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#MeToo vu par Élodie Tuaillon-Hibon : « Nous avons besoin de la justice »

Publié le 14/10/2022

Modifié le 16/01/2025

#MeToo vu par Élodie Tuaillon-Hibon, Newsletter La Déferlante
Chris­tine Garbage
Pour cette troisième et dernière newsletter consacrée aux répercussions du mouvement #MeToo, nous avons interrogé Élodie Tuaillon-Hibon. Avocate au barreau de Paris, elle est spécialisée dans les affaires de violences sexuelles et défend les parties civiles dans plusieurs affaires très médiatiques : celles de Julien Bayou et de Gérald Darmanin notamment. Dans cet entretien, elle nous explique comment l’afflux d’accusations et de plaintes pour violences sexistes et sexuelles interroge de manière très concrète le fonctionnement de la justice.

 

Alors que la vague #MeToo per­cute le monde poli­tique, les cel­lules d’enquête con­tre les vio­lences sex­istes et sex­uelles dans les par­tis sont très cri­tiquées, par­fois qual­i­fiées de « jus­tice privée ». Quel est votre regard de juriste là-dessus ?

Le mou­ve­ment de pri­vati­sa­tion de la jus­tice existe depuis vingt ans, avec ce qu’on appelle les modes de réso­lu­tion alter­nat­ifs des con­flits (médi­a­tion, trans­ac­tion, négo­ci­a­tion, arbi­trage), qui sont adossés à l’institution judi­ci­aire mais se sont dévelop­pés en dehors d’elle. Où est le prob­lème ?
Quand un adhérent à un par­ti ne paie pas sa coti­sa­tion, ça se règle en interne. Et comme ce n’est pas une affaire qui traite de sex­u­al­ité, per­son­ne ne se roule par terre en deman­dant que la jus­tice soit saisie !
Il faut arrêter de faire comme si, dans notre pays, tout était traité, jugé par l’institution judi­ci­aire et, surtout, comme si elle avait les moyens des ambi­tions du min­istre ! Le temps d’attente pour accéder aux prud’hommes est de qua­tre ans ; une infor­ma­tion judi­ci­aire lamb­da, c’est cinq ans. Et pour les vio­lences de genre, dans 70 à 80 % des cas, les vic­times se pren­nent la porte dans la fig­ure. Il y en a marre !

Donc, pour vous, les cel­lules d’enquêtes actuelles à gauche fonc­tion­nent cor­recte­ment ?

Je ne dis pas que les choses telles qu’elles exis­tent chez Europe Écolo­gie-Les Verts (EELV) et La France insoumise (LFI) sont sat­is­faisantes, loin de là. Mais je refuse de jeter le bébé avec l’eau du bain. L’existence de ces cel­lules con­stitue une avancée et, non, elles ne se sub­stituent pas à l’institution judi­ci­aire. Dire cela est un men­songe. On ne demande pas à une cel­lule de dire s’il y a eu viol ou pas : ce n’est pas son rôle. Ce qu’on lui demande, c’est de per­me­t­tre aux mem­bres de l’organisation de tra­vailler et/ou de militer en sécu­rité.

#MeToo vu par Élodie Tuaillon-Hibon, Newsletter La Déferlante

Selon l’Ob­ser­va­toire des vio­lences faites aux femmes, 94 000 d’en­tre elles sont vio­lées chaque année, en France. © Chris­tine Garbage

Une déci­sion de jus­tice récente remet en cause la pre­scrip­tion dans l’affaire des accu­sa­tions con­tre Patrick Poivre d’Arvor (PPDA). Elle fait écho aux reven­di­ca­tions portées par cer­taines asso­ci­a­tions et vic­times de ren­dre impre­scriptibles les crimes sex­uels. Quelle est votre posi­tion ?

