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#MeToo vu par Alison Bechdel : « Je songe à quitter les États-Unis »

Publié le 30/09/2022

Modifié le 16/01/2025

Alison Bechdel
Mar­la Auf­muth / TED cre­ative com­mons
Dans cette deuxième newsletter de notre série consacrée aux cinq ans de la médiatisation du mouvement #MeToo, nous donnons la parole à Alison Bechdel, autrice de bande dessinée et icône lesbienne. Celle qui publie en cette rentrée un nouvel album intitulé Le Secret de la force surhumaine s’inquiète aujourd’hui d’un retour de bâton politique imminent dans son pays.

 

Le mou­ve­ment #MeToo fête, cet automne, ses cinq ans d’exposition médi­a­tique. Com­ment avez-vous vécu l’éclosion de ce mou­ve­ment à l’époque ?

Cela a été pour moi un moment à la fois éton­nant et très puis­sant : le genre de choses que je ne pen­sais pas voir de mon vivant. La société était enfin mise face à l’ampleur du phénomène des vio­lences sex­uelles. #MeToo nous a redonné beau­coup d’espoir mais, pour ma part, je me suis tout de suite demandé : est-ce que cela va dur­er ? Est-ce que cela va chang­er quelque chose ?
Cette prise de parole col­lec­tive a aus­si eu un effet per­son­nel direct : j’ai com­mencé à pass­er en revue les agres­sions que j’avais subies dans ma vie. Il ne m’est rien arrivé de très grave, mais je me suis ren­du compte que j’avais régulière­ment été con­fron­tée à des vio­lences.

Y a‑t-il eu aux États-Unis, comme cela a été le cas en France, des per­son­nal­ités qui s’inscrivaient con­tre ce mou­ve­ment ?

Chez nous, #MeToo a provo­qué un large ent­hou­si­asme, comme un nou­veau souf­fle. Je n’ai pas bien com­pris ce qui s’est passé en France avec ces femmes con­nues qui défendaient les agresseurs. Aux États-Unis, les per­son­nes qui propageaient ces idées ont eu peu d’écho médi­a­tique car ce n’était pas à la mode. Ce qui était à la mode, c’était d’être en faveur de #MeToo.
Mais quand il y a une belle avancée, chaque fois, il y a un back­lash, c’est-à-dire un retour de bâton réac­tion­naire. À peine un an après le début de ces révéla­tions mas­sives, le prési­dent Trump a notam­ment nom­mé à la Cour suprême le juge très con­ser­va­teur Brett Kavanaugh, alors même que des femmes l’accusaient d’agressions sex­uelles. [En juin dernier, cette même Cour suprême  abro­geait l’arrêt Roe vs Wade qui garan­tis­sait depuis 1973 le droit à l’avortement aux État-Unis.]

Alison Bechdel

Ali­son Bechdel. Crédit pho­to : Ele­na Seib­ert

Qu’est-ce qui a changé con­crète­ment depuis cinq ans aux États-Unis ?

Quand j’étais jeune, face à un com­porte­ment sex­iste ou déplacé, nous restions polies et sages, au mieux on lev­ait les yeux au ciel. Le mou­ve­ment #MeToo a accéléré ce

 

proces­sus de libéra­tion de la parole : il est plus facile pour les vic­times de dénon­cer publique­ment des agresseurs, alors que le sys­tème a longtemps tenu grâce à leur silence.
Mais les hommes accusés d’agressions sex­istes et sex­uelles, qui s’étaient effacés pen­dant un moment de la vie publique, com­men­cent main­tenant à réap­pa­raître, sans répa­ra­tions ni excus­es. J’ai l’impression que la plu­part d’entre eux n’ont pas réelle­ment pris en con­sid­éra­tion ce qu’ils avaient fait, même s’ils savent désor­mais pro­duire des tweets par­faite­ment bien for­mulés sur le sujet… On assiste égale­ment à l’émergence de plaintes en diffama­tion con­tre les vic­times, pour les faire taire. Lors du procès inten­té par John­ny Depp con­tre son ex-épouse Amber Head, j’ai été frap­pée par le nom­bre de per­son­nes prêtes à le soutenir et à calom­nier celle qui l’avait accusé de vio­lences psy­chologiques, physiques et sex­uelles.

