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Une enquête sans précédent sur l’inceste commis par des mineurs

Pen­dant dix mois, la jour­nal­iste Sarah Bou­cault a enquêté sur un crime tabou et peu doc­u­men­té : l’inceste com­mis par des enfants ou des ado­les­cents. Son tra­vail révèle un phénomène mas­sif qui con­cerne deux mil­lions de per­son­nes en France. Par­tic­u­lar­ité : son autrice est égale­ment vic­time et assume un point de vue situé sur les faits qu’elle doc­u­mente. On vous explique notre démarche. L’en­quête est disponible, dès aujourd’hui sur le site de La Défer­lante. Elle paraî­tra en inté­gral­ité dans le numéro 10 de la revue, le 12 mai prochain.
Publié le 21/04/2023

Modifié le 16/01/2025

Inceste commis par des mineurs, le grand déni
Léa Djeziri

Com­man­dez le dernier numéro de La Défer­lante : Danser, de mai 2023. La Défer­lante est une revue trimestrielle indépen­dante con­sacrée aux fémin­ismes et au genre. Tous les trois mois, en librairie et sur abon­nement, elle racon­te les luttes et les débats qui sec­ouent notre société.
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Cer­tains sujets nous rebu­tent, nous dépassent, nous hor­ri­fient. Mais il faut savoir les regarder en face si nous voulons que la société change. Pen­dant dix mois, La Défer­lante a con­fié à la jour­nal­iste Sarah Bou­cault le soin d’enquêter sur un sujet peu doc­u­men­té en France : l’inceste com­mis par des enfants et des ado­les­cents [les mineurs auteurs de vio­lences sex­uelles inces­tueuses étant à plus de 90 % des garçons, nous util­isons le mas­culin pour les désign­er]. Des frères et des cousins qui agressent sex­uelle­ment leurs sœurs, frères, cousins et cousines. Sarah Bou­cault a elle-même subi ces vio­lences : avec courage ain­si qu’avec toute la rigueur pro­fes­sion­nelle req­uise, elle entrelace sa pro­pre his­toire à une enquête sans précé­dent sur le sujet.

Son tra­vail révèle l’ampleur du phénomène : par­mi les vic­times d’inceste, entre un quart et un tiers ont été agressé·es par un proche mineur, soit au total env­i­ron deux mil­lions de per­son­nes. Mal­gré ces chiffres alar­mants, le sujet reste sou­vent min­imisé car ramené, dans l’imaginaire col­lec­tif, à des « jeux sex­uels ». Pour­tant, comme nous explique l’anthropologue Dorothée Dussy dans cet arti­cle, lorsqu’il n’y a pas de négo­ci­a­tion ou dia­logue qui étab­lis­sent le con­sen­te­ment, les jeux entre enfants se trans­for­ment en rap­ports de dom­i­na­tion : « le touche-pipi n’existe pas, c’est de la vio­lence sex­uelle euphémisée ».

Les auteurs mineurs ont en com­mun d’appartenir à des familles dys­fonc­tion­nelles où l’inceste est déjà présent. Crédit illus­tra­tion : Léa Djeziri pour La Défer­lante.

 

Des familles dans lesquelles l’inceste a déjà eu lieu

Pour com­pren­dre ces logiques d’oppression, Sarah Bou­cault a ren­con­tré un grand nom­bre de professionnel·les de la jus­tice et de la pro­tec­tion de l’enfance, des chercheur·euses, psy­cho­logues, et psy­chi­a­tres. Elle a aus­si recueil­li les témoignages de huit vic­times, en dehors de son cer­cle intime. À l’exception de l’un d’entre eux et de Sarah Bou­cault elle-même, ils et elles témoignent anonymement. Certain·es pour préserv­er leur entourage, d’autres par crainte de pos­si­bles pour­suites en diffama­tion. Tous·tes lui ont racon­té la honte et la peur de faire éclater leur cer­cle proche. Ils et elles ont aus­si en com­mun d’appartenir à des familles dys­fonc­tion­nelles dans lesquelles l’inceste a déjà eu lieu. C’est l’un des enseigne­ments majeurs de cette enquête que relève Sarah Bou­cault : « L’inceste per­pétré par un mineur sur un·e autre mineur·e est le pro­duit d’une organ­i­sa­tion famil­iale et sociale défail­lante, où la dimen­sion sys­témique est gom­mée au prof­it de la fig­ure de l’agresseur isolé et tim­bré. »

Alors que les asso­ci­a­tions qui pren­nent en charge les vic­times et les auteurs de vio­lences sex­uelles con­sta­tent une aug­men­ta­tion sig­ni­fica­tive du nom­bre d’affaires impli­quant des auteurs mineurs ces dernières années, les moyens financiers ne suiv­ent pas. Notre enquête fait état de 82 mineurs auteurs pris en charge en cinq ans : une goutte d’eau dans un océan d’affaires. La prise en charge psy­choso­ciale des vic­times est elle aus­si, défail­lante. Quant à la préven­tion, chaînon indis­pens­able pour éviter les pas­sages à l’acte et la récidive, elle est inex­is­tante.


