Warning: Attempt to read property "ID" on int in /home/clients/f3facd612bb3129d1c525970fad2eeb3/sites/tpp.revueladeferlante.org/wp-content/themes/Divi/includes/builder/post/PostStack.php on line 62

Clara Zetkin, la femme qui fit date

Publié le 08/03/2023

Modifié le 16/01/2025

Clara Zetkin
[ARCHIVES 8 mars 2021 ] Les éditions Hors d’atteinte publient un recueil des principaux textes de Clara Zetkin, qui fut, entre autres, l’instigatrice de la Journée internationale des Droits des femmes. L’occasion de revenir sur cette figure oubliée dont l’héritage intellectuel a pourtant traversé le siècle.

Ces dernières années tout par­ti­c­ulière­ment, cette date est dev­enue un ren­dez-vous incon­tourn­able : le 8 mars, dans la rue, dans les médias et aux rayons des librairies, dans quan­tité de munic­i­pal­ités, les ini­tia­tives et pub­li­ca­tions se mul­ti­plient pour mar­quer la Journée inter­na­tionale des Droits des femmes. Une mobil­i­sa­tion que l’on doit à la jour­nal­iste et femme poli­tique Clara Zetkin : en 1910, elle parvient, avec sa cama­rade Käte Dunck­er, à vain­cre les mâles résis­tances au sein du Par­ti social-démoc­rate alle­mand pour pro­pos­er aux social­istes de tous les pays, en accord avec les syn­di­cats, la pre­mière « Journée inter­na­tionale des femmes ». À par­tir de 1921, la journée est fixée au 8 mars, en hom­mage à la grève lancée le 8 mars 1917 par les ouvrières du tex­tile à Saint-Peters­bourg. Une date qui illus­tre les liens, com­pliqués mais féconds, entre mou­ve­ments pour les droits des travailleur·euses et luttes pour l’émancipation des femmes : Clara Zetkin, à qui les édi­tions Hors d’atteinte con­sacrent un très bel ouvrage inti­t­ulé Je veux me bat­tre partout où il y a de la vie, est de celles qui ont cher­ché à faire avancer ensem­ble ces deux caus­es.

Née en 1857 dans l’est de l’Allemagne actuelle, morte en exil à Moscou en 1933, elle fut à la fois l’une des grandes voix du mou­ve­ment social­iste nais­sant et une pio­nnière des com­bats fémin­istes. « Toute sa vie, elle a marché sur une ligne de crête très dif­fi­cile à tenir : trop fémin­iste pour les gauchistes, et trop gauchiste pour les fémin­istes, explique Marie Her­mann, codi­rec­trice des édi­tions Hors d’atteinte. Elle qui s’est tou­jours posi­tion­née du côté des ouvrières se révèle acerbe à l’égard des fémin­istes bour­geois­es, alors engagées dans la bataille pour le droit de vote : elle con­sid­ère que l’égalité poli­tique, sans autonomie économique, n’est qu’un chèque en blanc, par exem­ple. »

Clara Zetkin

Cette capac­ité à point­er la diver­sité des oppres­sions sociales et poli­tiques l’amène à de fines intu­itions. « Clara Zetkin ouvre aus­si des pistes sur ce qu’on appelle aujourd’hui l’intersectionnalité », pour­suit l’éditrice, citant par exem­ple l’appel pub­lié en 1932 pour sauver huit jeunes Afro-améri­cains con­damnés à mort pour viol après un sim­u­lacre de procès. « Ils veu­lent brûler vifs ces garçons noirs afin de ter­roris­er les mass­es laborieuses de Noirs qui se rebel­lent con­tre l’exploitation dont ils sont vic­times et qui sont en train de for­mer un front uni avec leurs frères et sœurs blancs con­tre la faim, les guer­res impéri­al­istes et les hor­reurs sanglantes des Blancs », écrit alors Clara Zetkin, usant d’une phraséolo­gie de son époque, où il n’est pas encore ques­tion de con­ver­gence des luttes, mais d’union des tra­vailleurs et tra­vailleuses.

ICÔNE EN RDA

Au-delà d’une séman­tique poli­tique par­fois datée, com­ment expli­quer l’oubli dans lequel a pu tomber Clara Zetkin ? Au gré des évo­lu­tions sociales et (géo)politiques, elle a con­nu la gloire aus­si bien que la dis­grâce. « Je me suis instal­lée en Alle­magne de l’ouest un peu avant 1968 ; j’ai alors décou­vert les écrits de Clara Zetkin en mil­i­tant avec un groupe de femmes de l’Union social­iste alle­mande des étu­di­ants, racon­te Flo­rence Hervé, jour­nal­iste et uni­ver­si­taire, déjà autrice aux édi­tions Dietz Berlin d’un recueil de textes de Zetkin en langue alle­mande et qui a coor­don­né l’édition de Je veux me bat­tre partout où il y a de la vieJ’étais choquée par la sit­u­a­tion des femmes dans une société très con­ser­va­trice. Mais Clara Zetkin s’était battue dans des con­di­tions dif­fi­ciles à la fin du XIXe siè­cle : elle mon­trait com­ment on pou­vait lut­ter pour ses droits. »

 

« ELLE ÉTAIT TROP FÉMINISTE POUR LES GAUCHISTES, ET TROP GAUCHISTE POUR LES FÉMINISTES »