Dans Le Secret de la force surhu­maine, votre dernier livre, vous racon­tez votre pre­mière expéri­ence de fes­ti­val en mix­ité choisie en 1983 et décrivez le « change­ment de per­cep­tion » qui s’opère en vous dans cet envi­ron­nement sans hommes…

La lutte con­tre les vio­lences est, pour moi, une lutte anci­enne. L’idée de ce fes­ti­val, où nous n’étions qua­si­ment que des les­bi­ennes, c’était de créer un espace sécurisant et d’échapper, pour quelques jours, à la vio­lence patri­ar­cale. Même si vous n’aviez pas vécu d’agressions sex­uelles, vous ressen­tiez ce change­ment de per­cep­tion : per­son­ne ne vous regar­dait de tra­vers, per­son­ne ne vous traquait, ni ne vous agres­sait ver­bale­ment, c’était extra­or­di­naire ! Nous étions une toute petite minorité à vivre cela, mais nous avions envie que cha­cune puisse en faire l’expérience. Aujourd’hui, dans le sil­lage de #MeToo, j’ai l’impression que de plus en plus de per­son­nes ont accès à ce genre d’espaces, sur les réseaux ou autour de chez elles.

« QUAND J’ÉTAIS JEUNE, FACE À UN COMPORTEMENT SEXISTE OU DÉPLACÉ, NOUS RESTIONS POLIES ET SAGES.  »

Voyez-vous un lien entre la cri­tique du sys­tème hétéropa­tri­ar­cal portée en creux par #MeToo et les attaques actuelles con­tre les per­son­nes LGBT aux États-Unis ?

Une par­tie de l’opinion aspire à revenir à un état naturel fan­tas­mé, où les hommes étaient soi-dis­ant de « vrais » hommes, et les femmes de « vraies » femmes. La droite états-uni­enne pro­duit beau­coup de dés­in­for­ma­tion et, en ce moment, elle attaque très dure­ment les per­son­nes trans. C’est comme si elle avait trou­vé la faille pour détru­ire peu à peu les droits des femmes et des minorités, en divisant d’abord le mou­ve­ment pro­gres­siste, qui n’est pas tou­jours très solide sur les droits des per­son­nes trans. C’est trag­ique : cer­taines fémin­istes de ma généra­tion sont pris­es dans une sorte de panique morale face à de fauss­es allé­ga­tions, croy­ant, par exem­ple, que le fait d’octroyer des droits aux femmes trans va leur en retir­er à elles.

Com­ment envis­agez-vous les années à venir ?

J’attends avec anx­iété les résul­tats des élec­tions de mi-man­dat d’octobre prochain. Les gens vont-ils vot­er pour ces hor­ri­bles Répub­li­cains, ou essay­er de sauver les quelques lam­beaux de démoc­ra­tie qu’il nous reste ? Si les trump­istes gag­nent, il fau­dra que je me pose la ques­tion de quit­ter le pays, même si c’est com­pliqué car j’ai beau­coup de proches dont je prends soin aux États-Unis. Je ne veux pas som­br­er dans la panique, mais je ne veux pas non plus rester là à atten­dre le fas­cisme !
La seule manière d’aller de l’avant, c’est finale­ment de s’engager. Je vois de plus en plus de jeunes qui entrent en résis­tance, certain·es rejoignent le groupe Jane’s Revenge [un arti­cle sera con­sacré à ce sujet dans le prochain numéro de La Défer­lante] qui réalise des actions de sab­o­tage à l’encontre d’organisations anti-avorte­ment. La méth­ode peut être con­sid­érée comme dis­cutable, mais c’est ent­hou­si­as­mant de voir que des per­son­nes sont prêtes à militer, à pren­dre des risques.

⟶ 📖 Le Secret de la force surhu­maine, édi­tions Denoël, 2022, 26 euros.
Dans son dernier livre, Ali­son Bechdel décor­tique son addic­tion à l’exercice physique, dans l’optique de s’en libér­er et d’accepter ain­si qu’elle a besoin des autres. L’ouvrage est un rigoureux tra­vail d’introspection per­son­nelle bour­ré d’autodérision et de références cul­turelles, dans la lignée de ses œuvres précé­dentes.

⟶ 📰 Mathilde Blézat signe égale­ment un por­trait d’Alison Bechdel dans le prochain numéro de La Défer­lante, à paraître le 10 novem­bre. 🎨 Son arti­cle est illus­tré par Péné­lope Bagieu.

Couverture La Déferlante #9 - Baiser pour une sexualité qui libère

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Mathilde Blézat

Journaliste indépendante basée à Marseille, elle est coautrice du manuel féministe Notre corps nous mêmes (Hors d’atteinte 2020) et cofondatrice de la revue Panthère première. En février 2022, elle a publié Pour l’autodéfense féministe (Editions de la dernière lettre). Voir tous ses articles


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