Nous assumons ce regard situé, pourvu qu’il soit assor­ti d’une enquête irréprochable


L’une des par­tic­u­lar­ités de cette inves­ti­ga­tion est que l’autrice y intè­gre sa pro­pre his­toire. Enquêter en étant soi-même vic­time et en dénonçant son agresseur : la démarche va à rebours des codes jour­nal­is­tiques clas­siques. Lorsque nous ren­con­trons la jour­nal­iste Sarah Bou­cault pour lui pro­pos­er d’enquêter sur l’inceste com­mis par des mineurs, elle nous con­fie très rapi­de­ment que, enfant, elle a subi des agres­sions sex­uelles de la part d’un cousin plus âgé. Dès lors, que faire ? Con­fi­er cette enquête à un·e autre ? Ne pas men­tion­ner cette infor­ma­tion ?

« Je ne suis pas démolie au point de m’exposer sans limites »

À La Défer­lante, nous pen­sons que ce vécu apporte à Sarah Bou­cault une com­préhen­sion sup­plé­men­taire de ce fait social. S’il n’est pas néces­saire d’être vic­time d’inceste pour écrire sur le sujet, les vic­times d’inceste sont tout aus­si légitimes que les autres à le faire. Nous assumons donc ce regard situé, pourvu qu’il soit, comme ici, assor­ti d’une enquête irréprochable. Comme le résumait le jour­nal­iste et trans­ac­tiviste états-unien Lewis Wal­lace dans une tri­bune parue en 2017 : « Nous sommes capa­bles d’assumer un regard et de nous en tenir à la vérité. »

Nous avons beau­coup dis­cuté avec Sarah Bou­cault des con­séquences éventuelles de sa prise de parole pour elle-même et pour son entourage. « Je ne suis pas démolie au point de m’exposer sans lim­ites, a‑t-elle pré­cisé. Je ne veux pas non plus régler mes comptes. Je suis juste une hum­ble vic­time d’inceste. Et, en tant que jour­nal­iste, j’ai une respon­s­abil­ité dans la mise en lumière de sujets graves que per­son­ne ne veut voir. »

Dans le respect de la déon­tolo­gie jour­nal­is­tique, nous avons recoupé auprès de ses proches et au moyen des doc­u­ments qu’elle nous a con­fiés, les accu­sa­tions que Sarah Bou­cault porte dans l’article que nous pub­lions aujourd’hui. Nous avons con­tac­té, à plusieurs repris­es, son cousin mis en cause dans cette enquête : il n’a pas don­né suite à nos sol­lic­i­ta­tions.

Fidèle à sa mis­sion de média engagé, La Défer­lante espère, en pub­liant cette enquête, con­tribuer au com­bat con­tre les vio­lences patri­ar­cales. Où qu’elles soient, nous con­tin­uerons à les regarder en face et à les doc­u­menter.

RETROUVEZ L’ENQUÊTE SUR NOTE SITE

Partie 1 — Le grand déni

La jour­nal­iste Sarah Bou­cault revient sur la dimen­sion sys­témique et généalogique de ce crime silen­cié.
Lire l’article en avant-pre­mière sur notre site.

Partie 2 — Le mythe des « Jeux sexuels »

Le « touche pipi » inof­fen­sif est un mythe : il s’agit de vio­lence sex­uelle euphémisée.

Partie 3 — Qui sont les « gentils monstres ordinaires » ?

Qui sont ces cousins, ces frères qui agressent leurs sœurs, frères et cousin·es ?

Partie 4 — Des préjudices multiples pour les victimes

Entre indif­férence et min­imi­sa­tion de leur parole, les vic­times d’inceste com­mis par un mineur peinent à faire enten­dre leur voix.

Pour aller plus loin : les ressources pour mieux comprendre

Sarah Bou­cault partage des ouvrages afin de com­pléter la lec­ture et la com­préhen­sion de cette enquête inédite.

Marie Barbier

Journaliste spécialisée dans les questions judiciaires. Elle a longtemps traîné sur les bancs des palais de justice pour le quotidien L’Humanité. Cofondatrice, elle en est aujourd’hui corédactrice en chef de La Déferlante. Elle gère, depuis Rennes, les questions financières. Voir tous ses articles

Danser : l’émancipation en mouvement

Com­man­dez le dernier numéro de La Défer­lante : Danser, de mai 2023. La Défer­lante est une revue trimestrielle indépen­dante con­sacrée aux fémin­ismes et au genre. Tous les trois mois, en librairie et sur abon­nement, elle racon­te les luttes et les débats qui sec­ouent notre société.
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