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Nipplegate, 2004 : La chute de Janet Jackson

En 2004, Janet Jack­son invite Justin Tim­ber­lake pour un duo lors du con­cert de la mi-temps du Super Bowl au Texas. À la fin du show, ultra médi­atisé, le chanteur dégrafe une par­tie du cos­tume de la super­star : le sein dénudé de Janet Jack­son appa­raît un dix­ième de sec­onde aux yeux de 140 mil­lions de téléspectateur·ices. Femme, noire, encline à par­ler libre­ment de sa sex­u­al­ité, elle se retrou­ve immé­di­ate­ment sous le feu des cri­tiques. L’événement tourne au scan­dale, attisé par l’Amérique puri­taine. Puis­sant révéla­teur du sex­isme et du racisme à l’œuvre, le « Nip­ple­gate » mar­que l’entrée dans l’ère de la vidéo virale et du bash­ing à l’échelle plané­taire.
Publié le 12/04/2023

Modifié le 16/01/2025

La chute de Janet Jack­son. Col­lage : Nadia Diz Grana.

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue papi­er La Défer­lante n°10 Danser, de mai 2023. La Défer­lante est une revue trimestrielle indépen­dante con­sacrée aux fémin­ismes et au genre. Tous les trois mois, en librairie et sur abon­nement, elle racon­te les luttes et les débats qui sec­ouent notre société.
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On pour­rait presque la croire débu­tante, tant son sourire est timide et sa voix mal assurée. En 1993, Janet Jack­son a 27 ans et c’est une super­star. Son dernier disque, Janet, cul­mine au som­met du hit-parade améri­cain depuis huit semaines.

Ce soir-là, à la télévi­sion améri­caine, elle répond comme elle peut aux ques­tions sévères d’une présen­ta­trice qui la presse d’expliquer les thé­ma­tiques explorées dans son album : le désir féminin et la sex­u­al­ité. « Je ne peux pas cacher qui je suis, hasarde la chanteuse, désem­parée. C’est moi, tout sim­ple­ment. » Janet Jack­son n’a pas fini de se jus­ti­fi­er. Quelques années plus tard, le dévoile­ment de son sein devant 140 mil­lions de téléspectateur·ices lui vau­dra des années de har­cèle­ment et la mise en sus­pens bru­tale de sa car­rière.

Née en 1966, Janet Jack­son com­mence à jouer dans des séries télévisées dès l’âge de 10 ans, et accède à la célébrité grâce à son rôle dans la sit­com Good Times. Le pub­lic la voit grandir à l’écran ; elle devient rapi­de­ment un mod­èle et une inspi­ra­tion pour de nom­breuses jeunes filles noires. Mais ce rôle d’idole ado­les­cente est dan­gereux pour celles qui l’endossent. Leur vie intime est scrutée dans ses moin­dres recoins. Elles doivent tout à la fois cor­re­spon­dre aux stan­dards de beauté de l’industrie du diver­tisse­ment et répon­dre aux exi­gences morales de l’Amérique puri­taine. Janet Jack­son est tour à tour moquée pour la forme de son nez, som­mée de per­dre du poids, con­trainte de liss­er ses cheveux pour con­tin­uer à tourn­er. La jeune femme, pour­tant, déteste jouer la comédie. Si elle le fait, c’est qu’elle y est con­trainte par son père, Joseph Jack­son, un homme abusif et autori­taire qui a façon­né cha­cun de ses cinq enfants – par­mi lesquels Michael Jack­son – pour en faire de par­faits artistes.

En 1986, au début du sec­ond man­dat du répub­li­cain Ronald Rea­gan, Janet Jack­son sort son troisième album, Con­trol. L’opinion con­ser­va­trice est alors engagée dans une guerre con­tre les idées pro­gres­sistes dif­fusées par la gauche depuis les mou­ve­ments civiques des années 1960. L’émancipation – rel­a­tive, mais réelle – des femmes, des per­son­nes queer et non blanch­es est ren­due vis­i­ble et célébrée par la cul­ture pop­u­laire. Avec cet album, Janet Jack­son racon­te l’histoire de la prise de pou­voir de la dom­inée sur le dom­i­nant, et ren­con­tre son pre­mier suc­cès inter­na­tion­al. Les deux albums précé­dents avaient été pro­duits par le père con­tre le gré de sa fille. « Je venais de ter­min­er le tour­nage d’une série que j’avais absol­u­ment détesté. Je ne voulais pas faire [mon pre­mier album]. Je voulais aller à l’université. Mais je l’ai fait pour mon père », déclarait la chanteuse au Boston Globe en 1996. Con­trol est l’album de sa libéra­tion : après avoir divor­cé, deux ans plus tôt, du chanteur James DeBarge, elle parvient à met­tre fin à la col­lab­o­ra­tion avec son père, choisit un autre man­ag­er et décide de s’adresser aux Africain·es-Américain·es, sa com­mu­nauté. Les morceaux évo­quent sa vie de jeune femme noire ; dans Nasty, elle répond avec cran aux harceleurs de rue. Les pre­miers mots du morceau Con­trol affir­ment sa trans­for­ma­tion en femme adulte, indépen­dante, respon­s­able d’elle-même : « C’est une his­toire de con­trôle, mon con­trôle / Le con­trôle de ce que je dis et le con­trôle de ce que je fais / Et cette fois-ci, je vais le faire à ma façon. »

