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« Les violences sexuelles font partie de l’arsenal de répression policière »

Le 17 mars dernier qua­tre jeunes femmes ont porté plainte con­tre X, à Nantes pour des vio­lences sex­uelles subies au cours d’une opéra­tion poli­cière en marge d’une man­i­fes­ta­tion con­tre la réforme des retraites. Bien qu’encore peu doc­u­men­té en France, ce type d’agressions est révéla­teur d’une répres­sion poli­cière de plus en plus vio­lente. La Défer­lante a inter­rogé Anne-Sophie Sim­pere, coautrice de Com­ment l’État s’attaque à nos lib­ertés (Plon, 2022), juriste et chargée de plaidoy­er dans plusieurs ONG.
Publié le 14/04/2023

Modifié le 16/01/2025

Manifestation contre les violences policières à Paris, le 18 février 2017.
Cre­ative com­mons

Com­man­dez le dernier numéro de La Défer­lante : Danser, de mai 2023. La Défer­lante est une revue trimestrielle indépen­dante con­sacrée aux fémin­ismes et au genre. Tous les trois mois, en librairie et sur abon­nement, elle racon­te les luttes et les débats qui sec­ouent notre société.
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À votre con­nais­sance, y a‑t-il des précé­dents à cette affaire pré­sumée d’agressions sex­uelles com­mis­es par la police sur des man­i­fes­tantes et quels sont-ils ?

Dans le cadre spé­ci­fique des man­i­fes­ta­tions en France, j’ai surtout en mémoire des témoignages d’insultes sex­istes con­tre des par­tic­i­pantes à la man­i­fes­ta­tion fémin­iste de nuit du 8 mars 2020. Mais si on regarde ce qui se passe à l’étranger, les vio­lences sex­istes et sex­uelles con­tre les mil­i­tantes sont fréquem­ment util­isées. C’est le cas par exem­ple en Iran où des man­i­fes­tantes arrêtées par les forces de sécu­rité ont été agressées sex­uelle­ment, men­acées de viol et vio­lées. C’est le cas aus­si à Hong Kong où les femmes ont été en pre­mière ligne du mou­ve­ment pro-démoc­ra­tie en 2019 et en 2020. Elles ont subi des vio­lences spé­ci­fiques à leur genre de la part des forces de l’ordre : fouilles au corps et vio­lences sex­uelles. Partout, le fait d’être femme et mil­i­tante expose aux risques de vio­lences sex­istes de la part de la police. Ces men­aces peu­vent con­stituer des entrav­es à la par­tic­i­pa­tion des femmes aux mou­ve­ments soci­aux, en par­ti­c­uli­er dans les pays où les vic­times de vio­lences sex­uelles sont stig­ma­tisées.

En France, quelle place les vio­lences sex­istes et sex­uelles occu­pent-elles dans l’arsenal répres­sif de la police ?

On sait d’après cer­tains témoignages de femmes inter­pel­lées par la police qu’elles sont très régulière­ment vic­times d’insultes sex­istes. Mais la ques­tion spé­ci­fique des vio­lences sex­uelles à l’intérieur des vio­lences poli­cières est, à ma con­nais­sance, très peu doc­u­men­tée. Une hypothèse est que, rap­portées au nom­bre total de blessures et de muti­la­tions causées par les forces de l’ordre, les vio­lences sex­istes sont finale­ment moins impor­tantes en nom­bre. De fait, hors man­i­fes­ta­tions où les vio­lences poli­cières frap­pent indis­tincte­ment les hommes et les femmes, lors d’autres opéra­tions de police, comme les inter­pel­la­tions, ce sont plutôt des hommes, et en par­ti­c­uli­er des hommes racisés qui sont ciblés.

Manifestation contre les violences policières à Paris, le 18 février 2017.

Man­i­fes­ta­tion con­tre les vio­lences poli­cières à Paris, le 18 févri­er 2017. Crédit pho­to : Cre­ative com­mons.

On sait qu’un homme perçu comme noir ou arabe a beau­coup plus de chances d’être inter­pel­lé par la police et donc, mécanique­ment, beau­coup plus de chances d’être vic­time de vio­lences poli­cières. En 2020, l’État français a d’ailleurs été con­damné pour faute lourde en rai­son de vio­lences poli­cières et de con­trôles d’identité jugés dis­crim­i­na­toires. Une autre expli­ca­tion est que beau­coup d’agissements sex­istes passent sous les radars. On sait bien que le motif raciste des inter­pel­la­tions est très dif­fi­cile à prou­ver à moins d’un enreg­istrement. Le motif dis­crim­i­na­toire est sans doute encore plus dif­fi­cile à démon­tr­er pour les insultes sex­istes qui, pour beau­coup de gens, font par­tie du paysage. De manière générale, si on regarde les faits doc­u­men­tés par les asso­ci­a­tions, les groupes subis­sant des dis­crim­i­na­tions ont davan­tage de risques de subir des vio­lences poli­cières : les jeunes hommes racisés, les per­son­nes migrantes, les Roms…

Qu’est-ce que tout cela racon­te de la police française ? Allez-vous jusqu’à dire, comme certain·es militant·es d’extrême gauche, qu’il s’agit d’une insti­tu­tion intrin­sèque­ment réac­tion­naire ?

