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#MeToo vu par Rokhaya Diallo : « Le féminisme occidental invisibilise les contributions des femmes non blanches »

Publié le 16/09/2022

Modifié le 17/04/2025

Mar­la Auf­muth / TED cre­ative com­mons
Alors qu’on célèbre un peu partout l’anniversaire du mouvement #MeToo, la newsletter de La Déferlante donne, pour trois numéros, la parole à des personnalités féministes. Que représente ce hashtag pour elles ? Que retiennent-elles de cette séquence politique ? Première à nous livrer son ressenti, la journaliste, autrice et réalisatrice Rokhaya Diallo donne un grand coup de pied dans la fourmilière féministe : #MeToo est une histoire bien plus ancienne qu’on ne le croit.

À l’automne 2017, comme nom­bre d’entre nous, j’ai été agréable­ment sur­prise de voir le nom de l’actrice états-uni­enne Alyssa Milano ressur­gir dans l’actualité à la faveur du mou­ve­ment #MeToo. Alors qu’elle inci­tait les vic­times de vio­lences sex­uelles à se sig­naler dans un mou­ve­ment d’expression col­lec­tive sous le hash­tag #MeToo, j’assistais à la trans­for­ma­tion de celle qui avait été la star télévisée de mon ado­les­cence en icône fémin­iste plané­taire.

En réal­ité Alyssa Milano n’avait rien inven­té. Une décen­nie aupar­a­vant, Tarana Burke, une tra­vailleuse sociale noire orig­i­naire de Harlem, investie dans des ter­ri­toires bien éloignés de ceux où gravite l’actrice, avait déjà réu­ni de nom­breuses vic­times de vio­lences autour de ce cri con­tes­tataire : « Moi aus­si » [lire à ce sujet le réc­it d’Axelle Jah Njiké dans le numéro 5 de La Défer­lante].

J’ai beau con­naître ce mécan­isme par cœur, la révolte ne me quitte pas : l’histoire du fémin­isme dit « occi­den­tal » est aus­si l’histoire de l’invisibilisation des con­tri­bu­tions – pour­tant ines­timables – de femmes non blanch­es, et de manière générale issues de caté­gories mar­gin­al­isées. Une fois de plus, la nar­ra­tion médi­a­tique nous dépos­sé­dait d’une occa­sion d’honorer une femme noire. Je me fais désor­mais le devoir d’associer son nom à toute évo­ca­tion de #MeToo à laque­lle je prends part.

Tarana Burke lors de la conférence TED Women en novembre 2018.

Tarana Burke lors de la con­férence TED Women en novem­bre 2018. Crédit pho­to : Mar­la Auf­muth / TED cre­ative com­mons

La nais­sance d’un mou­ve­ment d’é­d­u­ca­tion pop­u­laire pour ampli­fi­er la voix des vic­times

Édu­ca­trice, activiste, engagée con­tre les vio­lences insti­tu­tion­nelles depuis vingt ans, Tarana Burke fonde, en 2006 l’organisation Just Be Inc. afin d’accompagner les jeunes femmes noires dans leur accès à la san­té.

Au cours d’un ate­lier, organ­isé en 2006, elle pro­pose à des lycéennes d’écrire «me too» sur une feuille de papi­er pour, en cas de besoin, deman­der de l’aide face à des vio­lences sex­istes. Alors qu’elle s’attend à ne recevoir que cinq ou six sol­lic­i­ta­tions, ce sont vingt femmes qui lui répon­dent « moi aus­si » à l’unisson. Tarana Burke décide alors de créer le mou­ve­ment #MeToo sur MySpace. C’est la nais­sance d’un mou­ve­ment d’éducation pop­u­laire dont l’objectif est de «soutenir et ampli­fi­er la voix des vic­times de vio­lences sex­uelles, d’agression et d’exploitation».

« L’HISTOIRE DU FÉMINISME OCCIDENTAL EST L’HISTOIRE DE L’INVISIBILISATION DES CONTRIBUTIONS DE FEMMES NON BLANCHES. »

Les moyens déployés (ate­liers, organ­i­sa­tion com­mu­nau­taire…), sont pen­sés pour accom­pa­g­n­er au plus près les vic­times et créer de la sol­i­dar­ité à tra­vers le partage d’expérience. Tan­dis qu’Hollywood est à mille lieues d’envisager la prise de parole col­lec­tive des vic­times de vio­lences, une respon­s­able asso­cia­tive anonyme parvient à faire par­ler de con­cert des femmes issues de class­es défa­vorisées.

Avant de devenir un hash­tag pop­u­laire (dont l’impérieuse néces­sité n’est aucune­ment con­testée ici), #MeToo est donc, depuis longtemps, une ini­tia­tive des­tinée aux per­son­nes les plus frag­ilisées sociale­ment. Mais c’est son expres­sion hol­ly­woo­d­i­enne – à tra­vers les voix de femmes blanch­es rich­es et célèbres – qui fait les gros titres en 2017. Au point que cette année-là, lorsque Time Mag­a­zine rend hom­mage aux lanceuses d’alerte du mou­ve­ment #MeToo avec sa cou­ver­ture sur les « per­son­nal­ités de l’année », Tarana Burke n’y fig­ure pas [même si elle fig­ure dans les pages du mag­a­zine]. Elle est effacée de l’histoire offi­cielle, comme tant de femmes noires avant elle.

Une fig­ure majeure du fémin­isme

Tarana Burke a pour­tant com­pris, bien avant les autres, que les vio­lences de genre sont présentes dans toutes les strates de la société, et que ses vic­times sont extrême­ment nom­breuses. Son ini­tia­tive repose sur son pro­pre vécu. Plus jeune, celle qui se qual­i­fie de « sur­vivante » d’agression sex­uelle s’est vue refoulée par une femme blanche dans un cen­tre d’assistance aux vic­times de viol, au pré­texte qu’elle ne traitait que des cas de per­son­nes envoyées par le com­mis­sari­at. Intu­itive­ment, elle com­prend alors la néces­sité d’un dis­posi­tif capa­ble de recueil­lir la parole de toutes les vic­times, y com­pris celles qui ne franchi­ront jamais la porte d’un com­mis­sari­at.

Tarana Burke me touche dans sa capac­ité à ren­dre con­crète la notion de sol­i­dar­ité sur le ter­rain grâce à la pra­tique de l’écoute active bien­veil­lante. Son cre­do, empow­er­ment through empa­thy (l’empouvoirment par l’empathie), donne aux vic­times de vio­lence la force de con­jur­er l’aliénation. Elle est indé­ni­able­ment une fig­ure majeure du fémin­isme. Au-delà de sa pro­pre tra­jec­toire, elle nous rap­pelle com­bi­en il est néces­saire de défaire les logiques de pou­voir qui gan­grè­nent les mou­ve­ments fémin­istes. Par ailleurs, si #MeToo est un épisode impor­tant des luttes pour les droits des femmes, les médias en ont fait avant tout une mobil­i­sa­tion occi­den­tale. Un dis­cours qu’il est égale­ment néces­saire de décon­stru­ire.

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Rokhaya Diallo

Journaliste, autrice et réalisatrice reconnue pour son travail en faveur des droits humains, elle travaille pour le Washington Post et le Guardian. Elle est chercheuse en résidence au centre de recherches Gender+ Justice. Initiative de l’université Georgetown à Washington. Dans le numéro Travailler, elle s’est entretenue avec Angela Davis. Voir tous ses articles


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