Bouc émissaire des milieux conservateurs

La cadette de la famille Jack­son est désor­mais une star. Les ventes de ses albums pul­vérisent régulière­ment les records. Rhythm Nation 1814, sor­ti en 1989, six fois disque de pla­tine, se vend à 12 mil­lions d’exemplaires dans le monde. Janet, en 1993, à 14 mil­lions. Au-delà des chiffres, le tra­vail de Janet Jack­son mar­que les années 1980 et 1990 sur tous les plans – musi­cal, esthé­tique et cul­turel. « Qu’elle se proclame respon­s­able de sa vie, comme elle l’a fait dans Con­trol, ou cheffe d’une armée du rythme dansant pour com­bat­tre les prob­lèmes socié­taux (Rhythm Nation 1814), elle est influ­ente, écrit le mag­a­zine musi­cal Rolling Stone en 1993. Et quand elle annonce sa matu­rité sex­uelle, comme elle le fait dans son nou­v­el album, Janet, c’est un événe­ment cul­turel. » C’est à la une de ce jour­nal qu’elle appa­raît la même année torse nu, les seins cachés par les mains de son mari de l’époque, René Eli­zon­do Jr. La pho­togra­phie devient ultra célèbre. Janet Jack­son est désor­mais le sym­bole de la femme noire sexy et libérée, au moment où le terme de « guerre cul­turelle » fait son appari­tion dans le débat pub­lic améri­cain. Au début des années 1990, les artistes noir·es américain·es sont accusé·es de pro­mou­voir la vio­lence et des mœurs dis­solues via la cul­ture hip-hop et R&B. Sa sur­ex­po­si­tion médi­a­tique et les thèmes éro­tiques qu’elle abor­de libre­ment font de Janet Jack­son un bouc émis­saire de choix pour les milieux mil­i­tants con­ser­va­teurs.

L’année du Nip­ple­gate, « c’était le deux­ième man­dat de l’ère Bush, com­mente la jour­nal­iste et doc­u­men­tariste antiraciste Rokhaya Dial­lo. Et ce n’est pas anodin : c’était un moment où l’on pou­vait deman­der à Brit­ney Spears des comptes sur sa vir­ginité à la télévi­sion. » Ce cli­mat idéologique explique l’immense impact de l’affaire. En 2021, un doc­u­men­taire inti­t­ulé Janet Jack­son. Avant et après le scan­dale du Nip­ple­gate décor­tique l’événement, qual­i­fié de « 11-Sep­tem­bre des guer­res cul­turelles ». Le film donne la parole aux organ­isa­teurs du spec­ta­cle de la mi-temps du Super Bowl, le Half­time Show. La finale du cham­pi­onnat de foot­ball améri­cain est l’événement sportif le plus regardé à la télévi­sion aux États-Unis. S’y pro­duire est le couron­nement d’une car­rière, comme ce fut le cas pour Michael Jack­son, Diana Ross, Aero­smith ou Phil Collins. Mais la Ligue nationale de foot­ball (NFL), copro­duc­trice du spec­ta­cle, défend les valeurs améri­caines patri­o­tiques et famil­iales : hors de ques­tion de tolér­er le moin­dre débor­de­ment. Encore moins au Texas, bas­tion répub­li­cain et chré­tien inté­griste, où l’événement se tient cette année-là. Déjà, le choix du parte­nar­i­at avec MTV rend les équipes fébriles : la chaîne de télévi­sion musi­cale emblé­ma­tique des années 1990 est hon­nie par les conservateur·ices. Ce n’est qu’après de longues hési­ta­tions que Janet Jack­son est invitée à se pro­duire sur la scène du Super Bowl. L’organisation du show est scrutée et validée dans les moin­dres détails. La per­for­mance de Janet Jack­son et, bien sûr, sa tenue font l’objet de nom­breux ajuste­ments jusqu’à la dernière minute. 

