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Ira Nadia Kodiche : La danse me tient debout

Ira Nadia Kodiche a arrêté la danse après un acci­dent, il y a qua­tre ans. Aujourd’hui choré­graphe, elle se déplace en fau­teuil roulant. L’ancienne danseuse et prof de danse racon­te le renou­velle­ment de son art et la volon­té de trans­mis­sion qui con­tin­ue de guider cha­cun de ses mou­ve­ments.
Publié le 12/04/2023

Modifié le 16/01/2025

La danseuse et chorégraphe Ira Kodiche (au second plan) et sa collaboratrice Audrey Jade Gibouin dans un mouvement chorégraphique, à Villejuif (Val-de-Marne), le 30 janvier 2023
La danseuse et choré­graphe Ira Kodiche (au sec­ond plan) et sa col­lab­o­ra­trice Audrey Jade Gibouin dans un mou­ve­ment choré­graphique, à Ville­juif (Val-de-Marne), le 30 jan­vi­er 2023 © Lynn S.K.

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue papi­er La Défer­lante n°10 Danser, de mai 2023. La Défer­lante est une revue trimestrielle indépen­dante con­sacrée aux fémin­ismes et au genre. Tous les trois mois, en librairie et sur abon­nement, elle racon­te les luttes et les débats qui sec­ouent notre société.
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Je suis pas­sion­née de danse depuis ma toute petite enfance. Je n’ai jamais vrai­ment pris de cours, mais j’ai tout de suite enseigné, comme si c’était inné. Dans mon enseigne­ment, j’ai été entourée de danseurs et danseuses venant d’horizons dif­férents qui m’ont per­mis de trou­ver ma pro­pre expres­sion cor­porelle. J’ai été mère à 15 ans et ma mater­nité a tou­jours été liée à la danse. J’ai don­né mon pre­mier cours l’année de la nais­sance de ma fille et je l’emmenais partout avec moi. J’ai com­mencé à la Mai­son pour tous d’Angers [Maine-et-Loire], ma ville natale, avant d’enseigner tous les mer­cre­dis dans une école de danse du cen­tre-ville. Voir les gens s’épanouir et se libér­er d’un poids après l’école ou le tra­vail me fai­sait grandir.

Je suis dev­enue choré­graphe à 16 ans pour les danseuses du Sport­ing Club de l’Ouest à Angers. Elles dan­saient avant les matchs de foot­ball et pen­dant la mi-temps. J’ai aus­si pu ouvrir mon école de danse et mon­ter ma pro­pre com­pag­nie : le Bal­let jazz, auquel même des gens du con­ser­va­toire par­tic­i­paient.

Je n’étais plus rien, je n’avais plus de muscles

On a fait les qua­tre cents coups à Angers avant de mon­ter à Paris en 1989 avec un besoin d’évoluer. C’était la plaque tour­nante de la danse, tout s’y pas­sait. La qual­ité et le pro­fes­sion­nal­isme des danseurs étaient impres­sion­nants. Comme auto­di­dacte, je devais me prou­ver à moi-même que j’étais à leur hau­teur. On me con­nais­sait pour ma rigueur. J’étais une femme forte. Mes cours ­d’assouplissement étaient très poussés, je cher­chais tou­jours à aller au-delà de ce que les danseurs pou­vaient faire.

J’ai com­mencé à avoir une cer­taine renom­mée dans le milieu, et j’ai pu m’exprimer au-delà de la France : en Europe, en Asie et en Amérique du Sud. J’ai appris à compter de 1 à 8 dans beau­coup de langues ! C’était un hon­neur d’être demandée. J’étais sol­lic­itée pour don­ner des cours. J’ai aus­si créé des tableaux de danse, réal­isé des clips et des films et mon­té des comédies musi­cales pour de grandes com­pag­nies. J’ai même mon­té mes pro­pres spec­ta­cles, tous styles con­fon­dus.