Pen­dant la guerre froide, c’est pour­tant de l’autre côté du Mur, en RDA, que Clara Zetkin devient une icône. Elle fait l’objet d’une cer­taine récupéra­tion poli­tique : ain­si, les let­tres dans lesquelles elle exprime une posi­tion cri­tique à l’égard de Staline et du KPD, le par­ti com­mu­niste alle­mand, sont con­servées aux archives de Moscou, bien à l’abri des regards… L’historiographie est-alle­mande a ten­dance à minor­er ses posi­tion­nements fémin­istes. À la chute du mur de Berlin, au tour­nant des années 1990, Clara Zetkin retombe en dis­grâce : « En RDA, il y avait pour­tant eu des travaux de recherche extra­or­di­naires menées sur elle. Tout ça est tombé dans les oubli­ettes aujourd’hui, au pré­texte que les recherch­es en Alle­magne de l’est ne valaient rien », regrette Flo­rence Hervé. Mais le regain des mou­ve­ments fémin­istes à l’heure actuelle est aus­si l’occasion, pour les jeunes généra­tions, de redé­cou­vrir des héritages insoupçon­nés. Alors que Je veux me bat­tre partout où il y a de la vie sort en France, Flo­rence Hervé se réjouit de voir Clara Zetkin faire l’objet en Alle­magne d’une biogra­phie romancée, Eine rote Fem­i­nistin (« Une fémin­iste rouge »), que pub­lie Lou Zuck­er, jour­nal­iste d’une trentaine d’années, aux édi­tions Das neue Berlin.

UNE AMITIÉ PROFONDE AVEC ROSA LUXEMBOURG

Alors tou­jours d’actualité, Clara Zetkin ? Flo­rence Hervé en est con­va­in­cue : « À l’heure où l’extrême droite, qui pro­gresse en Alle­magne, remet en ques­tion le tra­vail des femmes, c’est très éclairant de lire ses argu­ments sur le sujet : elle fait juste­ment du tra­vail une con­di­tion néces­saire d’émancipation. » L’autrice insiste aus­si sur l’importance accordée par Zetkin à la sol­i­dar­ité entre les femmes. L’amitié pro­fonde qui la liait à Rosa Lux­em­bourg, sœur de com­bat dans l’univers très vir­il du social­isme inter­na­tion­al­iste des années 1900, s’exprime avec inten­sité dans Je veux me bat­tre partout où il y a de la vie : « Ma chère, mon unique Rosa, je sais que tu par­ti­ras fière et heureuse. Je sais que tu n’as jamais souhaité mourir autrement qu’en te bat­tant pour la révo­lu­tion. Mais nous ? Pour­rons-nous nous pass­er de toi ? Vivre sans toi ? Je n’arrive pas à réfléchir, je ressens sim­ple­ment. Je te serre fort con­tre moi, con­tre mon cœur », écrit Clara Zetkin le 13 jan­vi­er 1919, deux jours avant l’assassinat de Lux­em­bourg par les mil­i­taires chargés de réprimer à Berlin la révolte spar­tak­iste.

Livre - Je veux me battre partout où il y a de la vie, Clara Zetkin

Je veux me bat­tre partout où il y a de la vie, Clara Zetkin. Ouvrage coor­don­né et intro­duit par Flo­rence Hervé, Hors d’atteinte, 19 euros.

« Il y a dans leurs échanges un équili­bre entre des débats acharnés purs et durs, très théoriques, et un souci, un soin con­stant de l’autre, avec la con­science que le com­bat peut être épuisant », explique Marie Her­mann, pour qui Clara Zetkin ne vit pas dans l’ascétisme de la lutte pour un idéal loin­tain : « Dans sa cor­re­spon­dance, elle a une manière bien à elle de par­ler de la joie, de la beauté des choses… » Une façon de sig­ni­fi­er que la lutte n’est pas un sac­ri­fice, mais une manière d’être présente, ancrée dans la vie.

À la veille de la Journée inter­na­tionale des droits des femmes, les mots avec lesquels elle entame son arti­cle L’Étudiant et la Femme, vibrant plaidoy­er fémin­iste pub­lié en 1899, réson­nent avec force : « Sur notre époque défer­le la vague d’un immense désir : celui de voir vivre et s’épanouir pleine­ment la con­science libre et forte de l’individualité de cha­cun. »

Couverture La Déferlante #9 - Baiser pour une sexualité qui libère

Précommandez le dernier numéro de La Déferlante  !

Pour ce pre­mier numéro de 2023, nous con­sacrons notre dossier au thème BAISER car, oui la révo­lu­tion sex­uelle reste encore à venir ! On y par­le de sex­olo­gie fémin­iste, de désirs qui font désor­dre, on y décon­stru­it les normes validistes et on plonge à pieds joints dans le réc­it de sci­ence-fic­tion éro­tique « Tout est chaos », signé Wendy Delorme et Elise Bon­nard.

⟶ Vous souhaitez recevoir La Défer­lante, au tarif de 15 euros (au lieu de 19), et sans engage­ment ? Décou­vrez notre offre d’abonnement à durée libre.

Emmanuelle Josse

Ancienne consultante dans l’édition et la communication et cofondatrice du P.A.F – Collectif pour une parentalité féministe. Cofondatrice, corédactrice en chef, elle est en charge, depuis Paris, des relations libraires et de la maison d’édition. Voir tous ses articles


Notice: ob_end_flush(): Failed to send buffer of zlib output compression (1) in /home/clients/f3facd612bb3129d1c525970fad2eeb3/sites/tpp.revueladeferlante.org/wp-includes/functions.php on line 5471

Notice: ob_end_flush(): Failed to send buffer of zlib output compression (1) in /home/clients/f3facd612bb3129d1c525970fad2eeb3/sites/tpp.revueladeferlante.org/wp-includes/functions.php on line 5471

Notice: ob_end_flush(): Failed to send buffer of zlib output compression (1) in /home/clients/f3facd612bb3129d1c525970fad2eeb3/sites/tpp.revueladeferlante.org/wp-content/plugins/really-simple-ssl/class-mixed-content-fixer.php on line 107