Dans l’affaire PPDA, la défense de Flo­rence Por­cel a eu l’occasion de faire recon­naître la séri­al­ité des faits (c’est-à-dire qu’une série de faits, dont cer­tains étaient pre­scrits, con­stitue un seul et même acte). Cette jurispru­dence n’est pas nou­velle, elle existe depuis 2005.
Je com­prends que cer­taines per­son­nes deman­dent […]

l’imprescriptibilité ; per­son­nelle­ment je n’y suis pas favor­able. D’un point de vue poli­tique, il faut tou­jours pren­dre garde à ce qu’il n’y ait pas trop d’atteintes aux principes fon­da­men­taux. N’importe qui a le droit de savoir quand la jus­tice débute et quand elle finit, de ne pas avoir une épée de Damo­clès toute sa vie au-dessus de sa tête. Par ailleurs, lorsque vous arrivez en cours d’assises dix ans après les faits, l’audition des témoins à la barre est com­pliquée : on se retrou­ve avec des gens qui ne se sou­vi­en­nent de rien.
En revanche, je suis extrême­ment favor­able à ce que l’interruption de la pre­scrip­tion soit pos­si­ble dans cer­tains cas (ce qu’on appelle aus­si « pre­scrip­tion glis­sante » ou « pre­scrip­tion en cas­cade »), un peu comme ce qui a été mis en place dans la loi du 21 avril 2021 dans les affaires de pédocrim­i­nal­ité. Si un crime est pre­scrit mais qu’un autre a été com­mis par la même per­son­ne, sur la même per­son­ne, sans être pre­scrit, cela dés­ac­tive la pre­scrip­tion du pre­mier crime. Pour l’instant, ça n’est pas très util­isé et c’est can­ton­né aux mineur·es, mais il faudrait la même dis­po­si­tion pour les per­son­nes majeures.

« IL FAUT IMPÉRATIVEMENT CHANGER LA DÉFINITION DU VIOL POUR CASSER LA PRÉSOMPTION DE CONSENTEMENT.  »

Quelles mesures vous paraî­traient indis­pens­ables pour amélior­er, dans votre quo­ti­di­en d’avocate, la prise en charge des vic­times de vio­lences sex­uelles ?

Pour com­mencer, je suis favor­able à la créa­tion de juri­dic­tions spé­cial­isées dans les vio­lences de genre, comme cela existe en Espagne (lire à ce sujet l’article de Sophie Bout­boul dans le numéro 3 de La Défer­lante).
Ensuite, il faut impéra­tive­ment chang­er la déf­i­ni­tion du viol et des agres­sions sex­uelles pour cass­er la pré­somp­tion de con­sen­te­ment. Quand le Code pénal écrit que tout acte de péné­tra­tion com­mis par « con­trainte, men­ace, sur­prise » est un viol, ça sup­pose que pour tout le reste on est présumé·es disponibles sex­uelle­ment. En Suède et en Espagne, on inter­roge les hommes sur la façon dont ils se sont assurés du con­sen­te­ment de leur parte­naire. Il ne s’agit pas d’envoyer un recom­mandé avant chaque acte sex­uel, comme certain·es le car­i­ca­turent, mais d’être capa­ble de dire qu’on s’est bien assuré que le ou la parte­naire était d’accord.
Il faut inscrire dans le Code pénal l’interdiction de porter atteinte à la lib­erté sex­uelle d’autrui. Parce que c’est ça, au fond, le prob­lème des agres­sions sex­uelles : tu n’as même pas le temps d’envisager tes désirs qu’on a déjà décidé à ta place. Ça prive d’un droit essen­tiel !

Ne faudrait-il pas sor­tir des solu­tions pénales dans les affaires de vio­lences sex­uelles ? Est-ce qu’on n’attend pas trop de la jus­tice ?

Ce ne sont pas les vio­ls et les agres­sions sex­uelles qui rem­plis­sent les pris­ons… Si les juri­dic­tions étaient moins encom­brées par les out­rages, les rébel­lions, les pour­suites con­tre les réfugié·es, ça libér­erait de la place pour traiter les vio­lences de genre. Il faut con­tin­uer à deman­der chaque fois davan­tage à la jus­tice sur les vio­lences sex­istes et sex­uelles, car on a besoin d’elle. Les agresseurs sex­uels et les auteurs de vio­lences intrafa­mil­iales sont sou­vent dans la toute-puis­sance : le seul moment où on les voit faib­lir, c’est quand on leur passe les menottes. Je ne suis pas une fana­tique des peines longues, mais je crois qu’il faut punir un peu quand même, et bien sûr réha­biliter pour que les per­son­nes vio­lentes puis­sent nuire le moins pos­si­ble.

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Marie Barbier

Journaliste spécialisée dans les questions judiciaires. Elle a longtemps traîné sur les bancs des palais de justice pour le quotidien L’Humanité. Cofondatrice, elle en est aujourd’hui corédactrice en chef de La Déferlante. Elle gère, depuis Rennes, les questions financières. Voir tous ses articles


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