Je suis juriste, donc je préfère utilis­er des ter­mes juridiques et dénon­cer le fait que l’institution chargée de faire appli­quer les lois se mon­tre inca­pable de les respecter elle-même, puisqu’elle vio­le régulière­ment le droit à ne pas subir de dis­crim­i­na­tion en pra­ti­quant des con­trôles au faciès. Et c’est très prob­lé­ma­tique, parce que cela crée une défi­ance de la pop­u­la­tion à l’égard de la police et des insti­tu­tions.


« Les groupes soci­aux subis­sant des dis­crim­i­na­tions ont davan­tage de risques de subir des vio­lences poli­cières »


La manière dont tra­vaille la police résulte de choix poli­tiques. Dans le con­texte des man­i­fes­ta­tions, on a don­né à la police une mis­sion non pas pro­tec­trice mais répres­sive, dans laque­lle la per­son­ne qui man­i­feste est con­sid­érée comme un·e ennemi·e, un fac­teur de risque à con­trôler. Dans un con­texte de main­tien de l’ordre, la police est par­fois util­isée comme un out­il pour faire face à d’autres « ennemi·es ». Au début des années 2000, Nico­las Sarkozy, alors min­istre de l’Intérieur avait par exem­ple désigné les « racailles » comme une cible, et choisi de sup­primer la police de prox­im­ité. C’était encore une fois un choix clair de priv­ilégi­er la répres­sion, de faire peur plutôt que de créer du lien pour garan­tir la sécu­rité de toutes et tous – con­traire­ment au Roy­aume-Uni, par exem­ple, où l’objectif est de gag­n­er la con­fi­ance de la pop­u­la­tion pour assur­er la paix publique.

On a le sen­ti­ment depuis quelques années d’une mon­tée en puis­sance de la répres­sion poli­cière. De quand date le tour­nant ?

En réal­ité, dans les quartiers pop­u­laires, les inter­ven­tions de la police ne se sont jamais bien passées. Cela fait très longtemps que les jeunes racisés subis­sent des vio­lences. Dans la péri­ode récente, on peut tout de même s’inquiéter de la baisse du niveau de for­ma­tion des policiers. Il y a eu des vagues de recrute­ment après les atten­tats de 2015, sans que les capac­ités de for­ma­tion ne suiv­ent, ce qui a été dénon­cé dans un rap­port du Sénat. À la même péri­ode, les mesures d’état d’urgence ont don­né à la police des pou­voirs éten­dus qui ont très vite été util­isés con­tre des militant·es écol­o­gistes ou con­tre les opposant·es à la loi Tra­vail, pen­dant le man­dat de François Hol­lande, en 2016.

Ces entrav­es au droit de man­i­fester se sont aggravées sous la prési­dence d’Emmanuel Macron, avec la répres­sion du mou­ve­ment des gilets jaunes, qui a été sans précé­dent, et main­tenant celui con­tre la réforme des retraites. Dans ce con­texte, je ne suis pas sur­prise de voir appa­raître des cas de vio­lences sex­uelles : elles font effec­tive­ment par­tie de l’arsenal pour réprimer les con­tes­ta­tions…

L’affaire Théo en 2017 : une « volon­té de bless­er la mas­culin­ité »

Le 2 févri­er 2017 à Aulnay-sous-Bois, Théo Luha­ka 22 ans, était trans­porté à l’hôpital suite à un con­trôle d’identité. L’examen médi­cal révélait une blessure de 10 cen­timètres du canal anal et des lésions du sphinc­ter provo­quées par une matraque téle­scopique. Les qua­tre policiers mis en cause seront jugés début 2024 aux assis­es, non pas pour viol, mais, « faute d’éléments », pour vio­lences volon­taires ayant entraîné une muti­la­tion. Dans un entre­tien don­né quelques jours après les faits, le soci­o­logue Éric Fassin analy­sait : « Des actes de sadisme comme ceux d’Aulnay-sous-Bois sont rares, mais la volon­té de bless­er la mas­culin­ité de leur pub­lic est fréquente par­mi les policiers. »

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Marion Pillas

Après un détour par la production de documentaires, elle est revenue au journalisme avec La Déferlante. Elle en est cofondatrice et corédactrice en chef. Depuis Lille, elle supervise la newsletter, les partenariats et les événements. Voir tous ses articles

Danser : l’émancipation en mouvement

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