En 2019, après une chute de plusieurs mètres, j’ai per­du l’usage de mes jambes. Je suis dev­enue para­plégique mal­gré de lour­des opéra­tions risquées et de nom­breux mois d’hospitalisation et de réé­d­u­ca­tion. Pour moi, je n’étais plus rien : je n’avais plus de mus­cles et je ne pou­vais même pas m’asseoir. Quand on m’a pro­posé de danser et de don­ner des cours au cen­tre de réadap­ta­tion, j’ai refusé. Entre 2019 et 2020, je n’ai pas dan­sé. J’ai d’abord dû me relever.

Les images du passé et la résilience du quotidien

Deux retrou­vailles m’ont fait repren­dre le chemin des stu­dios de danse. Sur les bancs de la cafétéria du cen­tre de réadap­ta­tion, j’ai ren­con­tré un ancien élève que j’avais hébergé à Paris. Vingt ans après, il était devenu choré­graphe et réal­i­sait un doc­u­men­taire¹ où patients amputés et soignants du cen­tre de réadap­ta­tion de Cou­bert [Seine-et-Marne] dan­saient ensem­ble.

À mon retour du cen­tre j’étais cloîtrée à la mai­son. Dehors, rien n’est adap­té aux fau­teuils roulants. Le hasard a fait qu’au même moment mon ancien binôme, Thier­ry Verg­er, habitait la mai­son en face de chez moi. Il m’a pro­posé de venir voir une de ses créa­tions. J’ai tout de suite retrou­vé les mêmes odeurs de tran­spi­ra­tion. Les larmes ont coulé sur mes joues et sur celles des danseurs qui me con­nais­saient. La salle de danse, c’est ma mai­son. Assise, la danse me tient debout.

Aujourd’hui, je n’ai plus le même corps : les médica­ments m’ont fait pren­dre beau­coup de poids, je n’ai plus de pou­voir sur mes jambes et ma voix est dev­enue plus grave. J’ai appris la danse en regar­dant les autres et j’enseignais en mon­trant. Aujourd’hui je n’enseigne plus, je ne sais pas com­ment faire sans mon­tr­er le mou­ve­ment. Ce serait une autre forme, plus péd­a­gogique peut-être. Danser en fau­teuil roulant serait un vrai chal­lenge, mais pour l’instant je ne m’en sens pas capa­ble. La choré­gra­phie est rede­v­enue impor­tante dans l’expression de mon art. J’en ai créé de nou­velles. Et tout a recom­mencé.

Une nou­velle his­toire s’écrit à par­tir d’une page blanche. Sur scène, ma démarche est dif­férente. Depuis que je choré­gra­phie dans mon fau­teuil, j’ai un regard plus pro­fond et mes créa­tions sont meilleures. Comme si, à tra­vers ces mou­ve­ments que je crée, mon his­toire tran­spi­rait. J’aimerais faire une créa­tion en sou­venir de mon acci­dent, de tout ce que j’ai pu voir au cen­tre de réadap­ta­tion, pour tous les acci­den­tés de la vie. En atten­dant, je mets en scène les images du passé et la résilience du quo­ti­di­en. Parce que j’ai com­pris que je n’arrêterai pas de choré­gra­phi­er.  •

Pro­pos recueil­lis le 16 jan­vi­er 2023 par Marie-Agnès Laf­fougère, jour­nal­iste en alter­nance à La Défer­lante.


1. Dis-moi sur quel pied tu dans­es, je te dirai qui tu es… Doc­u­men­taire de Philippe Ménard et Lau­rent Fontaine Cza­czkes, en cours de réal­i­sa­tion.

Marie-Agnès Laffougère

Journaliste indépendante, elle travaille pour Têtu, Livres Hebdo et Radio France sur des sujets liés au genre et aux questions LGBT+. Voir tous ses articles

Danser : l’émancipation en mouvement

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue papi­er La Défer­lante n°10 Danser, de mai 2023. La Défer­lante est une revue trimestrielle indépen­dante con­sacrée aux fémin­ismes et au genre. Tous les trois mois, en librairie et sur abon­nement, elle racon­te les luttes et les débats qui sec­ouent notre société.
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