« Les douze min­utes de presta­tion sont le plus sou­vent réduites au duo Janet et Justin à la toute fin, rap­pelle la chercheuse spé­cial­iste de la cul­ture nord-améri­caine Célia Sauvage. Pour­tant Justin Tim­ber­lake n’est pas l’unique guest à rejoin­dre Janet sur scène : P. Did­dy, Nel­ly et Kid Rock se pro­duisent égale­ment en pre­mière par­tie du show. Tous chantent explicite­ment leur regard mas­culin “objec­ti­fi­ant” ; ils ne se privent pas de vul­gar­ité. » Mais con­traire­ment à Janet Jack­son, « ils ont tous les droits sur scène, alors que Janet doit respecter à la let­tre ce qui est prévu. Leur présence à côté de l’une des pop stars les plus puis­santes du moment traduit les dynamiques de pou­voir au sein de l’industrie musi­cale, télévi­suelle mais aus­si sportive. »

Ce 1er févri­er 2004, les Patri­ots de la Nou­velle-Angleterre affron­tent les Pan­thers de la Car­o­line au sein de l’immense sta­di­um de Hous­ton. À la mi-temps, Janet Jack­son appa­raît vêtue d’un corset noir, entourée d’une armée de danseurs au look « steam­punk ». « Le set se com­pose d’un med­ley de trois chan­sons de Janet, dont All for you et Rhythm Nation, deux chan­sons cultes sur l’expression du désir féminin mais aus­si sur le con­trôle, l’empowerment, mar­que de fab­rique con­tro­ver­sée de Janet », pré­cise Célia Sauvage. À la fin de son show à la choré­gra­phie mil­limétrée, la fameuse sur­prise qu’elle avait annon­cée à la presse fait son appari­tion. C’est Justin Tim­ber­lake, le chanteur du boys band NSYNC. À 23 ans, il est le pro­tégé de Janet Jack­son, qui a pris sous son aile son groupe, qu’elle a invité à se pro­duire en pre­mière par­tie de sa tournée mon­di­ale de 1998. Tim­ber­lake a déclaré à plusieurs repris­es qu’il était fan de la chanteuse, et pas seule­ment pour son influ­ence musi­cale ; il a déjà, et de façon insis­tante, évo­qué son physique. En 2001 notam­ment, les NSYNC sont réu­nis sur scène pour la remise d’un prix à Janet Jack­son. Alors que son cama­rade Chris Kirk­patrick loue son tal­ent, Justin Tim­ber­lake s’empare à plusieurs repris­es du micro. « She’s fine, she’s fine » (elle est belle), répète-t-il, con­tent de sa blague.

Une hystérie aux allures de procès des sorcières de Salem

Vers la fin du Half­time Show, Janet Jack­son et Justin Tim­ber­lake inter­prè­tent Rock Your Body, le sin­gle du pre­mier album solo du chanteur. Dernier cou­plet, dernière phrase : « Bet­ter have you naked by the end of this song » (Mieux vaut que tu sois nue à la fin de cette chan­son). Justin Tim­ber­lake arrache le busti­er de Janet Jack­son, comme prévu, mais ce qui ne l’est pas, c’est que son sou­tien-gorge en den­telle rouge est égale­ment arraché. Le sein de Janet Jack­son, téton orné d’un soleil étoilé en argent, appa­raît un neu­vième de sec­onde à l’écran. La caméra coupe, plan large, feux d’artifice. Janet Jack­son quitte la scène pré­cipi­ta­m­ment, le vis­age bais­sé. C’est la fin de la mi-temps… et le début d’une hys­térie col­lec­tive aux allures de procès des sor­cières de Salem.

Après la stu­peur, tout le monde cherche à join­dre la chanteuse, qui déserte l’enceinte du Super Bowl et ne répond pas au télé­phone. Ce serait d’ailleurs là sa pre­mière faute : avoir gardé le silence trop longtemps. Tim­ber­lake, lui, fan­faronne dès la fin du show. « On adore vous don­ner matière à dis­cuter », crâne-t-il devant les caméras. Mais très vite, le jeune homme fait son mea cul­pa et présente des excus­es con­trites pour ce geste déplacé. Pas Janet Jack­son. Son man­ag­er a beau expli­quer publique­ment, avant même la fin du match, qu’il s’agissait d’un acci­dent, c’est trop tard. Le nom de la chanteuse appa­raît en tête de tous les moteurs de recherche nord-améri­cains. Trois geeks de la Sil­i­con Val­ley qui tra­vail­lent pour l’application Pay­Pal s’agacent de ne pas trou­ver les images en ligne. Pour remédi­er à ce prob­lème, ils créent, l’année d’après, le site YouTube, qui cen­tralise toutes les vidéos postées par tout le monde. Celle du sein de Janet Jack­son devient l’une des plus regardées de l’histoire d’Internet. Bien­tôt le terme « Nip­ple­gate » (mot à mot : le scan­dale du téton) devient un mot courant, tout comme l’expression « wardrobe mal­func­tion », util­isée par Justin Tim­ber­lake pour désign­er le « souci de garde-robe » ren­con­tré par Janet Jack­son.


