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Picasso : l’homme violent derrière l’artiste

Le cinquan­te­naire de la mort de Picas­so, en 2023, est une nou­velle occa­sion de célébr­er, partout dans le monde, la mémoire du pein­tre. Mais depuis quelques années, à la faveur des témoignages d’anciennes com­pagnes et d’enquêtes jour­nal­is­tiques, l’homme misog­y­ne et vio­lent appa­raît peu à peu der­rière la fig­ure du génie. Julie Beauzac, créa­trice du pod­cast Vénus s’épilait-elle la chat­te ?, revient, dans cette newslet­ter, sur le silence qui entoure encore la per­son­nal­ité et les crimes pré­sumés du pein­tre.
Publié le 28/04/2023

Modifié le 16/01/2025

Pablo Picasso : l’homme violent derrière l’artiste

Com­man­dez le dernier numéro de La Défer­lante : Danser, de mai 2023. La Défer­lante est une revue trimestrielle indépen­dante con­sacrée aux fémin­ismes et au genre. Tous les trois mois, en librairie et sur abon­nement, elle racon­te les luttes et les débats qui sec­ouent notre société.
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Plus de 42 expo­si­tions sur Picas­so sont prévues dans le monde en 2023. Le suc­cès de ce pein­tre est-il un prob­lème en soi ?

Picas­so est un artiste précurseur qui a grande­ment par­ticipé à la créa­tion du cubisme. On a en tête ses grands tableaux : Guer­ni­caLes Demoi­selles d’Avignon ou La Femme qui pleure. Mais le prob­lème, c’est que la cri­tique con­tin­ue de taire ce qu’il était : un auteur de vio­lences sex­uelles, physiques et économiques. Ce qui m’intéresse [elle a con­sacré, en 2021, un épisode de son pod­cast à Picas­so], c’est com­ment ses com­porte­ments con­damnables ont nour­ri sa pro­duc­tion artis­tique : il peignait des femmes en pleurs après les avoir frap­pées ou vio­lées. Par­mi ses con­génères, Picas­so est le moins sub­til, mais ce n’est pas le seul. Je pense aux jeunes filles tahi­ti­ennes vio­lées par Gau­guin, ou à Rodin, qui a fait enfer­mer la sculp­trice Camille Claudel dans un asile psy­chi­a­trique. C’est assez symp­to­ma­tique de la cul­ture de la vio­lence, qui infuse dans tout l’art occi­den­tal.

Au-delà des séquelles liées aux vio­lences, quelles sont les con­séquences des actes de ces artistes sur la car­rière des femmes artistes qu’ils côtoient ?

Les grands artistes mas­culins, mais plus large­ment le monde de l’art tout entier, ont broyé de nom­breuses femmes tal­entueuses. Dans son essai Le Génie les­bi­en (Gras­set, 2020)l’élue munic­i­pale de Paris (Paris en Com­mun-Écolo­gie pour Paris) et mil­i­tante fémin­iste Alice Cof­fin dénonce le mono­pole mas­culin sur la pro­duc­tion artis­tique : les hommes artistes se défend­ent entre eux et pro­tè­gent leurs œuvres. On l’a encore vu récem­ment avec l’affaire Bastien Vivès, quand ses col­lègues dessi­na­teurs sont mon­tés au créneau pour l’aider.

Alice Cof­fin par­le égale­ment des « œuvres man­quantes » : celles qui n’ont tout sim­ple­ment pas pu exis­ter ou ont été peu con­servées. C’est le cas, par exem­ple, pour Jo Hop­per, une pein­tre états-uni­enne de tal­ent, por­traitiste de scènes de la vie quo­ti­di­enne et des grands espaces de son pays. Petit à petit, son mari, Edward Hop­per a restreint son art, car il l’obligeait à pein­dre unique­ment depuis sa cham­bre et avait fait d’elle son impre­sario. Lorsqu’elle est morte, en 1968, les tableaux du cou­ple ont été légués au Whit­ney Muse­um à New York qui a pré­cieuse­ment con­servé les œuvres d’Edward mais détru­it une par­tie des celles de Jo. On a décou­vert il y a peu que quelques toiles avaient été gardées dans le sous-sol du musée, mais qu’elles étaient en très mau­vais état.

