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Tensions sexuelles en série

L’amitié entre les hommes et les femmes est un angle mort des scé­nar­ios des pro­duc­tions télévisées. Un mod­èle unique et hétéronor­mé de rela­tions affec­tives a été imposé à des généra­tions entières de spectateur·ices.
Publié le 30/07/2021

Modifié le 16/01/2025

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue papi­er La Défer­lante n°3 Se bat­tre (sep­tem­bre 2021.)

Une femme accom­plie, à la vie sex­uelle intense, con­te ses déboires à son ami de longue date. Ils se com­pren­nent bien : elle couche avec des hommes, et lui aus­si. Ça, c’est la rela­tion type vue dans les séries et les films lorsqu’une femme et un homme sont meilleur·es ami·es. 

Je rep­longe dans mes sou­venirs de pop cul­ture, Sex and the City, Ugly Bet­ty, Daw­son, Glee ou plus récem­ment Girls : il m’est dif­fi­cile de citer des ami­tiés mixtes où l’homme n’est pas gay. C’est un lieu com­mun vu jusqu’à l’usure et qui n’a pas tou­jours fait du bien, véhic­u­lant le stéréo­type de l’homosexuel dépourvu de « viril­ité », et dont l’activité prin­ci­pale serait de faire du shop­ping avec sa meilleure copine. Quand le meilleur ami est hétéro, les rela­tions finis­sent par évoluer vers « autre chose », une rela­tion sex­uelle ou une his­toire d’amour qui finit mal ou, plus rarement, vers une rela­tion durable avec mariage, chien et enfants à la clé. Il n’y a évidem­ment aucun mal, au con­traire, à vouloir con­stru­ire sa vie amoureuse avec un homme ou une femme qu’on con­naît sur le bout des doigts, avec qui on a partagé des moments inou­bli­ables. C’est même un idéal pour beau­coup. Ce qui est dérangeant, c’est de penser que c’est le seul scé­nario pos­si­ble.

La crainte d’une séduction mal placée

La femme et son meilleur ami gay, c’est en apparence cliché et paresseux, mais c’es  pour­tant un motif réal­iste. Les amis mas­culins dont je suis la plus proche sont des hommes gay, sans que je fasse atten­tion au pre­mier abord à cet aspect de leur iden­tité. C’est au fur et à mesure de la rela­tion que je com­prends ce qui fait la dif­férence. Je me sens plus à l’aise, je baisse la garde, pour avoir une con­fi­ance totale sans crainte d’une séduc­tion mal placée. Chaque fois que j’ai eu une rela­tion forte avec un homme hétéro­sex­uel, cela s’est sol­dé, au choix, par une déc­la­ra­tion d’amour impromptue ou une coucherie que j’ai regret­tée le lende­main, des sen­ti­ments qui s’allument et s’éteignent con­stam­ment, de la frus­tra­tion, de la jalousie et l’impossibilité de voir la rela­tion revenir à son état ini­tial. 

Nous n’envisageons pas – notre vocab­u­laire et nos représen­ta­tions le reflè­tent – de rela­tions ami­cales mixtes, et l’hétéronormativité est au coeur de ces liens, comme si l’attirance entre un homme et une femme était inévitable. Comme si le fait de pass­er beau­coup de temps ensem­ble devait trans­former le regard, le com­porte­ment, les corps. D’une rela­tion pla­tonique on passe à une rela­tion ambiguë, puis au plaisir char­nel, au cat­a­clysme de l’amour.

Où sont les véritables amitiés filles — garçons ?

J’en veux à la pop cul­ture de nous avoir offert très peu de mod­èles de véri­ta­bles ami­tiés entre filles et garçons. Les images véhiculées dans les médias for­gent des représen­ta­tions puis­santes aux­quelles nous nous iden­ti­fions ou qui nous per­me­t­tent d’envisager d’autres pos­si­bles. L’une des pre­mières images qui me revient est celle d’un groupe d’ami·es où tout le monde a déjà couché avec tout le monde. C’était dans Bev­er­ly Hills, série culte de années 1990 qui suit les tribu­la­tions des Rich Kids de Los Ange­les. Je revois aus­si Joey Pot­ter, dans Daw­son, mon­tant dans la cham­bre de son meilleur ami pour le prévenir, à la veille de ses 16 ans, que « les choses vont chang­er », car elle et lui sont désor­mais colo­cataires, et avec des hor­mones en feu. Puis je me sou­viens de Nick et Jess, un duo ami­cal qui fonc­tion­nait bien avant de voir la ten­sion sex­uelle pren­dre le dessus. C’était dans New Girl, la série phare du début des années 2010. La liste des séries met­tant en scène des rela­tions stéréo­typées est longue. Si bien que, un jour, on finit par regarder autrement ce vieux copain qu’on a depuis le pri­maire.

Au début des années 2010, Hol­ly­wood s’est mis à mul­ti­pli­er les his­toires de sexe entre ami·es : Sexe entre amis et Sex Friends ont pris la suite du flot de scé­nar­ios con­tant les his­toires de rela­tions ambiguës entre hommes et femmes. Puis le terme « friend­zon­er » (reléguer au pur­ga­toire ami­cal une anci­enne rela­tion), est même devenu à la mode. On l’aurait enten­du pour la pre­mière fois dans la série Friends, quand Joey résume ain­si la rela­tion entre Rachel et Ross. Sous des abor­ds amu­sants se cache en réal­ité une pen­sée sex­iste : les femmes doivent tou­jours aux hommes davan­tage qu’une sim­ple cama­raderie. Pour­tant la friend­zone devrait exis­ter pour ce qu’elle est : un endroit où il n’y a pas de place pour autre chose qu’une ami­tié qui peut être belle et puis­sante sans impli­quer de sexe.

Puisque les images nous impactent, faisons-les évoluer. Mon­trons davan­tage de rela­tions entre des femmes et des hommes où les pre­mières ne sont pas tou­jours vues comme des objets sex­uels. Pro­posons des ami­tiés choisies où la per­son­ne du sexe opposé peut être con­sid­érée comme un frère ou une soeur. Si l’amour doit exis­ter, cela se fera naturelle­ment, non pas sans douleur, mais sans avoir à per­dre la per­son­ne qu’on con­sid­érait comme un·e ami·e.

Jennifer Padjemi

Journaliste culture et autrice de Féminismes et Pop Culture, paru en mars 2021 aux éditions Stock, elle s’intéresse à tous les phénomènes culturels qui façonnent notre époque et en particulier aux productions télévisées des années 1990 et 2000. Voir tous ses articles

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