« On peut être Janet Jack­son, être une icône, avoir une car­rière de plus de vingt ans… Quel que soit le statut d’une femme, on peut la faire tomber pour très peu de choses. »

ROKHAYA DIALLO, jour­nal­iste et doc­u­men­tariste antiraciste


Refusant de battre sa coulple, elle est blacklistée

Les respon­s­ables du Half­time Show à la Ligue nationale de foot­ball améri­cain étaient-ils au courant que ce dévoile­ment allait se pro­duire ? Les chaînes de télé CBS et MTV le savaient-elles ? Ces ques­tions devi­en­nent cen­trales dans le débat, et les jour­nal­istes rivalisent d’anecdotes, hypothès­es et scoops en tous gen­res sur la pré­pa­ra­tion du Half­time Show. Ain­si, la choré­gra­phie ini­tiale prévoy­ait que ce soit le kilt de Janet Jack­son qui soit arraché par Justin Tim­ber­lake. On déterre une cita­tion du choré­graphe de Janet Jack­son qui avait annon­cé des « moments choquants ». La ques­tion des respon­s­abil­ités est aus­si finan­cière. L’entreprise de télé­com­mu­ni­ca­tions AOL, spon­sor de l’événement, réclame un rem­bourse­ment de 10 mil­lions de dol­lars. La FCC, insti­tu­tion chargée de réguler le con­tenu des émis­sions de radio et de télé aux États-Unis, reçoit 200 000 plaintes en quelques jours. Elle con­damne CBS à une amende de 550 000 dol­lars, annulée après huit ans de procé­dure judi­ci­aire.

 Une semaine après l’événement, la chaîne CBS organ­ise les 46es Gram­my Awards. Le patron de la chaîne, Les Moonves, exige des excus­es publiques de Justin Tim­ber­lake et Janet Jack­son pour main­tenir leur par­tic­i­pa­tion. Janet Jack­son, qui devait remet­tre un prix, refuse et n’y appa­raît donc pas, con­traire­ment à Justin Tim­ber­lake. Parce qu’elle n’accepte pas de bat­tre sa coulpe publique­ment sur ordre de Les Moonves, Janet Jack­son est black­listée. Elle devait inter­préter le rôle prin­ci­pal d’un biopic sur l’activiste Lena Horne ; sa par­tic­i­pa­tion est annulée. La chanteuse pub­lie finale­ment un com­mu­niqué et une inter­view vidéo où elle s’excuse « auprès de ceux qu’elle a offen­sés sans le vouloir ». Mais une enquête l’accuse d’avoir ajouté le bijou à son sein sans en référ­er aux pro­duc­teurs du show, et l’acharnement per­dure. Son album Dami­ta Jo, sor­ti un mois après le scan­dale, se vend qua­tre fois moins bien que les précé­dents. VH1, l’un des prin­ci­paux réseaux de radios, appar­tient à Via­com, le même groupe que CBS. Selon les man­agers de Janet Jack­son, Les Moonves aurait fait en sorte que l’artiste n’y soit pas dif­fusée. « On peut être Janet Jack­son, être une icône, avoir une car­rière de plus de vingt ans… Quel que soit le statut d’une femme, on peut la faire tomber pour très peu de choses », résume Rokhaya Dial­lo. Aurait-elle subi le même back­lash si elle n’était pas noire ? Célia Sauvage en doute : « Les femmes noires sont tout à fait autorisées à révo­lu­tion­ner la représen­ta­tion des corps et de la sex­u­al­ité, à con­di­tion de rester dans un imag­i­naire trans­gres­sif, qui ne pré­tend à aucune respectabil­ité. C’est cette respectabil­ité main­stream et com­mer­ciale que vient chercher Janet en accep­tant le Half­time du Super Bowl. Avec son album Dami­ta Jo, elle ambi­tionne de décloi­son­ner son image d’artiste R&B. Lorsque Justin lui arrache son busti­er, c’est pré­cisé­ment cette respectabil­ité qu’il lui vole. »

Un tel acharnement, plus difficile aujourd’hui ?