La dif­fi­culté à con­tex­tu­alis­er les œuvres et à cri­ti­quer les com­porte­ments des artistes est-elle une spé­ci­ficité française ? 

Il reste, en France, un gros tra­vail de démys­ti­fi­ca­tion à entre­pren­dre. Depuis l’époque des Lumières, au xviie siè­cle, la cri­tique vénère sans aucune nuance des « génies nationaux » rem­plis de fierté et d’arrogance. Après la sor­tie de mon pod­cast sur Picas­so, beau­coup de per­son­nes tra­vail­lant dans le monde de l’art et de l’enseignement m’ont con­fié leur volon­té de chang­er les nar­ra­tions. Plusieurs professeur·es d’espagnol m’ont expliqué s’être mis à par­ler dif­férem­ment de Guer­ni­ca. Ce tableau était une com­mande pour l’Exposition inter­na­tionale de Paris, en 1937. Picas­so n’avait encore rien peint, car il avait hor­reur des com­man­des. C’est Dora Maar, sa com­pagne, qui lui aurait sug­géré de s’emparer de cet épisode de la guerre civile sur­venu quelques jours plus tôt au Pays basque.


« Cinquante ans après la mort de Picas­so, les musées français con­tin­u­ent de mon­ter des expo­si­tion très élo­gieuses »


Mais il y a encore beau­coup de résis­tances du côté de ce que la jour­nal­iste Sophie Chau­veau (Picas­so, le Mino­tau­re, Folio, 2020) appelle « la firme Picas­so », qui com­prend notam­ment le musée Picas­so à Paris. Après la paru­tion de nos travaux respec­tifs, Cécile Debray, la direc­trice du musée, a expliqué que nous abor­dions l’œuvre « de manière frontale et uni­voque ». Sans répon­dre sur le fond, le musée a organ­isé deux expo­si­tions dans lesquelles des artistes femmes – Orlan et Faith Ring­gold – réin­ter­pré­taient l’œuvre de Picas­so.
C’est assez représen­tatif de la puis­sance de la lignée Picas­so : les ques­tions finan­cières demeurent reines et cade­nassent toute la com­mu­ni­ca­tion offi­cielle. Ses tableaux con­tin­u­ent de se ven­dre très cher et les expo­si­tions attirent tou­jours autant de spectateur·ices.

Con­crète­ment, pou­vons-nous imag­in­er une autre manière de regarder et d’enseigner les œuvres de Picas­so aujourd’hui ? 

Cinquante ans après sa mort, les musées français con­tin­u­ent de mon­ter des expo­si­tions très élo­gieuses, ce qui n’est pas le cas aux États-Unis, où le monde de l’art est beau­coup plus en avance. Là-bas, la jour­nalise Ari­an­na Huff­in­g­ton enquête sur Picas­so depuis les années 1980. Et cette année, le Brook­lyn Muse­um organ­ise une expo­si­tion dirigée par l’humoriste les­bi­enne aus­trali­enne Han­nah Gads­by qui réé­val­ue la pro­duc­tion artis­tique de l’artiste à tra­vers un prisme fémin­iste.
Un autre exem­ple à suiv­re serait celui de l’exposition « Why are you angry ? » organ­isée à Berlin en 2022. Elle présen­tait le tra­vail de Gau­guin au prisme de la coloni­sa­tion, du regard blanc et de la fétichi­sa­tion des femmes colonisées. Éton­nam­ment, l’exposition n’a pas été prise par le musée d’Orsay, qui con­serve de nom­breuses œuvres de l’artiste en France. Il reste encore beau­coup de tra­vail à faire pour que les conservateur·ices français·es nous pro­posent un regard poli­tisé sur les artistes.

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Marie-Agnès Laffougère

Journaliste indépendante, elle travaille pour Têtu, Livres Hebdo et Radio France sur des sujets liés au genre et aux questions LGBT+. Voir tous ses articles

Danser : l’émancipation en mouvement

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