c’est la seule solu­tion.


«Il y a des hommes au pou­voir qui font n’importe quoi, qui instal­lent un sys­tème pol­lu­ant, raciste et homo­phobe, qui est oppres­sant pour tout le monde. Ne pas s’attaquer à ce sys­tème, ça n’a pas de sens.»

Claire Pom­met


Une grande sen­si­bil­ité émane de vous deux. Com­ment choi­sis­sez-vous vos mots? Claire, com­ment écrivez-vous vos chan­sons?

Claire Pom­met Com­ment expli­quer ma créa­tion? C’est une zone sacrée qui est un peu en dehors du mil­i­tan­tisme, de l’engagement. Ce n’est ni con­scient ni incon­scient, mais je n’écris pas de chan­sons fon­cière­ment fémin­istes. Après, for­cé­ment, mes chan­sons sont tein­tées de mes opin­ions, de mes lec­tures…

Votre chan­son À perte de vue est à une déc­la­ra­tion d’amour aux baleines, ce n’est pas un texte engagé?

Claire Pom­met Oui, mais c’est un proces­sus. Je suis devant mon piano et ça me tombe dessus sans que je cherche absol­u­ment à par­ler de fémin­isme ou des baleines qui sont tuées. La chan­son Grandiose, par exem­ple, ne par­le pas de PMA. Je l’ai écrite qua­tre ans avant le débat parce que je venais de me faire larguer, je me dis­ais que c’était déjà bien com­pliqué d’avoir un bébé avec une meuf, alors toute seule.… Ça devient poli­tique parce qu’on est dans une société poli­tisée. Mais je ne me suis jamais dit que j’allais créer une chan­son qui par­le à toutes les les­bi­ennes de France. Au fond, c’est une stratégie que mon cerveau a dû créer incon­sciem­ment: par­ler d’engagement en sous-marin dans mes chan­sons. Parce qu’on sait bien que les mots «fémin­isme»,
«mil­i­tan­tisme » et « sys­tème » font se hériss­er les poils de couilles de plein de mecs. Et peut-être que la meilleure manière de faire pass­er des mes­sages en dehors de nos dis­cours, c’est d’en par­ler sans les nom­mer directe­ment. Mais vrai­ment, mon écri­t­ure ne se base pas sur une démarche poli­tique. Je tiens à garder cet espace «en dehors», c’est un lieu où mon cerveau est mis en pause, où je décide de par­ler avec mon cœur.

Nadège, vous êtes actrice mais aus­si autrice. Vous avez notam­ment écrit en 2020 un texte qui résonne fort dans cette con­ver­sa­tion: Mon corps est une révo­lu­tion, ma sœur.

Nadège Beaus­son-Diagne Il y a en effet des choses que les gens ne savent pas de moi, je suis aus­si chanteuse et autrice. Le texte dont vous par­lez est né dans le cadre d’une con­férence autour de la rési­dence du philosophe Paul B. Pre­ci­a­do au cen­tre Georges-Pom­pi­dou, à Paris. Je lui ai dit que j’avais envie de créer quelque chose avec de la danse, du slam, et j’ai donc écrit ce texte, Mon corps est une révo­lu­tion, ma sœur. Il par­le de se réap­pro­prier son corps, son his­toire. Ma mère elle-même a été vic­time de vio­lences sex­uelles… Ma grand-mère aus­si. Ça n’a rien d’exceptionnel, plein de familles mal­heureuse­ment repro­duisent de généra­tion en généra­tion des trau­mas, et rien n’est réglé. Je voulais ren­dre hom­mage aux femmes de ma famille. À leurs forces que j’ai reçues en héritage. Dire qu’aujourd’hui pour elles, pour l’armée de sur­vivantes à tra­vers le
monde, je ne me tairai plus. Je me réap­pro­prie mon corps comme une nou­velle dynamique de libéra­tion. Je suis debout!

  1. L’actrice Sand Van Roy a porté plainte con­tre Luc Besson pour viol en 2018.
  2. . En décem­bre 2005, le réal­isa­teur Jean­Claude Bris­seau est con­damné à un an de prison avec sur­sis pour har­cèle­ment sex­uel sur deux comé­di­ennes. Durant le procès, une ving­taine de femmes ont témoigné
    d’agressions et de har­cèle­ment lors de tour­nages.
  3. Le compte Insta­gram Music­TooFrance est ani­mé par un col­lec­tif anonyme qui recueille la parole des vic­times de vio­lences sex­uelles dans le milieu musi­cal.
  4. Actrice et réal­isatrice burk­in­abè, Aza­ta Soro a été agressée et blessée en 2017 sur le plateau d’un tour­nage. Elle est l’une des ini­ti­atri­ces, depuis, du mou­ve­ment #MêmePasPeur dans le ciné­ma burk­in­abè.
  5. «Il y a des mil­liers de per­son­nes qui ne se sen­tent pas en sécu­rité face à un flic, et j’en fais par­tie », expli­quait l’actrice Camélia Jor­dana en mai 2020 sur France 2. Le min­istre de l’Intérieur de l’époque,
    Christophe Cas­tan­er, mais aus­si plusieurs syn­di­cats de policiers, ont dénon­cé des «pro­pos men­songers
    et hon­teux ».
  6. George Floyd, Africain-améri­cain, est mort le 25 mai 2020 à Min­neapo­lis, aux États-Unis, après son inter­pel­la­tion par le polici­er blanc Derek Chau­vin. Ce dernier a été recon­nu coupable de meurtre et con­damné à 22 ans et demi de prison.

 

 

Iris Deroeux

Reporter basée à Paris après avoir vécu en Inde et aux Etats-Unis pendant dix ans, comme correspondante pour Libération puis Médiapart. Elle collabore au journal Le Monde sur des questions sociales et de jeunesse et enseigne le journalisme en tant que maîtresse de conférences associée à l'université de Strasbourg. Pour ce numéro de La Déferlante, elle interviewé Mélissa Laveaux et Jeanne Added. Voir tous ses articles

Danser : l’émancipation en mouvement

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue papi­er La Défer­lante n°8 Jouer, de mai 2023. La Défer­lante est une revue trimestrielle indépen­dante con­sacrée aux fémin­ismes et au genre. Tous les trois mois, en librairie et sur abon­nement, elle racon­te les luttes et les débats qui sec­ouent notre société.
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