 En 2018, des enquêtes du New York­er révè­lent que douze femmes accusent Les Moonves, l’ancien prési­dent de CBS, de har­cèle­ment et d’agressions sex­uelles. Après avoir démis­sion­né de son poste, il est con­damné pour avoir ten­té de cor­rompre un offici­er de police afin qu’il dis­simule les plaintes. Il a été un mail­lon essen­tiel du har­cèle­ment dont la chanteuse a été vic­time. De rares voix se sont élevées pour inter­roger la mise à l’écart de Janet Jack­son et le manque de sol­i­dar­ité de Justin Tim­ber­lake. « Pourquoi Justin a‑t-il ven­du Janet et est-il allé aux Gram­my ? » inter­ro­geait le rappeur Com­mon dans le titre Why, sor­ti en 2004, peu après le gate. « J’ai prob­a­ble­ment essuyé 10 % des cri­tiques, recon­nais­sait Tim­ber­lake sur MTV en 2006. Je pense que l’Amérique est plus dure envers les femmes, et je pense que l’Amérique est injuste­ment dure envers les minorités eth­niques. » Inter­rogée à pro­pos du scan­dale par Oprah Win­frey en 2006, Janet Jack­son a expliqué que, en finis­sant par présen­ter des excus­es, elle avait endossé la respon­s­abil­ité de l’incident et qu’elle le regret­tait encore. Avant d’ajouter, à pro­pos de Justin Tim­ber­lake : « Cer­taines choses ne se font pas entre amis. » Dans un por­trait doc­u­men­taire récent, la star couron­née en 2020 par le Rock and Roll Hall of Fame, dis­ait avoir par­don­né ce moment sans l’avoir oublié. Un tel acharne­ment médi­a­tique pour­rait dif­fi­cile­ment avoir lieu aujourd’hui, estime Rokhaya Dial­lo. « Le grand pub­lic est plus sen­si­bil­isé au fémin­isme et aux ques­tions sur le con­sen­te­ment. Ce n’est pas elle qui a arraché le sou­tien-gorge », rap­pelle la jour­nal­iste.

Les financées de l’Amérique victimes du contrôle des corps

Le doc­u­men­taire de Jodi Gomes, Janet Jack­son. Avant et après le scan­dale du Nip­ple­gate, signe la réha­bil­i­ta­tion publique et offi­cielle de Janet Jack­son. Après le vision­nage, Justin Tim­ber­lake renou­velle ses excus­es via un post Insta­gram : « Je suis pro­fondé­ment désolé pour les moments de ma vie où mes actions ont con­tribué au prob­lème, où j’ai par­lé quand ce n’était pas mon tour ou gardé le silence quand il fal­lait par­ler. Je com­prends que j’ai échoué à ces moments-là et à beau­coup d’autres, et que j’ai béné­fi­cié d’un sys­tème qui encour­age la misog­y­nie et le racisme. Je veux spé­ci­fique­ment m’excuser auprès de Brit­ney Spears et de Janet Jack­son. Je tiens à ces deux femmes, je les respecte, et je sais que je n’ai pas fait ce qu’il aurait fal­lu. » Les excus­es du chanteur s’adressent donc aus­si à son ex-com­pagne, après la paru­tion d’un autre film doc­u­men­taire : Fram­ing Brit­ney Spears (2021). Comme celle de Janet Jack­son, la car­rière de la jeune chanteuse a été per­cutée par un moment de télévi­sion, lorsque Justin Tim­ber­lake a admis face caméra avoir eu des rela­tions sex­uelles avec elle. Les deux femmes ont en com­mun d’avoir été les petites fiancées de l’Amérique, et d’avoir subi son obses­sion pour le con­trôle des corps. Le con­trôle : c’est ce que Janet Jack­son voulait repren­dre dans son album iconique de 1986. En 2021, après la sor­tie du doc­u­men­taire sur le Nip­ple­gate, Con­trol est rede­venu numéro 1 des hit-parades. « Con­trol, nev­er gonna stop. »

Léa Mormin-Chauvac

Journaliste et autrice, elle est membre du comité éditorial de La Déferlante. Entre la Martinique et l’Hexagone, elle travaille notamment sur les mouvements féministes noirs et postcoloniaux. Voir tous ses articles

Danser : l’émancipation en mouvement

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue papi­er La Défer­lante n°10 Danser, de mai 2023. La Défer­lante est une revue trimestrielle indépen­dante con­sacrée aux fémin­ismes et au genre. Tous les trois mois, en librairie et sur abon­nement, elle racon­te les luttes et les débats qui sec­ouent notre société.
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